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12/07/2022 | FRANCE | N°22/00112

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 ho, 12 juillet 2022, 22/00112


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO





ORDONNANCE

DU 12 JUILLET 2022



N° 2022/0112







Rôle N° RG 22/00112 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWHH







[R] [T]





C/



LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DU CENTRE HOSPITALIER DE

ASSOCIATION ATIAM

[X] [T] épouse [J]

LA PROCUREURE GENERALE











Copie délivrée :

par courriel

le : 12 Juillet 2022


-au Ministère Public

- jld-ho Grasse

-Le patient

-Le directeur

-L'avocat

-Le curateur/tuteur



par courriel et LRAR

- Le tiers





















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO

ORDONNANCE

DU 12 JUILLET 2022

N° 2022/0112

Rôle N° RG 22/00112 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWHH

[R] [T]

C/

LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DU CENTRE HOSPITALIER DE

ASSOCIATION ATIAM

[X] [T] épouse [J]

LA PROCUREURE GENERALE

Copie délivrée :

par courriel

le : 12 Juillet 2022

-au Ministère Public

- jld-ho Grasse

-Le patient

-Le directeur

-L'avocat

-Le curateur/tuteur

par courriel et LRAR

- Le tiers

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de GRASSE en date du 24 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n°22/212.

APPELANTE

Madame [R] [T]

née le 26 Janvier 1974 à [Localité 6], sans domicile fixe actuellement hospitalisée au centre hospitalier de [Localité 4]

Non comparante, représentée par Me Justine CEARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office

INTIME :

Monsieur LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DU CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

non comparant

CURATEUR

ASSOCIATION ATIAM

[Adresse 1]

non comparant

TIERS

Madame [X] [T] épouse [J]

[Adresse 3]

Non comparante

Madame LA PROCUREURE GENERALE

demeurant [Adresse 5]

non comparante, ayant déposé des réquisitions écrites

*-*-*-*-*

DÉBATS

L'affaire a été débattue le 12 Juillet 2022, en audience publique, devant Mme Catherine OUVREL, Conseillère, déléguée par ordonnance du premier président, en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique,

Greffier lors des débats : Mme Nezha BOURIABA,

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2022.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2022,

Signée par Mme Catherine OUVREL, Conseillère et Mme Nezha BOURIABA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,

PROCEDURE ET MOYENS

Selon la procédure figurant au dossier, madame [R] [T] a fait l'objet d'une admission en urgence en soins psychiatriques et en hospitalisation complète au sein du centre hospitalier de [Localité 4] le 26 mai 2022 à la demande de madame [X] [T] épouse [J], sa soeur, dans le cadre de l'article L 3212-1 du code de la santé publique, au vu du certificat médical daté du même jour du docteur [S] [K], visant l'urgence.

Par ordonnance rendue le 3 juin 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Grasse, saisi dans le cadre du contrôle obligatoire prévu aux articles L3211-12-1 et suivants du même code, ainsi que d'une requête en mainlevée de madame [R] [T], a dit n'y avoir lieu à ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète de l'intéressée. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 17 juin 2022.

Par requête du 14 juin 2022, madame [R] [T] a formé une demande de mainlevée des soins psychiatriques dont elle fait l'objet. Par décision du 23 juin 2022, monsieur le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté la demande de madame [R] [T] aux fins de renvoi pour cause de suspicion légitime et de récusation, et l'a condamnée au paiement d'une amende civile de 500 €.

Par ordonnance rendue le 24 juin 2022, notifiée le 27 juin 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Grasse a dit n'y avoir lieu à ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète de l'intéressée.

Par lettre datée du 28 juin 2022, expédiée le 30 juin 2022, reçue le 5 juillet 2022 et enregistrée le 6 juillet 2022 au greffe de la chambre de l'urgence, madame [R] [T] a interjeté appel de la décision précitée.

Le ministère public a conclu par écrit en date du 8 juillet 2022 à la confirmation de la décision querellée.

A l'audience du 12 juillet 2022, se tenant en audience publique, la publicité des débats étant de nature à entraîner une atteinte à l'intimité de la vie privée, l'appelant n'a pas comparu, ayant indiqué être convoquée devant le juge des libertés et de la détention de Grasse le même après-midi et ayant fait le choix de s'y rendre. Elle était représentée par son conseil.

Son avocat s'en est rapporté à l'acte d'appel quant aux moyens de nullité soulevés, et ainsi repris. Il a également conclu à la mainlevée de la mesure d'hospitalisation contrainte.

Madame [X] [T] épouse [J], convoquée en tant que tiers, n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est indiqué qu'en l'état des délais légaux dans lesquels la cour est tenue de statuer, aucun renvoi n'a pu être envisagé, malgré la convocation simultanée de madame [R] [T] devant deux juridictions distinctes, l'empêchant effectivement de comparaître devant l'une des deux.

Sur la forme

L'appel a été interjeté dans le délai de 10 jours prévu par les articles R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique et sera donc déclaré recevable.

Le juge des libertés et de la détention a statué dans le délai prévu à l'article L 3211-12-1 1° du même code.

Sur les nullités de procédure soulevées

Tout d'abord, il est de jurisprudence constante qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure devant ce même juge.

En l'occurrence, par arrêt du 17 juin 2022, décision irrévocable, la décision initiale d'hospitalisation complète à la demande d'un tiers a été soumise au contrôle de plein droit du juge des libertés et de la détention qui a ainsi validé la procédure antérieure. Aussi, l'ensemble des moyens repris aujourd'hui par madame [R] [T] dans son acte d'appel, repris à l'audience par son conseil, mais déjà tranchés par la cour le 17 juin dernier, et sans élément nouveau évoqué, sont irrecevables. Il en est ainsi de l'ensemble de ceux relatifs à l'illégalité de la décision d'hospitalisation sous contrainte du 26 mai 2022, donc de l'absence de signature du directeur d'hôpital, de l'absence de délégation de pouvoir jointe à la décision, de la notification de la décision de maintien de la mesure d'hospitalisation sans consentement, mais également du non respect du délai de 12 jours pour rendre une décision exécutoire de contrôle de l'hospitalisation contrainte, de la violation du principe du contradictoire à l'occasion de la procédure initiale, et de l'absence de possibilité d'accès à son dossier médical.

Aux termes de son acte d'appel, repris par son conseil à l'audience, il demeure 4 moyens de nullité relatifs à l'ordonnance entreprise du 24 juin 2022, donc recevables.

Sur la violation du contradictoire devant le premier juge

Madame [R] [T] invoque la violation du principe de la contradiction devant le premier juge en ce qu'elle n'a pas eu connaissance des pièces adverses, ni de l'avis du parquet.

Or, force est de constater que l'avis de monsieur l'avocat général, tout comme l'avis du procureur de la République de Grasse en première instance, ont été mis à disposition de madame [R] [T] et de son conseil, ce dernier représentant l'appelante devant la cour. De plus, il a été donné connaissance oralement en début d'audience des conclusions du parquet général à madame [R] [T], dûment assistée, puis représentée en appel. Il n'est fait état d'aucune pièce, autres que celles mises à la disposition de madame [R] [T] et de son conseil avant l'audience, au soutien du maintien de la demande d'hospitalisation complète, étant observé que le juge est ici saisi sur demande de la patiente.

Le principe du contradictoire a donc été respecté et il y a lieu de rejeter ce moyen.

Sur la violation de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen à raison de l'identité du magistrat de première instance

Aucune interdiction, ni incompatibilité n'empêche le même magistrat d'apprécier, à intervalles réguliers, la situation de madame [R] [T] et de statuer, dans le cadre d'un contrôle obligatoire le 3 juin 2022, puis sur saisine de la patiente le 24 juin 2022. Au demeurant, la récusation de ce magistrat soulevée par madame [R] [T] a été rejetée par monsieur le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 23 juin 2022.

Aucune impartialité subjective n'est établie et ce moyen ne peut davantage prospérer.

Sur l'absence de consentement aux soins comme condition de la mesure

Dès lors que les conditions de l'article L 3212-1 du code de la santé publique sont réunies, le consentement du patient aux soins n'est précisément pas requis dans le cadre de ce type d'hospitalisation, de sorte qu'aucune irrégularité n'existe ; ce moyen doit être écarté.

Sur le fait que l'ordonnance entreprise ait été rendue par le tribunal judiciaire de Grasse

Il résulte de la simple lecture de la décision déférée que celle-ci a bien été rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Grasse territorialement compétent, madame [R] [T] se trouvant hospitalisée à Cannes soit dans le ressort de la juridiction de Grasse. Le tampon même apposé par le greffier comporte la mention 'tribunal judiciaire de Grasse - juge des libertés et de la détention' confirmant ainsi les autres mentions de la décision qui font foi quant à la qualité du juge ayant statué.

Ce moyen doit également être écarté et toutes demandes de nullité de la procédure rejetées.

Sur le fond - le bien fondé ou non de la demande de mainlevée

Madame [R] [T] a fait l'objet d'une hospitalisation à temps complet sans son consentement dans les circonstances ci-dessus précisées, les conditions de l'hospitalisation complète étant énumérées à l'article L 3212-1 du code de la santé publique, selon lesquelles l'intéressé doit présenter des troubles mentaux rendant impossible son consentement et son état mental doit imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante. En effet, madame [R] [T] est une patiente connue pour une schizophrénie avec des éléments hallucinatoires et délirants, qui a été hospitalisée pour la recrudescence d'angoisses psychotiques suite à des hallucinations auditives (une vois intérieure apparue depuis le printemps 2022) et des idées suicidaires.

Il appert qu'elle a déjà fait l'objet d'une hospitalisation sans son consentement le 14 avril 2020.

Madame [R] [T], dont la situation sociale et financière est précaire, bénéficie d'une mesure de curatelle exercée par l'Atiam.

Le dossier comporte les certificats médicaux exigés par la loi.

Le certificat médical initial établi le 26 mai 2022 par le docteur [K] indique que celui-ci a reçu en consultation madame [R] [T] pour une angoisse réactionnelle à des hallucinations acoustico-verbales de plus en plus envahissantes, celle-ci se présentant régulièrement au service des urgences et du CMP avec des demandes inadaptées de soins, et l'apparition d'idées suicidaires sans intention de passer à l'acte. Ce praticien fait état d'un discours peu élaboré émaillé d'éléments persécutifs avec sentiment d'insécurité, la patiente disant entendre des voix malveillantes et agressives lui disant de faire des choses qui ne sont pas dans son intérêt, d'une humeur triste, d'une conscience des troubles altérée, d'une adhésion aux soins ambivalente et fragile et d'un risque de mise en danger important en l'absence de soins, ces troubles rendant impossible son consentement et imposant une hospitalisation complète.

Il ressort de l'avis médical du docteur [K] en date du 15 juin 2022 que madame [R] [T] présente un contact meilleur avec un discours toutefois centré sur des revendications de nature juridique autour de sa prise en charge, mettant fin à l'entretien en avançant le secret professionnel, qu'elle a refusé il y a quelques semaines une orientation MDPH en se prévalant du secret médical et qu'elle avoue cependant se sentir mieux avec le traitement qu'elle ne prend réellement que depuis quelques jours.

Le certificat médical en date du 21 juin 2022, rédigé par le docteur [S] [K], mentionne que la patiente est calme, avec un contact meilleur mais conservant un discours centré sur des revendications de nature juridique autour de sa prise en charge. Il poursuit en indiquant que si elle avoue se sentir mieux, avec une régression des phénomènes hallucinatoires depuis une prise réelle du traitement, elle reste dans le déni de sa pathologie, avec une méfiance accompagnée de plusieurs dépôts de plainte, un isolement et une précarité sociale qui la rendent vulnérable et justifient la poursuite des soins.

Le dernier certificat médical de situation délivré le 12 juillet 2022 par le docteur [B] indique la voir pour la première fois et noter un contact psychotique, avec un vécu fort d'injustice et de persécution. Le médecin indique que madame [R] [T] minimise les motifs de son admission à l'hôpital, ne mentionne pas l'angoisse initiale et dit ne pas avoir d'idées suicidaires. Le médecin estime le discours cohérent mais marqué par ides idées de persécution, la patiente mentionnant à plusieurs reprises son souhait de garder le secret médical et étant revendicative par rapport au traitement et à la nécessité de soins sous contrainte. Le médecin souligne une thymie irritable, avec sthénicité sous-jacente. Il indique que madame [R] [T] n'a pas complètement conscience de ses troubles et est opposante au traitement, et ambivalente même au traitement injectable mensuel. En conséquence, il estime que l'hospitalisation complète doit se poursuivre pour travailler l'adhésion aux soins.

La teneur des pièces médicales énoncées et examinées permet de constater que les conditions fixées par les articles L 3212-1 du code de la santé publique sont toujours réunies.

En conséquence, la décision du premier juge qui a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète doit être confirmée, la demande de sortie de l'intéressée étant prématurée au regard de la gravité de la pathologie qu'elle dénie toujours et de la fragilité de son état de santé décrites par les médecins eu égard à la psychose chronique dont elle est atteinte.

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public en application de l'article R 93-2° du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par décision réputée contradictoire.

Déclarons recevable l'appel formé par [R] [T],

Déclarons irrecevables les prétentions et moyens élevés par madame [R] [T] et tenant à l'illégalité de la décision d'hospitalisation sous contrainte du 26 mai 2022, (l'absence de signature du directeur d'hôpital, l'absence de délégation de pouvoir jointe à la décision, la notification de la décision de maintien de la mesure d'hospitalisation sans consentement), tenant également au non respect du délai de 12 jours pour rendre une décision exécutoire de contrôle de l'hospitalisation contrainte, à la violation du principe du contradictoire à l'occasion de la procédure initiale, et à l'absence de possibilité d'accès à son dossier médical,

Rejetons toute exception de nullité et irrégularité de procédure relative à la procédure de première instance,

Confirmons la décision déférée rendue le 24 Juin 2022 par le Juge des libertés et de la détention de GRASSE.

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 ho
Numéro d'arrêt : 22/00112
Date de la décision : 12/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-12;22.00112 ?
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