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13/09/2022 | FRANCE | N°21/03118

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 op, 13 septembre 2022, 21/03118


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 OP



ORDONNANCE SUR CONTESTATION

D'HONORAIRES D'AVOCATS

DU 13 SEPTEMBRE 2022



N°2022/ 50





N° RG 21/03118



N° Portalis DBVB-V-B7F-BHBAW





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Maître Djaouida KIARED



Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel:



Décision fixant les honoraires de Me Anne-Laure SEMPE-FILIPPI, Avocat honoraire au Barreau de Marseille rendue le 24 Novembre 2020 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de MARSEILLE.





DEMANDERESSE



Madame [I] [B]

demeurant [Adresse 2]



c...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 OP

ORDONNANCE SUR CONTESTATION

D'HONORAIRES D'AVOCATS

DU 13 SEPTEMBRE 2022

N°2022/ 50

N° RG 21/03118

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHBAW

[I] [B]

C/

[J] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Maître Djaouida KIARED

Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel:

Décision fixant les honoraires de Me Anne-Laure SEMPE-FILIPPI, Avocat honoraire au Barreau de Marseille rendue le 24 Novembre 2020 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de MARSEILLE.

DEMANDERESSE

Madame [I] [B]

demeurant [Adresse 2]

comparante en personne

DEFENDEUR

Me Anne-Laure SEMPE-FILIPPI

avocat au barreau de MARSEILLE, dont le cabinet est [Adresse 1]

représentée par Maître Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE,

*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 09 Mars 2022 en audience publique devant

Madame Laurence DEPARIS, Conseillère,

délégué par ordonnance du Premier Président .

Greffier lors des débats : Mme Pauline BILLO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2022.

ORDONNANCE

Contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2022, signée par Madame Laurence DEPARIS, Conseillère et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 24 novembre 2020, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de MARSEILLE saisi par Maître [Z] a fixé à la somme de 10 200 euros TTC le montant total des frais et honoraires dus à Maître [Z] , a constaté qu'une provision a été versée pour un montant total de 1 200 euros TTC, a dit qu'un solde de 9 000 euros TTC restait dû à Maître [Z] et a débouté Mme [I] [B] de ses autres demandes.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 13 février 2021, Mme [I] [B] a formé un recours contre cette décision devant le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

A l'audience du 9 mars 2022, Mme [I] [B] demande infirmation de la décision déférée et paiement des sommes de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, 2 000 euros en réparation de son préjudice économique et 300 euros au titre de ses frais et débours.

Elle fait valoir la rupture de la relation avec son conseil à l'initiative de celui-ci et en raison de son départ à la retraite rendant ainsi inapplicable la convention conclue prévoyant un honoraire de résultat, devant également être écartée au vu de l'absence de décision irrévocable obtenue par conseil et de résultat dans la procédure menée. Elle demande également que la facturation au temps passé soit écartée et en contestant l'exactitude de la facture récapitulative en date du 18 février 2020. A titre subsidiaire, elle fait valoir sa situation économique au vu des critères retenus par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

Maître [Z] demande confirmation de la décision déférée et que Mme [I] [B] soit déboutée de ses demandes. A titre subsidiaire, elle demande fixation de ses honoraires en application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 au taux horaires de 200 euros HT.

Au soutien de ses demandes, elle rappelle la jurisprudence constante de la cour de cassation précisant que le dessaisissement de l'avocat avant la fin du litige rend inapplicable la convention d'honoraires sauf à ce que la convention envisage expressément le dessaisissement et rappelle que le calcul de l'honoraire de diligences demeure soumis à la convention d'honoraires même en cas de dessaisissement. Elle demande l'application de la convention d'honoraires et fait valoir les diligences qu'elle a accomplies. Elle fait valoir que sa cliente a eu gain de cause devant le tribunal et que ses demandes d'indemnisation sont nées postérieurement à la saisine du bâtonnier et ne peuvent être prises en compte.

Les parties s'en rapportent à leurs écritures auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de ses moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours

Il résulte des dispositions de l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 rappelé dans le courrier de notification du bâtonnier que la décision ordinale est susceptible de recours devant le premier Président de la cour d'appel dans le délai d'un mois, lequel court à compter de la notification de la décision déférée.

L'examen de la procédure révèle que la décision déférée datée du 24 novembre 2020 a été notifiée le (date illisible) décembre 2020 et que le recours a été adressé au premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 8 février 2021 et reçu le 13 février 2021.

Dans ces conditions, le recours formé doit être déclaré recevable.

Sur la contestation de l'ordonnance déférée

A titre préliminaire, il importe de rappeler qu'il n'appartient pas au juge de l'honoraire d'apprécier, même de manière indirecte, la responsabilité professionnelle d'un avocat en prenant en compte les critiques émises sur la qualité de sa prestation et les manquements allégués par le client à son égard.

Il convient également de rappeler que la procédure de taxation des honoraires d'avocats est prévue par les dispositions du décret n° 91 1197 du 27 novembre 1991.

Aux termes de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

L'absence de convention n'empêche pas l'avocat de réclamer des honoraires à son client pour les diligences accomplies ; ces honoraires seront taxés eu égard à la justification de la réalisation de ses diligences et eu égard aux critères de l'article 10 précité.

En l'espèce, Mme [I] [B] a saisi Me [Z] de ses intérêts en octobre 2014 dans le cadre d'une procédure prud'homale initiée à l'encontre de son employeur des chefs de harcèlement moral et de contestation de son licenciement pour inaptitude professionnelle. Une convention prévoyant un honoraire fixe de 1 000 euros et un honoraire de résultat à hauteur de 15% HT des sommes encaissées a été signée entre les parties le 15 octobre 2014.

Il résulte des pièces du dossier que lors d'une médiation en janvier 2020, Me [Z] a informé sa cliente qu'elle prenait sa retraite et qu'elle ne pourrait par conséquent pas l'assister pour la suite de la procédure, et notamment lors de l'audience en départage en avril 2020. C'est par conséquent cet événement qui a été à l'origine de la rupture de la relation, la cliente ayant indiqué à l'époque vouloir plaider seule son dossier au mois d'avril 2020.

Il est constant que le dessaisissement de l'avocat avant que ne soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable rend inapplicable la convention d'honoraires initialement conclue et les honoraires dus à l'avocat pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 même si la convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement.

En l'espèce, aucune décision irrévocable n'est intervenue avant que l'avocat ne parte à la retraite et se trouve de ce fait dessaisie du dossier et la convention conclue ne prévoyait que les modalités de rémunération en raison du changement d'avocat ou d'abandon de la procédure et n'envisageait pas le cas de figure de l'espèce. Par conséquent, il y a lieu d'écarter la convention conclue entre les parties et d'apprécier les honoraires de Me [Z] selon les critères évoqués ci-dessus.

La facture récapitulative en date du 18 février 2020 d'un montant de 8 500 euros HT fait état des diligences suivantes : étude de dossier pour une durée de deux heures, rédaction de la requête en saisine du conseil des prud'hommes pour une durée d'une heure, rédaction de conclusions pour un total de 9 heures, 3 déplacements et assistances à audiences dont deux à [Localité 3] et une à [Localité 4] pour la médiation, 81 mels échangés pour une durée totale de 7 heures, 4 heures d'échanges téléphoniques avec un confrère dans l'optique de la médiation, 4 rendez-vous pour une durée totale de 4 heures et des frais de déplacement pour [Localité 4] en janvier 2020 à hauteur de 150 euros.

Me [Z] produit un extrait informatique comportant les événements du dossier du 15 octobre 2014 au 18 février 2020. Elle produit par ailleurs un premier jeu de conclusions pour l'audience du 13 juin 2017 et un jeu de conclusions récapitulatives de 30 pages pour l'audience du 9 octobre 2018 ayant donné lieu à trois projets, accompagné de la communication d'une quarantaine de pièces et en réponse aux conclusions adverses d'une trentaine de pages avec communication de 59 pièces. Elle produit également l'avis reçu du conseil de prud'hommes de NANTERRE attestant de sa saisine. Ses déplacements aux audiences ne sont pas contestés de même que ses plaidoiries et interventions.

Si Mme [I] [B] fait valoir avoir contribué au travail de l'avocat et se plaint de la facturation de son propre travail par l'avocat, il convient de noter à la fois qu'il est normal et habituel que le client apporte les éléments utiles à son conseil, prenne connaissance et relise les écritures de son conseil dans l'optique d'une meilleure appréhension de son dossier et de qualité des écritures, et par ailleurs que Mme [I] [B] n'était pas tenue d'être assistée par un avocat devant le conseil des prud'hommes et pouvait à tout moment changer d'avocat si le travail proposé ne l'a satisfaisait pas. Il importe ainsi de relever que Me [Z] a assisté Mme [I] [B] pendant plus de cinq ans ainsi qu'elle lui a rappelé dans un courrier en date du 10 février 2020 faisant état de son soutien, son accompagnement et son conseil pendant ces années et d'un 'travail considérable' réalisé sans qu'aucune critique ne soit émise par Mme [I] [B] avant la rupture de la relation et la facturation du travail accompli.

Il convient d'ajouter que Mme [I] [B], quand bien même elle n'était plus assistée de Me [Z] a obtenu gain de cause ainsi qu'il en résulte du jugement du conseil de prud'hommes de NANTERRE en date du 21 octobre 2021 qu'elle produit lui octroyant une somme de plus de 8 000 euros à titre de rappels de salaire et indemnités et 44 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il convient d'ajouter que Me [Z] disposait d'une longue expérience professionnelle pour avoir prêté serment en 1980 et avait un certificat de spécialité en droit social depuis l'année 2000. Ainsi, le taux horaire de rémunération de 200 € HT correspondant à la moyenne pratiquée par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix en Provence et figurant sur la facture apparaît dès lors raisonnable au vu par ailleurs de la nature et de la longueur du litige, à savoir un licenciement intervenu dans le cadre d'un harcèlement moral. Enfin, si Mme [I] [B] justifie d'un revenu fiscal de référence variant entre 8 326 euros au minimum et 17 771 euros au maximum entre 2014 et 2019, il importe d'ajouter que les honoraires, correspondant à cinq années de travail et de revenus de la cliente, étaient adaptés à sa situation économique.

Il est acquis que Mme [I] [B] s'est acquittée d'un provision de 1 200 euros. Au vu de l'ensemble des éléments ci-dessus, il convient de dire que les honoraires ont été fixés conformément aux critères légaux et de confirmer la décision du bâtonnier.

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par Mme [I] [B]

Mme [I] [B] n'apporte aucun élément au soutien de ses demandes justifiant que des sommes lui soient attribuées à ce titre et elle sera déboutée de ses demandes.

Sur la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile

En équité, il n'y a pas lieu à application de cet article et Mme [I] [B] sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

Sur les dépens

Mme [I] [B], partie perdante, sera tenue aux dépens de la présente instance en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en matière de contestation d'honoraires,

DÉCLARONS recevable le recours formé par Mme [I] [B] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de MARSEILLE en date du 24 novembre 2020.

CONFIRMONS la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de MARSEILLE en date du 24 novembre 2020.

DÉBOUTONS Mme [I] [B] du surplus de leurs demandes.

DISONS que Mme [I] [B] supportera les dépens de la présente instance.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 op
Numéro d'arrêt : 21/03118
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;21.03118 ?
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