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22/07/2022 | FRANCE | N°20/11451

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 22 juillet 2022, 20/11451


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022



N°2022/.





Rôle N° RG 20/11451 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGRPP







S.A.S. [2]





C/



URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR



[X] [I]









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Fabien GUERINI



- URSSAF



- Monsieur [X] [I]













Décision

déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Nice en date du 06 Novembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 15/262.





APPELANTE



S.A.S. [2], demeurant [Adresse 3]



représentée par Me Fabien GUERINI de la SELARL CONSULTIS AVOCATS, avocat au barreau...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 20/11451 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGRPP

S.A.S. [2]

C/

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

[X] [I]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Fabien GUERINI

- URSSAF

- Monsieur [X] [I]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Nice en date du 06 Novembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 15/262.

APPELANTE

S.A.S. [2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Fabien GUERINI de la SELARL CONSULTIS AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 4]

représentée par M. [S] [D] en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur [X] [I], demeurant [Adresse 1]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A la suite d'un contrôle effectué sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, l'Union de Recouvrement des cotisations de la Sécurité Sociale et des Allocations Familiaes (ci-après URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur a adressé le 16 juillet 2014 à la SAS [2] une mise en demeure, réclamant le paiement de cotisations pour la somme de 80.380,00 euros, représentant 68.530 euros en principal et 11.850 euros au titre de majorations de retard.

Par décision en date du 28 novembre 2014 la commission de recours amiable de l'URSSAF a rejeté la contestation soulevée par courrier du 21 juillet 2014 et maintenu le redressement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 17 février 2015, la SAS [2] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes Maritimes aux fins de contestation de cette décision.

Le redressement étant justifié par la requalification d'un contrat de travail à son égard, M. [X] [I] a été assigné à l'audience du 12 février 2020 dans les formes d'un procès-verbal de recherches infructueuses en date du 27 janvier 2020.

 

Par jugement réputé contradictoire du 6 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Nice a :

- déclaré la contestation élevée contre la décision de la commission de recours amiable en date du 28 novembre 2014 recevable,

- rejeté la contestation et débouté la SAS [2] de ses demandes,

- déclaré la mise en demeure du 16 juillet 2014 valable,

- condamné la SAS [2] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 10.026 euros, représentant les majorations restant dues après paiement du principal,

- déclaré le jugement commun et opposable à M. [X] [I],

- ordonné l'exécution provisoire des dispositions qui précèdent,

- condamné la SAS [2] aux dépens.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 20 novembre 2020, SAS [2] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 12 novembre 2020.

A l'audience du 19 mai 2022, la SAS [2] reprend oralement les conclusions déposées le jour de l'audience et visées par le greffe. Elle demande à la cour :

- à titre principal d'annuler le procés-verbal d'audition de M. [I] par l'URSSAF et en conséquence, d'annuler intégralement le redressement entrepris et la mise en demeure du 16 juillet 2014,

- subsidiairement, dire que M. [I] n'était pas salarié de la SAS [2] pendant la période contrôlée et en conséquence, d'annuler intégralement le redressement entrepris et la mise en demeure du 16 juillet 2014,

- en tout état de cause, condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SAS [2] fait valoir la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense par l'URSSAF, dès lors que les gens de contrôle n'ont pas rappelé à M. [I] ses droits tels que rappelés dans la charte du cotisant et énoncés par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale. Elle ajoute que le procès verbal d'audition de M. [I] établi le 20 janvier 2014 ne permet pas de s'assurer que ce dernier ait consenti à son audition. Elle en conclu que le procès-verbal irrégulier doit être annulé et dans la mesure où le redressement est fondé sur cet acte, il doit également être annulé.

A titre subsidiaire, la société invoque l'absence de lien de subordination au motif que la démission de M. [I] est intervenue le 11 septembre 2010 et qu'il était inscrit comme travailleur indépendant sous le statut d'auto-entrepreneur depuis le 18 octobre 2010, et que la présomption de non salariat qui en découle n'est pas renversée par l'URSSAF qui en a la charge.

L'URSSAF reprend oralement les conclusions déposées à l'audience et visées par le greffe. Elle demande à la cour de :

- débouter la SAS [2] de son appel et de toutes ses demandes,

- en conséquence, confirmer le jugement rendu le 6 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

- déclarer parfaitement valide le redressement portant sur la réintégration au titre du régime général des rémunérations du faux autoentrepreneur,

- condamner la SAS [2] au paiement en deniers ou quittance de la mise en demeure du 16 juillet 2014 pour son montant de 80 380 euros,

- condamner la société SAS [2] au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SAS [2] aux dépens.

L'organisme réfute toute irrégularité au cours de la procédure de contrôle et d'audition de M. [I] engendrant une nullité quelconque, en se fondant sur l'article L.8271-6-1 du code du travail, anciennement L.8271-11, ne prévoyant aucune obligation spécifique pour l'inspecteur habilité à réaliser l'audition de toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou étant présumée rémunérée par l'employeur, sous réserve de son consentement. Il considère que le fait d'avoir déféré à l'invitation de l'inspecteur du recouvrement, de répondre aux questions de l'inspecteur après qu'il ait décliné son identité et ses fonctions et d'avoir signé le procès-verbal, constitue le consentement à l'audition. Il ajoute que la nullité de la procédure de contrôle n'est pas prévue par u texte en cas d'éventuelle irrégularité de l'audition.

En outre, il fait valoir que l'article L.8271-6-1 du code du travail applicable, ne fait que reprendre les dispositions d el'article L.8271-11 abrogé mais visé dans le procès-verbal d'audition, de sorte qu'aucune irrégularité ne saurait être retenue de ce chef.

Il se fonde par ailleurs sur les constatations de l'inspecteur du recouvrement, confortées par l'audition de M. [I], pour démontrer l'existence d'un lien de subordination entre M. [I] et la SAS [2]. Il fait valoir que l' autoentrepreneur a été employé dans un service organisé par la société, que les conditions d'exercice de l'activité n'ont pas été modifiées par le changement de statut de l'ancien salarié, que les modalités de l'activité sont définies par la société, que les outils sont fournis elle, et que M. [I] intervient exclusivement aurpès de la société. Il se prévaut du fait que les factures communiquées par la société n'indiquent pas la nature de la prestation fournie par M. [I] et permettent de vérifier qu'il est rémunéré comme les autres salariés à temps plein, pour établir la situation de dépendance économique dans lequel M. [I] se trouve à l'égard de la société

Il conclut à la mise en évidence d'un situation de salariat justifiant l'assujetissement de la société au régime général des cotisations et contributions sociales.

M. [I] ayant été assigné à comparaître à l'audience du 3 février 2022 selon procès-verbal de recherches infructueuses conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, par acte en date du 1er décembre 2021, n'a pas comparu.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

La SAS [2] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires concernant les infractions de travail dissimulé à compter du 19 novembre 2013 selon l'avis de contrôle du 9 octobre 2013, jusqu'au 21 mars 2014 fin du contrôle selon la lettre d'observations du 21 mars 2014.

Il s'en suit que l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, en vigueur du 1er septembre 2007 au 1er janvier 2014, puis dans celle modifiée par décret n°2013-1107 du 3 décembre 2013, en vigueur du 1er janvier 2014 au 11 juillet 2016, est applicable.

Dans les deux versions successivement applicables aux faits de l'espèce, l'article prévoit que les agents de l'URSSAF 'peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.'

Le texte ne prévoit aucun formalisme particulier.

L'article L.8271-6-1 du code du travail dans sa version en vigueur du 30 septembre 2011 au 5 juin 2016, applicable au cas d'espèce, précise que l'audition de la personne rémunérée ne peut être réalisée qu'avec son consentement en ces termes :

'Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

Ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues.

Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu'à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l'exercice de leur mission de justifier de leur identité et de leur adresse.'

En l'espèce, M. [I] ayant été entendu par l'URSSAF en qualité de personne rémunérée, et non pas en qualité de travailleur indépendant dont l'application de la législation de sécurité sociale, de l'assurance chômage et des garanties sociales est contrôlée, l'URSSAF n'avait pas à respecter les droits ouverts à la personne contrôlée comme celui d'être informé des droits contenus dans la charte du cotisant ou d'être assisté par le conseil de son choix, conformément aux dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, comme la société le prétend dans ses conclusions.

En outre, il résulte de la convocation de M. [I] à une audition par les agents de l'URSSAF selon courrier du 10 décembre 2013 et de la signature par celui-ci du procès-verbal de son audition dressé le 20 janvier 2014, qu'il a pleinement consenti à répondre aux questions en ayant connaissance de l'objet de son audition expressément rappelé dans le procès verbal.

Ici, il convient de préciser qu'il importe peu que l'URSSAF ait visé l'ancien article L.8271-11 du code du travail plutôt que l'article L.8271-6-1 créé par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 applicable, dès lors que ce dernier ne fait que reprendre les dispositions du premier et que cette erreur matérielle n'est pas de nature à induire en erreur la personne sur l'objet de son audition.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'aucune irrégularité ne pouvait être retenue à l'encontre du procés-verbal d'audition et rejeté la demande d'annulation de l'acte.

Par ailleurs, en vertu de l'article L.8221-6 du code du travail, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales.

L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes ci-dessus mentionnées fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5.

En l'espèce, il ressort des constatations de l'inspecteur du recouvrement dans la lettre d'observations du 21 mars 2014, sans que cela soit contesté, que M. [I], employé de boucherie a été embauché le 12 octobre 2009 par la SAS [2], avant de n'être plus salarié à compter du 11 septembre 2010 et d'être rémunéré en qualité d'auto-entrepreneur sous-traitant en 2011, 2012 et 2013.

Il résulte du compte rendu de l'audition de M. [I] par l'inspecteur du recouvrement le 20 janvier 2014, que la société [2] était son unique client, que le manager salarié de la société [2] lui donnait les horaires, qu'il n'avait pas de clientèle propre autre que celle du supermarché [2], que les conditions d'exercice de l'activité (lieu de travail, outil etc.) étaient identiques à celles qu'il avait en tant que salarié et le gérant de l'intermarché [2], boucher salarié, contrôlait la qualité de son travail.

Ces éléments suffisent à démontrer l'existence d'un lien de subordination dans lequel se trouve M. [I] à l'égard de la SAS [2], caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de la société qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives et de sanctionner les manquements, sur la période contrôlée.

Le fait que M. [I] établisse lui-même des factures et qu'il perçoive un salaire plus élevé que celui-ci qu'il avait en qualité de salarié, ne contredit pas sérieusement le constat de dépendance économique du travailleur, du pouvoir de sanction de la société, de l'intégration de l'activité du travailleur dans le cadre d'un service organisé par la société, et surtout du caractère profitable de l'activité pour la société qui peut mettre fin à la relation de travail sans être soumise aux règles de protection du salarié par le code du travail.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont validé le redressement et la mise en demeure. Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

La SAS [2], succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de rejeter les demandes en frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par décision réputée contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 6 novembre 2020, par le tribunal judiciaire de Nice, en toutes ses dispositions,

Déboute la SAS [2] de l'ensemble de ses prétentions,

Déboute l'URSSAF de sa demande en frais irrépétibles,  

 

Condamne la SAS [2] aux éventuels dépens de l'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 20/11451
Date de la décision : 22/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-22;20.11451 ?
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