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01/07/2022 | FRANCE | N°21/05544

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 01 juillet 2022, 21/05544


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/05544 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHIX4







[N] [V]





C/



S.A.S. [6]

Etablissement CPAM DU VAR































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Odile SIMONIN



- M

e Jean-david MARION



- Me Stéphane CECCALDI

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 19 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/140.





APPELANT



Monsieur [N] [V], demeurant Chez Monsieur [L] [V] - [Adresse 1]



représenté par Me Odile SIMONIN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/05544 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHIX4

[N] [V]

C/

S.A.S. [6]

Etablissement CPAM DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Odile SIMONIN

- Me Jean-david MARION

- Me Stéphane CECCALDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 19 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/140.

APPELANT

Monsieur [N] [V], demeurant Chez Monsieur [L] [V] - [Adresse 1]

représenté par Me Odile SIMONIN, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Sally MERCIER, avocat au barreau de TOULON

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

INTIMEES

S.A.S. [6], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-david MARION, avocat au barreau de TOULON

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [V] a été embauché comme chauffeur-livreur depuis le 1er avril 2006 par la société par actions simplifiées (SAS) [6]. Il a été victime d'un accident le 18 février 2015, pris en charge le 10 mars 2015 par la CPAM du Var au titre de la législation professionnelle. Son état a été déclaré consolidé le 17 février 2016 et une indemnité en capital, puis sous forme de rente, lui a été accordée le 18 avril 2016 compte tenu d'un taux d'IPP de 9%, porté à 15 % à la suite d'une décision du tribunal du contentieux de l'incapacité .

Par jugement du tribunal correctionnel de Toulon en date du 10 novembre 2017, tant la société [6], que M. [Y], chef d'agence, et M. [O], conducteur de travaux, ont été relaxés des fins de la poursuite pénale pour blessures involontaires à l'occasion de cet accident du travail.

Par lettre du 3 juillet 2018, M.[V] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var pour voir reconnaître la faute inexcusable de la société [6], son employeur, à l'origine de l'accident de travail dont il a été victime le 18 février 2015.

Par jugement du 19 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Toulon, ayant repris l'instance, a :

- débouté M.[V] de sa demande en reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de son employeur la société [6],

- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 13 avril 2021, M. [V], a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 23 mars 2021.

A l'audience du 12 mai 2022, M. [V], dispensé de comparaître, se réfère aux conclusions, adressées par courrier à la cour le 9 mai 2022 et visées par le greffe le jour de l'audience. Il demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- dire que la SAS [6] a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime le 18 février 2015,

- ordonner la majoration de la rente et, condamner en tant que de besoin, la caisse primaire d'assurance maladie du Var à lui verser,

- ordonner que la caisse primaire d'assurance maladie du Var fasse l'avance de l'indemnisation complémentaire de ses préjudices,

- ordonner une expertise aux fins d'évaluer son déficit fonctionnel temporaire, son préjudice esthétique temporaire et permanent, ses souffrances physiques et morales endurées, son préjudice d'agrément, son préjudice sexuel, la diminution ou la perte de possibilités de promotion professionnelle, les frais de logement et de véhicule adapté, l'assistance par une tierce personne avant consolidation,

- lui allouer une provision de 15.000 euros à valoir sur son indemnisation, et condamner, en tant que de besoin, la caisse primaire d'assurance maladie du Var à en faire l'avance,

- assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de la décision,

- prononcer la capitalisation des intérêts,

- condamner la SAS [6] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que la SAS [6] a commis une faute en ignorant l'arrêté municipal prévoyant la fermeture de la circulation sur la route où est intervenu l'accident, cette faute l'ayant contraint à garer son camion à proximité de la ligne électrique à haute tension que sa grue a heurtée.

Il considère que la société a également commis une faute en maintenant l'exécution de la mission malgré l'absence de l'ouvrier intérimaire absent le matin de l'accident, alors que ce dernier aurait pu visualiser la ligne électrique et sécuriser la manoeuvre.

Il ajoute que la société a encore commis une faute en lui commandant de commencer l'intervention sur le secteur 3, sans inspection préalable et sans lui remettre le document d'intention de commencement de travaux (DICT), qui répertorie l'ensemble des réseaux du site. Enfin, il se fonde sur le procès-verbal de constatations des inspecteurs du travail pour faire valoir que la société a commis une faute en lui faisant utiliser un matériel inadapté : le camion de chantier de 19 tonnes étant inadapté sur un chemin communal étroit resté ouvert à la circulation et en l'absence de zone de déchargement définie, de sorte qu'il a dû improviser, aucune explication du chef d'agence et du conducteur du chantier n'ayant pu être fournie aux inspecteurs du travail relativement au mode opératoire à suivre pour exécuter la mission.

Par ailleurs, il fait valoir que les premiers juges ont justement retenu que la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel ne l'empêche pas de rechercher la faute ienxcusable de son employeur à l'origine de son accident, mais que le raisonnement suivi dans la suite du jugement est erroné à deux titres. D'une part, il explique que le plan particulier de sécurité dont se prévaut la société ne la dispense pas d'un document unique d'évaluation des risques qui fait défaut , que la société ne justifie pas avoir tenu le plan particulier de sécurité à disposition constante sur le chantier et qu'elle ne produit pas le plan général de sécurité rendu obligatoire par les articles R.4332-42 et suivants du Code du travail en matière de sous-traitance. D'autre part, sa propre faute, si tant est qu'elle soit démontrée, n'exonère pas l'employeur de sa faute inexcusable.

Il fonde sa demande de majoration de la rente sur les dispositions de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et sa demande d'indemnisation complémentaire après expertise sur celles de l'article L.452-3 suivant et la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010 et la jurisprudence de la Cour de cassation.

Il s'appuie sur l'ancienneté de son accident, la gravité de son incapacité définitive (15%) et les souffrances incontestablement endurées pour solliciter une provision sur son indemnisation.

La SAS [6] reprend oralement les conclusions communiquées par RPVA le 17 mars 2022, et demande à la cour de confirmer le jugement, débouter l'appelant et dire que chacune des partie conservera 'la charge de ses dépens'.

Au soutien de ses prétentions, la société fait valoir que, contrairement aux affirmations de la [5], l'arrêté municipal du 13 janvier 2015 a été mis en oeuvre et selon le jugement du tribunal correctionnel, la victime a elle-même indiqué y avoir dérogé sur la demande d'un employé ou représentant de la société [4], de sorte qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée sur ce point.

Elle considère qu'elle s'est conformée au plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé du 19 mai 2014, en établissant un plan particulier de sécurité mentionnant expressément parmi les risques potentiels, celui de la présence d'une ligne haute tension et en précisant que 'la manoeuvre sera conforme aux prescriptions de la fiche page 50 du PGC', renvoyant ainsi à la prescription de la distance de sécurité de 3 mètres pour une ligne de 57.000 volts.

Elle ajoute que la veille de l'accident le chef de chantier et la victime, chef d'équipe et détenteur du CACES grues, ont procédé à l'inspection du chantier, en vérifiant le DICT de sorte que les dangers potentiels avaient été repérés.

Elle considère qu'il est erroné de soutenir qu'aucune zone de déchargement n'aurait été délimitée alors qu'il ressort des déclarations de la victime et de celles de son collègue M. [K] devant les gendarmes que la zone de déchargement était choisie devant l'entrée d'une propriété et balisée par la société [4].

Elle conclut que la victime a pris l'initiative de ne pas se conformer aux mesures de sécurité, de sorte qu'aucun manquement à une obligation de sécurité ne saurait lui être reproché.

Par ailleurs, elle ajoute que le manque de précision du PGC ne saurait lui incomber alors que le rédacteur est le coordonnateur sécurité, M. [Z], qui a lui même confirmé que le risque lié à la ligne à haute tension a été pris en compte dans le plan particulier qu'elle a établi. Elle indique en outre qu'il a été rappelé à la victime la distance de sécurité à respecter par le biais des PPSPS et PGS et dans le cadre de sa formation au CACES. Elle considère que le plan particulier est précis quant aux méthodes à appliquer en reprenant l'article R.4532-64 du code du travail et en rappelant le risque d'électrisation par contact de parties d'engins avec des conducteurs de lignes aériennes sous tension.

Elle invoque enfin la faute de la victime qui bien que consciente de la présence de lignes électriques à haute tension a fait preuve de légèreté blâmable dans le stationnement de son camion dans une zone non délimitée et dans sa manoeuvre de la grue.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var se réfère aux conclusions déposées au greffe de la cour le 10 mai 2022 et demande à la cour de constater qu'elle s'en remet à sa sagesse quant à la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail, limiter la mission de l'expert, le cas échéant, à l'évaluation des préjudices prouvés et définis aux articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale selon la juriprudence et à l'exclusion de ceux dont l'indmnisation est déjà couverte par le Livre IV du même code, dire qu'il n'y a pas à distinguer entre préjudices temporaires et préjudices définitifs et ne pas mettre les frais d'expertise à la charge de la caisse. Elle demande également qu'en cas de faute inexcusable reconnue, il soit dit que la société [6] soit condamnée à la rembourser de toutes les sommes avancées.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié qui l'invoque.

En l'espèce, il n'est pas discuté que M. [V] a été sévèrement électrisé alors qu'il manoeuvrait au sol, la grue auxiliaire de son camion stationné à proximité d'une ligne électrique à haute tension, aux fins de décharger des glissières de sécurité sur un chemin communal le 18 février 2015.

Il ressort du procès-verbal de constatations de la [5] daté du 21 mai 2015, que les inspecteurs ont constaté que 'la ligne électrique aérienne (était) parallèle au camion, à une distance d'un mètre et à une hauteur inférieure à trois mètres compte tenu de la configuration du terrain et de la hauteur du camion de chantier' et que 'pour atteindre la zone de déchargement située devant le camion et éviter de survoler la chaussée ouverte à la circulation, (l'opérateur) a levé la charge, l'a passée au-dessus des pins, touchant la ligne électrique aérienne.'

Or, l'article R.4534-108 du code du travail, impose à l'employeurqui envisage d'accomplir des travaux au voisinage de lignes ou d'installations électriques de s'informer auprès de l'exploitant, qu'il s'agisse du représentant local de la distribution d'énergie ou de l'exploitant de la ligne ou installation publique ou privée en cause, de la valeur des tensions de ces lignes ou installations. Au vu de ces informations, l'employeur doit s'assurer qu'au cours de l'exécution des travaux les travailleurs ne sont pas susceptibles de s'approcher ou d'approcher les outils, appareils ou engins qu'ils utilisent, ou une partie quelconque des matériels et matériaux qu'ils manutentionnent, à une distance dangereuse des pièces conductrices nues normalement sous tension, notamment, à une distance inférieure à :

1° Trois mètres pour les lignes ou installations dont la plus grande des tensions, en valeur efficace pour le courant alternatif, existant en régime normal entre deux conducteurs quelconques est inférieure à 50 000 volts ;

2° Cinq mètres pour les lignes ou installations dont la plus grande des tensions, en valeur efficace pour le courant alternatif, existant en régime normal entre deux conducteurs quelconques est égale ou supérieure à 50 000 volts.

Il résulte du document d'intention de commencement des travaux sur le chantier concerné, reçu par la SAS [6] le 29 janvier 2015, qu'il lui était recommandé de s'assurer qu'au cours de l'exécution des travaux les travailleurs ne sont pas susceptibles de s'approcher ou d'approcher les outils, appareils ou engins qu'ils utilisent, ou une partie quelconque des matériels et matériaux qu'ils manutentionnent, à une distance dangereuse des pièces conductrices nues normalement sous tension, notamment, à une distance inférieure à 5 mètres.

Il s'en suit que l'accident est exclusivement et directement dû à l'irrespect de la distance règlementaire de sécurité lors de la manipulation de la grue à proximité de la ligne électrique aérienne.

Il ressort des documents versés aux débats par la société [6] elle-même, qu'elle avait nécessairement conscience du danger auquel était exposé son salarié.

En effet, il résulte du plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (PGCSPS) établi par la commune de la Cadière d'Azur, maître d'ouvrage du chantier, que le risque d'électrocution a été envisagé et le rappel des prescriptions règlementaires relatives aux distances de sécurité rappelées en page 50. En outre, il résulte des fiches de visite d'inspection commune au coordonnateur des travaux, M. [Z], et à la SAS [6], en date des 8 avril 2014 et 9 juillet 2014, qu'il a été à chaque fois précisé en première page, dans le cadre d'observations particulières à l'environnement du chantier, la présence d'une ligne HTA, et en observations conclusives les prescriptions suivantes : 'précaution au déchargement et battage des pieds de glissière, présence de ligne HTA à traiter dans votre PPSPS' et 'Méthode de travail à proximité des lignes HTA à décrire dans le PPSPS. Tous les travaux seront interdits sous la ligne sans prescription conforme au code du travail'.

En outre, le plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) rédigé par la société [6] elle-même, le 29 juillet 2014, mentionne dans l'analyse des risques, que pendant les travaux de déchargement et livraison, il existe un risque lié à la 'présence d'une ligne électrique HTA' et préconise que 'la manoeuvre (soit) conforme aux prescriptions de la fiche page 50 du PGC'.

Enfin, dans le document d'intention de commencement des travaux (DICT) reçu par la SAS [6] le 29 janvier 2015, et produit par elle-même devant la cour, un plan des ouvrages électriques aériens RTE (Réseau de Transport Electrique) concernés par les travaux qu'elle devait faire réaliser par ses salariés figure, avec les recommandations aux fins d'éliminer les risques d'électrisation ou d'électrocution liés à la présence d'une ligne haute tension à proximité du chantier, comporte un shéma rappelant les distances de sécurité à respecter.

Il est donc bien établi que la SAS [6] avait ou tout au moins aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié travaillant à proximité de la ligne électrique à haute tension.

Il convient dès lors de vérifier si elle a pris les mesures utiles pour éviter la réalisation du risque.

Il résulte du procès-verbal d'audition de M. [V] par les gendarmes le 23 avril 2015 qu'il est titulaire du CACES l'autorisant officiellement à manoeuvrer une grue auxiliaire et qu'il est chef d'équipe glissière depuis le 1er janvier 2007. Il résulte des tests passés par le salarié le 12 mars 2012 que le jour de l'accident, il était détenteur du CACES pour les grues auxiliaires de chargement de véhicule R390 'manuelle', depuis près de trois ans. Il s'en suit que le salarié était formé et expérimenté pour exécuter la mission de déchargement de glissières en manoeuvrant une grue auxiliaire au cours de laquelle il a été victime d'électrisation.

De surcroît, il résulte tant des déclarations de M. [V] le 23 avril 2015, que de celles de M. [O] le 20 février 2015, devant les gendarmes, qu'ils ont ensemble, en qualité respective de chef d'équipe et de conducteur des travaux, fait le tour du chantier et vérifié la position des différents réseaux d'électricité, d'eau et de gaz. Si M. [V] indique que 'tout ce qui était aérien nous importe peu car je n'ai jamais touché de câble depuis que je travaille', tandis que M. [O] déclare qu'ils ont 'étudié l'implantation des réseaux EDF, Orange et la société des eaux aussi bien enterré qu'aérien', tous deux déclarent avoir vérifié l'implantation des réseaux grâce au document d'intention de commencement des travaux qui répertorie tous les réseaux avec des légendes. Il s'en suit que le salarié victime de l'accident a bien été alerté de la présence d'une ligne électrique à haute tension sur le chantier sur lequel il devait intervenir.

Contrairement à ce qui est invoqué par l'appelant dans ses conclusions, il ne ressort pas de ses déclarations que la visite préalable du chantier n'a pas concerné la section 3 à l'endroit où a eu lieu l'accident. Tant M. [O], conducteur de travaux, que M. [V], chef d'équipe et victime de l'accident, que M. [K], collègue de M. [V], présent sur le camion au moment de l'accident, ont déclaré que la visite préalable du chantier avait eu lieu avant le commencement des travaux, sans qu'aucun ne distingue entre les sections du chantier.

En outre, il ressort du procès-verbal d'audition de M. [Y], chef d'agence, par les gendarmes le 24 mai 2016, que selon lui, sans que ce soit à aucun moment discuté par le salarié, il appartient à ce dernier, en sa qualité de chef d'équipe, de mettre en place le balisage prévu et autorisé par arrêté.

De plus, il ressort de l'audition de M. [O] par les gendarmes le 20 février 2015, que selon lui, à l'endroit où s'est produit l'accident, il y avait bien 5 mètres de distance de sécurité entre le bord opposé de la chaussée et le cable électrique, mais si le véhicule avait été positionné de ce côté de la chaussée, alors la rotation aurait eu lieu au dessus de celle-ci, et M. [V] a fait le choix de ne pas prendre le risque de faire tomber quelque chose sur la chaussée lors de son déchargement.

Selon l'arrêté du maire de la commune, maître de l'ouvrage, daté du 13 janvier 2015, durant les travaux de requalification et d'élargissement du chemin effectué par les entreprises [4] et [6], à partir du 14 janvier 2015 pour une durée de deux mois, il est effectivement prévu que le chemin de Marenc et des Costes, jusqu'au chemin de La croix des Signaux, soit totalement fermé à la circulation et qu'une déviation soit mise en place.

Mais il ressort du jugement de relaxe rendu le 10 novembre 2017 par le tribunal correctionnel de Toulon saisi pour blessures involontaires causées à M. [V] le 18 février 2015 à l'encontre de la SAS [6], de M. [Y] chef d'agence et M. [O], conducteur de travaux, que M. [V] a déclaré à l'audience qu'il avait positionné son véhicule en méconnaissance des règles de distance de sécurité avec la ligne électrique du fait que la route était ouverte à la circulation et qu'il avait dérogé à l'arrêté communal prévoyant la fermeture totale de la circulation sur demande expresse d'un employé ou représentant de la société [4] non identifié.

Plus encore, il résulte du même arrêté communal du 13 janvier 2015, que l'entreprise [6] était autorisée, pendant les travaux litigieux, à circuler avec des camions de plus de 9 tonnes jusqu'à 20 tonnes sur tous les chemins de la commune, de sorte que le véhicule utilisé lors de l'accident par M. [V], de 19 tonnes, était autorisé à circuler.

Par ailleurs, comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, il importe peu que la mission ait été maintenue malgré l'absence d'un intérimaire le jour de l'accident, dans la mesure où il ressort des propres déclaration de M. [V] aux gendarmes le 23 avril 2015, que la présence de cette troisième personne sur le chantier, n'était utile que pour gagner du temps de manutention. Son absence n'a donc pas d'incidence sur la réalisation du risque d'électrisation.

Il s'en suit que la SAS [6], employeur de M. [V] au moment de l'accident du travail dont il a été victime le 18 février 2015, en s'assurant de la formation de son salarié, de son information préalable sur les risques du chantier et de l'obtention des autorisations admnistratives nécessaires pour lui permettre d'accomplir sa mission de déchargement de glissières en manipulant une grue auxiliaire, a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter la réalisation du risque d'électrisation.

En conséquence, l'appelant échoue à démontrer la faute inexcusable de son employeur à l'origine de son accident du travail et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

M. [V], succombant à l'instance, sera condamné à payer les dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du Code de procédure civile.

En application de l'article 700 du Code de procédure civile, M. [V], condamné aux dépens, sera débouté de sa demande en frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire

Confirme le jugement rendu le 19 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Toulon, en toutes ses dispositions,

Déboute M. [V] de l'ensemble de ses prétentions,

Condamne M. [V] au paiement des dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/05544
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;21.05544 ?
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