La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°21/04989

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 30 juin 2022, 21/04989


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022



N° 2022/237













N° RG 21/04989 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHHKH







S.A.S. CHOCOLATERIE DE L'OPERA

S.A. GEPA





C/



[X] [Z] [R] [T]

S.A. [Z] [T]

Société GENERALI ASSURANCES (SUISSE)











Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN



Me Florence BLIEK-VEIDIG
<

br>

Me Jean-François JOURDAN















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 22 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2020000651.





APPELANTES



S.A.S. CHOCOLATERIE DE L'OPERA, dont le siège social...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

N° 2022/237

N° RG 21/04989 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHHKH

S.A.S. CHOCOLATERIE DE L'OPERA

S.A. GEPA

C/

[X] [Z] [R] [T]

S.A. [Z] [T]

Société GENERALI ASSURANCES (SUISSE)

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN

Me Florence BLIEK-VEIDIG

Me Jean-François JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 22 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2020000651.

APPELANTES

S.A.S. CHOCOLATERIE DE L'OPERA, dont le siège social est sis [Adresse 2]

S.A. GEPA, dont le siège social est sis [Adresse 1]

toutes représentées par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Grégoire LUGAGNE DELPON, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Monsieur [X] [Z] [R] [T], né le 18 Octobre 1968 à [Localité 6] (Suisse) (1211), demeurant [Adresse 3] (Suisse)

représenté par Me Florence BLIEK-VEIDIG, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me François MEYNOT de la SELEURL MB & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant

S.A. [Z] [T], dont le siège social est sis [Adresse 3] (Suisse)

représenté par Me Florence BLIEK-VEIDIG, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me François MEYNOT de la SELEURL MB & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Société GENERALI ASSURANCES (SUISSE), dont le siège social est sis [Adresse 4] SUISSE

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean-Marie PERINETTI, avocat au barreau de LYON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Les sociétés Chocolaterie de l'Opéra et [Z] [T] sont en lien d'affaires depuis 2012 et dans ce cadre, la société [Z] [T], basée à [Localité 6] et spécialisée notamment dans le négoce de cacao, fournit la société Chocolaterie de l'Opéra en fèves de cacao en vue de leur transformation.

Ainsi, trois contrats ont été conclus les 16 janvier 2014, 11 septembre 2014 et 21 avril 2015 pour l'achat de sacs de fèves de cacao, fèves destinées dans un premier temps à être transformées en masse de cacao en Espagne

Le 15 mars 2016, à la suite d'un contrôle effectué par la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône sur un lot de chocolat de couverture de type Sura 70% il s'est avéré que celui-ci était impropre à la consommation en raison d'une teneur trop élevée en hydrocarbures aromatiques polycycliques.

La société Chocolaterie de l'Opéra a alors procédé au rappel des produits concernés auprès de 300 clients.

Le 27 juin 2018, invoquant le préjudice subi du fait de la contamination des produits mais également du refus de la société [Z] [T] d'honorer les commandes postérieures, la société Chocolaterie de l'Opéra et son actionnaire la société GEPA, ayant respectivement leurs siège social à [Localité 5] et Berre l'Etang, ont fait citer devant le tribunal de commerce de Tarascon la société [Z] [T], son directeur général Monsieur [X] [T] et la compagnie d'assurance Generali Assurances Suisse.

Devant le tribunal de commerce la société [Z] [T], Monsieur [X] [T] et la société Generali ont soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Tarascon en invoquant la clause d'arbitrage figurant aux contrats de vente passés les 16 février 2014 et 11 septembre 2014 à titre principal.

Par jugement en date du 22 mars 2021 le tribunal de commerce de Tarascon a constaté que les contrats passés entre la société Chocolaterie de l'Opéra et la société [Z] [T] contenaient une clause d'arbitrage désignant la Fédération du commerce de cacao dont le siège est à Londres, a constaté que les parties défenderesses avaient toutes leur siège à l'étranger et s'est déclaré incompétent.

Le tribunal de commerce a ainsi invité les parties à mieux se pourvoir et a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

--------------

Par déclaration en date du 6 avril 2021 la société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA ont interjeté appel du jugement.

Par ordonnance rendue le 8 avril 2021 les sociétés appelantes ont été autorisées à assigner les intimés à jour fixe.

---------------

Par conclusions enregistrées le 2 décembre 2021, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA sollicitent la réformation du jugement et demandent à la cour de juger que le tribunal de commerce de Tarascon est compétent pour connaître de leurs demandes.

Les appelants sollicitent également la condamnation des intimés aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA font valoir que s'agissant des contrats de vente les parties n'ont désigné ni la juridiction ni la loi applicable contrairement à ce que soutiennent les intimés et dès lors, en application de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 l'obligation servant de base à la demande est la livraison de la marchandise pour transformation, dans un premier temps à Barcelone, puis sa livraison en France dans un second temps pour commercialisation.

S'agissant des fautes extra-contractuelles reprochées aux intimés, la société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA soutiennent que le régime applicable est celui des quasi-délits et que dès lors, le dommage ayant été subi à [Localité 5], le tribunal de commerce est compétent. Ainsi, les sociétés appelantes rappellent qu'elles invoquent la faute personnelle de Monsieur [X] [T], détachable de ses fonctions de dirigeant, pour avoir laissé commercialiser des produits dangereux, et la faute de la société [Z] [T] qui a refusé brutalement d'honorer les commandes de la société Chocolaterie de l'Opéra pour dissuader les requérantes de solliciter une légitime indemnisation.

--------------

Par conclusions enregistrées le 7 décembre 2021, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société [Z] [T] et Monsieur [X] [T] demandent à la cour de confirmer le jugement rendu.

A titre subsidiaire, ils demandent à ce qu'il soit jugé que la Convention de Lugano trouve à s'appliquer et que le tribunal de première instance de Barcelone est compétent, et encore plus subsidiairement, que le tribunal de première instance de Genève est compétent.

Ainsi, la société [Z] [T] et Monsieur [X] [T] demandent à ce que les sociétés appelantes soient déboutées et condamnées au paiement de la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société [Z] [T] et Monsieur [X] [T] font valoir qu'en application de l'article 1448 du code de procédure civile lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente, et que la seule exception concerne l'hypothèse où le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et que la convention est manifestement nulle ou inapplicable. Ainsi, la société [Z] [T] et Monsieur [X] [T] invoquent l'application de la convention d'arbitrage incluse aux deux contrats signés les 16 janvier et 11 septembre 2014 donnant compétence aux arbitres de la Fédération du commerce du cacao située à Londres.

Subsidiairement, ils invoquent la Convention de Lugano et la compétence du tribunal de première instance de Barcelone en l'état de la livraison de la marchandise pour transformation en Espagne.

Enfin, ils font valoir l'absence de faute personnelle de Monsieur [X] [T] et le cas échéant, invoquent la compétence des juridictions helvètes au vu du domicile des intimés.

-------------

Par conclusions enregistrées le 06 décembre 2021, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Generali Assurances (société suisse) sollicite également la confirmation du jugement attaqué en faisant valoir que deux des contrats de vente renvoient à la compétence de la Fédération du commerce du cacao.

Subsidiairement, elle invoque la Convention de Lugano et la compétence des juridictions de Barcelone au titre du lieu de livraison de la marchandise, et encore plus subsidiairement la compétence du tribunal de première instance de Genève à l'égard de la société [Z] [T] et de M. [T].

A son égard, elle invoque enfin la compétence de la chambre patrimoniale cantonale de Lausanne.

En tout état de cause la société Generali sollicite la condamnation des sociétés appelantes au paiement de la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle ajoute qu'il n'existe pas de faute détachable du dirigeant et rappelle que la société Generali est une société de droit suisse.

--------------

L'affaire, fixée à l'audience du 9 décembre 2021, a été renvoyée au 16 mai 2022, date à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré au 30 juin 2022.

MOTIFS

Sur l'exception d'incompétence :

Aux termes de l'article 1448 du code de procédure civile lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.

La juridiction de l'Etat ne peut relever d'office son incompétence.

Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite.

La convention d'arbitrage prend la forme d'une clause compromissoire ou d'un compromis et doit, à peine de nullité, être écrite. Elle peut résulter d'un échange d'écrits ou d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale en application des articles 1442 et 1443 du code de procédure civile.

En l'espèce, la société [Z] [T] et M. [T] produisent aux débats deux contrats de vente datés des 31 janvier et 22 septembre 2014 signés par la société Chocolaterie de l'Opéra portant la mention « arbitrage : Londres », « conditions : FCC » et produisent le document intitulé « FCC » correspondant, sur vingt-deux pages, aux règles applicables aux arbitrages et appels devant la « Fédération du Commerce des Cacaos » basée à Londres..

La société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA n'établissent pas que cette convention serait manifestement nulle ou inapplicable.

Le contentieux résultant de la contamination d'un lot de fèves de cacao et de la rupture brutale des relations commerciales aux motifs que la société [Z] [T] aurait tenté de dissuader les requérantes de solliciter par ce biais une légitime indemnisation procède des relations commerciales existant entre les parties et découlant tant des trois contrats de vente signés en 2014 et 2015 que des relations d'affaires entretenues depuis l'année 2012.

Enfin, et sauf l'appréciation du tribunal arbitral, la faute personnelle de Monsieur [X] [T], détachable de ses fonctions de dirigeant au motif qu'il aurait laissé commercialiser des produits dangereux, découle elle-même de l'exécution du contrat et de la contamination des fèves de cacao invoquée, et ne saurait, en l'état, justifier la non-application de la clause compromissoire, étant rappelé qu'au visa de l'article 1465 du code de procédure civile, seul le tribunal arbitral est compétent pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel en l'absence de nullité ou inapplication manifeste de la convention d'arbitrage.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens :

La société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA, parties succombantes, conserveront in solidum la charge des dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elles seront également tenues in solidum de payer à la société [Z] [T] et M. [X] [T] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 2.000 euros sur le même fondement à la société Generali assurances.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mars 2021 par le tribunal de commerce de Tarascon,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA à payer à la société [Z] [T] et M. [X] [T] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Chocolaterie de l'Opéra et la société GEPA à payer à la société Generali assurances la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 21/04989
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.04989 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award