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01/07/2022 | FRANCE | N°21/18218

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 01 juillet 2022, 21/18218


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT

DU 1ER JUILLET 2022



N° 2022/ 241













Rôle N° RG 21/18218 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIS5L







[U] [O]





C/



Association UNION DES SERVICES DE SOINS A DOMICILE DE L'INSTIT UT ARNAULT TZANCK

























Copie exécutoire délivrée

le : 1er Juillet 2022

à :



SELARL ARTYSO

CIAL

Me Timothée HENRY



Me Olivier ROMANI de la SELARL ARTYSOCIAL, avocat au barreau de NICE























Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 17 Décembre 2021 enregistré(e) au répertoire géné...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT

DU 1ER JUILLET 2022

N° 2022/ 241

Rôle N° RG 21/18218 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIS5L

[U] [O]

C/

Association UNION DES SERVICES DE SOINS A DOMICILE DE L'INSTIT UT ARNAULT TZANCK

Copie exécutoire délivrée

le : 1er Juillet 2022

à :

SELARL ARTYSOCIAL

Me Timothée HENRY

Me Olivier ROMANI de la SELARL ARTYSOCIAL, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 17 Décembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° R21/00089.

APPELANTE

Madame [U] [O], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Olivier ROMANI de la SELARL ARTYSOCIAL, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Association UNION DES SERVICES DE SOINS A DOMICILE DE L'INSTIT UT ARNAULT TZANCK (UNISAD) , [Adresse 1]

représentée par Me Timothée HENRY, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er Juillet 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 1er Juillet 2022

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon contrat à durée indéterminée du 11 décembre 2017, Mme [O] a été recrutée par l'association «'Union des services de soins à domicile de l'institut Arnaud Tzanck'» (l'UNISAD) en qualité d'infirmière.

Le 1er septembre 2021 puis le 10 septembre 2021, l'UNISAD lui a demandé de justifier de sa situation vaccinale.

Le 14 septembre 2021, l'UNISAD a informé Mme [O] de la suspension de son contrat de travail et du paiement de son salaire à compter du 15 septembre 2021.

Le 28 octobre 2021, Mme [O] a saisi le juge des référés du conseil de prud'hommes de Grasse d'une contestation de cette décision et le paiement de son salaire depuis le 15 septembre 2021.

Par ordonnance du 17 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Grasse l'a déboutée de ses demandes.

Mme [O] a fait appel de cette ordonnance le'28 décembre 2021.

Selon conclusions du 25 avril 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [O] demande de':

''la dire et juger recevable et bien fondée en son appel';

''réformer l'ordonnance rendue le 17 décembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Grasse en ce qu'elle a':

- dit qu'en l'absence de trouble manifestement illicite, il n'y avait pas lieu à référé';

- l'a déboutée de sa demande de suspension des effets de la décision de suspension de son contrat de travail à compter du 15 septembre 2021';

- n'a pas condamné l'UNISAD au paiement des salaires échus à ce jour';

- n'a pas ordonné la remise des bulletins de paye rectifiés sous astreinte de 100'€ par jour de retard à compter du prononcé de la décision avec faculté de liquidation';

- n'a pas condamné l'UNISAD au paiement de la somme de 1500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

ce faisant':

vu l'existence d'un trouble manifestement illicite';

''suspendre les effets de la suspension de son contrat de travail depuis le 15 septembre 2021 et ordonner la reprise du versement de son salaire';

''condamner l'UNISAD au paiement des sommes suivantes':

- rappels de salaire à compter du 15 septembre 2021': 5958,20'€ bruts';

- congés payés y afférents': 595,82'€ bruts';

''ordonner la remise des bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 100'€ par jour de retard à compter du prononcé de la décision';

''dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice avec capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil';

''condamner l'UNISAD au paiement de la somme de 1500'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Selon conclusions en réponse du 4 février 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, l'UNISAD demande de':

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue entre les parties le 17 décembre 2021';

en conséquence':

- dire n'y avoir lieu à référé';

- renvoyer Mme [O] à mieux se pourvoir';

- débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

- condamner Mme [O] au paiement de la somme de 1.500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner Mme [O] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELAS Capstan Côte D'Azur, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon conclusions d'incident du 5 mai 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, l'UNISAD a demandé de':

''déclarer irrecevable l'appel formé par Mme [O] contre l'ordonnance de référé rendue en matière prud'homale ne dépassant pas le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes,

''condamner Mme [O] au paiement de la somme de 1'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

''condamner Mme [O] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELAS Capstan Côte d'Azur, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE':

sur la recevabilité de la demande de'Mme [O]':

Lorsque la procédure d'appel est soumise à l'article 905 de code de procédure civile, les exceptions de procédure et fins de non-recevoir doivent être examinées par la cour d'appel elle-même, la désignation d'un conseiller de la mise en état n'étant pas prévue.

Par ailleurs, conformément à l'article 954 du code de procédure civile énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, il ressort du dossier de la procédure que, selon conclusions d'incident du 5 mai 2022, adressé au conseiller de la mise en état, l'UNISAD a soulevé l'irrecevabilité de la demande de Mme [O] mais que, dans le dispositif de ses conclusions au fond, adressées à la présente cour d'appel, elle n'a pas excipé d'une fin de non-recevoir. La cour ne devant statuer que dans les limites de sa saisine, il conviendra par conséquent de constater qu'elle n'est pas saisie d'une demande tendant à voir déclarer Mme [O] irrecevable en sa demande.

sur le fond':

moyens des parties':

Au soutien de ses demandes, Mme [O] expose que la suspension de son contrat de travail par l'UNISAD en application des articles 12, 13 et 14 de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 est constitutive d'un trouble manifestement illicite aux motifs':

''que l'UNISAD s'est prévalu à son égard d'une décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2021 selon laquelle, d'après elle, ces dispositions sont conformes à la Constitution alors que ladite décision ne se prononce que sur une partie des dispositions de la loi du 5 août 2021, que le Conseil constitutionnel ne s'est nullement prononcé sur la constitutionnalité des articles 12 et 13 de ladite loi qui instaurent l'obligation vaccinale pour certaines catégories de personnes et en fixent les modalités et qu'il n'a déclaré constitutionnelle que la mesure visant les professionnels concernés pour la seule période allant jusqu'au 14 septembre 2021,

''que l'obligation vaccinale prévue par les articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021 est contraire aux dispositions des articles 3 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoyant, pour le premier, que toute personne a droit à son intégrité physique et mentale et que, dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent notamment être respectés le consentement libre et éclairé de la personne concernée, selon les modalités définies par la loi et, pour le second, qu'est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle,

''que ces principes ont été repris en droit interne par l'article 16 code civil prescrivant que chacun a droit au respect de son corps et que le corps humain est inviolable, l'article L. 1111-4 du code de la santé publique édictant qu'aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et que ce consentement peut être retiré à tout moment et L.'1122-1-1 du même code disposant qu'aucune recherche mentionnée au 1° de l'article L. 1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre et éclairé, recueilli par écrit, qu'aucune recherche mentionnée au 2° de l'article L. 1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre, éclairé et exprès et qu'aucune recherche mentionnée au 3° du même article L. 1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne lorsqu'elle s'y est opposée,

''qu'elle est fondée à refuser à se soumettre à une obligation vaccinale prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021, car elle est mise dans l'impossibilité d'exercer son consentement libre et éclairé au sujet des vaccins utilisés,

''qu'en effet, l'Agence européenne du médicament a délivré pour les quatre vaccins ('Comirnaty' du laboratoire PFizer BioNTech, 'Vaxzevria' du Laboratoire Astrazeneca, 'Spikevax' de Moderna et 'Janssen' de Johnson & Johnson) utilisés une autorisation de mise sur le marché conditionnelle,

''que cette autorisation, délivrée en application des règlements CE n°723/2004 du 31 mars 2014 et CE n°507/2006 du 29 mars 2006, est dérogatoire au principe posé par l'article L.'5121-8 du code de la santé publique,

''qu'une telle autorisation, d'une durée d'un an et renouvelable, est justifiée en présence d'un rapport bénéfice/risque qui doit être positif et lorsqu'un médicament a bénéficié d'une autorisation conditionnelle conformément au règlement, les informations figurant dans le résumé des caractéristiques du produit et la notice contiennent une mention claire de ce fait ce qui signifie, d'une part, que le candidat à la vaccination doit être éclairé sur ce fait pour exercer valablement son consentement et que, d'autre part, il conserve la possibilité de refuser de recevoir une vaccination par principe encore expérimentale,

''que le rapport final des études cliniques de ces vaccins n'a pas encore été déposé,

''que la vaccination est réalisée à partir de vaccins encore en phase d'expérimentation puisqu'en cours de phase III, vaccins dont l'efficacité et l'innocuité ne sont pas encore démontrées,

''que son consentement ne peut être que troublé par le fait que deux vaccins ont fait l'objet d'une limitation de leurs conditions d'utilisation en raison d'effets indésirables à court terme clairement identifiés, que, pour un troisième vaccin et pour certaines catégories de la population, une troisième dose voire des doses supplémentaires sont annoncées comme étant nécessaire à l'efficacité et que des effets indésirables à court terme et divers degrés de gravité sont recensés pour l'ensemble des vaccins,

''que la contraindre à se soumettre à une vaccination obligatoire sur la base de vaccins expérimentaux et subordonner l'exécution normale de son contrat de travail à cette vaccination constitue une violation de son droit à l'intégrité physique.

En réponse, l'UNISAD rétorque':

''qu'il est de jurisprudence constante que seule la méconnaissance manifeste d'une règle de droit est susceptible de créer un trouble manifestement illicite,

''qu'en cas de non-présentation par le salarié des justificatifs relatifs à l'obligation vaccinale prévue par la loi du 5 août 2021, l'employeur doit, sous peine de sanctions pénales, suspendre le contrat de travail du salarié concerné et le paiement de son salaire,

''que sa décision de suspendre le contrat de travail de Mme [O] ne repose pas sur la conformité, avérée ou non, de la loi du 5 août 2021 à la Constitution mais procède d'une d'une stricte application des dispositions légales applicables, dès lors qu'elle n'avait d'autre choix, sous peine de sanction pénale,

''qu'elle n'a pas fait mention de la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2021 dans ses courriers adressés à Mme [O] avant la suspension de son contrat de travail et lui demandant de justifier de sa situation vaccinale,

''que dans cette décision, le Conseil constitutionnel a retenu que, concernant l'obligation vaccinale applicable pour la période antérieure au 15 septembre 2021 que le législateur qui avait poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, n'avait porté aucune atteinte au droit à l'emploi ou à la liberté d'entreprendre et qui ne méconnaissait pas non plus la liberté d'aller et de venir ni aucune autre exigence constitutionnelle, était conforme à la Constitution,

''qu'une telle prise de position est transposable à l'obligation vaccinale prévue par la loi du 5 août 2021 applicable pour la période postérieure au 14 septembre 2021,

''que le Conseil constitutionnel n'a jamais conclu à l'inconstitutionnalité de l'obligation vaccinale, applicable à compter du 15 septembre 2021, alors qu'il aurait pu s'en saisir d'office, dans le cadre de sa saisine,

''qu'au surplus, s'agissant de l'atteinte, du fait du pass sanitaire, aux libertés individuelles, le Conseil constitutionnel a retenu que les dispositions contestées opéraient une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles,

''qu'il n'entre pas dans la compétence du juge des référés d'apprécier la conventionnalité de la loi du 5 août 2021 par rapport à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

''qu'en effet, cette Charte n'est pas d'application directe entre les particuliers,

''que la santé publique n'est pas une compétence de l'Union européenne alors que le Traité sur l'Union européenne prévoit que toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres,

''que Mme [O] ne peut soutenir qu'il serait illégal de la soumettre à la vaccination obligatoire et à des vaccins faisant l'objet d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle,

''qu'en effet, si l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé décide d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle, c'est parce qu'elle répond à un besoin médical non satisfait et que les bénéfices de la disponibilité immédiate du médicament l'emportent sur le risque inhérent au fait que toutes les données ne sont pas encore disponibles.

Réponse de la cour':

L'article R.'1455-6 du code du travail prévoit que la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est de principe que constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique.

L'article 12.I de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire détermine les personnes qui, sauf contre-indication médicale reconnue, doivent être vaccinées, contre la Covid-19.

L'article 13.I de la même loi prévoit que les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent':

1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12.

Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°.

Un décret détermine les conditions d'acceptation de justificatifs de vaccination, établis par des organismes étrangers, attestant de la satisfaction aux critères requis pour le certificat mentionné au même premier alinéa';

2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité.

Enfin, l'article 14.I de la loi du 5 août 2021 énonce que':

A. ' A compter du lendemain de la publication de ladite loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 prévu par le même décret.

B. ' A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12.

L'article 3 relatif au droit à l'intégrité des personnes de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que':

1. Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale.

2. Dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent notamment être respectés':

a) le consentement libre et éclairé de la personne concernée, selon les modalités définies par la loi';

b) l'interdiction des pratiques eugéniques, notamment celles qui ont pour but la sélection des personnes';

c) l'interdiction de faire du corps humain et de ses parties, en tant que tels, une source de profit';

d) l'interdiction du clonage reproductif des êtres humains.

L'article 21 de la même Charte, relatif au principe de non-discrimination, énonce que':

1. Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

2. Dans le domaine d'application du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne, et sans préjudice des dispositions particulières desdits traités, toute discrimination fondée sur la nationalité est interdite.

L'article 16 code civil édicte que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.

L'article L.'1111-4 du code de la santé publique prévoit, en ses alinéas deuxième et quatrième, que toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif, qu'aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

L'article L.'1121-1 du même code définit les conditions dans lesquelles les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées.

Enfin, l'article L.'1122-1-1 du code de la santé publique édicte que':

Aucune recherche mentionnée au 1° de l'article L.'1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre et éclairé, recueilli par écrit, après que lui a été délivrée l'information prévue à l'article L.'1122-1. Lorsqu'il est impossible à la personne concernée d'exprimer son consentement par écrit, celui-ci peut être attesté par la personne de confiance prévue à l'article L.'111-6, par un membre de la famille ou, à défaut, par un des proches de la personne concernée, à condition que cette personne de confiance, ce membre ou ce proche soit indépendant de l'investigateur et du promoteur.

Aucune recherche mentionnée au 2° de l'article L. 1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre, éclairé et exprès.

Aucune recherche mentionnée au 3° du même article L. 1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne lorsqu'elle s'y est opposée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [O] relève des catégories de personnes soumises à l'obligation vaccinale prévue par l'article 12.I de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et qu'elle ne justifie pas d'une contre-indication médicale reconnue contre la Covid-19.

Selon décision n°2021-824 DC du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 14, paragraphe I, A de la loi du 5 août 2021 selon lequel, à compter du lendemain de la publication de ladite loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 prévu par le même décret.

En revanche, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la constitutionnalité de l'article 14, paragraphe I, B de la même loi prévoyant que, à compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12.

Il n'entre pas dans la compétence du juge judiciaire d'apprécier si la motivation retenue par le Conseil constitutionnel pour retenir la constitutionnalité de l'article 14, I, A est transposable à l'obligation vaccinale pour certains personnels à compter du 15 septembre 2021 prévue par l'article 14, I, B ou si, en refusant de se saisir d'office pour apprécier la constitutionnalité de cette dernière obligation vaccinale, le Conseil constitutionnel en a admis la conformité à la Constitution.

Cependant, en l'absence de décision expresse d'inconstitutionnalité, l'obligation vaccinale incombant à certains personnels à compter du 15 septembre 2021 en application de l'article 14, I, B de la loi du 5 août 2021 est présumée conforme à la Constitution et il incombait à l'UNISAD, en sa qualité d'employeur, de s'assurer du respect de cette obligation par sa salariée et, faute pour elle d'en justifier, de suspendre son contrat de travail. En conséquence, la circonstance, à la supposer établie, que l'UNISAD ait, à tort, déclaré à Mme [O] que cette obligation vaccinale a été déclarée conforme à la Constitution est indifférente dès lors que, conformément au droit interne, l'UNISAD était tenue de s'assurer du respect par Mme [O] de l'obligation vaccinale.

L'UNISAD ne peut valablement prétendre que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la Charte des droits fondamentaux n'avait pas d'effet direct entre les particuliers.

En effet, l'arrêt n°176-12 du 15 janvier 2014 qu'elle invoque à l'appui d'une telle affirmation se limite seulement à dire pour droit que l'article'27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne relatif au droit à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise ne peut pas être invoqué dans un litige entre particuliers sans statuer sur l'absence d'effet direct en droit interne de l'intégralité de la Charte.

Au contraire, dans un arrêt n°414-16 du 17 avril 2018, la Cour de justice de l'Union européenne a pour droit':

''qu'une juridiction nationale, saisie d'un litige opposant deux particuliers, est tenue, lorsqu'il ne lui est pas possible d'interpréter le droit national applicable de manière conforme à l'article'4, paragraphe'2, de la directive 2000/78, d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables des articles'21 et'47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de ces articles en laissant au besoin inappliquée toute disposition nationale contraire.

Elle a ainsi estimé que l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne était d'un effet direct dans les litiges entre particuliers.

Par ailleurs, compte tenu de ses dispositions claires, précises et inconditionnelles, l'article 3 s'avère constitutif de droits et bénéficie en conséquence d'un effet direct entre particuliers.

Cependant, l'article 51 de ladite Charte édicte que':

1. les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en 'uvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités.

2. La présente Charte n'étend pas le champ d'application du droit de l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités.

Par ailleurs, l'article 52, 1 de la Charte énonce toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui.

En conséquence, l'argumentation tirée par Mme [O] de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par l'obligation vaccinale litigieuse nécessite de rechercher':

''si l'obligation vaccinale litigieuse incombant à certains personnels à compter du 15 septembre 2021 en application de l'article 14, I, B de la loi du 5 août 2021 ressort du champ d'application du droit de l'Union,

''si les articles 3 et 21 de la Charte ont vocation à s'appliquer au litige,

''si l'obligation vaccinale précitée apporte une limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par ces articles,

''si cette limitation est nécessaire et répond effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui,

''si cette limitation respecte le principe de proportionnalité.

Un tel contrôle approfondi ne ressort pas de la compétence du juge des référés, fondée sur l'existence d'une violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique.

Par ailleurs, il ne ressort pas de la compétence du juge national d'apprécier la validité de l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle délivrée par la Commission européenne concernant les vaccins 'Comirnaty' du laboratoire PFizer BioNTech, 'Vaxzevria' du Laboratoire Astrazeneca, 'Spikeva' de Moderna et 'Janssen' de Johnson & Johnson, en application du règlement (CE) n°'726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31'mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments et du règlement CE n°507/2006 du 29 mars 2006 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments. La vaccination obligatoire à l'aide de tels vaccins, en l'absence d'invalidation par la Cour de justice de l'Union européenne des autorisations de mise sur le marché conditionnelles précitées, ne peut donc constituer la violation évidente d'une règle de droit.

Enfin, il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier si l'obligation vaccinale litigieuse est contraire aux dispositions des articles 16 code civil ainsi que L.'1111-4, L.'1121-1 et L.'1122-1-1 du code de la santé publique. En effet, une telle recherche suppose d'établir si ces dispositions prohibent le principe d'une obligation vaccinale et ne peut donc relever de la constatation de la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique qui fonde la compétence du juge des référés.

L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée.

sur le surplus des demandes':

Mme [O] , partie perdante, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de débouter l'UNISAD de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

Enfin, l'équité commande de dire que chaque partie devra conserver la charge des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,

DECLARE Mme [O] recevable en son appel,

CONSTATE que la cour n'est pas saisie d'une demande tendant à voir déclarer irrecevable l'appel formé par Mme [O] ';

CONFIRME l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Grasse du 17 décembre 2021';

DEBOUTE Mme [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE l'UNISAD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DIT que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés en appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 21/18218
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;21.18218 ?
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