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08/09/2022 | FRANCE | N°19/07498

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 08 septembre 2022, 19/07498


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 343













N° RG 19/07498 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHOF







[L], [A], [E] [N]





C/



[M] [D] épouse [V]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Christelle OUILLON



Me Serge PICHARD


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 11 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02401.



APPELANT



Monsieur [L], [A], [E] [N]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Christelle OUILLON, avocat au barreau de TOULON
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 343

N° RG 19/07498 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHOF

[L], [A], [E] [N]

C/

[M] [D] épouse [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Christelle OUILLON

Me Serge PICHARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 11 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02401.

APPELANT

Monsieur [L], [A], [E] [N]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christelle OUILLON, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Madame [M] [D] épouse [V]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Serge PICHARD, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique du 8 février 1988, [X] [D] et [C] [I] ont fait donation à leur fille [M] [D] épouse [V], à titre de partage anticipé, de la nue-propriété d'une maison située à Sanary sur mer, lieudit « la Piole », cadastrée section [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], et [Cadastre 8], le tout pour 7 588 m².

Ces parcelles jouxtent au sud la parcelle cadastrée section [Cadastre 9] et [Adresse 3], appartenant à [L] [N].

Les deux fonds sont issus de la division d'un même fonds par acte du 4 février 1974 aux termes duquel [W] [B] veuve de [Y] [I], avait fait des donations à ses trois enfants, et notamment à [C] [I] épouse [D] et [Z] [I] épouse [N].

Par cet acte de donation-partage, il avait été convenu de ce que :

« pour faciliter l'exploitation des terres attribuées ci-dessus d'une part à Madame [D], et d'autre part à Madame [N], mesdames [D] et [N] conviennent de créer à frais commun un chemin d'une largeur de 3 mètres pris d'abord à cheval sur la ligne divisoire A.B (...) empiétant sur l m75 de chaque côté de cette ligne.

A partir du point B, la largeur de 3mètres sera prise entièrement sur la propriété de Madame [N] en passant au sud du mur de soutènement existant pour aboutir à la limite Est, (...) il longera la limite Est pour aboutir au point E, situé à l'extrémité de la ligne divisoire D.E (') suivant le plan n°2 établi par Monsieur [K], géomètre expert à [Localité 11] le 7 mars 1973...

L'entretien et les réparations du chemin ainsi créé seront effectués à frais communs par mesdames [D] et [N] ».

[M] [D] épouse [V] a fait réaliser le 8 septembre 2014 un constat d'huissier aux fins de caractériser l'impossibilité d'utiliser la servitude de passage, puis elle a obtenu, par ordonnance du 28 avril 2015 du président du tribunal de grande instance de Toulon, la désignation de [G] [F] en qualité d'expert judiciaire.

L'expert a déposé son rapport le 14 avril 2016.

Par acte d'huissier du 27 avril 2017, [M] [D] épouse [V] a fait assigner [L] [N] devant le tribunal de grande instance de Toulon en indemnisation de ses préjudices, en sollicitant, par ses dernières conclusions du 6 juin 2018, au visa des articles 701 et 1240 du code civil, de :

Débouter [L] [N] de l'ensemble de ces demandes fins et conclusions.

Condamner [L] [N] à payer à [M] [D] épouse [V] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,

Condamner [L] [N] à payer à [M] [D] épouse [V] la somme de 6 543,49 € en remboursement des frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits sur la servitude,

Dire que lesdites sommes seront assorties de l'intérêt aux taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'au parfait paiement.

Voir ordonner la capitalisation des intérêts.

Condamner [L] [N] à payer à [M] [D] épouse [V] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner [L] [N] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Serge Pichard, avocat, sur son affirmation de droit ainsi qu'aux frais d'expertise de [G] [F].

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement contradictoire du 11 mars 2019, le tribunal de grande instance de Toulon a statué en ces termes:

«Déboute [M] [D] épouse [V] de ses demandes indemnitaires ;

Déboute [L] [N] de sa demande reconventionnelle ;

Condamne [L] [N] à payer à [M] [D] épouse [V] la somme de 1.300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [L] [N] aux dépens, en ce compris les frais d'instance, d'huissier et d'expertise judiciaire et autorise leur distraction au profit de Maître Serge Pichard, avocat ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Rejette le surplus des demandes »

Le premier juge a notamment considéré que:

[M] [D] épouse [V] ne justifiait pas de son préjudice du fait de l'encombrement ponctuel de l'assiette de la servitude de passage qui n'avait pas été aménagée en voie carrossable, alors que cela devait se faire à frais partagés.

[L] [N] a fait appel de ce jugement par déclarations du 6 mai 2019.

Aux termes de leurs conclusions remises au greffe et notifiées le 25 juillet 2019 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [L] [N] entend voir, au visa des articles 697 et 698 du code de procédure civile, du procès-verbal du mars 2015 :

-confirmer le jugement en ce qu'il a :

-débouté [M] [D] épouse [V] de ses demandes indemnitaires

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

-infirmer le jugement en ce qu'il a :

Débouté [L] [N] de sa demande reconventionnelle

Condamné [L] [N] à payer à [M] [D] épouse [V] la somme de 1.300 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné [L] [N] aux dépens, en ce compris les frais d'instance, d'huissier et d'expertise judiciaire et autorisé leur distraction au profit de Maître Serge Pichard

Débouté [L] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et statuant de nouveau

-constater que [L] [N] avait procédé aux travaux nécessaires à l'usage normal de la servitude dès le 28 octobre 2014 et notamment pour :

- consolider l'ensemble des talus afin d'éviter tout effondrement sur la servitude et ainsi laisser libre passage tant dans sa longueur que dans sa largeur,

- remettre en état l'assiette de la servitude et principalement la semelle de celle-ci afin de rendre le passage carrossable ainsi que cela était avant l'encombrement du passage par les requis,

- élaguer l'olivier dont les branches entravent le passage,

-constater que [L] [N] n'est pas tenu d'entretenir à lui seul la servitude ;

-dire et juger que [M] [D] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice de jouissance

par conséquent,

- débouter purement et simplement Madame [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

à titre reconventionnel,

-constater que le chemin de servitude n'a jamais été créé,

-dire et juger que sa création doit être faite à frais partagés conformément à l'acte de partage de 1974,

-condamner [M] [D] à lui payer 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-la condamner à lui payer 4.000 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-la condamner aux dépens.

Aux termes de conclusions remises au greffe et notifiées le 21 octobre 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [M] [D] épouse [V] demande à la cour, au visa des articles 701 et 1240 du code civil, de:

-infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Débouté [M] [D] épouse [V] de ses demandes indemnitaires

-débouter [L] [N] de son appel incident.

et statuer de nouveau,

-dire et juger qu'elle rapporte la preuve d'un préjudice de jouissance.

-condamner [L] [N] à réparer l'entier préjudice.

-condamner [L] [N] à lui payer 5 000 € de dommages et intérêts.

-condamner [L] [N] à lui payer 6 543,49 € en remboursement des frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits sur la servitude,

-dire que lesdites sommes seront assorties de l'intérêt aux taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'au parfait paiement.

-ordonner la capitalisation des intérêts.

-condamner [L] [N] à lui payer 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de son appel.

-condamner [L] [N] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Serge Pichard, Avocat, sur son affirmation de droit y compris les frais d'expertise de [G] [F].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

Il résulte de l'examen des dispositifs des conclusions des parties qu'ils comportent des demandes exprimées sous la forme de « constater », « dire et juger », qui constituent des rappels de moyens et non des prétentions.

Ainsi en est-il des demandes tendant à voir :

-constater que [L] [N] avait procédé aux travaux nécessaires à l'usage normal de la servitude dès le 28 octobre 2014 et notamment....

-constater que [L] [N] n'est pas tenu d'entretenir à lui seul la servitude ;

-dire et juger que [M] [D] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice de jouissance

-constater que le chemin de servitude n'a jamais été créé,

-dire et juger que sa création doit être faite à frais partagés conformément à l'acte de partage de 1974,

-dire et juger que [M] [D] rapporte la preuve d'un préjudice de jouissance.

Dès lors, la cour n'est pas saisie de prétentions de ces chefs.

Sur la servitude de passage :

Il est établi qu'en vertu de l'acte de donation-partage du 4 février 1974, une servitude de passage réciproque a été instaurée, les parties étant convenues de créer à frais commun un chemin d'une largeur de 3 mètres suivant le plan n°2 établi par Monsieur [K], géomètre expert à [Localité 11] le 7 mars 1973 et d'entretenir et réparer le chemin ainsi créé à frais communs.

A ce jour, trois propriétaires sont concernés par cette servitude de passage, non seulement les deux parties à ce procès, mais également [H] [N], propriétaire des parcelles cadastrées section [Cadastre 10] et [Cadastre 4].

Tandis que [M] [D] épouse [V] soutient que [L] [N] a encombré la servitude de passage pendant des années à l'occasion d'un chantier de construction, celui-ci réplique qu'en réalité la servitude de passage n'a jamais été créée et que s'il a momentanément encombré son assiette, il l'a libérée dès le 28 octobre 2014, suite à la somation reçue le 9 septembre 2014.

Sur les demandes de [M] [D] épouse [V] :

[M] [D] épouse [V] fonde sa demande de dommages et intérêts sur les articles 701 et 1240 du code civil, le premier disposant que « Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode ».

Elle justifie avoir :

-fait établir un constat d'huissier le 8 septembre 2014 mettant en évidence cet encombrement par un rehaussement du terrain et de la végétation ayant poussé entre les points B et C, par un amas de tuyauterie au point C, et par divers matériaux au point E, et la présence d'une maison en construction ;

-mis en demeure [L] [N] d'avoir à libérer l'assiette de la servitude de passage par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre 2014.

Après avoir répondu à la mise en demeure par un courrier daté du 28 octobre 2014 indiquant avoir en grande partie, remédié au problème, et sur la base de photographies datées d'entre septembre et octobre 2014, et d'un constat établi par huissier les 2 et 3 mars 2015, [L] [N] prétend avoir remédié à l'encombrement qui lui était reproché, et en justifie.

Cela est confirmé par le rapport d'expertise indiquant que le 2 septembre 2015, lors de la première réunion sur le terrain, il n'existait plus d'obstacle sur le passage du par [L] de [U].

Le rapport d'expertise permet également d'apprendre que l'assiette de la servitude de passage n'est pas carrossable :

d'une part, du fait d'un défaut d'usage et d'entretien du chemin,

d'autre part, pour ne pas avoir été entièrement réalisée depuis l'acte constitutif de 1974, une partie du mur n'ayant pas été démolie dans le virage, et le mur de soutènement n'ayant pas été déplacé au niveau du point E ( suivant le plan n°2 établi par Monsieur [K], géomètre expert à [Localité 11] le 7 mars 1973).

[M] [D] épouse [V] produit des attestations tendant à établir que le chemin, objet de la servitude, avait été réalisé par sa famille et à ses seuls frais afin de permettre l'exploitation de la parcelle sans cela enclavée, par son père, agriculteur, mais rien ne démontre que l'aménagement ait été réalisé sur l'intégralité du parcours.

En toute hypothèse, aucune des parties ne conteste l'existence et la nécessité de respecter la servitude de passage, [L] [N] ayant tenté de satisfaire à la demande de [M] [D] épouse [V] dans de brefs délais après l'avoir reçue.

Bien que l'assiette de la servitude ait été dégagée avant la remise du rapport d'expertise, et même en partie, dans le mois ayant suivi la seule mise en demeure du 9 septembre 2014 dont il est justifié, [M] [D] épouse [V] a assigné [L] [N] en paiement de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance.

Si la réalité d'un tel préjudice n'est pas établie alors que [M] [D] épouse [V] ne démontre pas avoir été empêchée d'accéder à sa propriété, de nature agricole et donnée en fermage, le seul fait, reconnu par [L] [N] d'encombrer l'assiette d'une servitude constitue un manquement à l'obligation posée par l'article 701 du code civil qui interdit d'en diminuer l'usage.

Il n'est aucunement démontré cependant que cet encombrement ait duré plus de quelques mois ou qu'il ait été gênant pour [M] [D] épouse [V] qui ne démontre pas utiliser ce chemin dans le tronçon momentanément encombré et non carrossable sur toute sa longueur.

Dans ces conditions, et par infirmation du jugement, il convient de condamner [L] [N] à payer une indemnité limitée à 500 € à [M] [D] épouse [V].

Sa demande de remboursement des frais d'expertise sera appréciée à propos des dépens.

Sur les demandes de [L] [N]  :

Il sollicite la condamnation de [M] [D] à lui payer 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, mais cette demande ne peut être accueillie dès lors que lui-même est reconnu responsable d'un manquement à son obligation découlant de l'article 701 du code civil.

Le jugement ayant rejeté cette demande sera donc confirmé.

Sur les dépens :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront également supportés par la partie perdante, en l'occurrence [L] [N].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris, uniquement en ce qu'il a rejeté la demande de [M] [D] épouse [V],

Et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne [L] [N] à payer à [M] [D] épouse [V] la somme de 500 € de dommages et intérêts,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne [L] [N] aux dépens d'appel, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/07498
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;19.07498 ?
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