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15/09/2022 | FRANCE | N°19/12541

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 15 septembre 2022, 19/12541


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022

lv

N° 2022/ 353













Rôle N° RG 19/12541 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEWMV







Commune DE [Localité 4]





C/



Association ASSOCIATION MONTAGNE DU LYCEE [8]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES



Me M

arc CONCAS















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02047.





APPELANTE



Commune DE [Localité 4], dont le siège social est [Adresse 7], pris en la personne de son...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022

lv

N° 2022/ 353

Rôle N° RG 19/12541 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEWMV

Commune DE [Localité 4]

C/

Association ASSOCIATION MONTAGNE DU LYCEE [8]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES

Me Marc CONCAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02047.

APPELANTE

Commune DE [Localité 4], dont le siège social est [Adresse 7], pris en la personne de son Maire en exercice

représentée par Me Fabien GRECH de la SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substitué par Me Michela BOSETTI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Association MONTAGNE DU LYCEE [8], dont le siège social est [Adresse 3], représenté par son Président en exercice M. [K] [J], domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Marc CONCAS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Amandine WEBER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Laetitia VIGNON, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 7 mai 1962, le conseil municipal de la commune de [Localité 4] a décidé d'accorder l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] ( anciennement association sportive du LYCEE [8]) un bail emphytéotique de 99 ans pour la libre disposition de 800 m² environ de terrain communal de la parcelle cadatrée section VIII n° [Cadastre 2] lieu-dit [Localité 6], pour la construction d'un refuge, et a confié au maire le pouvoir d'établir et signer le bail qui devait comporter les clauses suivantes:

-la construction du refuge et son utilisation exclusivement réservées aux élèves du lycée [8] et à leurs professeurs, qui ne devront en aucun cas apporter la moindre gêne, créer la moindre perturbation dans la vie agricole, pastorale et touristique du quartier, ni à la tranquillité de ses habitants,

- en aucun cas et à aucun moment, le terrain loué et les installations créées par le lycée [8] ne devront être utilisées dans un but commercial quelconque,

- le bail est consenti gratuitement.

Le 31 août 2015, la commune de [Localité 4] a notifié par acte d'huissier à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] une décision portant résiliation dudit bail pour faute grave.

Par ordonnance du 4 janvier 2016, le juge des référés du tribunal ,administratif de Nice, saisi d'une demande d'expulsion de l'association MONTAGNE DU LYCEE [8], s'est déclaré incompétent pour en connaître.

Par acte d'huissier en date du 21 mars 2016, la commune de [Localité 4] a fait assigner l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins notamment de:

A titre principal:

- confirmer le bien fondé de la décision de résiliation du bail emphytéotique pour fautes graves du 27 août 2015 liant la commune à l'association,

- ordonner, sous astreinte, l'expulsion de l'association MONTAGNE DU LYCEE [8],

- la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation de 1.000 € par mois à compter du 1er septembre 2015 et ce jusqu'à la libération effective des lieux,

A titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation du bail emphytéotique pour fautes graves liant la commune à l'association à effet au 31 août 2017,

- ordonner son expulsion et la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation de 1.000€ par mois.

Par jugement contradictoire en date du 4 juin 2019, le tribunal de grande instance de Nice a:

- déclaré infondée la résiliation unilatérale du bail liant la commune de [Localité 4] à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] issu de la délibération du conseil municipal du 7 mai 1962, notifiée le 31 août 2015 à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] par la commune de [Localité 4],

- débouté la commune de [Localité 4] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la commune de [Localité 4] à payer à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la commune de [Localité 4] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 30 juillet 2019, la commune de [Localité 4] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 30 octobre 2019, la commune de [Localité 4] demande à la cour, au visa des articles 1134, 1183, 1184 du code civil et les articles L 451-1 et suivants du code rural de:

- dire et juger que c'est à tort que le tribunal de grande instance de Nice a estimé que l'utilisation du chalet par des personnes autres que les élèves et les professeurs ne constitue pas une violation des obligations contractuelles de l'association MONTAGNE DU LYCEE [8],

- dire et juger que c'est également à tort que le tribunal de grande instance de Nice a jugé que l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] ne poursuit aucun but commercial,

Par conséquent,

- réformer le jugement du 4 juin 2019,

A titre principal,

- confirmer le bien fondé de la décision de résiliation du bail emphytéotique pour fautes graves du 27 août 2015 liant la commune à l'association,

- ordonner, l'expulsion de l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] de la parcelle cadastrée section H n° [Cadastre 1] sise sur la commune de [Localité 4] et du chalet Lucie Bertoli et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, d'un huissier et d'un serrurier, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] à payer une indemnité d'occupation de 1.000 € par mois à compter du 1er septembre 2015 et ce jusqu'à la libération effective des lieux,

- autoriser la commune de [Localité 4] à pénétrer dans les lieux et procéder au changement de serrures du chalet Lucie Bertoli et du portail d'accès,

A titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation la résiliation du bail emphytéotique liant la commune de [Localité 4] à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] pour fautes graves à effet au 31 d'août 2017,

- ordonner, l'expulsion de l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] de la parcelle cadastrée section H n° [Cadastre 1] sise sur la commune de [Localité 4] et du chalet Lucie Bertoli et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, d'un huissier et d'un serrurier, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] à payer une indemnité d'occupation de 1.000 € par mois à compter du 1er septembre 2015 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux,

- autoriser la commune de [Localité 4] à pénétrer dans les lieux et procéder au changement de serrures du chalet Lucie Bertoli et du portail d'accès,

En tout état de cause,

- condamner l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 35.000 € en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'exploitation illégale du chalet,

- condamner l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle reproche à l'association intimée une première violation de ses obligations découlant du bail litigieux et tirée de l'absence d'utilisation exclusive des lieux par les élèves et les professeurs du lycée [8]:

- le tribunal, qui reconnaît pourtant, un tel manquement de la part de l'association, a refusé d'en tirer les conséquences aux motifs qu'il n'est pas justifié de quelconques nuisances,

- l'utilisation du chalet est, aux termes de la délibération du conseil municipal, expressément réservée aux élèves du lycée [8] et à leurs professeurs, obligation qui ne souffre ni d'ambiguïté, ni de réserve,

- la circonstance que l'association ait pour objet social d'accueillir des personnes et des groupes intéressés par la montagne est totalement inopérante et n'entre pas dans le champ contractuel,

- il en est de même du référencement du chalet sur le site de la commune qui n'est en aucun cas révélateur d'une situation connue et acceptée par le bailleur.

Elle fait également grief à l'association d'utiliser les lieux dans un but commercial:

- de nombreux éléments viennent confirmer que celle-ci se livre à une activité commerciale, la mise en place de tarifs préférentiels pour les élèves et professeurs du lycée et par conséquent de tarifs pleins pour les gens de passage suffisant à démontrer une telle intention spéculative,

- il ne peut s'agit de simples participations versées à l'association,

- le fait que cette dernière ait enregistré des exercices déficitaires ne permet pas de démontrer l'absence de but spéculatif,

- il apparaît que l'association offre des chambres à destination de personnes extérieures au lycée [8], révélant une indéniable logique commerciale.

Elle considère être fondée en sa résiliation unilatérale du bail litigieux compte tenu des fautes graves commises par le preneur, justifiant son expulsion outre le paiement d'une indemnité d'occupation, la gratuité n'ayant plus de fondement contractuel en l'état de la résiliation prononcée.

En tout état de cause, elle rappelle qu'en application de l'article L 451-5 du code rural, elle peut réclamer la résolution du bail en cas d'inexécution des conditions du contrat, ce qui est le cas en l'espèce.

L'association MONTAGNE DU LYCEE [8], suivant ses conclusions signifiées le 24 janvier 2020, demande à la cour de:

Vu les articles L 451-1 et suivants du code rural,

Vu les articles 1134, 1156 et 1184 du code civil,

Vu les articles D 326-1 et suivants du code de tourisme,

- déclarer recevable mais non fondé l'appel de commune de [Localité 4] à l'encontre du jugement attaqué,

- confirmer en toutes ses dispositions la décision de première instance en ce qu'elle a déclaré infondée la résiliation unilatérale du bail,

- dire et juger abusive la résiliation unilatérale du bail emphytéotique liant la commune de [Localité 4] à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] issu de la délibération du conseil municipal du 7 mai 1962, notifiée le 31 août 2015 à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] par la commune de [Localité 4],

- dire et juger maintenu en toutes ses dispositions et avec toutes conséquences de droit, le bail emphytéotique consenti par la commune de [Localité 4] à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8], le 7 mai 1962,

- débouter la commune de [Localité 4] de l'intégralité de ses prétentions,

- déclarer recevable et fondé l'appel incident de l'association MONTAGNE DU LYCEE [8],

- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle n'a pas fait droit à la demande indemnitaire de l'association MONTAGNE DU LYCEE [8],

Statuant à nouveau, condamner la commune de [Localité 4] à payer à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] la somme de 3.000 € en réparation du préjudice subi, sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans son ancienne rédaction ( 1240 du code civil dans sa rédaction actuelle),

- condamner la commune de [Localité 4] à payer à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens d'appel.

Elle rappelle qu'aux termes de ses statuts, elle gère son patrimoine consistant en un chalet sur la commune de [Localité 4], dont le terrain était mis à disposition par une autorisation de construire en date du 2 mai 1962, que par ailleurs, en application de l'article 5, ses ressources proviennent notamment des participations qui lui sont versée par les usagers du chalet.

Elle souligne que durant 53 années, le bail emphytéotique s'est exécuté de la même manière et à la satisfaction de la commune qui non seulement se réjouit de la présence de chalet qui contribue à son attractivité et en vante d'ailleurs l'existence sur son site internet. Elle précise que le chalet Lucie Bertoli figure également sur le site de la commune aux rubriques 'Tourisme ' et 'Hôtels et gîtes' .

Elle expose que ne sont accueillis au sein du chalet que des membres de l'association, aucun tiers ne pouvant y accéder et que la redevance perçue depuis 53 ans sert à couvrir les frais de fonctionnement du chalet, qu'alors qu'elle ne bénéfice d'aucune subvention, elle a construit à ses frais , ledit chalet, en a aménagé les abords, l'accueil, les cuisines et le couchage, qu'enfin ses membres sont tous des bénévoles assurant une permanence de veille du refuge de montagne durant sa période d'ouverture.

Elle rappelle que si le bailleur peut réclamer la résolution du bail emphytéotique en cas d'inexécution des conditions du contrat, il lui appartient de rapporter la preuve de telles inexécutions, étant précisé qu'un tel bail confère un droit réel immobilier au preneur qui est donc investi de prérogatives beaucoup plus larges que celles dont bénéficie un locataire ordinaire.

Elle soutient que le chalet Lucie Bertoli, comme tout refuge de montagne, assure une double prestation:

-il constitue un abri pour tout promeneur,

- le gîte et le couvert sont prévus avec une contrepartie financière qui ne sert qu'à couvrir les frais exposés,

et qu'en application de l'article D 326-1 du code de tourisme relatif aux refuges, il s'agit d'une fonction d'intérêt général et en aucun cas d'une activité commerciale.

Elle estime qu'au regard de la consultation du site internet du chalet en cause, il n'existe aucune activité commerciale dans les lieux, qu'il ne saurait y avoir de fonds de commerce dans un refuge de montagne et que le critère de bonne foi est un critère essentiel dans l'appréciation du bien fondé d'une demande de résiliation, alors qu'en l'espèce, elle justifie que le fonctionnement de l'association et la gestion du refuge sont identiques depuis 58 ans. Elle considère que la commune fait preuve de mauvaise foi en cherchant à récupérer sans bourse délier, une parcelle de terrain avec un chalet entièrement aménagé pour en faire son office de tourisme.

Elle fait enfin valoir que la commune sait que le refuge n'a aucune activité commerciale, que l'association ne fait aucun bénéfice et que tous les occupants sont forcément adhérents de l'association. Elle expose que l'hébergement et le gîte suppose nécessairement une participation financière des usages pour couvrir les frais de lingerie, blanchisserie ou de literie.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 24 mai 2022.

MOTIFS

Les parties sont en l'état d'un bail emphytéotique de 99 ans consenti par la commune de [Localité 4] à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] en vertu d'une délibération du conseil municipal du 7 mai 1962 portant sur la libre disposition de 800 m² de terrain communal de la parcelle cadastrée section VIII n° [Cadastre 2] lieudit [Localité 6], pour la construction d'un refuge.

Il n'est pas contesté que ledit bail était consenti selon les clauses suivantes:

-la construction du refuge et son utilisation sont exclusivement réservées aux élèves du lycée [8] et à leurs professeurs, qui ne devront en aucun cas apporter la moindre gêne, créer la moindre perturbation dans la vie agricole, pastorale et touristique du quartier, ni à la tranquillité de ses habitants,

- en aucun cas et à aucun moment, le terrain loué et les installations créées par le lycée [8] ne devront être utilisées dans un but commercial quelconque,

- le bail est consenti gratuitement.

En application de l'article L 451-1 du code rural, le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèques; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce bail doit être consenti pour plus de dix huit années et ne pas dépasser quatre-vingt dix neuf ans; il ne peut se prolonger par tacite reconduction.

L'article L 451-5 stipule qu'à défaut de paiement de deux années consécutives, le bailleur est autorisé, après une sommation restée sans effet, à faire prononcer en justice la résolution de l'emphytéose. La résolution peut également être demandée par le bailleur en cas d'inexécution des conditions du contrat ou si le preneur a commis sur le fond des détériorations graves.

En l'espèce, la commune de [Localité 4] formule, au soutien de sa demande de résolution, deux types de reproches à l'association intimée:

- l'absence d'utilisation exclusive des lieux ( le refuge) par les élèves et les professeurs du lycée [8],

- l'utilisation du terrain et ses installations dans un but commercial.

Elle se prévaut plus particulièrement de:

- deux constats d'huissier en date des 13 janvier et 21 août 2015,

- une sommation interpellative délivrée le 21 août 2015,

- les procès-verbaux du conseil d'administration de l'association de 2013 à 2015.

Sur le premier grief, il ressort des statuts de l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] adoptés lors de l'assemblée générale du 15 janvier 1983 rappelant en préambule que ' l'édification du chalet Lucie Bertoli, entre 1962 et 1969, a été possible grâce au travail de nombreuses classes d'élèves du Lycée et du CET annexé et au dévouement des membres fondateurs. Le but de ces membres était d'élargir leur rôle d'éducateur:

- en favorisant le contact des élèves avec le milieu montagnard ainsi que la connaissance de celui-ci,

- en permettant d'ajouter à la joie et à la découverte, l'épanouissement physique, l'approfondissement et l'enrichissement des relations humaines favorisant l'insertion des jeunes dans leur future vie d'adulte'

L'article 1 précise que ' L'association a pour but:

- de favoriser et d'organiser, par priorité, les sorties des élèves de l'établissement au Chalet Lucie Bertoli ainsi que celles des personnes et groupes intéressés par la montagne, dans les limites fixées par le règlement intérieur,

- de gérer son patrimoine, à savoir, un chalet sis (...) Dont le terrain a été mis à disposition suivant la date d'autorisation de construire du 2 mai 1962.'

Il ressort de la sommation interpellative du 21 août 2015 que le gardien rencontré sur place, M. [N] [E], professeur du lycée [8] à [Localité 5], a déclaré ' nous sommes une association 1901 à but non lucratif. Nous accueillons élèves et professeurs du lycée [8] ainsi que d'anciens élèves et professeurs. Nous avons accueilli pendant des années des classes d'élèves d'autres établissements du département et des gens de passage moyennant 10 euros la nuitée. A noter que les élèves et professeurs actuels et anciens du lycée [8] bénéficient d'un tarif préférentiel de 6 € et 4,50 €. A ce jour nous avons une cliente de passage domiciliée sur [Localité 9] et M. [W], et ses enfants, fils d'un ancien professeur du lycée'.

Si effectivement des personnes autres que les élèves et professeurs du lycée [8] ont pu être accueillie au chalet Lucie Bertoli, il n'en demeure pas moins que:

- aucun tiers à l'association ne peut accéder au refuge et seuls des membres de l'association peuvent être accueillis au chalet Lucie Bertoli,

- la priorité reste l'accueil des élèves et professeurs de ce lycée cannois, ainsi qu'il en résulte des statuts et des déclarations du gardien du refuge, une seule personne n'ayant pas de lien avec l'établissement [8] étant présente sur les lieux en plein mois d'août, mettant en évidence que cela reste marginal.

En outre, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, le libellé de la clause telle qu'exigée par le conseil municipal témoigne d'une volonté d'éviter les nuisances pour préserver la vie agricole, pastorale et touristique de cette commune en n'apportant aucune gêne à la tranquillité de ses habitants, expliquant ce choix de limiter l'accès à ce refuge.

Or, il n'est pas justifié d'un manquement à cette obligation de n'apporter aucune gêne, ni nuisance par les utilisateurs du chalet Lucie Bertoli, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'association d'accueillir, au sein de son refuge, en sus des élèves et professeurs du lycée [8] ' des personnes et des groupes intéressés par la montagne' .

Au demeurant et comme le souligne à juste titre l'intimée, la commune:

- vante l'existence du chalet Lucie Bertoli sur son site internet à la rubrique ' Vie quotidienne et hébergement'

- fait figurer ce chalet, toujours sur son site, à la rubrique ' Hôtels et gîtes' .

Il en résulte que la situation déplorée par l'appelante est connue et acceptée par elle et ce, depuis de nombreuses années, de sorte qu'elle n'est pas fondée s'en prévaloir.

En conséquence, la fréquentation du chalet par des personnes autres que les élèves et les professeurs du lycée [8] ne constitue pas une inexécution des conditions du contrat justifiant sa résolution.

Sur le second point, l'article 5 des statuts de l'association précise que ses ressources proviennent:

- des cotisations annuelles,

- des subventions,

- de la participation versée à l'association par les usagers du chalet et toutes les autres ressources autorisées par la loi.

La consultation du site internet du chalet Lucie BERTOLI renseigne sur le fonctionnement de ce refuge:

' En juillet et août, vous êtes accueillis par un gardien bénévole; membre de l'association, le gardien est généralement un professeur, un élève ou un ancien élève du lycée [8] de Cannes (...)

Le repas à la cuisine est en gestion libre (...) Nous ne servons pas de repas. L'eau du robinet est fournie par un captage dans un petit torrent tout près de sa source. La qualité de cette eau n'est pas contrôlée. Cette eau n'est pas destinée à l'alimentation humaine (...) Aucun réseau de portables dans toute la vallée de la Gordolasque (...) Ménage: chaque famille ou groupe doit assurer le ménage de la partie qu'il a utilisée; tout le nécessaire est à disposition.'

Par ailleurs, les procès-verbaux de constat d'huissier dressés à la requête de la commune appelante renseignent que le tarif est de 10 € la nuit pour les adultes, 6 € pour les enfants et que celui-ci est dégressif selon le nombre de nuits, outre le paiement d'une cotisation annuelle de 1,5 € pour les individuels, 3 € pour les familles et 20 € pour les groupes.

La description des conditions d'accueil dans ce chalet outre la modicité des tarifs pratiqués, qui sont bien des participations versées l'association par les usagers du chalet au sens de l'article 5 des statuts, sont exclusifs de toute recherche lucrative et ne permettent absolument de caractériser la pratique d'une activité commerciale dans de tels lieux.

Contrairement aux affirmations de la commune de [Localité 4], le montant des tarifs pratiqués ( 10 € par jour maximum par adulte) et l'application pour les anciens élèves et professeurs du lycée [8] de tarifs préférentiels ne sauraient traduire une quelconque intention spéculative, en ce que l'hébergement implique nécessairement une participation financière des usagers pour couvrir des frais de literie, blanchisserie et lingerie, la nourriture n'étant pas fournie.

Les comptes rendus financiers de la gestion du chalet Lucie Bertoli des années 2009 à 2016 corroborent cette absence d'enrichissement en ce que le budget annuel est toujours inférieur à 10.000 €, que les redevances perçues par l'association servent à couvrir les frais de fonctionnement du chalet de l'ordre de 4.000 € par an ( gaz, électricité, assurances taxes ordures ménagères, frais de déplacements, petit matériel...) , l'excédent alimentant un fonds de réserve, destiné à financer les travaux d'équipement. Enfin, l'association ne supporte aucune charge salariale, ses membres intervenant exclusivement à titre bénévole.

Force est de constater que la commune de [Localité 4] ne verse aucun élément probant justifiant d'une utilisation des lieux par l'association dans un but commercial.

Le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la commune appelante de l'intégralité de ses demandes sera, en conséquence, confirmé.

L'intimée ne justifiant pas de la part de l'appelante d'une erreur grossière équipollente au dol, ni de l'existence d'une volonté de nuire, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] de son appel incident,

Condamne la commune de [Localité 4] à payer à l'association MONTAGNE DU LYCEE [8] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la commune de [Localité 4] aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/12541
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;19.12541 ?
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