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01/09/2022 | FRANCE | N°19/05904

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 01 septembre 2022, 19/05904


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 01 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/247













N° RG 19/05904 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDFN







SA CMA - CGM





C/



Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Sandra JUSTON



Me Bruno TIRET




>



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 25 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F02168.





APPELANTE



SA CMA - CGM, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUST...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 01 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/247

N° RG 19/05904 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDFN

SA CMA - CGM

C/

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sandra JUSTON

Me Bruno TIRET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 25 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F02168.

APPELANTE

SA CMA - CGM, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me André JEBRAYEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Bruno TIRET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Stéphanie COMBRIE, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Distrimex a vendu à la société Royal Fruit Trading un lot de cartons de poires dont le transport a été confié à la société CMA-CGM .

La CMA-CGM a ainsi acheminé deux conteneurs ( n° CGMU5029484 et TTNU8422377) chargés chacun de 2352 cartons de poires selon connaissement ( n° IBCO236417) en date du 8 août 2015 entre [Localité 3] (Espagne) et [Localité 4] (Emirats Arabes-Unis).

Le connaissement mentionnait une température de consigne de +0,5° Celsius.

Les marchandises ont été déchargées au port de [Localité 4] le 29 août 2015 et sont arrivées au magasin du destinataire le 30 août 2015, lequel a constaté des problèmes de qualité.

Une expertise contradictoire effectuée le 31 août 2015 a conclu à une maturation avancée pour certains fruits. Une vente en sauvetage a été réalisée suite à cette expertise et l'expert a valorisé la perte constatée à 10.701,60 US$.

La société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances (société Helvetia), assureur des intérêts cargaisons, a indemnisé la société Distrimex à hauteur de ce montant.

La société CMA-CGM ayant refusé de rembourser la société Helvetia, celle-ci l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Marseille qui, par décision du 25 juillet 2018, a statué ainsi :

-condamne la société CMA-CGM à payer à la Société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances S.A. la somme principale de 10.701,60 US $, ou sa contre-valeur en Euros au jour du règlement, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et celle de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

-conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil (ancien article 1154 du Code Civil), dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux,

-condamne la société CMA-CGM aux dépens,

-ordonne l'exécution provisoire,

-rejette pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement

------------

Le 10 avril 2019 la société CMA-CGM a interjeté appel du jugement.

------------

La société CMA-CGM expose dans ses conclusions du 22 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, que :

-la société Helvetia est irrecevable à agir faute de démontrer un paiement obligé en exécution d'une police,

-elle n'était pas tenue à indemnité,

-le rapport de l'expert [X] est très clair ; il note certes des variations de température sur les enregistreurs de type Ryan des deux conteneurs mais il constate surtout que les deux conteneurs ont parfaitement fonctionné et que la température soufflée était conforme à la température requise de 0,5°C,

-elle est fondée à se prévaloir de l'article 4.2 [i] de la Convention de Bruxelles de 1924 en raison d'un mauvais empotage de la marchandise par le chargeur, d'un empotage à chaud de la marchandise et également, d'un vice propre de celle-ci,

-en toute hypothèse, la créance de la société intimée n'est pas établie.

La société CMA-CGM sollicite la réformation du jugement attaqué et le rejet des demandes présentées à son encontre, outre la condamnation de la société Helvetia à lui payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

------------

Dans ses écritures du 22 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Helvetia rétorque que :

-sa demande est recevable, et elle a indemnisé la société Distrimex en fonction du rapport de son expert,

-l'empotage à chaud n'est pas établi et qu'elle n'avait pas à inspecter la marchandise dans la mesure où deux certificats phytosanitaires lui ont été remis conformément au contrat,

-la société CMA-CGM n'a pas respecté les instructions du chargeur concernant une température positive de + 0.5°C puisque le « setpoint » figurant sur ces Data Loggers est réglé à 0°C,

-le vice propre de la marchandise n'est pas prouvé,

-aucune faute ne peut être retenue contre le chargeur,

-l'expert a fait une évaluation du préjudice qu'elle est fondée à réclamer au transporteur.

La société Helvetia conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de la société CMA-CGM au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre 1.397 USD au titre des frais d'expertise.

------------

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 25 avril 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 23 mai 2022.

A cette date l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 1er septembre 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action de la société Helvetia :

En application des articles L.121-12 et L.172-29 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie.

Ainsi, l'assureur qui a payé l'indemnité contractuellement due à son assuré est légalement subrogé dans les droits de ce dernier.

En l'espèce, après avoir relevé que la société Helvetia justifiait de la police d'assurance, de son avenant, d'un acte de cession de droits de la société Royal Fruit Trading au profit de la société Distrimex, ainsi que du paiement effectué au profit de son assuré et d'une quittance subrogative, les premiers juges ont valablement caractérisé l'existence d'un paiement obligé en exécution de la police d'assurance de sorte que les assureurs bénéficient de la subrogation légale telle que rappelée ci-dessus.

En outre, il n'appartient pas aux assureurs de préjuger de la responsabilité éventuelle du chargeur dans l'apparition des dommages, étant rappelé que le paiement de l'indemnité a été effectué sur la base d'un rapport contradictoire du cabinet Lloyd's en date du 29 octobre 2015 mettant en exergue des températures non conformes à la température de consigne fixée à 0,5°C, permettant ainsi la mise en 'uvre des conditions de la police d'assurance.

Pour le surplus, les arguments développés par la société CMA-CGM relèvent du débat au fond sur les responsabilités respectives dans l'apparition du dommage et ne sauraient remettre en question la validité de la subrogation légale dont peut se prévaloir la société Helvetia.

Le jugement, à la motivation duquel il convient de se référer pour le surplus, est ainsi confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité des dommages :

Au visa de l'article L5422-12 du code des transports et de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, le transporteur maritime est responsable des pertes et dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la livraison.

Néanmoins, il peut s'exonérer de la responsabilité qui est présumée à son encontre quant aux pertes et avaries aux marchandises transportées s'il démontre l'existence de l'un des cas exceptés admis par les articles 4-2 de la Convention de Bruxelles et L.5422-12 susvisé, et s'il démontre que ce cas excepté a bien été la cause du dommage. Parmi ces cas exceptés figurent les fautes du chargeur, notamment dans l'emballage, le conditionnement ou le marquage des marchandises, outre les vices propres de la marchandise.

Pour autant, la faute du transporteur, à condition qu'elle soit dûment établie, prive en tout ou partie le cas excepté de son caractère exonératoire.

En l'espèce, il apparaît d'une part que le « setpoint » figurant sur les « data loggers » démontre que la température a été réglée à 0°C et non à la température requise de +0,5°C. Bien que s'agissant d'un écart d'un demi point il n'en reste pas moins que si cette température de consigne a été fixée aux termes du connaissement, et non discutée par la société CMA-CGM, c'est précisément parce que le chargeur a pu estimer cette température conforme aux exigences de transport de la marchandise.

En tout état de cause, en l'absence de réserves au chargement la société CMA-CGM est mal-fondée à remettre en question la température de consigne.

D'autre part, la société appelante invoque un chargement effectué au delà de la ligne de chargement et produit un rapport effectué par son expert le cabinet [X] Marine services qui estime que « la marchandise empotée dans le conteneur l'était au-delà de la ligne autorisée et, par conséquent, la circulation de l'air était réduite et gênée. Ainsi, les poires décolorées, molles et pourries ne peuvent être attribuées qu'à un empotage inadéquat.

Les poires rougies et abîmées sont une indication de la qualité des produits.

Les poires pourries peuvent être attribuées à l'âge du produit.

L'état de la cargaison peut être attribué à l'âge et à la qualité du produit et aux conditions de stockage inappropriées dans les locaux de l'expéditeur. »

Pour autant, ce rapport, rédigé de manière non contradictoire puisqu'effectué par un mandataire de la société CMA-CGM, est insuffisant pour établir que le chargement n'aurait pas respecté la limité imposée ou aurait présenté un vice propre. Au demeurant, les photographies produites aux débats par le transporteur comportent effectivement une ligne rouge mais qui a été ajoutée pour les besoins de la cause et est destinée à mettre en exergue une marque rectangulaire portée sur les parois du conteneur. Or, il ne peut être déduit de ces seules constatations que cette marque constitue la limite de chargement et ce, d'autant que la planche photographique produite par la société Distrimex ne corrobore pas ce dépassement (page 52 de la planche).

L'hypothèse avancée par la société CMA-CGM ne peut dès lors être retenue.

La société CMA-CGM invoque par ailleurs un empotage de la marchandise à chaud. Comme l'a relevé à juste titre le tribunal, l'examen des « data loggers » démontre qu'au second jour du transport, les températures d'air « entrant » et « sortant» avaient retrouvé des niveaux inférieurs à 3,5° Celsius, avec un écart entre les températures des deux flux s'amenuisant très régulièrement.

Il en résulte que la preuve de l'existence d'un empotage à chaud n'est pas rapportée en l'état de la descente en température rapide constatée.

Enfin, la société CMA-CGM invoque le vice propre de la marchandise.

La clause « facultés transportées sous température dirigée » imposait une inspection des fruits avant la fermeture du conteneur par un contrôle phytosanitaire, lequel a été effectué ainsi qu'il en est justifié par deux certificats établis le 6 août 2015 pour chacun des conteneurs et déclarant les produits conformes aux règles phytosanitaires du pays d'importation.

Il est donc établi que la marchandise était en bon état lors du chargement dans les conteneurs.

La société appelante ne peut donc être exonérée de la présomption de responsabilité qui pèse à son encontre.

En conséquence, le jugement à la motivation duquel il convient de se référer pour le surplus est confirmé de ce chef également.

Sur le quantum des dommages :

Le montant du préjudice a été évalué en tenant compte de l'écart entre le prix facturé à la société Royal Fruit Trading et le montant des ventes réalisées en sauvetage.

Nonobstant l'absence de production de factures corroborant les montants retenus, aucun élément probant ne vient pour autant remettre en cause l'évaluation faite par expert, de sorte que le montant retenu par les premiers juges doit être confirmé.

Sur les frais et dépens :

La société CMA-CGM conservera la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera tenue en outre de payer à la société Helvetia la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, étant rappelé que les frais irrépétibles ont vocation à couvrir l'ensemble des frais non inclus aux dépens, en ce compris les frais d'expertise non judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Marseille,

Y ajoutant,

Condamne la société CMA-CGM aux dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société CMA-CGM à payer à la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/05904
Date de la décision : 01/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-01;19.05904 ?
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