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30/06/2022 | FRANCE | N°22/00843

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 30 juin 2022, 22/00843


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022



N° 2022/242













N° RG 22/00843 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIWVC







Société SHANGHAI BALLOON PLASTIC PRODUCTS CO. LTD.





C/



S.A.R.L. KERLIS





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Patrick DAVID



Me Elie MUSACCHIA













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 01 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2019F00355.





APPELANTE



Société SHANGHAI BALLOON PLASTIC PRODUCTS CO. LTD., dont le siège social est sis [Adresse 1] (CHINE)



représentée par Me Pa...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

N° 2022/242

N° RG 22/00843 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIWVC

Société SHANGHAI BALLOON PLASTIC PRODUCTS CO. LTD.

C/

S.A.R.L. KERLIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Patrick DAVID

Me Elie MUSACCHIA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 01 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2019F00355.

APPELANTE

Société SHANGHAI BALLOON PLASTIC PRODUCTS CO. LTD., dont le siège social est sis [Adresse 1] (CHINE)

représentée par Me Patrick DAVID, avocat au barreau de GRASSE, assisté de Me Reiner GRANER, avocat au barreau de STUTTGART, plaidant

INTIMEE

S.A.R.L. KERLIS, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

La société de droit chinois SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS, qui produit des biens de consommation en plastique tels que des accessoires de piscine, a vendu à la société KERLIS qui a pour activité commerciale, l'achat et la vente de tous produits et services en import-export, diverses marchandises qui ont été livrées et facturées, ces sociétés entretenant des relations commerciales de longue date.

Plusieurs commandes livrées à la société ont donné lieu à des émissions de facture début 2018 pour la somme de 202.320,46 USD. Fin mars 2018, il va être demandé à la société KERLIS par plusieurs mails de payer ce montant non pas sur le compte habituel de la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS mais sur un compte ouvert ou même nom auprès de la WELLS FARGO BANK à Baltimore aux États-Unis. La société KERLIS va ainsi effectuer deux virements de 102.408,94 USD et 42.875,83 USD. En mai 2018, la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS a indiqué qu'elle n'avait jamais reçu ces montants, que les mails reçus par la société KERLIS étaient frauduleux et que les fonds avaient été détournés par un hacker ; elle a cessé toute livraison.

La société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS a assigné, par acte du 5 avril 2019, la société KERLIS devant le président du tribunal de commerce de Nice statuant en référé, en paiement des factures litigieuses. Par ordonnance du 24 septembre 2019, le président du tribunal de commerce de Nice a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande faite au titre des sommes détournées et renvoyé au fond de ce chef de demande, a dit recevable la demande de la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS à hauteur de la somme de 57.035,69 USD, et condamné par provision la société KERLIS à payer cette somme à la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS, outre les intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance de la dernière facture impayée et capitalisation des intérêts, et la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par arrêt du 7 janvier 2021, la cour d'appel de céans a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par acte du 20 juin 2019, la société KERLIS a fait assigner la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS devant le tribunal de commerce de Nice afin d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 534.328,66€ au titre de l'indemnisation de son préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales par la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS, dire que cette dernière est créancière de la somme de 51.118,19 euros au titre du solde des factures et constater l'existence d'une compensation légale, et condamner la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS au paiement de la somme de 10.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 1er avril 2021, le tribunal de commerce de Nice a :

- débouté la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS de son exception d'incompétence au profit d'une juridiction chinoise,

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille,

- a condamné la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS à payer la somme de 1000€ à la société KERLIS au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

La société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 19 janvier 2022, et a été autorisée par le Premier Président à assigner à jour fixe la société KERLIS à l'audience collégiale du lundi 16 mai 2022.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 février 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS demande à la cour de :

- Vu le Règlement concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, et précisément son article 6.1

- Vu le règlement (CE) N° 593/2008 du Parlement Européen en matière de droit applicable,

- recevoir l'appel de la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS, et le déclarer recevable,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 1er avril 2021,

- retenir l'application du Règlement (UE) N° 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la juridiction compétente, ainsi que les règles de droit international en matière de vente internationale de marchandises,

- retenir éventuellement l'application du règlement (CE) N° 593/2008 du Parlement Européen en matière de droit applicable,

- retenir l'application du droit chinois en l'état d'un vendeur/prestataire chinois, à défaut de précision quant à la loi applicable à la relation contractuelle,

- dire et juger qu'en application des dispositions ci-dessus, les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour juger du présent litige qui vise à rechercher la responsabilité de la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS pour rupture brutale des relations commerciales,

en conséquence,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 1er avril 2021,

- prononcer l'incompétence des juridictions françaises pour connaître du contentieux au profit de la compétence de la juridiction chinoise et précisément du tribunal compétent au siège de société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS,

- Renvoyer en conséquence la société KERLIS à mieux se pourvoir,

en tout état de cause,

- réformer la décision dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter la société KERLIS de l'ensemble de ses demandes

- condamner la société KERLIS à payer à la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et une somme de 3500€ en cause d'appel, outre les entiers dépens.

Elle soutient que seuls les tribunaux du siège de la société SHANGAI PLASTIC BALLOON PLASTIC PRODUCTS en Chine sont compétents pour juger du litige. Elle affirme qu'une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle s'il existait entre les parties une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d'éléments concordants, selon la jurisprudence de la CJUE et selon la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, de sorte que l'application de l'article 46 du code de procédure civile sur l'option de compétence en matière délictuelle ne saurait trouver application, alors au surplus que loi française n'est pas applicable.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 mars 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société KERLIS demande à la cour de :

- en la forme, recevoir la société SHANGAI BALLOON PLASTIC PRODUCTS en son appel,

- au fond, l'en débouter,

- confirmer le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal de commerce de Nice,

- la condamner aux entiers dépens

La société KERLIS considère que le règlement (UE) N° 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ne peut être invoqué par une société chinoise alors que la Chine n'est pas membre de l'Union européenne, pour rendre un tribunal chinois compétent dans un litige concernant un contrat conclu et applicable en France, qu'il en est de même pour le règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 dit Rome 1 pour les mêmes motifs. Elle soutient que la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises signé à [Localité 4] le 11 avril 1980 ne s'applique pas à la rupture de relations contractuelles. Elle affirme que les tribunaux français sont compétents en raison du caractère d'ordre public de l'article L.442-I-II du code de commerce, et de l'application du principe de l'extension à l'ordre international des règles de compétence territoriale interne

MOTIFS DE LA DECISION

A défaut de convention internationale ou de règlement européen établissant des règles de compétence directe, les tribunaux français sont dotés de la compétence internationale ordinaire dès lors que le litige présente un facteur de rattachement avec la France retenu par une disposition interne de compétence. Il s'agit du principe en vertu duquel la compétence internationale des tribunaux français se détermine par extension des règles internes de compétence.

Au cas présent, la Chine n'étant pas membre de l'Union Européenne, ni liée par le règlement (UE) N°1215/2012 du parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ce règlement ne saurait être invoquée par une société de droit chinois à l'égard d'une société française pour rendre un tribunal chinois compétent dans un litige concernant un contrat applicable en France.

Au demeurant, ce règlement dispose en son article 6.1 que « Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat membre la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat membre (') ».

En l'absence de texte réglementant cette compétence internationale, il convient de la déterminer en appliquant les règles internes de compétence.

La Cour doit dès lors déterminer s'il existe un lien de rattachement du litige avec la France au regard des dispositions du code de procédure civile. La compétence internationale ordinaire est reconnue aux tribunaux français si l'un des critères est localisé ou réalisé en France.

En l'espèce, il n'est pas contesté que dans la relation entre la société française KERLIS et la société de droit étranger SHANGAI PLASTIC BALLOON PRODUCTS, la relation commerciale porte sur des prestations exécutées sur le territoire français, la livraison effective de la chose a été ou doit être effectuée en France, en l'occurrence à [Localité 3], siège social de KERLIS, que la société KERLIS revendique la réparation d'un dommage subi en France du fait de la rupture brutale de la relation commerciale. Il échet dès lors de retenir la compétence des tribunaux français en application des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile.

Les juridictions françaises étant compétentes pour statuer sur ce litige, les dispositions de l'article L.442-6,I,5° du code de commerce doivent s'appliquer pour trancher les demandes formées sur ce fondement.

Par conséquent, il ne rentrait pas dans la compétence du tribunal de commerce de Nice, non spécialement désigné dans l'annexe 4-2-1, de trancher l'entier litige, dès lors que les demandes formées à l'encontre de la société SHANGHAI BALLOON PLASTIC PRODUCTS étaient fondées sur l'article L.442-6,I,5° du code de commerce.

Il apparaît ainsi que le tribunal de commerce de Marseille est compétent pour statuer sur le présent litige.

Le jugement sera confirmé, par motifs substitués.

Sur les demandes accessoires

La société SHANGAI BALLLOON PLASTIC PRODUCTS, partie perdante est condamnée à payer à la société KERLIS une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

-CONFIRME le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal de commerce de Nice, par motifs substitués,

Y ajoutant,

- CONDAMNE la société SHANGAI BALLLOON PLASTIC PRODUCTS à payer à la société KERLIS une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

- CONDAMNE la société SHANGAI BALLLOON PLASTIC PRODUCTS aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 22/00843
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;22.00843 ?
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