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01/07/2022 | FRANCE | N°18/17708

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 01 juillet 2022, 18/17708


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 1er JUILLET 2022



N°2022/ 247













Rôle N° RG 18/17708 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJ6T







[D] [X]





C/



SAS PHIBO



















Copie exécutoire délivrée

le : 01/07/2022

à :



Me Jean-Philippe GUISIANO, avocat au barreau de TOULON



Me Martine DESOMBRE, avocat au barre

au d'AIX-EN-PROVENCE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 17 Septembre 2018.







APPELANTE



Madame [D] [X], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Jean-Philippe GUISIANO, avocat au barreau de TOUL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 1er JUILLET 2022

N°2022/ 247

Rôle N° RG 18/17708 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJ6T

[D] [X]

C/

SAS PHIBO

Copie exécutoire délivrée

le : 01/07/2022

à :

Me Jean-Philippe GUISIANO, avocat au barreau de TOULON

Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 17 Septembre 2018.

APPELANTE

Madame [D] [X], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Philippe GUISIANO, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS PHIBO SAS, c/Alemania, [Adresse 1] - ESPAGNE

représentée par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et M. Ange FIORITO, Conseiller.

M. Ange FIORITO, Conseiller, est chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022 puis prorogé au 24 Juin 2022 et au 1er Juillet 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 1er Juillet 2022.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [X] a été recrutée en qualité de représentant des ventes par la société Phibo FRANCE, filiale française du groupe espagnol Phibo, spécialisé dans le commerce des prothèses, produits et équipements dentaires, par promesse d'embauche du 28 janvier 2015. Mme [X] a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée le 3 février 2015.

Mme [X] a été convoquée le 1er juillet 2016 pour un entretien préalable qui s'est déroulé 13 juillet 2016.

Elle a été licenciée pour motif économique le 25 juillet 2016, et le 3 août 2016, son contrat de travail a été rompu suite à son adhésion au CSP.

Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes le 18 octobre 2016 en contestation du licenciement, considérant qu'il était dépourvu cause réelle et sérieuse.

La société Phibo a été radiée le 6 décembre 2017 du RCS, M. [W] [M] [C] étant désigné mandataire ad litem par ordonnance du 11 janvier 2019.

Le conseil de prud'hommes de Toulon par jugement du 17 septembre 2018 a rendu la décision suivante':

«'JUGE que les demandes de Mme [X] sont irrecevables';

DEBOUTE Mme [X] de toutes ses demandes';

DEBOUTE la Société Phibo France de toutes ses demandes';

LAISSE les dépens à la charge de Mme [X].'»

Le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon a été notifié le 9 octobre 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception à Mme [X] qui a interjeté appel par déclaration du 9 novembre 2018.

La clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2022. L'affaire a'été plaidée à l'audience du 8 mars 2022'de la Cour en sa formation collégiale ; l'arrêt a été mis en délibéré au 27 mai 2022.

Mme [X], suivant conclusions notifiées par RPVA le 25 juin 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande'de':

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 17 septembre 2018 dans toutes ses dispositions';

- condamner la société Phibo à payer les sommes suivantes':

. 27 499,98 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 13 749,99 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

. 1 374,99 euros bruts à titre de congés payés sur indemnité de préavis,

. 1 010,16 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance d'entreprise,

. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte financière de primes qu'elle n'a pu percevoir du fait des objectifs rendus irréalisables,

- débouter la société Phibo France de toutes ses demandes';

- condamner la société Phibo à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens distraits au profit de la SELARL cabinet GUISIANO.

Mme [X] énonce notamment que les dispositions des articles L 1233-2 et L1233-3 du code du travail n'ont pas été respectées, le caractère économique du licenciement devant être réel et explicitement précisé dans la lettre de licenciement. Elle explique que le caractère économique du licenciement doit s'apprécier en considération de l'ensemble des entités qui composent le groupe. Elle soutient qu'il n'y a aucune justification de l'existence d'une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe. Mme [X] précise qu'il apparaît sur la lettre de licenciement que la filiale française est déficitaire depuis 2013, soit avant son embauche. Elle expose que la suppression de son poste avait pour objectif d'économiser un salaire et des charges sociales pour améliorer la rentabilité de l'entreprise. Elle conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Mme [X] soutient n'avoir jamais bénéficié du régime de prévoyance et de mutuelle auquel l'employeur doit souscrire au visa des articles L 242-1 et R 242-1-6 du code de la Sécurité sociale'; elle dit avoir été contrainte de s'assurer elle-même pour bénéficier d'une couverture maladie convenable pour 1 010,16 euros sur la période 2015-2016.

Elle expose que son employeur ne lui a pas permis de travailler dans des conditions convenables, eu égard notamment à l'absence de suivi par l'entreprise des devis et commandes ou au fait qu'elle a dû faire face à des problèmes de véhicules de fonction, l'employeur ne réglant pas le loyer des locations. Mme [X] expose qu'ainsi elle n'a pu réaliser ses objectifs.

La société Phibo, représentée par M. [W] [M] [C], mandataire ad litem, suivant conclusions notifiées par RPVA le 17 avril 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande'de':

Au principal,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 17 septembre 2018';

- débouter Mme [X] de ses demandes';

Subsidiairement,

- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation de Mme [X] en cas de condamnation de la société';

En tout état de cause,

- condamner Mme [X] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

La société Phibo, représentée par M. [W] [M] [C], mandataire ad litem, énonce notamment que le licenciement économique est fondé. Elle confirme les difficultés économiques qui ont existé et justifié le licenciement économique. Elle produit à ce titre des données comptables pour les exercices 2014, 2015 et 2016.

Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance d'atteindre les objectifs, elle énonce que Mme [X] ne produit aucune preuve sur le matériel prétendument défectueux ou sur les retards dans le suivi des devis'; elle soutient que la salariée ne procède que par affirmation.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance, la société Phibo, représentée par M. [W] [M] [C], mandataire ad litem, allègue qu'aucun préjudice n'est démontré par Mme [X].

MOTIVATION

Sur le licenciement

Mme [X] énonce que l'employeur n'a pas respecté les dispositions des articles L 1233-2 et L1233-3 du code du travail.

Elle a été licenciée pour motif économique le 25 juillet 2016

L'article L 1233-2 du code du travail énonce':

«'Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.'»

L'article L 1233-3 du code du travail en vigueur à la date du licenciement énonce':

«'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa.'»

Il est de principe que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient, mais jamais à un niveau inférieur à celui de l'entreprise.

Les dispositions de l'article L.'1233-3 du code du travail, issues de l'ordonnance 2017-1718 du 20 décembre 2017, qui limitent, sauf fraude, le périmètre du groupe aux entreprises établies sur le territoire national, définissent la notion de groupe en référence aux dispositions des articles L.'233-1, L.233-3 et L.'233-16 du code de commerce et retiennent certains critères constitutifs du même secteur d'activité, sont entrées en vigueur postérieurement au licenciement litigieux et sont donc inapplicables dans le cadre de la présente instance.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Phibo, société de droit français, appartenait au groupe espagnol Phibo, spécialisé dans le commerce de prothèses dentaires et la distribution de produits et équipements dentaires.

La lettre de licenciement en date du 25 juillet 2016 fait état notamment d'une réorganisation qui s'impose compte tenu des difficultés économiques persistantes aux fins d'assurer la pérennité de l'entreprise. Elle explique que les résultats de l'entreprise sont catastrophiques, le résultat d'exploitation, qui reflète l'activité de la société et sa rentabilité économique, étant largement négatif depuis plusieurs années. Elle fait état d'un résultat d'exploitation de moins 408 566 euros en 2014, de moins 339 778 euros en 2015 et de moins 357 332 euros en 2016, et d'un chiffre d'affaires en baisse, puisqu'il passe de 98 680 euros en 2014 à 64 604 euros en 2015. La lettre explique que la société se voit ainsi contrainte de repenser son organisation, en se concentrant sur la vente des produits via l'e-commerce. Elle énonce que deux postes de représentant de vente doivent être ainsi supprimés, dont celui de Mme [X]. La lettre précise que Mme [X] n'a pas souhaité recevoir des propositions de reclassement à l'étranger et que par conséquent aucune solution de reclassement n'a pu être identifiée. La lettre précise que Mme [X] n'a pas répondu à la proposition d'adhésion au CSP.

Par ailleurs, pour caractériser ses difficultés économiques, la société Phibo produit aux débats des extraits des rapports de son commissaire aux comptes pour les exercices concernés ainsi que des éléments comptables relatifs à son activité en avril 2016.

Cependant, il convient de relever que les termes de la lettre de licenciement et les données comptables précitées ne portent que sur les difficultés économiques de la société Phibo et ne permettent pas d'apprécier les difficultés économiques du secteur d'activité du groupe auquel l'employeur appartenait, privant ainsi son licenciement de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de la rémunération perçue par Mme [X] au cours de l'exécution de la relation de travail, soit 4583,33 €, et de l'ancienneté de cette salariée, le préjudice qu'elle a subi au titre de la rupture du contrat de travail sera indemnisée en lui allouant la somme de 27 499,98 euros à titre de dommages- intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance d'entreprise

Mme [X] réclame la somme de 1 010,16 euros. L'employeur expose qu'aucun préjudice n'est démontré. Mme [X] produit un avis d'échéance pour les années 2015 et 2016 de la société ALPTIS sur lequel les garanties souscrites et les montants des cotisations sont illisibles et ne permet pas de s'assurer du bien fondé des sommes réclamées.

Sur la demande de dommages et intérêts pour perte financière de primes que Mme [X] n'a pu percevoir du fait des objectifs rendus irréalisables

Mme [X] sollicite la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Elle explique qu'elle n'a pu réaliser ses objectifs en raison des mauvaises conditions de travail dans lesquelles elle a été mise par son employeur, liées à des matériels défectueux et à un mauvais suivi des devis et commandes. La Cour constate que Mme [X] ne fournit aucune donnée chiffrée sur les objectifs qu'elle devait réaliser et qu'elle n'a jamais alerté son employeur sur les prétendues mauvaises conditions de travail. Concernant ces dernières, Mme [X] ne produit pas de pièces probantes démontrant la véracité de ses dires'; à titre d'exemple, le mail du 4 mai 2015 précisant seulement qu'il doit être fait le nécessaire pour la voiture de [D] [X] chez AVIS ne démontant absolument rien en la matière'; ainsi, Mme [X] ne procède que par allégations et sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes accessoires

Il a été partiellement fait droit aux demandes de Mme [X]. La société Phibo, qui sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra lui payer la somme de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, Statuant publiquement et par jugement contradictoire,'après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT Mme [X] recevable en son appel';

INFIRME le jugement rendu le 17 septembre 2018 par le conseil de prud'hommes de Toulon en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa contestation de son licenciement pour motif économique et l'a condamnée aux dépens;

LE CONFIRME pour le surplus';

DIT que le licenciement pour motif économique de Mme [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';

CONDAMNE la société Phibo à payer à Mme [X] les sommes suivantes':

. 27 499,98 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 13 749,99 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

. 1 374,99 euros bruts à titre de congés payés sur indemnité de préavis,

. 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes';

CONDAMNE la société Phibo au dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 18/17708
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;18.17708 ?
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