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15/09/2022 | FRANCE | N°18/20620

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 15 septembre 2022, 18/20620


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/

NL/FP-D











Rôle N° RG 18/20620 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRYG







[E] [Y] [D]





C/



UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3]

[Z] [T]













Copie exécutoire délivrée

le :

15 SEPTEMBRE 2022

à :

Me Marie paule VERDIER, avocat au barreau de TARASCON



Me F

rédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE





Me Françoise BOULAN, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 06 Décembre 2018 enregistré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/

NL/FP-D

Rôle N° RG 18/20620 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRYG

[E] [Y] [D]

C/

UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3]

[Z] [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

15 SEPTEMBRE 2022

à :

Me Marie paule VERDIER, avocat au barreau de TARASCON

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE

Me Françoise BOULAN, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 06 Décembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00236.

APPELANTE

Madame [E] [Y] [D], demeurant Chez Mme [H] [K], [Adresse 2]

représentée par Me Marie paule VERDIER, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Vincent FEBRUNET, avocat au barreau de TARASCON

INTIMES

UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Maître [Z] [T] es qualité de mandataire ad hoc en charge de la liquidation judiciaire de la société SARL CABANNES STOCKAGE CONDITIONNEMENT demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

et par Me Chrystelle MICHEL, avocat au barreau d'Avignon

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant certificat de travail établi le 31 mai 2017, la société Cabannes Stockage Conditionnement (la société) a engagé Mme [D] (la salariée) du 1er août 2002 au 31 mai 2017 en qualité d'emballeuse.

Il n'est pas contesté que la relation de travail a été accomplie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

En dernier lieu, la salariée a perçu une rémunération mensuelle brute d'un montant non discuté de 1 480.27 euros.

Dans le cadre d'une visite de la salariée à la demande de l'employeur, le médecin du travail a rendu le 18 janvier 2016 un avis d'inaptitude temporaire en recommandant une visite auprès du médecin traitant pour une prise en charge thérapeutique et la prescription d'un arrêt maladie.

La salariée a été placée en arrêt maladie d'origine non professionnelle du 25 au 30 janvier 2016.

Elle ne s'est ensuite plus présentée à son poste de travail.

Le 31 mai 2017, la société lui a remis les documents de fin de contrat au motif d'une démission.

Le 29 septembre 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles pour:

- voir juger que le contrat de travail a été rompu par un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- obtenir le paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité , d'un rappel de salaire du 18 janvier 2016 au 31 mai 2017 et des indemnités de rupture;

- obtenir la délivrance sous astreinte des documents de rupture rectifiés.

Par jugement rendu le 06 décembre 2018, le conseil de prud'hommes d'Arles :

- a jugé que le contrat de travail a été rompu par la démission de la salariée;

- a condamné la société Cabannes Stockage Conditionnement au paiement des sommes suivantes:

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- a débouté la salariée de ses autres demandes;

- a débouté la société Cabannes Stockage Conditionnement de ses demandes;

- a condamné la salariée aux dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l'appel formé le 28 décembre 2018 par la salariée.

Par jugement rendu le 10 janvier 2020, le tribunal de commerce de Tarascon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Cabannes Stockage Conditionnement.

Par jugement rendu le 21 janvier 2021, le tribunal de commerce a clôturé la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs.

Maître [T], désigné en qualité de mandataire ad hoc, est intervenu à l'instance.

L'AGS-CGEA [Localité 3] est intervenu à l'instance.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 27 mai 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la salariée demande à la cour de:

ACCUEILLIR le recours en appel limité de Madame [E] [D] à l'encontre du jugement no RG F 17/00236 rendu par le Conseil de Prud'hommes d'ARLES le 06 Décembre 2018,

RECEVOIR les interventions forcées diligentées par l'appelante à l'encontre du CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA) [Localité 3] et de Me [T] en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Société intimée en charge notamment de reprendre les opérations de liquidation judiciaire mais aussi de représenter cette dernière à la présente instance,

INFIRMER les dispositions du jugement querellé suivantes :

" 1/ Dit et Juge que la Société CABANNES STOCKAGE CONDITIONNEMENT (C.S.C), prise en la personne de son représentant légal en exercice, n 'a pas manqué à son obligation de protection de la Santé de Madame [E] [D], mais ne l'a pasfaite convoquer à une visite de reprise de travail par ['A.I.S. T. 84, après un arrêt de travail de trois semaines pour maladie.

2/ DIT et JUGE que la rupture du contrat de travail le 31 mai 2017 est intervenue dans le cadre d'une démission et ne peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En conséquence,

CONDAMNE la Société CABANNES STOCKAGE CONDITIONNEMENT (C.S. C), prise en la perSonne de son représentant légal en exercice, à verser à Madame [E] [D] :

La somme de 1.000 € (mille euros), pour défaut de visite médicale après un arrêt de travail pour maladie de trois semaines.

3/DEBOUTE Madame [E] [D] des sommes suivantes :

24.211,07 € correspondant aux rémunérations couvrant la période du 18 janvier 2016 au

31 Mai 2017, ainsi que 2.421,10 € d'incidence congés payés ;

2.960,64 € d'indemnité compensatrice de préavis et 296,05 € d'incidence congés payés ;

13.055,95 € d'indemnité légale de licenciement ;

29.765 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4 /DEBOUTE Madame [E] [D] de sa demande de remise de documents sous astreinte.

5/DEBOUTE chaque partie de surplus de ses demandes, plus amples ou contraires ".

REFORMER en conséquence, le jugement de première instance comme suit :

CONSTATER que l'employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles, légales et réglementaires touchant à la protection de la santé de la salariée,

CONSTATER que la rupture du contrat de travail de Madame [E] [D] intervenue le 31 mai 2017 a été injustement qualifiée de démission par l'employeur,

CONSTATER qu'il convient de requalifier la rupture du contrat de travail liant les parties en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la Société SARL CABANNES STOCKAGE CONDITIONNEMENT et ce au bénéfice de Madame [E] [D] les sommes suivantes :

20.000 euros de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de protection de la santé de la salariée et mise en danger de la santé de cette dernière,

(A titre principal) au titre des rémunérations couvrant la période du 18.01.2016 au 31.05.2017 outre 2.421 ,10 euros d'incident congés payés (A titre subsidiaire) 26.632 17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices de la salarié qui résultent des manquements de l'employeur à son obligation de diligenter un second examen d'aptitude dans le délai réglementaire de quinze jours,

2.960 54 euros à titre d'indemnité compensatrice de prévis outre 296 05 euros d'incident congés payés,

13.055 95 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

29.765 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

EN TOUTE HYPOTHESE :

DEBOUTER les intimés de toutes leurs demandes, fins, conclusions ou prétentions plus amples ou contraires,

CONTRAINDRE, ME [T] a sa qualité de mandataire ad'hoc de la société SARL CABANNES STOCKAGE CONDITIONNEMENT, dans les dix jours suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à délivrer à la salariée, les bulletins de salaires, l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail rectifiés,

DECLARER commun et opposable au CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA) [Localité 3] l'arrêt à intervenir,

CONDAMNER le CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA) [Localité 3] à garantir l'ensemble des créances pour lesquelles il est sollicité, en vue de l'arrêt à intervenir, l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la Société SARL CABANNES STOCKAGE CONDITIONNEMENT,

CONFIRMER le jugement n O RG F 17/00236 concernant les dispositions pour lesquelles, il n'a pas été interjeté appel par Madame [E] [D],

FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la Société SARL CABANNES STOCKAGE CONDITIONNEMENT, les entiers dépens de procédure outre la somme de 2.000 euros en application des l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 04 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Maître [T] en qualité de mandataire ad hoc de la société Cabannes Stockage Conditionnement demande à la cour de:

Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'Arles du 6 décembre 2018, en ce qu'il a:

-dit et jugé que la société Cabannes Stockages Conditionnement (CSC) n'a pas manqué à son obligation de protection de la santé de Madame [D]

-dit et jugé que la rupture du contrat de travail le 31 mai 2017 est intervenue dans le cadre d'une démission et ne peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

-Débouté Madame [D] de ses demandes suivantes :

-21.211,07€ pour les rémunérations du 18/01/2016 au 31/05/2017 et

2.421,10€ de congés payés

-2.960,54 € d'indemnité compensatrice de préavis et 296,05€ de congés payés

-13.055€ d'indemnité légale de licenciement

-29.765€ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CSC à payer à Madame [D] :

-1.000€ pour défaut de visite médicale après un arrêt maladie de 3 semaines -1.000€ au titre de l'article 700 du CPC.

Statuant à nouveaux débouter Madame [D] de toutes ses prétentions, ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Condamner Madame [D] à payer à la société CSC :

- 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles

Condamner Madame [D] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE, avocats aux offres de droit.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 19 mai 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'AGS-CGEA [Localité 3] demande à la cour de:

Confirmer le jugement du 6 décembre 2018 rendu par le Conseil des prud'hommes d'ARLES :

-En ce qu'il a qualité la rupture du contrat en démission ;

-En ce qu'il a jugé que l'employeur n'avait pas manqué à ses obligations touchant à la protection de la santé de la salariée ;

-En ce qu'il l'a débouté MME [E] [D] de ses demandes ;

Subsidiairement,

Vu les articles L. 622-21 du code de commerce ;

Débouter l'appelant de ses demandes de condamnations dès lors que les instances poursuivies ou engagées après le jugement d'ouverture de la procédure collective ne peuvent tendre qu'à la constatation et à la fixation de créances salariales ;

Fixer en tant que de besoin l'indemnité compensatrice de préavis (L. 1234-1 et L.1234-5 C.TRAV.) l'indemnité compensatrice de congés payés (L. 3143-24 et suivants C.TRAV.) et l'indemnité de licenciement (L. 1234-9 C.TRAV.) ;

Vu les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT, et dès lors également que le législateur a réformé préalablement le droit de l'indemnité de licenciement entre 2007 et 2017 en améliorant l'indemnisation du salarié ;

Réduire le montant des dommages et intérêts au minimum légal ; et n tout état de cause, débouter l'appelante du montant sollicité au titre des dommages et intérêts ;

Vu les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,

Débouter l'appelante , de toute demande de paiement directement formulée contre l'AGS dès lors que l'obligation de l'UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3] de faire l'avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire conformément aux articles L. 3253-19 et suivants du Code du travail ;

Débouter l'appelante , de toute demande de garantie sur la totalité de ses créances, dès lors qu'en application de l'article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (art. l'article D. 3253-5 du Code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposées par la loi ;

Débouter l'appelante de toutes demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du CPC, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité, dès lors qu'elles n'entrent pas dans le cadre de la garantie de l'UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3] ;

Débouter l'appelante de toute demande accessoire au titre des intérêts dès lors que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L.

622-28 C.COM) ;

Débouter l'appelante de toute demande contraire et le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 30 mai 2022.

MOTIFS

1 - Sur la fin de non-recevoir

Il résulte de l'article 564 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent pas soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions.

Par exception, et en vertu de l'article 566, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, l'AGS-CGEA [Localité 3] oppose une fin de non-recevoir aux demandes de la salariée en ce qu'elles sont nouvelles par rapport aux demandes initiales.

La salariée conteste la fin de non-recevoir en soutenant qu'aucune irrecevabilité n'a été soulevée en première instance, que la requête a été régulièrement introduite devant le conseil de prud'hommes, et que ses demandes en appel sont similaires à celles de la première instance.

La cour relève que l'AGS-CGEA [Localité 3] oppose la fin de non-recevoir à l'intégralité des demandes de la salariée.

Il résulte de l'analyse du dispositif des conclusions de l'appelante, que cette dernière a présenté pour la première fois en cause d'appel une demande en paiement de la somme de 26.632,17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle a subis et qui résultent des manquements de l'employeur à son obligation de diligenter un second examen d'aptitude dans le délai réglementaire de quinze jours.

Dès lors, seule cette demande est susceptible d'être visée par la fin de non-recevoir opposée par l'AGS-CGEA [Localité 3].

La cour dit que cette demande nouvelle n'est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire des demandes que la salariée a présentées devant le conseil de prud'hommes d'Arles et qui tendaient à:

- voir juger que le contrat de travail a été rompu par un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- obtenir le paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité , d'un rappel de salaire du 18 janvier 2016 au 31 mai 2017 et des indemnité de rupture;

- obtenir la délivrance sous astreinte des documents de rupture rectifiés.

Il s'ensuit que la demande est irrecevable.

2 - Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés; que doit l'employeur veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article R. 4624-21 dans sa rédaction applicable prévoit que le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail notamment après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel.

L'article R. 4624-16 du code du travail dans sa rédaction alors applicable prévoit que le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail.

L'article R. 4624-31, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012, prévoit que le médecin du travail constate l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail s'il a réalisé deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Ce texte n'impose pas que la constatation de l'inaptitude soit faite lors d'un examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail, le médecin du travail pouvant la constater après tout examen médical qu'il pratique au cours de l'exécution du contrat de travail.

L'employeur est donc tenu de faire pratiquer un deuxième examen médical lorsque le médecin du travail, lors d'une visite, a conclu à l'inaptitude du salarié, y compris une inaptitude qualifiée de 'temporaire'.

Si l'employeur s'abstient de saisir le médecin du travail, comme il lui revient, après le premier examen médical concluant à une inaptitude pour faire pratiquer le second des examens exigés par l'article R.4624-31, il commet une faute.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

En l'espèce, la salariée demande à la cour de voir juger qu'elle est créancière de la société Cabannes Stockage Conditionnement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité pesant sur la société en ce que cet employeur:

- n'a pas respecté les préconisations que son médecin du travail a énoncées le 04 mars 2010;

- s'est abstenu d'organiser des visites médicales périodiques à deux reprises alors qu'il n'ignorait pas que l'état de santé de la salariée était dégradé;

- n'a pas organisé de visite médicale de reprise à l'issue de son arrêt maladie du 26 juin 2010 au 30 septembre 2010;

- n'a pas organisé la seconde visite après l'avis d'inaptitude temporaire rendu en 2016.

Le mandataire ad hoc fait valoir que l'obligation de sécurité a été parfaitement respectée.

La cour, à qui il appartient d'examiner la réalité des faits invoqués, relève après analyse des pièces du dossier que:

- les préconisations dont se prévaut la salariée ont été émises le 04 mars 2010 non pas par le médecin du travail mais par son médecin traitant de sorte qu'elles n'étaient pas susceptibles d'engager l'employeur, de sorte que ce fait n'est pas établi;

- une visite médicale a été organisée le 31 mars 2005 et la suivante le 10 avril 2007, ce dont il résulte que la salariée a bien bénéficié d'une visite médicale périodique; le fait n'est donc pas établi;

- une visite médicale a été organisée le 23 octobre 2012 et la suivante le 18 janvier 2016, ce dont il résulte que la salariée n'a pas bénéficié d'une visite médicale périodique; le fait est donc établi;

- la salariée ne justifie par aucun élément qu'elle a été placée en arrêt maladie du 26 juin 2010 au 30 septembre 2010, étant précisé que sa pièce n°9 correspondant à une liasse d'arrêts maladie vise la période du 05 septembre 2007 au 04 mars 2010; le fait n'est donc pas établi;

- le médecin du travail a rendu le 18 janvier 2016 un avis d'inaptitude et l'employeur s'est abstenu d'organiser un second examen dans un délai de deux semaines, peu important que la constatation de l'inaptitude n'a pas été faite lors d'un examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail, et que la salariée a été placée en arrêt maladie du 25 au 30 janvier 2016; le fait est donc établi.

En définitive, sont établis les faits reposant sur une absence de visite médicale périodique entre le 23 octobre 2012 et le 18 janvier 2016, et les faits reposant sur l'absence de second examen à l'issue de l'avis du médecin du travail en date du 18 janvier 2016.

Ces faits caractérisent des manquements de la société à son obligation de sécurité.

Compte tenu des éléments du dossier, la cour dit que ces manquements ont causé à la salariée un préjudice qu'il convient de fixer à la somme de 4 000 euros.

En conséquence, et compte tenu de la procédure collective ouverte au cours de cette instance contre la société, la cour fixe la créance détenue par la salariée à l'encontre de son employeur à la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, et en ordonne l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société.

2 - Sur le rappel de salaire du 18 janvier 2016 au 31 mai 2017

Il résulte de l'article L.1226-4 du code du travail que lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

En l'espèce, la salariée demande de voir juger qu'elle est créancière, au visa de ce texte, d'un rappel de salaire du 18 janvier 2016 au 31 mai 2017 en faisant valoir que la société était tenue de reprendre le paiement des salaires dès la 1ère visite médicale du fait de son comportement fautif 'dans le cadre de la saisine du médecin du travail'.

Le mandataire ad hoc s'oppose à la demande en faisant valoir:

- qu'il n'appartenait pas à la société d'organiser une seconde visite puisque la salariée a été déclarée inapte temporaire et qu'elle allait être prochainement placée en arrêt maladie par son médecin qu'elle devait voir selon les préconisations du médecin du travail;

- que la salariée a cessé de se présenter à son poste de travail à compter du 18 janvier 2016.

L'AGS-CGEA [Localité 3] n'a pas conclu sur ce point.

La cour relève après analyse de l'avis rendu par médecin du travail le 18 janvier 2016 que la nature de l'examen qui a eu lieu ne constitue pas une visite de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail, mais bien une visite à la demande de l'employeur dès lors que le médecin du travail a dans son avis coché cette case.

Il convient d'ailleurs de relever que la salariée ne justifie par aucun élément qu'elle a été placée en arrêt maladie précédemment à l'avis du 18 janvier 2016.

Dès lors, les dispositions de l'article L. 1226-4 du code du travail dont se prévaut la salariée ne sont ici pas applicables.

Il s'ensuit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

3 - Sur la demande au titre de la seconde visite

La salariée demande à titre subsidiaire en cas de rejet de la demande de rappel de salaire de voir juger qu'elle est créancière de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle a subis et qui résultent des manquements de l'employeur à son obligation de diligenter un second examen d'aptitude dans le délai réglementaire de quinze jours.

Comme il a été précédemment dit, cette demande est irrecevable comme étant nouvelle.

4 - Sur la rupture du contrat de travail

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

En l'espèce, la salariée demande de voir juger que la rupture du contrat de travail intervenue le 31 mai 2017 résulte d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir qu'elle n'a jamais eu l'intention de démissionner.

Le mandataire ad hoc et l'AGS-CGEA [Localité 3] soutiennent que la rupture résulte de la démission de la salariée qui a fait savoir à son employeur au mois de mai 2017 qu'elle voulait quitter l'entreprise; que cette volonté était exprimée en réalité depuis 2011; qu'elle l'a réitérée lors de la saisine du conseil de prud'hommes; que la société lui a adressé plusieurs courriers pour qu'elle justifie de ses nombreux absences.

A l'appui, le mandataire ad hoc et l'AGS-CGEA [Localité 3] versent aux débats un courrier de la salariée du 24 août 2017 outre les documents de fin de contrat signés par elle sans réserve.

La cour constate que les éléments dont se prévalent les intimés ne permettent pas de dire que la salariée a manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail le 31 mars 2017.

Et il convient d'ailleurs de relever que dans le courrier qu'elle a établi le 24 août 2017, la salariée a indiqué à son employeur qu'elle ne pouvait plus occuper son emploi du fait de son état de santé, notamment d'une pathologie à la main, et qu'elle a déménagé suite à des difficultés financières.

Dans ces conditions, la cour dit que la remise des documents de rupture par l'employeur à la salariée, intervenue le 31 mai 2017, s'analyse à cette date en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5 - Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

La salariée peut prétendre d'abord à une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents dont il n'est pas discuté qu'elle est équivalente à deux de mois de salaire sur la base du salaire que la salariée aurait perçu si elle avait travaillé pendant la durée du préavis, lequel comprend tous les éléments de la rémunération, soit la somme non discutée de 1 480.27 euros.

L'indemnité compensatrice de préavis s'établit donc à la somme de 2 960.54 euros.

Ensuite, la salariée a droit à une indemnité de licenciement qui, selon le décompte qu'elle a inséré à ses écritures et que la cour valide, s'établit à la somme de 13 055.95 euros.

Enfin, la salariée, qui était employée dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés et qui disposait d'une ancienneté de plus de deux ans, a droit en vertu des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle brute versée à la salariée, de son âge au jour de son licenciement, de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il convient de réparer le préjudice par la salariée du fait de la perte injustifiée de son emploi en lui allouant la somme de 15 000 euros.

En infirmant le jugement déféré, la cour fixe en conséquence les créances détenues par la salariée à l'encontre de son employeur aux sommes de 2 960.54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 290.60 euros au titre des congés payés afférents, de 13 055.95 euros au titre de l'indemnité de licenciement, et de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ordonne l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société.

6 - Sur la remise des documents de fin de contrat

En infirmant le jugement déféré, il convient d'ordonner au mandataire ad hoc de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de son prononcé.

La demande au titre de l'astreinte est rejetée.

7 - Sur la garantie de l'AGS-CGEA [Localité 3]

La cour dit que l'AGS-CGEA [Localité 3] devra faire l'avance des sommes allouées ci-dessus au profit de la salariée dans les termes, limites et conditions prévues par les articles L.3253-8 et suivants du code du travail, étant rappelé que cette garantie ne pourra être mise en oeuvre que subsidiairement en l'absence avérée de fonds disponibles au sein de la société.

8 - Sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par mandataire ad hoc.

L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DECLARE irrecevable la demande en paiement de la somme de 26.632,17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices de la salarié qui résultent des manquements de l'employeur à son obligation de diligenter un second examen d'aptitude dans le délai réglementaire de quinze jours,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire du 18 janvier 2016 au 31 mai 2017,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,

FIXE les créances de Mme [D] à l'encontre de la société Cabannes Stockage Conditionnement aux sommes de:

* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 2 960.54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 290.60 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

* 13 055.95 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE l'inscription de ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Cabannes Stockage Conditionnement,

DIT que l'AGS-CGEA [Localité 3] devra faire l'avance de ces sommes au profit de Mme [D] dans les termes, limites et conditions prévues par les articles L.3253-8 et suivants du code du travail, étant rappelé que cette garantie ne pourra être mise en oeuvre que subsidiairement en l'absence avérée de fonds disponibles au sein de la société Cabannes Stockage Conditionnement,

ORDONNE à Maître [T] en qualité de mandataire ad hoc de la société Cabannes Stockage Conditionnement de remettre à Mme [D] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de son prononcé,

REJETTE la demande au titre de l'astreinte,

RAPPELLE qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel,

CONDAMNE Maître [T] en qualité de mandataire ad hoc de la société Cabannes Stockage Conditionnement aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 18/20620
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;18.20620 ?
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