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22/07/2022 | FRANCE | N°21/05746

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 22 juillet 2022, 21/05746


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022



N°2022/.





Rôle N° RG 21/05746 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHJMC







[G] [K]





C/



CPAM DES BOUCHES DU RHONE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Fabrice GILETTA



- CPAM















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du tr

ibunal judiciaire de Marseille en date du 23 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00213.





APPELANT



Monsieur [G] [K], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Fabrice GILETTA, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE



CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/05746 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHJMC

[G] [K]

C/

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Fabrice GILETTA

- CPAM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 23 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00213.

APPELANT

Monsieur [G] [K], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Fabrice GILETTA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Mme [I] [E] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [K], bénéficiaire depuis le 1er octobre 2009 d'une pension d'invalidité 2ème catégorie, informé de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône en date du 12 septembre 2018 de la suppression médicale à compter du 1er octobre 2018 de sa pension suite à une capacité de gain supérieure à 50%, a saisi le 21 novembre 2018, le tribunal du contentieux d'incapacité de Marseille de sa contestation de cette décision.

Par suite du transfert au 1er janvier 2019, résultant de la loi n°2016-1547 en date du 18 novembre 2016, de l'ensemble des contentieux des tribunaux du contentieux de l'incapacité aux pôles sociaux des tribunaux de grande instance, le tribunal de grande instance de Marseille, pôle social, a été saisi de ce litige.

Par jugement en date du 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, statuant après expertise ordonnée par jugement avant dire droit en date du 09 décembre 2019, a:

* déclaré le recours de M. [K] mal fondé,

* constaté qu'à la date du 1er octobre 2018 M. [G] [K] ne présentait pas un état d'invalidité réduisant au moins de cinquante pour cent sa capacité de travail ou de gain et incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle quelconque,

* laissé les dépens à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône.

M. [G] [K] a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffier le 25 mai 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [G] [K] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour:

* à titre principal, de dire qu'il est invalide absolument incapable d'exercer une profession quelconque et de condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône à le rétablir dans ses droits, et ce de manière rétroactive à compter du 1er octobre 20178,

* à titre subsidiaire, d'ordonner une contre-expertise.

En tout état de cause, il demande à la cour de:

* débouter la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône de ses demandes,

* condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Fabrice Giletta, avocat, aux offres de droit.

Par conclusions visées par le greffier le 25 mai 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de débouter M. [K] de toutes ses demandes.

MOTIFS

Il résulte de l'article L.341-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable antérieure à la loi du 24 décembre 2019, que l'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est à dire le mettant hors d'état de se procurer dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou de la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme, et l'article R.341-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, stipule que:

1°) l'invalidité que présente l'assuré doit réduire au moins des 2/3 sa capacité de travail ou de gain,

2°) le salaire de référence ne doit pas être supérieur au tiers de la rémunération normale mentionnée à l'article L.341-1.

Par ailleurs, en vue de la détermination du montant de la pension, l'article L.341-4 du code de la sécurité sociale définit trois catégories d'invalidités:

1° les invalides capables d'exercer une activité rémunérée,

2° les invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque,

3° les invalides qui étant absolument incapables d'exercer une profession, sont, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

L'appelant expose que le jugement omet dans sa motivation toute référence à la contre expertise réalisée par un collège d'experts dans le cadre de la procédure pénale versée aux débats, qui étaient postérieures à l'expertise du Dr [M], et relève que l'écriture du rapport du médecin consultant, le Dr [O] est totalement illisible. Il souligne les divergences entre les deux expertises psychiatriques et que l'expertise réalisée dans le cadre de la procédure pénale par un collège d'experts retient que sa pathologie est incompatible avec une activité professionnelle, qu'il bénéficie depuis le 1er janvier 2022 et jusqu'au 21 décembre 2026 de l'allocation adulte handicapé et en tire la conséquence qu'il est invalide, absolument incapable d'exercer une profession quelconque.

La caisse lui oppose les dispositions de l'article L.341-11 du code de la sécurité sociale selon lesquelles la pension peut être révisée en raison d'une modification de l'état d'invalidité de l'intéressé et des articles L.341-13 et R.341-16 du code de la sécurité sociale qui précisent que la pension est supprimée ou suspendue si la capacité de gain devient supérieure à 50%. Elle souligne que cinq médecins dont quatre spécialisés en psychiatrie s'accordent pour dire que l'appelant ne justifie plus à partir de 2018 d'un état d'invalidité, que le jugement tranche le litige d'ordre médical après s'être adjoint l'avis d'un médecin expert et d'un médecin consultant dont les conclusions sont convergentes et qu'il n'y a pas lieu à nouvelle expertise.

Elle ajoute que l'expertise dont se prévaut l'appelant a été diligentée dans le cadre d'une information judiciaire ouverte à la suite de sa plainte pour des faits d'escroquerie en bande organisée visant plusieurs assurés dont M. [K], dont l'objet était de déterminer s'il était ou non atteint au moment des faits d'une maladie psychiatrique ayant pu abolir son discernement ou d'un trouble psychiatrique ayant pu altérer son discernement et que ce rapport d'expertise ne peut être pris en compte.

Elle souligne en outre que les experts désignés dans le cadre de l'information judiciaire se sont prononcés au vu de scellés comportant des observations médicales portant sur la période 2003 à 2013, et non point sur des éléments postérieurs à l'expertise psychiatrique réalisée dans le cadre du présent litige et que leur expertise n'apporte aucun élément nouveau de nature à contredire celle du Dr [M] et l'avis du médecin consultant quant à savoir si M. [G] [K] justifiait d'un état d'invalidité au 1er octobre 2018.

La cour rappelle que le présent litige est exclusivement afférent à la suppression, pour motif médical, à compter du 1er octobre 2018 de la pension d'invalidité 2ème catégorie dont bénéficiait M. [G] [K] depuis le 1er octobre 2009.

Il s'ensuit que c'est à la date du 1er octobre 2018 que doit être appréciée la condition médicale et non point à la date des faits pénalement reprochés à l'appelant, l'expertise psychiatrique confiée à un collège d'experts par la chambre d'instruction ayant pour objet, eu égard à la nature des délits pénaux retenus, d'une part d'apprécier la réalité et le caractère durable des pathologies ayant motivé les arrêts de travail prescrits et les placements en position d'invalidité et d'autre part

de donner les éléments sur une éventuelle abolition ou altération du discernement à la date des faits objets des poursuites pénales.

Or l'appelant ne peut utilement arguer d'une expertise fût-elle réalisée par un collège d'experts psychiatres dans le cadre d'une procédure pénale, portant sur des faits nécessairement de nature pénale, nécessairement situés sur des périodes de temps déterminées, ayant pour objet d'apporter à la juridiction pénale un éclairage technique à la fois sur le caractère justifié d'arrêts de travail et de placements en position d'invalidité, dont les dates ne sont pas précisées, et sur l'altération ou l'abolition de son discernement aux dates des faits pour lesquels il a été mis en examen, sans préciser à tout le moins la période de prévention retenue.

La circonstance que cette expertise de la procédure pénale soit postérieure à celles réalisées dans le cadre du présent litige est en elle-même inopérante à contredire les conclusions des experts ayant été amenés à donner leur avis technique sur l'aptitude de l'appelant à occuper à compter du 1er septembre 2018 un emploi dans des conditions faisant obstacle à la poursuite du droit reconnu en 2009 à une pension d'invalidité pour classement en 2ème catégorie.

En l'espèce, si le rapport manuscrit du consultant (Dr [O]) est rédigé en style télégraphique, il n'en demeure pas moins lisible et compréhensible, et il résulte de la note d'audience du 23 février 2021 que le médecin consultant en a donné lecture.

Ce rapport mentionne que l'appelant a été placé en invalidité le 01/10/2009 dans la continuité d'un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif initial du 21/11/2006, que l'avis du psychiatre expert ne retient aucun élément permettant de considérer que l'état de santé de M. [G] [K] entraînait une réduction de la capacité de travail ou de gain d'au moins des 2/3, ou d'incompatibilité de toute activité professionnelle.

L'expertise psychiatrique parfaitement lisible pour être dactylographiée, réalisée par le Dr [M] le 16 mars 2020, mentionne que M. [G] [K], né le 05 mars 1970, a occupé un emploi dans les travaux publics jusqu'en 2006.

L'expert psychiatre ne relève:

* aucun trouble manifeste du jugement, du cours de la pensée, de signe manifeste d'altération des fonctions intellectuelles de base,

* aucun trait de psychorigidité, de méfiance, d'hypertrophie du moi, de fausseté du jugement, de tendance à la persécution ni à l'interprétation de nature paranoïaque,

* l'absence d'état d'ambivalence de nature psychotique, d'athymhormie comme de tendance pathologique à la froideur,

* l'absence de signe d'excitation psychique, de fuite des idées, d'hyperactivité, ou de familiarité pathologique,

* l'absence de sentiment de dévalorisation,

Il précise qu'au cours de l'examen, M. [G] [K] n'a pas exprimé d'anxiété particulière, n'a jamais fait état d'une humeur dépressive manifeste, pas plus que d'une humeur élevée de façon anormale et persistante, qu'il n'a pas davantage manifesté de mécanisme de défense de type maniaque et ne semble pas présenter d'hypomanie constitutionnelle.

Il conclut qu'à la date impartie pour statuer, il n'existe aucun élément permettant de considérer que l'état de santé de M. [G] [K] entraînait une réduction de la capacité de gain des 2/3 avec toute activité professionnelle.

Il est exact que l'avis du consultant et celui de l'expert psychiatre désigné par les premiers juges sont concordants avec l'avis médical du médecin conseil qui lie la caisse.

Si l'expertise psychiatrique diligentée dans le cadre de l'information judiciaire conclut que M. [G] [K] 'a de nombreux antécédents psychiatriques qui vont dans le sens d'un trouble bipolaire', pour autant, la cour relève que les deux tentatives de suicide médicamenteuses évoquées (page 4 du rapport) en octobre/novembre 2007, avec diagnostic d'épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique et en 2008-2009, ainsi que les trois hospitalisations en milieu spécialisé (du 29 octobre au 23 novembre 2007, du 10 au 31 mars 32018 et du 18 novembre 208 au 09 décembre 2008) sont antérieures d'une dizaine d'années au regard de la date à prendre en compte pour son aptitude au travail (1er octobre 2018).

La cour relève également que M. [G] [K] n'a pas fait état devant ces experts d'idées suicidaires, qu'il a déclaré que ses troubles anxieux ont disparu, tout en déclarant être 'envahi par des interrogations existentielles dans un contexte d'inactivité'.

Il ne peut donc être considéré que cette expertise est contradictoire avec celle du Dr [M] même si les experts ont mentionné dans leurs conclusions, sans que ce soit étayé ou argumenté dans le cadre de leur discussion, que la pathologie pour laquelle ils estiment que 'les antécédents psychiatriques vont dans le sens du diagnostic de trouble bipolaire' est incompatible avec une activité professionnelle, alors que les 'antécédents psychiatriques' dont ils font mention seraient constitués par deux tentatives d'autolyse anciennes et de trois hospitalisations en milieu spécialisé également anciennes.

La teneur de cette expertise n'est donc pas de nature à contredire la concordance des avis du médecin consultant, de l'expert psychiatre sollicité dans le cadre de la présente procédure et de celui du médecin conseil de la caisse, et ne peut justifier l'expertise sollicitée.

La demande d'expertise doit être rejetée.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté M. [G] [K] de sa contestation de la suppression médicale à compter du 1er octobre 2018 de sa pension d'invalidité de 2ème catégorie.

Succombant en son appel, M. [G] [K] doit être condamné aux dépens et ne peut utilement solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à expertise,

- Déboute M. [G] [K] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [G] [K] aux dépens, hormis les frais de la consultation médicale et de l'expertise demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/05746
Date de la décision : 22/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-22;21.05746 ?
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