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01/07/2022 | FRANCE | N°21/04673

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 01 juillet 2022, 21/04673


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/04673 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHGG7







Organisme URSSAF





C/



[E] [N]

S.E.L.A.R.L. [3]



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- URSSAF



- Monsieur [E] [N]



- S.E.L.A.R.L. [3]













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 26 Février 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/350.





APPELANTE





URSSAF, demeurant [Adresse 1]



représenté par M. [D] [O], Inspecteur du contentieux, en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMES

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/04673 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHGG7

Organisme URSSAF

C/

[E] [N]

S.E.L.A.R.L. [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- URSSAF

- Monsieur [E] [N]

- S.E.L.A.R.L. [3]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 26 Février 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/350.

APPELANTE

URSSAF, demeurant [Adresse 1]

représenté par M. [D] [O], Inspecteur du contentieux, en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMES

Monsieur [E] [N], demeurant [Adresse 4]

non comparant

S.E.L.A.R.L. [3] , prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [E] [N] , désigné à cette fonction suivant jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 25 janvier 2018, demeurant [Adresse 2]

non comparante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022, prorogée au 1er Juillet 2022

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Mme Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits - Procédure - Moyens et Prétentions des parties :

A la suite d'un procès-verbal établi par les services de police de [Localité 5], M. [N], entrepreneur individuel dans le nettoyage courant de bâtiments, a fait l'objet d'un contrôle de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiale Provence-Alpes-Côte d'Azur (ci-après désignée URSSAF) portant sur la recherche d'infractions aux interdictions de travail dissimulé pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2015.

L'URSSAF a dressé un procès-verbal de travail dissimulé le 3 septembre 2015, transmis au parquet.

Une lettre d'observations a été adressée à M. [N] le 3 septembre 2015 portant sur trois chefs de redressement :

* travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emplois salariée : 15.107,00 euros, outre 3.785,00 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé à 25%,

* travail dissimulé avec verbalisation : dissimulation d'activité et d'emplois salariés : taxation forfaitaire : 472.119,00 euros outre 118,030,00 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé à 25%,

* annulation des réductions Fillon : 123.597,00 euros.

L'URSSAF a notifié une mise en demeure datée du 18 décembre 2015, pour un montant de 839.637,00 euros, représentant 610.824,00 euros en principal, outre 121.807,00 euros en majorations pour travail dissimulé et 107.006,00 euros au titre de majorations de retard.

Par courrier du 11 janvier 2016, M. [N] a contesté le bien fondé de ladite mise en demeure en saisissant la commission de recours amiable de l'URSSAF.

Par décision du 26 octobre 2016, la commission de recours amiable a rejeté la contestation soulevée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 31 janvier 2017, M. [N] a porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes.

Par jugement du 26 février 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nice ayant repris l'instance a :

- déclaré le recours recevable,

- constaté que l'arrêt n°2018/254 rendu le 5 juin 2018 par la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a autorité de chose jugée entre les parties en ce qu'il liquide le préjudice de l'URSSAF résultant des cotisations éludées pour la période du 20 février 2011 au 31 mai 2015,

- déclaré les demandes reconventionnelles de l'URSSAF en paiement pour la période du 1er janvier 2010 au 19 février 2011 recevables,

- déclaré les demandes reconventionnelles de l'URSSAF en paiement pour la période du 20 février 2011 au 31 mai 2015 pour les cotisations éludées irrecevables,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner la communication du procès-verbal 14/01 du 14 avril 2014 du commissariat de police de [Localité 5] et le procès-verbal d'audition de M. [N] par l'URSSAF du 6 juillet 2015,

- ramené les majorations pour travail dissimulé pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2015 à la somme de 23 168,06 euros,

- dit que les majorations de retard initiales forfaitaires au taux de 5% s'élèvent à la somme de 23 173,06 euros,

- fixé au passif de la procédure collective de M. [N] la créance de 108 173 euros, la somme de 62 432 euros portant majorations de retard au taux fixé par l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale jusqu'à parfait paiement,

- débouté l'URSSAF de toute demande complémentaire concernant la période du 1er janvier 2011au 19 février 2011 ;

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera la charge des éventuels dépens qu'elle a exposés.

L'URSSAF a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, l'URSSAF sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer recevables les demandes reconventionnelles en paiement pour les cotisations éludées, annulations d'exonérations Fillon, majorations de redressement complémentaire et majorations de retard formulées par l'URSSAF pour la période du 20 février 2011 au 31 mai 2015,

- valider l'application de la taxation forfaitaire utilisée par l'URSSAF pour chiffrer le redressement,

- fixer la créance de l'URSSAF au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de M. [N] à la somme de 839.637,00 euros, dont 487.227,00 euros au titre des cotisations, 123.597,00 euros au titre des annulations d'exonérations Filon, 121.807,00 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé et 107.006,00 euros au titre des majorations de retard, outre majorations de retard complémentaires à devoir jusqu'à complet paiement,

- condamner la SCP Taddei Ferrari Funel, en sa qualité de liquidateur de M. [N], à payer à l'URSSAF la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, l'URSSAF fait valoir la recevabilité au titre des cotisations, annulations d'exonérations Fillon, majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé et majoration de retard pour la période du 20 février 2011 au 31 mai 2015 sur le fondement du principe 'electa una via' prévu par l'article 5 du code de procédure pénale, les articles L142-1 du code de la sécurité sociale, L.18211-1 du code du travail, 381 du code de procédure pénale.

En effet, elle affirme que les actions civile et pénale n'ont pas le même objet en ce que l'action civile tend au recouvrement des cotisations éludées auxquelles s'ajoutent les annulations d'exonération et les diverses majorations, alors que l'action pénale vise la réparation du préjudice causé par l'infraction, qui ne tient pas compte des annulations d'exonération et des majorations.

Elle ajoute que lesdites actions n'ont pas la même cause l'action civile étant fondée sur la violation de ses obligations sociales par M. [N], l'action pénale trouvant sa source dans la commission d'une infraction.

A titre subsidiaire, l'URSSAF sollicite la recevabilité des demandes reconventionnelles en paiement des services aux simples annulations d'exonérations Fillon, majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé et majoration de retard pour la période du 20 février 2011 au 31 mai 2015 au moyen que le tribunal de première instance a constaté que le préjudice chiffré par le jugement pénal ne concerne que les cotisations éludées, excluant par nature les majorations pour travail dissimulé, ainsi que les majorations de retard, ou encore les annulations des exonérations de charges sociales.

Ainsi, l'organisme estime que les sommes dues au titre des dites majorations et annulations d'exonérations Fillon doivent être fixées au passif de la période du redressement, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 mai 2015, soit la somme totale de 352'410 euros.

Enfin, sur la méthode de calcul, l'organisme justifie le recours à la taxation forfaitaire par l'absence de comptabilité probante du fait de la non prise en compte de l'ensemble du chiffre d'affaires des bilans de la société et la non intégration d'un compte bancaire pour rémunérer les heures travaillées non déclarés des salariés. Elle relève ainsi l'existence d'une comptabilité irrégulière, incomplète, inexacte et insuffisante ne permettant pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au redressement des cotisations.

***

M. [N] a fait l'objet d'un procès-verbal de recherche avec lettre recommandée, annexée à l'assignation à comparaître en date du 14 avril 2022, conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.

Il sera donc statué par arrêt de défaut.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions de l'appelante pour un plus ample exposé du litige.

 

MOTIFS DE L'ARRET

 

Sur les demandes reconventionnelles

Il est constant qu'un jugement pénal a autorité de chose jugée sur le civil. Cette autorité a un caractère absolu et s'impose à toute partie présente au procès civil, quand bien même elle aurait été absente au procès pénal.

En outre, elle ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement définitives et qui statuent sur le fond de l'action publique, aux condamnation comme aux décisions de relaxe ou d'acquittement, exception faite des relaxes motivées par un défaut d'intention frauduleuse, à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé, au dispositif de la décision mais également à tous les motifs qui en sont le soutien nécessaire.

En vertu de l'article 5 du code de procédure pénal que 'la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile'.

Il est constant que le non-cumul des actions civile et pénale suppose une triple identité des demandes portées devant le juge civil et devant le juge pénal : identité d'objet, identité de cause et identité des parties.

En l'espèce, par arrêt en date du 5 juin 2018, la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, sur les intérêts civils, a infirmé le jugement déféré et fixé la créance au passif de la procédure collective à la somme de 400.929,00 euros au titre du préjudice financier afférent aux cotisations dûes pour la période du 20 février 2011 au 31 mai 2015.

Il ressort de l'ensemble des sommes dues au titre des cotisations éludées et des majorations y afférentes détaillées dans la mise en demeure, que la Cour n'a examiné le préjudice subi par l'URSSAF que les seules cotisations éludées, à l'exclusion des majorations pour travail dissimulé et de l'annulation des exonérations de charges sociales.

En outre, il est constant que les majorations pour travail dissimulé ou l'annulation des exonérations de charges sociales constituent une sanction civile prévue par le code de la sécurité sociale.

Il s'en suit que la cause et l'objet de l'action civile afférentes à ces sanctions diffèrent de ceux de l'action pénale.

Aussi, il convient de débouter l'URSSAF en sa demande reconventionnelle en liquidation des cotisations éludées et de l'accueillir au titre des annulations d'exonérations Fillon, de la majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé des majorations de retard, outre majorations de retard complémentaires, ainsi que sur l'application de la taxation forfaitaire pleinement justifiée en l'espèce.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur les frais et dépens

Succombant à l'appel, M. [N] supportera la charge des dépens.

L'équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt de défaut,

- Infirme le jugement rendu le 26 février 2021, sauf en ce qu'il déclaré les demandes reconventionnelles de l'URSSAF PACA en paiement pour la période du 20 février 2011 au 31 mai 2015 pour les cotisations éludées irrecevables.

Statuant à nouveau,

- Déclare recevables les demandes reconventionnelles en paiement pour les annulations d'exonérations Fillon, majorations de redressement complémentaires et majorations de retard formulées par l'URSSAF pour la période du 20 février 2011 au 31 mai 2015.

- Valide l'application de la taxation forfaitaire utilisée par l'URSSAF pour chiffrer le redressement.

- Fixe la créance au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de M. [N] à la somme de 352.410,00 euros, dont 123.597,00 euros au titre des annulations d'exonérations Fillon, 121.807,00 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé et 107.006,00 euros au titre des majorations de retard, outre majorations de retard complémentaires à devoir jusqu'à complet paiement.

Y ajoutant,

- Rejette la demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile par l'URSSAF.

- Condamne M. [N] aux dépens.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/04673
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;21.04673 ?
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