COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 01 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/246
N° RG 19/03441 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3YD
[F] [E]
SARL LE PATIO PROVENCAL
C/
SARL SOP VALOREA CONSEIL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Alain CURTI
Me Sébastien BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 17 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00068.
APPELANTS
Monsieur [F] [E]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Alain CURTI, avocat au barreau de NICE
SARL LE PATIO PROVENCAL,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Alain CURTI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SARL SOP VALOREA CONSEIL,
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Magali JUHAN, avocat au barreau de NICE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Stéphanie COMBRIE, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
M. [F] [E], gérant de la société Le Patio Provençal, a entrepris la réalisation d'une opération immobilière à la Gaude (Alpes Maritimes) au titre de la construction d'appartements et de villas, lesquels ont fait l'objet d'un contrat de réservation pour le compte d'une société HLM.
Pour ce faire et afin de financer son projet, M. [F] [E] a signé avec M. [M] [D], lui-même gérant de la société Sop, exerçant sous le nom commercial de Valorea Conseil, un protocole d'accord le 29 mars 2016 afin d'obtenir une avance sur commissions de 68.933 euros hors taxe.
L'objectif était de disposer de fonds propres permettant à M. [F] [E] d'obtenir un concours bancaire et une garantie financière de parfait achèvement.
Parallèlement, M. [D], représentant de la société Sop Valorea Conseil, bénéficiait d'une commission de 4% du prix de vente TTC pour son intervention dans la négociation du contrat de réservation.
Le 30 janvier 2018, invoquant l'absence de règlement de la facture de commissions, la société Sop Valorea Conseil a assigné M. [F] [E] et la société Le Patio Provençal devant le tribunal de commerce de Nice afin d'obtenir le paiement de la somme principale de 83.919,60 euros TTC.
Par jugement en date du 17 janvier 2019 le tribunal de commerce de Nice a :
-débouté la société Sop au nom commercial Valorea Conseil, représentée par son gérant en exercice M. [M] [D], de sa demande de paiement de la facture de commission du 22 mars 2016,
-condamné solidairement la société Le Patio Provençal et M. [F] [E] au remboursement des sommes versées par la société Sop au nom commercial Valorea Conseil, soit 68.933 euros correspondant à la facture d'avance sur commission émise par M. [F] [E] le 24 mars 2016, outre intérêts au taux légal à compter de la réalisation de la vente intervenue le 20 octobre 2017,
-débouté la société Sop au nom commercial Valorea Conseil de sa demande en paiement de la somme du solde de commission,
-débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,
-dit que cette décision était assortie de l'exécution provisoire ,
-condamné la société Le Patio Provençal et M. [F] [E] à payer à la société Sop Valorea Conseil la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens
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Par déclaration en date du 27 février 2019 M. [F] [E] et la société Le Patio Provençal ont interjeté appel du jugement.
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Par conclusions enregistrées le 9 mai 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [F] [E] et la société Le Patio Provençal (SARL) font valoir que :
-la somme de 83.919,69 euros sollicitée au titre d'une facture de commissions du 29 mars 2016 n'est pas due dès lors que seul M. [D] est signataire du protocole et non la société Sop Valorea Conseil ; en outre la vente n'a pas eu lieu par l'intermédiaire de la société Sop Valorea Conseil mais a été poursuivie par la société Le Patio Provençal (SCCV), laquelle a pu obtenir les levées de fonds; la société Sop Valorea Conseil n'est pas intervenue dans cette vente et ne peut dès lors prétendre à commission; la société Sop Valorea Conseil n'a pas le statut d'agent immobilier et n'a pas de mandat de gestion immobilière,
-la somme de 68.933 euros, réclamée par la société Sop Valorea Conseil, alors qu'elle n'est pas signataire du protocole et ne justifie pas venir aux droits de M. [D], n'a pas à être remboursée dès lors que cette somme correspondait à la rémunération du travail effectué par M. [F] [E] dans le cadre de l'aménagement, de l'élaboration du permis et au remboursement de frais,
-aucune faute de gestion ne peut être reprochée à M. [F] [E]; la vente n'a pas eu lieu par l'intermédiaire de la société Sop Valorea Conseil dès lors que cette société et son gérant M. [D] n'ont pas été capables de lever les fonds nécessaires à la réalisation de l'opération et n'ont pas racheté les parts de la société Le Patio Provençal; il pouvait dès lors poursuivre l'opération immobilière avec la SCCV Le Patio Provençal, société strasbourgeoise, puisqu'il était l'auteur intellectuel de l'opération; l'action de la société Sop Valorea Conseil est mal dirigée puisque seule la SCCV Le Patio Provençal, vendeur, serait tenue à commission,
-la somme de 8.000 euros est sollicitée sur des fondements juridiques différents (responsabilité délictuelle et contractuelle); en tout état de cause, la demande est mal-fondée, quel que soit le fondement de l'action en responsabilité,
-la société HLM Parloniam n'est pas partie à la procédure de sorte que son rôle ne peut être invoquée
Ainsi, les appelants demandent à la cour, au visa des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 72, 73 du 20 juillet 1972 et des articles 1382 et 1147 du code civil, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il les a condamnés solidairement à payer à la société Sop Valorea Conseil la somme 68.933 euros correspondant à la facture d'avance sur commission émise par M. [F] [E] le 24 mars 2016, outre intérêts au taux légal à compter de la réalisation de la vente intervenue le 20 octobre 2017, et la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils demandent en outre à la cour de condamner la société Sop Valorea Conseil au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens et frais.
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Par conclusions enregistrées le 8 août 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Sop Valorea Conseil (SARL) réplique que:
-une commission de 4% était prévue sur le montant de la vente de sorte qu'elle est bien-fondée à réclamer le remboursement de l'avance sur commission versée à ce titre à hauteur de 68.933 euros; le protocole signé le 29 mars 2016 a été signé avec M. [F] [E] mais il prévoit une faculté de substitution; sa demande fondée sur la responsabilité contractuelle est dès lors justifiée,
-l'opération n'a pas pu avoir lieu du fait de la faute de M. [F] [E] qui n'a pas fourni les fonds propres nécessaires; M. [D] est intervenu comme apporteur d'affaires et futur associé de la société Le Patio Provençal et ne réclame pas le versement de commissions mais le remboursement d 'une avance et ne peut signer un mandat à lui-même; subsidiairement, elle invoque un fondement délictuel du chef des fautes commises par M. [F] [E] dès lors qu'il a conservé sur son compte personnel l'avance sur commission et n'a pas effectué les diligences permettant la réalisation de l'opération,
-la convention de cession au profit de la société Le Patio Provençal, immatriculée à [Localité 7] ne fait pas mention de la reprise des engagements de M. [F] [E] au profit de la société Sop Valorea Conseil de sorte qu'elle n'a pas pu se faire régler sur le prix de vente.
L'intimée demande ainsi à la cour, au visa des articles 526 du code de procédure civile, 1103, 1193 et 1104 du code civil, 1231-1 du code civil, et L.223-22 du code de commerce, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 68.933 euros TTC outre la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
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Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 25 avril 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 23 mai 2022.
A cette date l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 1er septembre 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Il en résulte que les développements de l'intimé concernant l'irrecevabilité de l'appel au motif de la non-exécution du jugement, exposés exclusivement dans les motifs des conclusions, n'ont pas à être examinés par la cour.
Sur le remboursement des commissions :
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, applicable aux contrats signés avant le 1° octobre 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En cause d'appel, la société Sop Valorea Conseil, exerçant sous le nom commercial Valorea Conseil, limite ses demandes à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa demande de remboursement à hauteur de 68.933 euros mais ne formule aucune prétention au titre du surplus dont elle a été déboutée de sorte que le débat sera limité à ce chef de jugement.
Il résulte du protocole d'accord signé le 29 mars 2016 entre Messieurs [E], [G] et [D] que « pour la réalisation de l'opération de promotion immobilière « Le Patio Provençal » [Adresse 6] (...) les parties se sont rapprochées pour organiser l'acquisition de terrains et la réalisation de la promotion, et ce de manière à disposer des fonds propres (700.000 €) nécessaires à l'obtention d'un concours bancaire et d'une garantie financière d'achèvement permettant la réalisation effective et la commercialisation des villas, appartements et parkings prévus au permis de construire ».
A cette occasion, un contrat de réservation des logements aurait été négocié par la société Valoréa Conseil avec l'organisme HLM Parloniam, l'acte prévoyant à cet égard que la société Valoréa Conseil « percevra à la passation de l'acte une commission égale à 4% du prix de vente TTC à Parloniam en régularisation d'une avance sur commission versée à Monsieur [E], co intervenant à la vente ».
Ainsi, par document antérieur du 24 mars 2016 M. [F] [E] a facturé à la société Valorea Conseil une somme de 68.933 euros hors taxe à titre d' « avance sur commission », somme reprise par la société Valorea Conseil à l'attention de Maître [P], notaire, correspondant à la commission de 4% sur un prix de vente toutes taxes comprises de 1.748.324,90 euros.
Il n'est pas contesté au demeurant que la société Sop Valorea Conseil a réglé cette somme à M.[F] [E].
Le terme « avance sur commission » apparaît inapproprié à la nature des fonds versés par la société Valorea Conseil à M. [F] [E] dès lors que la société Valorea Conseil était en réalité créancière de cette somme aux termes du protocole et pouvait seule revendiquer le versement d'une « avance » sur commission.
Néanmoins, il apparaît, au visa de la même convention, que la société Valorea Conseil a accepté de financer par avance l'acquisition des terrains par un apport en numéraire destiné à lui être remboursé au moment de la réalisation de la vente par le versement d'un pourcentage sur le prix de vente, justifié par les parties par la négociation du contrat de réservation.
En dépit du caractère nébuleux du montage opéré, impliquant tantôt les dirigeants eux-mêmes tantôt leurs sociétés et impliquant divers acteurs dont les rôles et les qualités ne sont pas clairement définis, il est cependant établi que cette somme n'avait pas vocation à rester acquise à M. [F] [E] et à la société Le Patio Provençal et devait faire l'objet d'une rétrocession lors de la vente.
La circonstance que la vente ait été reprise par une société dénommée SCCV Patio Provençal en lieu et place de la SARL Le Patio Provençal est sans incidence sur l'obligation de paiement mise à la charge de M. [F] [E] et la société Le Patio Provençal aux termes du protocole d'accord dès lors que la vente a été réalisée.
De même, eu égard aux confusions opérées entre les personnes morales et leurs dirigeants, la société Sop Valorea Conseil est bien-fondée à agir tant à l'encontre de M. [F] [E] que de la société Le Patio Provençal .
En conséquence, et au vu des seules pièces produites, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Sur les frais et dépens :
M. [F] [E] et la société Le Patio Provençal , parties succombantes, conserveront in solidum la charge des dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et seront tenus de payer à la société Sop Valorea Conseil la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 janvier 2019 par le tribunal de commerce de Nice,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [F] [E] et la société Le Patio Provençal aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [F] [E] et la société Le Patio Provençal à payer à la société Sop Valorea Conseil la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT