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30/06/2022 | FRANCE | N°22/00228

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 30 juin 2022, 22/00228


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT

DU 30 JUIN 2022



N° 2022/241













N° RG 22/00228 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIUTD







S.A.S. CAR WASH SERVICE





C/



S.A.R.L. SUSHI MAKI DRIVE (SMD)





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Jean-Marie LAFRAN



Me Claire LANGEVIN











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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE en date du 24 Décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021009812.





APPELANTE



S.A.S. CAR WASH SERVICE, dont le siège social est sis [Adresse 1]



représentée par Me Jean-Marie LAFRAN de la SC...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT

DU 30 JUIN 2022

N° 2022/241

N° RG 22/00228 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIUTD

S.A.S. CAR WASH SERVICE

C/

S.A.R.L. SUSHI MAKI DRIVE (SMD)

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Jean-Marie LAFRAN

Me Claire LANGEVIN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE en date du 24 Décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021009812.

APPELANTE

S.A.S. CAR WASH SERVICE, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Marie LAFRAN de la SCP LAFRAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Benjamin BARTHE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.R.L. SUSHI MAKI DRIVE (SMD), dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Claire LANGEVIN, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Sushi Maki Drive (SMD), spécialisée dans la restauration, est sous-locataire de la société Car Wash Service au titre d'un emplacement situé sur la zone commerciale de [Adresse 1], selon contrat signé le 20 février 2020.

Au mois de mai 2021 la société Car Wash Service a cédé ses parts à la société Rubensenna.

A compter du mois de novembre 2021 un différend est né entre les parties concernant les modalités d'usage des locaux et a conduit la société Car Wash Service à mettre en 'uvre diverses mesures de restriction à l'accès du site en invoquant le non-respect de la convention de sous-location, et notamment les modalités d'accès au service de restauration en voiture en mode « drive ».

Ainsi, le 21 décembre 2021, après avoir été autorisée à assigner à jour fixe, la société Sushi Maki Drive (SMD) a saisi le juge des référés du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence afin d'obtenir l'enlèvement de grilles et cadenas bloquant l'accès à son commerce.

Par ordonnance en date du 24 décembre 2021 le juge des référés du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence s'est déclaré compétent pour statuer et a ordonné à la société Car Wash Service, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance de :

-procéder à l'enlèvement de la grille mobile empêchant les clients de la société Sushi Maki Drive (SMD) d'accéder au site,

-procéder à l'enlèvement de la chaîne en fer traversant cette grille et reliée à un arbre et à un poteau, le tout fermé par deux cadenas,

-procéder à l'enlèvement de tous cadenas et dispositifs visant à interdire aux clients de la société Sushi Maki Drive (SMD) d'accéder au site,

-remettre au président de la société Sushi Maki Drive (SMD) les clefs des deux portails permettant l'entrée et la sortie

Le juge des référés s'est par ailleurs réservé la liquidation de l'astreinte et a condamné la société Car Wash Service à payer à la société Sushi Maki Drive (SMD), outre les dépens, la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

--------------

Par déclaration en date du 6 janvier 2022 la société Car Wash Service a interjeté appel de l'ordonnance.

--------------

Par conclusions enregistrées le 21 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Car Wash Service (SAS) fait valoir en premier lieu que s'agissant d'un litige procédant d'un contrat de sous-location commerciale, le tribunal de commerce n'est pas compétent conformément à l'article R.211-3-26 11° du code de l'organisation judiciaire.

En second lieu, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, la société Car Wash Service soutient que le juge des référés n'avait pas pouvoir pour statuer en l'absence d'urgence, en l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent et en l'état d'une contestation sérieuse.

La société Car Wash Service souligne qu'il n'y avait pas urgence ni dommage imminent dès lors que la société Sushi Maki Drive (SMD) était fermée au moment du dépôt de la requête et que le dispositif n'empêchait pas la clientèle d'accéder au commerce, seul l'accès en voiture étant condamné compte-tenu du litige existant sur ce point.

Elle fait valoir que cette question est d'ailleurs à l'origine du litige dès lors que l'exploitation sous forme de « drive » n'a pas été convenue au contrat de sous-location et génère des nuisances à son égard.

La société Car Wash Service conteste par ailleurs l'existence d'un trouble manifestement illicite et précise que ce débat relève manifestement du fond puisqu'il porte sur les stipulations du contrat de sous-location, outre le caractère peu sérieux du différend créé délibérément par la société Sushi Maki Drive (SMD).

Ainsi, la société appelante demande à la cour de réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

-juger que Monsieur le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence est incompétent pour connaître du litige au profit de Monsieur le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence,

-rejeter les demandes de la société Sushi Maki Drive (SMD),

-condamner la société Sushi Maki Drive (SMD) au paiement de la somme de 7.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

---------------

Par conclusions enregistrées le 24 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Sushi Maki Drive (SMD) réplique que la société, créée en 2012, fonctionne en mode « drive » depuis 2013, ce qui ne pouvait être ignoré des nouveaux acquéreurs et elle dénonce les mesures engagées par la société Car Wash Service (enlèvement de ses enseignes lumineuses, pose d'une grille mobile empêchant l'accès de ses clients au site). Elle rappelle que tant sa dénomination sociale que le logo déposé à l'INPI ainsi que la configuration des lieux attestent de ce que l'activité du « drive » était existante depuis l'origine.

S'agissant de la compétence, la société Sushi Maki Drive (SMD) fait valoir que le litige ne porte pas sur l'application des baux commerciaux mais sur un trouble à son activité commerciale qu'il était urgent de faire cesser compte-tenu de la malveillance de la société Car Wash Service.

Elle ajoute que les conditions des articles 872 et 873 du code de procédure civile sont réunies et que s'agissant d'un référé conservatoire il est indifférent qu'il existe une contestation sérieuse. La société Sushi Maki Drive (SMD) dénonce ainsi l'atteinte portée à son activité en l'état de la pose de grilles et conteste l'existence d'un accès à son

commerce, en précisant qu'elle a été contrainte de fermer son établissement et d'invoquer des congés annuels à l'égard de sa clientèle jusqu'à la signification de l'ordonnance.

L'intimée demande dès lors à la cour de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, de débouter la société Car Wash Service de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

-----------------

Le président a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 25 avril 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 19 mai 2022.

A cette audience l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 30 juin 2022.

MOTIFS

Sur la compétence du tribunal de commerce :

Aux termes de l'article R.211-3-26 11° du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire a compétence exclusive en matière de baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale.

En outre, en application de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Par ailleurs, en application de l'article 873 du même code, le président peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Nonobstant la compétence exclusive du tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux, il apparaît qu'en l'espèce, le premier juge, après avoir constaté que le litige opposait deux commerçants, qu'il était né d'un usage entre eux et causait une perturbation dans leur activité commerciale, a pu, à juste titre, considérer que le différend ne portait pas tant sur l'exécution du bail mais sur la nécessité de mettre fin, en urgence, à la situation de péril subie par la société Sushi Maki Drive (SMD) du fait de l'apposition de grilles et de cadenas empêchant l'exploitation de son fonds de commerce.

En outre, il convient de relever que la société Car Wash Service, qui se prévaut de l'exécution et de l'interprétation des clauses de la convention de sous-location consentie à la société Sushi Maki Drive (SMD), ne justifie pas, pour sa part, avoir saisi au préalable la juridiction civile d'une demande tendant à faire cesser les agissements qu'elle impute au sous-locataire au titre d'un manquement aux obligations contractuelles, ni ne justifie avoir été autorisée à pratiquer des mesures coercitives.

Dès lors, il y a lieu de confirmer au cas d'espèce la compétence du juge des référés du tribunal de commerce.

Sur les mesures ordonnées :

Au visa des articles 872 et 873 susvisés, et indépendamment de l'appréciation éventuelle du juge du fond, le juge des référés était bien-fondé à faire cesser un trouble manifestement illicite de nature à créer une situation de péril pour la société Sushi Maki Drive (SMD) compte-tenu de l'impossibilité d'exercer son activité commerciale.

Au demeurant, si les contours des droits de chaque partie au sein de l'emplacement loué sur la zone commerciale méritent le cas échéant des clarifications, soit de l'initiative des parties elles-mêmes, soit de la juridiction compétente, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas contesté qu'un usage s'était instauré, a minima, avec les précédents actionnaires de la société Car Wash Service, signataires de la convention de sous-location, pour l'exploitation par la société Sushi Maki Drive (SMD) sous la forme de « drive », incluant un accès direct en voiture pour les clients du restaurant, et ce, depuis l'année 2013.

En outre, le logo et l'appellation de la société Sushi Maki Drive (SMD) accréditent un usage en ce sens.

En conséquence, l'apposition forcée de grilles et cadenas, destinés à empêcher aux clients tout accès au commerce de la société Sushi Maki Drive (SMD) en mode « drive », constitue un trouble manifestement illicite puisque fondé sur aucune autorisation préalable, peu important à cet égard que des clients puissent accéder au commerce à pied, cet usage n'étant pas la vocation première du commerce.

Enfin, si la société Sushi Maki Drive (SMD) a pu, pour justifier cette fermeture forcée, faire valoir ses « congés annuels » à compter du 18 décembre, il n'en demeure pas moins que le caractère d'urgence était également justifié compte-tenu de la période d'activité concernée (fêtes de Noël) et de la zone commerciale concernée, drainant nécessairement une clientèle importante, et au regard de la perte de chiffre d'affaires induite par cette fermeture. Au demeurant, la société Sushi Maki Drive (SMD) a repris son activité dès la signification de l'ordonnance et l'exécution des mesures ordonnées.

En conséquence, l'ordonnance est confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens :

La société Car Wash Service, partie succombante, conservera la charge des dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et sera tenue de payer à la société Sushi Maki Drive (SMD) la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 24 décembre 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence,

Y ajoutant,

Condamne la société Car Wash Service aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Car Wash Service à payer à la société Sushi Maki Drive (SMD) la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 22/00228
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;22.00228 ?
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