La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/09/2022 | FRANCE | N°19/03515

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 08 septembre 2022, 19/03515


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3



ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/188













N° RG 19/03515 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD37M





[Z] [D] épouse [O]

[B] [O]

[P] [N] épouse [H]

Véronique [V]

S.C.I. OHANA-CONSTRUCTION

Syndicat des copropriétaires [Adresse 8]



C/



SCP MAURAS JOUIN

SAS BOUYGUES IMMOBILIER

SOCIETE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BTP (SMABTP)

SAS INCLUSOL



r>


Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Bernard SIVAN



Me Christophe PETIT



Me Nathalie PUJOL

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 01 Février 2019 enregi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/188

N° RG 19/03515 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD37M

[Z] [D] épouse [O]

[B] [O]

[P] [N] épouse [H]

Véronique [V]

S.C.I. OHANA-CONSTRUCTION

Syndicat des copropriétaires [Adresse 8]

C/

SCP MAURAS JOUIN

SAS BOUYGUES IMMOBILIER

SOCIETE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BTP (SMABTP)

SAS INCLUSOL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Bernard SIVAN

Me Christophe PETIT

Me Nathalie PUJOL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 01 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01240.

APPELANTS

Madame [Z] [D] épouse [O], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Bernard SIVAN, avocat au barreau de NICE

Monsieur [B] [O], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Bernard SIVAN, avocat au barreau de NICE

Madame [P] [N] épouse [H], de nationalité Française, demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Bernard SIVAN, avocat au barreau de NICE

Madame [X] [V], de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Bernard SIVAN, avocat au barreau de NICE

S.C.I. OHANA-CONSTRUCTION, Intervenante volontaire, demeurant [Adresse 11]

représentée par Me Bernard SIVAN, avocat au barreau de NICE

Syndicat des copropriétaires [Adresse 8], demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Bernard SIVAN, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

SCP MAURAS JOUIN, ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société INCLUSOL, demeurant [Adresse 14]

défaillante

SAS BOUYGUES IMMOBILIER, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Christophe PETIT de la SCP SCP PETIT & BOULARD, avocat au barreau de NICE,

plaidant par Me Alain FRECHE de l'AARPI FRECHE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

SOCIETE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BTP (SMABTP), demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Nathalie PUJOL, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Noreddine ALIMOUSSA, avocat au barreau de NICE

SAS INCLUSOL représentée par son mandataire la SCP MAURAS JOUIN, demeurant [Adresse 4]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Avril 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente (rapporteur)

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022, prorogé au 08 Septembre 2022 en raison d'une surcharge de travail des magistrats.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022,

Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Marjolaine MAUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La S.A. Bouygues Immobilier a acquis des parcelles de terrain cadastrées section [Cadastre 12] et [Cadastre 7], à [Localité 13], 8 et [Adresse 1], afin de réaliser un immeuble d'habitation collectif R+6 et R-1 comprenant 36 logements, dénommé Villa Carla, et a obtenu un permis de construire le 23 juillet 2008, délivré par la mairie de [Localité 13].

Le 24 février 2009, elle a engagé une procédure de référé préventif et, par ordonnance de référé du 31 mars 2009, M. [L] a été désigné en qualité d'expert. Par ordonnance du 2 juillet 2009, la mission de celui-ci a été étendue aux immeubles, situés [Adresse 8] qui appartenaient aux consorts [O], [V], [H], ainsi qu'à deux autres immeubles situés [Adresse 2].

La société a confié à la société Inclusol, assurée auprès de la SMABTP, l'exécution de travaux de renforcement du sol de l'emprise du chantier avant le démarrage du chantier. Ces travaux ont été exécutés entre le 17 septembre 2009 et le 7 octobre 2009.

Par exploit d'huissier en date du 10 février 2010, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], M. et Mme [O], M. [V] et Mme [N] épouse [H] ont sollicité en référé une mesure d'expertise.

Par ordonnance de référé en date du 4 mai 2010, M. [M] [L] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

Par ordonnance du 16 novembre 2010, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables aux sociétés ayant participé à la construction d'ouvrage, dont la société Inclusol.

La réception de la résidence Villa Clara est intervenue le 18 mars 2011.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 9 novembre 2011. Il a conclu que les désordres étaient dus aux travaux de renforcement de sol et a chiffré les travaux de reprise à la somme de 59 682,11 euros.

Les 30 juillet 2015 et 12 janvier 2016, le syndicat des copropriétaires a fait établir des constats d'huissier, puis il a fait appel à M. [U], ingénieur IPF, qui a visité l'immeuble le 23 mars 2016 et déposé un rapport le 24 octobre 2016 aux termes duquel il a constaté de nombreuses lézardes, estimé que l'immeuble s'était détérioré à la suite de problèmes de fuites et d'infiltrations d'eau dus aux mouvements de l'immeuble, et chiffré les travaux de reprise à la somme de 162 310,76 euros.

Par actes d'huissier des 20 janvier 2017 et 22 février 2017, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], les époux [O], M. [V], Mme [H] ont fait assigner la société Bouygues Immobilier et la société Inclusol aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par acte du 26 octobre 2017, la société Bouygues Immobilier a appelé en intervention forcée et en garantie la SMABTP, assureur de la société Inclusol, qui avait été mise en liquidation judiciaire le 14 octobre 2015.

La jonction des procédures a été prononcée le 8 février 2018.

M. [G], [R] [V], est décédé en cours de procédure, le 6 octobre 2017. Sa fille, Mme [X] [V], est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'unique héritière.

*

Vu le jugement en date du 1er février 2019 par lequel le tribunal de grande instance de Nice a :

- déclaré irrecevable l'action de Mme [X] [V] pour défaut de preuve de sa qualité à agir,

- constaté que l'exploit d'huissier du 22 février 2017 a été délivré à la SCP Mauras Jouin ès qualités de mandataire de la SAS Inclusol,

- déclaré recevable l'action à l'encontre de la SCP Mauras Jouin ès qualités de mandataire de la SAS Inclusol,

- déclaré irrecevables les demandes de condamnations à l'encontre de la SAS Inclusol, en liquidation judiciaire,

- déclaré l'action des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], sis [Adresse 8] représenté par son syndic en exercice, le cabinet Port Lympia représenté par son président en exercice Mme [S], M. [B] [O], Mme [Z] [D] épouse [O] et Mme [P] [N] épouse [H], irrecevable car prescrite,

- dit que la demande de renvoi de la cause et des parties à la mise en état et la révocation de l'ordonnance de clôture faite par SAS Inclusol, est sans objet,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté la SA Bouygues Immobilier de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] représenté par son syndic en exercice, le cabinet Port Lympia représenté par son président en exercice Mme [S], M. [B] [O], Mme [Z] [D] épouse [O], Mme [X] [V] et Mme [P] [N] épouse [H] aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Christophe Petit ;

Vu l'appel relevé le 28 février 2019 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], M. [B] [O], Mme [Z] [D] épouse [O], Mme [X] [V] et Mme [P] [N] épouse [H] ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 décembre 2019, par lesquelles le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], M. [B] [O], Mme [Z] [D] épouse [O], Mme [X] [V], Mme [P] [N] épouse [H], la SCI Patimmo [Localité 13] et la société Ohana Construction, demandent à la cour de :

Vu les articles 1382 et suivants anciens du code civil,

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,

Vu l'article 1792-4-3 du code civil,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu les articles 370, 373 et suivants du code civil,

Vu les articles 31 et 325 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

Vu les articles 370, 373 et suivants du code civil,

Vu les articles 31 et 325 du code de procédure civile,

- déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la SCI Ohana Construction venant aux droits de la famille [V],

- déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la SCI Patimmo [Localité 13] venant aux droits de Mme [H],

- déclarer recevable et bien fondée l'action des requérants,

- dire et juger que leur action est soumise au délai décennal de prescription prévu à l'article 1792-4-3 du code civil,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse de l'application du délai de prescription quinquennal de l'article 2224 du code civil,

- dire et juger que leur action ne se trouve pas prescrite au regard de l'effet suspensif et de l'effet interruptif de prescription consécutifs à l'action en référé, à l'expertise et enfin à l'aggravation des désordres constatés par exploit d'huissier le 12 janvier 2016,

- constater que la responsabilité délictuelle de la société Bouygues est engagée dans la réalisation des dommages occasionnés à l'immeuble voisin [Adresse 8] tant dans ses parties communes que privatives,

- condamner la société Bouygues avec sa compagnie d'assurance, à payer la somme totale de 133 041,62 euros TTC se détaillant comme suit :

- la somme de 32 355,06 euros HT au syndicat requérant correspondant au coût des travaux à réaliser sur les parties communes,

- la somme de 38 685,68 euros HT à la SCI Patimmo [Localité 13] venant aux droits de Mme [H] correspondant au coût des travaux à réaliser dans son appartement,

- la somme de 35 310,02 euros HT à la SCI Ohana Construction venant aux droits de M. [V] correspondant au coût des travaux à réaliser dans son appartement,

- la somme de 26 690,86 euros HT aux époux [O] correspondant au coût des travaux à réaliser dans leur appartement,

- condamner la société Bouygues avec sa compagnie d'assurance, à payer au titre des pertes locatives et financières :

- la somme de 35 138,97 euros arrêtée au 31 mai 2019 et à parfaire au jour de la décision à intervenir, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par la SCI Patimmo venant aux droits de Mme [H] consécutif à la perte de tout revenu locatif,

- la somme de 40 400 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par les époux [O] correspondant à la perte de revenus locatifs,

- la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi à la SCI Ohana Construction venant aux droits de Mme [V] en qualité d'héritière de M. [V] lié à l'insalubrité se son logement,

- condamner la société Bouygues à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] la somme de 10.000 euros et aux entiers dépens,

- condamner la société Bouygues à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à M. et Mme [O], à la SCI Patimmo [Localité 13] et à la SCI Ohana Construction, chacun, la somme de 5.000 euros ;

A titre subsidiaire :

Vu les articles 771 et suivants du code de procédure civile,

- ordonner avant dire droit la désignation de M. [M] [L] en qualité d'expert judiciaire ou de tout autre expert qu'il plaira au tribunal de nommer, avec mission habituelle en pareille matière et notamment de déterminer :

- se rendre sur les lieux, [Adresse 8] en présence des parties, ou à défaut celles-ci régulièrement convoquées au besoin par télécopie ou par courriel avec accusé de réception, compte tenu de l'urgence en adressant copie par lettre simple aux avocats des parties après avoir pris les convenances de ceux-ci

- constater l'aggravation des désordres et décrire la situation actuelle de l'immeuble dans les parties communes et privatives

- indiquer les travaux et moyens éventuellement nécessaires pour y remédier, s'adjoindre, si besoin, un sapiteur afin de procéder au chiffrage des travaux

- donner son avis sur la durée des travaux et leur coût

- recueillir et annexer au rapport les éléments relatifs aux préjudices allégués et subis par les requérants

- dire et juger que les frais d'expertise seront supportés par la société Bouygues,

- dire et juger qu'il sera sursis à la décision définitive dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise à intervenir,

- réserver dans cette hypothèse les droits des parties ainsi que les dépens ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 avril 2020, par lesquelles la société par actions simplifiée Bouygues Immobilier demande à la cour de :

A titre liminaire :

Vu les articles 32, 325 et 554 du code de procédure civile,

- dire et juger que la SCI Ohana Construction et la SCI Patimmo [Localité 13] ne démontrent pas avoir été subrogées dans les droits et obligations de Mme [X] [V] et de Mme [P] [H],

- dire et juger que la SCI Ohana Construction et la SCI Patimmo [Localité 13] ne justifients pas de leur qualité à agir et de leur intérêt à intervenir à la présente instance,

- déclarer irrecevables l'intervention volontaire et l'action de la SCI Ohana Construction et de la SCI Patimmo [Localité 13] ;

A titre principal :

Vu les articles 2224, 2239 et 2241 du code civil,

- dire et juger que l'action des appelants est soumise au délai de prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil,

- dire et juger que l'action engagée le 20 janvier 2017 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 8], les époux [O], la SCI Ohana Construction qui serait venue aux droits et obligations de Mme [V] et par la SCI Patimmo [Localité 13] qui serait venue aux droits et obligations de Mme [H], est prescrite,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 1er février 2019 en ce qu'il a déclaré l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 8], des époux [O], de la SCI Ohana construction qui serait venue aux droits et obligations de Mme [V] et de la SCI Patimmo [Localité 13] qui serait venue aux droits et obligations de Mme [H], irrecevable ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le jugement du 1er février 2019 était infirmé :

Vu l'ancien article 1382 du code civil,

- dire et juger que M. [L] a, dans son rapport d'expertise judiciaire déposé le 9 novembre 2011, identifié les travaux de reprise exécutés et évalué le coût des travaux de reprise à une somme totale de 59.682,11 euros TTC,

- dire et juger que la somme de 133.041,62 euros TTC réclamée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], les époux [O], la SCI Ohana construction qui serait venue aux droits et obligations de Mme [V] et la SCI Patimmo [Localité 13] qui serait venue aux droits et obligations de Mme [H], n'est ni fondée, ni justifiée,

- dire et juger que les préjudices immatériels allégués par la SCI Patimmo [Localité 13] qui serait venue aux droits de Mme [H], les époux [O] et par la SCI Ohana construction qui serait venue aux droits et obligations de Mme [V], ne sont ni fondés, ni justifiés,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 8], les époux [O], la SCI Ohana construction qui serait venue aux droits et obligations de Mme [V], et la SCI Patimmo [Localité 13] qui serait venue aux droits et obligations de Mme [H], de leur demande de condamnation de la société Bouygues immobilier à leur verser les sommes réclamées au titre des préjudices matériels et immatériels ;

A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour alloue une quelconque somme aux appelants :

Vu l'article 1147 du code civil,

- dire et juger que les désordres survenus dans l'immeuble sis [Adresse 8] sont imputables aux travaux exécutés par la société Inclusol,

- dire et juger que l'action de la société Bouygues immobilier à l'encontre de la SMABTP, ès qualités d'assureur de responsabilité de la société Inclusol, n'est pas prescrite,

- condamner la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la responsabilité de la société Inclusol, à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- A titre infiniment subsidiaire sur la mesure d'instruction sollicitée, la rejeter ;

Subsidiairement, si par extraordinaire la cour fait droit à la demande, dire et juger que l'expert judiciaire aura notamment pour mission de donner son avis sur l'origine des aggravations alléguées par les appelants et que les frais et honoraires d'expertise devront être supportés par les appelants et, à défaut, par la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la société Inclusol ;

En tout état de cause :

- débouter les appelants et la SMABTP de leurs autres demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum tout succombant à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Christophe Petit ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 2 août 2019, par lesquelles la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics SMABTP demande à la cour de :

Sur le fondement des articles 2224 et suivants du code civil,

Au principal :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé irrecevable comme prescrite l'action du syndicat des copropriétaires [Adresse 8], de M. et Mme [O], et de Mme [H],

Y ajoutant, déclarer également irrecevables comme prescrites les demandes de Mme [V],

- déclarer également irrecevables les demandes de Mme [V] puisqu'elle a cédé son bien le 22 juin 2018, n'ayant plus la qualité à agir,

Subsidiairement :

- déclarer irrecevable comme prescrite l'action de la société Bouygues immobilier dirigée à l'encontre de la SMABTP,

- dire et juger que la société Bouygues a commis une faute en acceptant un risque inhérent à cette construction et en ne prenant pas les mesures conservatoires auxquelles elle s'était engagée,

- dire et juger que ces fautes exonèrent la société Inclusol de toute responsabilité,

En conséquence, rejeter toutes les demandes dirigées à l'encontre de la SMABTP (assureur d'Inclusol),

- dire et juger inopposable à la SMABTP le rapport d'expertise privé de M. [A],

- dire et juger que les sommes qui pourraient être allouées aux appelants doivent se limiter au chiffrage retenu par l'expert judiciaire M. [L],

- rejeter toutes les autres demandes, notamment celle relative à la mesure d'instruction sollicitée,

Très subsidiairement, si une mesure d'expertise était ordonnée, dire et juger que l'expert aurait pour mission de " déterminer l'origine des prétendues aggravations " ;

En tout état de cause :

- déclarer opposable à toutes les parties la franchise contractuelle de la SMABTP, s'agissant de garanties facultatives,

- condamner la société Bouygues Immobilier ou tout autre succombant au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Nathalie Pujol ;

Vu la signification de la déclaration d'appel à la société Inclusol représentée par son liquidateur la SCP Mauras Jouin, suivant acte d'huissier du 10 mai 2019 établi dans les formes de l'article 658 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 mars 2022 ;

SUR CE, LA COUR

Il résulte de l'acte de notoriété, établi 19 mars 2018 par Me [I] notaire, que Mme [X] [V] épouse [Y] est l'unique héritière de [G], [R] [V], décédé le 6 octobre 2019, ce dont il résulte qu'elle a qualité à agir, en tant qu'ayant droit, dans le cadre de la présente instance, et ce d'autant que cette qualité doit être appréciée au moment de l'introduction de la demande en justice et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures. Le jugement sera, par conséquent, infirmé sur l'irrecevabilité prononcée à son égard.

Mme [X] [V] a vendu à la SCI Ohana Construction l'appartement situé [Adresse 8], suivant attestation notariée du 22 juin 2018. De même, Mme [N] épouse [H] a vendu à la SCI Patimmo [Localité 13] l'appartement situé [Adresse 8], suivant attestation notariée du 12 juillet 2019.

La société Bouygues soutient l'irrecevabilité de l'intervention volontaire et de l'action de ces deux sociétés, faute de démontrer qu'elles ont été subrogées dans les droits et obligations de Mmes [V] et [H].

En premier lieu, il convient de relever que les demandes de la SCI Ohana Construction et la SCI Patimmo [Localité 13] se rattachent aux prétentions initiales par un lien suffisant.

En second lieu, si la vente de l'immeuble n'emporte pas de plein droit cession au profit de l'acquéreur des droits et actions à fin de dommages-intérêts qui ont pu naître au profit du vendeur en raison de dégradations causées à l'immeuble antérieurement à la vente, force est de constater que Mmes [V] et [H] concluent à l'octroi de sommes en réparation des dommages matériels et immatériels en faveur des sociétés Ohana Construction et Patimmo. Dans ces conditions, le droit d'agir et d'élever des prétentions de ces dernières ne saurait leur être dénié, étant observé qu'elles ont désormais la qualité de propriétaire des biens litigieux et que leur intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action. Par suite, leur intervention volontaire est recevable.

Les appelants contestent le jugement sur la prescription de l'action retenue en première instance. Ils invoquent les dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil qui déroge à l'article 2224 du code civil. Subsidiairement, ils prétendent qu'un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir à compter du dépôt du rapport d'expertise le 9 novembre 2011, puis à compter du 30 juillet 2015 voire du 23 mars 2016, compte tenu de l'aggravation des désordres initiaux.

La société Bouygues Immobilier soutient la prescription de l'action fondée sur la théorie des troubles anormaux de voisinage, laquelle relève des dispositions de l'article 2224 du code civil. Elle expose que l'ancien article 2270-1 du code civil qui prévoyait que le délai de prescription pouvait courir à compter de l'aggravation du dommage a été abrogé par la loi du 17 juin 2008 et que cette notion d'aggravation du dommage est désormais applicable aux seuls dommages corporels. Elle s'oppose au report du délai de prescription et observe que les appelants n'ont entrepris aucune démarche ni travaux pour remédier aux désordres relevés par l'expert judiciaire et éviter une aggravation du dommage. Elle distingue interruption et suspension du délai de prescription.

La SMABTP soutient que l'article 1792-4-3du code civil ne concerne que les actions du maître d'ouvrage ou des acquéreurs successifs à l'encontre des constructeurs, et non les actions dirigées par un voisin contre le maître d'ouvrage d'un immeuble en construction. Elle se prévaut des dispositions de l'article 2224 du code civil et estime que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 8 octobre 2009. Elle prétend que l'interruption et la suspension du délai ne peuvent se cumuler et, qu'en toute hypothèse, aucun acte n'a interrompu la prescription depuis le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 9 novembre 2011.

À titre liminaire, il y a lieu d'observer que les appelants dirigent leurs demandes de condamnations financières, dans le dispositif de leurs écritures, à l'encontre de la société Bouygues avec sa compagnie d'assurance, or la SMABTP a été attraite à la procédure en qualité d'assureur de la société Inclusol par la société Bouygues dans le cadre de son action récursoire et aucune autre compagnie d'assurance n'intervient.

En l'espèce, les appelants, tiers voisins, recherchent la responsabilité de la société Bouygues sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

D'une part, l'action de l'article 1792-4-3 du code civil, réservée au maître de l'ouvrage, n'est pas ouverte aux tiers à l'opération de construction agissant sur le fondement d'un trouble du voisinage.

D'autre part, l'action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle et est soumise à la prescription réduite à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.

Le point de départ de l'action en responsabilité pour troubles anormaux du voisinage se situe au jour de la première manifestation du trouble.

En l'espèce, l'état initial de l'immeuble [Adresse 8] a été constaté, avant le début des travaux, par M. [L] dans les suites du référé préventif et par huissier le 15 juillet 2009 à la demande du syndicat des copropriétaires.

Après le commencement des travaux, le syndicat des copropriétaires a mandaté, à nouveau, un huissier qui, le 8 octobre 2009, a établi un procès-verbal concernant l'aggravation des fissures dans les appartements de Mme [H], de M. [V] et de M. [O], ainsi que dans les parties communes. Ainsi, la première manifestation du trouble et la connaissance du dommage se situent à cette date, laquelle constitue le point de départ de l'action en responsabilité des appelants.

L'assignation en référé-expertise en date du 10 février 2010, délivrée à la SA Bouygues Immobilier par le syndicat des copropriétaires et les consorts [O], [V], [H] a interrompu le délai de prescription pendant la durée de l'instance à laquelle il a été mis fin par l'ordonnance de désignation de l'expert.

Le délai de prescription a été suspendu pendant l'exécution de la mesure d'instruction.

Dans son rapport définitif du 9 novembre 2011, l'expert judiciaire a indiqué que la comparaison entre les désordres constatés dans le cadre du référé préventif avec ceux du 17 juin 2010 permet de confirmer une nette aggravation des dommages tant en parties communes que privatives, précisant que l'apparition des dommages peut être arrêtée entre la 3ème et 4ème semaine de septembre 2009. Il a mis en cause la société Inclusol et a chiffré les travaux de reprise à la somme de 59 682,11 euros. Ce rapport a donc permis au syndicat des copropriétaires et aux consorts [O], [V], [H] d'avoir une connaissance exhaustive du dommage.

Plus de cinq ans plus tard, suivant exploits d'huissier en date du 20 janvier 2017 et 22 février 2017, le syndicat des copropriétaires et les consorts [O], [V] et [H] ont fait assigner au fond la SA Bouygues immobilier et la société Inclusol, alors que la prescription était acquise, en l'absence de tout acte interruptif et, notamment, d'action en réparation entreprise.

S'agissant plus particulièrement de l'aggravation du dommage alléguée par les appelants, l'ancien article 2270-1 du code civil, qui se référait à cette notion, n'a pas vocation à s'appliquer aux faits de la cause.

Les appelants précisent dans leurs écritures que les nouveaux désordres sont la conséquence, l'aggravation ou la suite des désordres initiaux et non pas des désordres nouveaux sans lien de causalité avec les précédents. Ces désordres n'ont pu faire courir à l'encontre de la société Bouygues un nouveau délai de prescription. Les constats d'huissier en date du 30 juillet 2015 et 12 janvier 2016, qui font état de fissures et de lézardes, sont inopérants à cet égard, de même que le rapport non contradictoire établi le 24 octobre 2016 par M. [U]. Du reste, celui-ci évoque dans ses conclusions, en outre, les problèmes de fuite et d'infiltrations dus au mouvements de l'immeuble.

La juridiction de première instance a, à juste titre, écarté tout report de la prescription en raison de l'aggravation des désordres.

Aucune mesure d'instruction, utile à la solution du litige, ne saurait être ordonnée qui plus est aux frais de la société Bouygues.

Par suite, le jugement sera confirmé sur l'irrecevabilité de l'action en raison de l'acquisition de la prescription le 9 novembre 2016, soit antérieurement aux assignations des 20 janvier et 22 février 2017. De fait, l'action de Mme [X] [V] est également prescrite.

Le recours en garantie de la société Bouygues est, dès lors, sans objet.

Une indemnité sera allouée aux intimées au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré sur l'irrecevabilité de l'action de Mme [X] [V] ;

Déclare recevable l'action de Mme [X] [V] en qualité d'ayant droit de [G], [R] [V];

Déclare recevables les interventions volontaires de la SCI Ohana Construction et de la SCI Patimmo [Localité 13] ;

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare l'action de Madame [X] [V] prescrite ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], M. [B] [O], Mme [Z] [D] épouse [O], Mme [X] [V], Mme [P] [N] épouse [H], la société Ohana Construction et la SCI Patimmo [Localité 13] à verser à la société Bouygues Immobilier et à la SMABTP, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], M. [B] [O], Mme [Z] [D] épouse [O], Mme [X] [V], Mme [P] [N] épouse [H], la société Ohana Construction et la SCI Patimmo [Localité 13] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-3
Numéro d'arrêt : 19/03515
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;19.03515 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award