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30/06/2022 | FRANCE | N°19/09989

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 30 juin 2022, 19/09989


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

hg

N° 2022/ 330













Rôle N° RG 19/09989 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEO4I







[K] [C]

[D] [U] épouse [C]





C/



[O] [X]

[H] [G]

SAS EXPLOITATION FORESTIERE PATRICK TELL

SA AXA FRANCE IARD









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Miloud CHAFI



SCP ALPES PRO

VENCE AVOCATS



SCP BAYETTI-SANTIAGO-REVAH



SCP TGA-AVOCATS













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 24 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01039.





APPELANTS



Monsieur [K] [C...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

hg

N° 2022/ 330

Rôle N° RG 19/09989 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEO4I

[K] [C]

[D] [U] épouse [C]

C/

[O] [X]

[H] [G]

SAS EXPLOITATION FORESTIERE PATRICK TELL

SA AXA FRANCE IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Miloud CHAFI

SCP ALPES PROVENCE AVOCATS

SCP BAYETTI-SANTIAGO-REVAH

SCP TGA-AVOCATS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 24 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01039.

APPELANTS

Monsieur [K] [C]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Miloud CHAFI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Rachid NASR, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [D] [U] épouse [C]

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Miloud CHAFI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Rachid NASR, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Monsieur [O] [X]

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Sophie BERGEOT de la SCP ALPES PROVENCE AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE, plaidant

Monsieur [H] [G]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Patrice REVAH de la SCP BAYETTI-SANTIAGO-REVAH, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

SAS EXPLOITATION FORESTIERE PATRICK TELL, dont le siège social est [Adresse 7], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Francois DESSINGES, avocat au barreau de HAUTES-ALPES, plaidant

SA AXA FRANCE IARD, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Francois DESSINGES, avocat au barreau de HAUTES-ALPES, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller,, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE:

[K] [C] et son épouse [D] [U] (les époux [C]) sont propriétaires des parcelles situées sur la commune de [Localité 9], qui ont été déboisées en août 2014 par la SAS Entreprise forestière Tell à la demande de [H] [G], lui-même propriétaire de la parcelle cadastrée section X n°[Cadastre 4], qui avait sollicité [O] [X] pour intervenir sur son bien.

Par ordonnance de référé du 30 juin 2016, confirmée en appel le 22 juin 2017, [H] [G] et [O] [X] ont été condamnés in solidum à payer aux époux [C] une provision de 100 000 € à valoir sur leur préjudice.

Par actes d'huissier des 21, 29 septembre et 3 octobre 2017, [O] [X] a fait assigner [H] [G], les époux [C] et la SAS Entreprise forestière Tell et la SA Axa devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains afin d'obtenir le remboursement de 50 000 € ou subsidiairement, la désignation d'un autre expert.

Par acte d'huissier du 24 janvier 2018, les époux [C] ont fait assigner [O] [X] [H] [G], la SAS Entreprise forestière Tell et la SA Axa devant le même tribunal afin d'obtenir leur condamnation solidaire à leur payer :

256 795,30 € TTC représentant le coût total de :

Nettoyage du terrain conforme au devis Gondolpho : 69 000,00 € H.T.

Fourniture et livraison de 535 pins sylvestre 250/300 : 98 975 € H.T.

Plantation : 17 655 € HT

Tuteurage : 17 655 € HT

Arrosage : 6 119 € HT

Coût total H.T. 222 244 € HT

TVA sur végétaux 10% : 9 897,50 € HT

TVA à 20% : 24 653,80 € HT

200 000 € en indemnisation de leur préjudice lié à la source d'eau se trouvant sur leur propriété,

300 000 € en indemnisation de leur projet d'implantation d'un site d'Accro-Branche,

80 000 € en indemnisation de leur préjudice moral,

30 000 € pour la vente du bois résultant de cette coupe,

10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 24 avril 2019, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a statué en ces termes:

« Déclare Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil du déboisement réalisé sur les parcelles de Monsieur [K] [C] et Madame [D] [U] épouse [C] au cours de l'été 2014 et tenus in solidum de supporter la réparation des préjudices subis .

Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell à payer à Monsieur [K] [C] et Madame [D] [U] épouse [C] la somme de 93 301,04 € hors taxes et la somme de 2 000 € au titre des préjudices matériels ;

Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell à payer à Monsieur [K] [C] la somme de 8 000 € au titre du préjudice moral subi ;

Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell à payer à Madame [D] [U] épouse [C] la somme de 8 000 € au titre du préjudice moral subi ;

Déboute Monsieur [K] [C] et Madame [D] [U] épouse [C] de leur demandes d'indemnisation au titre d'un préjudice lié à la source d'eau et d'un préjudice lié à la réalisation de projets immobiliers ;

Dit que les indemnités mises à la charge de Monsieur [H] [G] et de Monsieur [O] [X] en exécution de l'ordonnance de référé du 30 juin 2016, effectivement versées, viendront en déduction des sommes allouées ;

Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell à payer à Monsieur [K] [C] et Madame [D] [U] épouse [C] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article R 631-4 du code de la consommation;

Rejette toutes autres demandes des parties à l'instance ;

Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell aux dépens de l'instance ;

Dit qu'il appartient à la SA AXA France lard de garantir la SAS Entreprise forestière Tell des condamnations prononcées à son encontre ;

Ordonne l'exécution provisoire à hauteur de la moitié des condamnations prononcées. »

Les époux [C] ont fait appel de ce jugement par déclaration du 21 juin 2019.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 29 octobre 2019 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, les époux [C] appelants, demandent à la cour :

« Vu l'article 271 du code de procédure civile,

Vu les articles L 211-9, L 211-10, L 211-13 et L 211-14 et R 211-40 du code des assurances,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la décision du tribunal de grande instance,

-l'infirmer quant aux sommes accordées,

Vu l'ensemble des pièces versées aux débats,

-Venir les requis prendre telles conclusions qui leurs plairont et à défaut dire et juger que la présente décision leur sera opposable et contradictoire,

-Condamner solidairement Monsieur [G], Monsieur [X] et la société forestière Patrick Tell et AXA France au versement ;

L'expert a précisé le montant des travaux à réaliser sur une base de plantation de Pins compris entre 2,5 m et 3 m de haut :

Nettoyage du terrain conforme au devis Gondolpho : 69 000,00 € H.T.

Fourniture et livraison de 535 pins sylvestre 250/300 : 98 975 € H.T.

Plantation : 17 655 € HT

Tuteurage : 17 655 € HT

Arrosage : 6 119 € HT

Coût total H.T. 222 244 € HT

TVA sur végétaux 10% : 9 897,50 € HT

TVA à 20% : 24 653,80 € HT

Coût total TTC : 256 795,30 € TTC

Les demandeurs sollicitent de la cour que leur soit accordé sur ce poste depréjudice la somme de 256 795,30 €.

Un préjudice lié à la source d'eau se trouvant sur leur propriété : le débit de la source d'eau principale a été considérablement diminué (plus de 60%) du fait du passage des engins qui l'ont en partie détourné. Cela a été constaté lors du premier accedit. Il n'existe aucun moyen d'y remédier.

Les demandeurs sollicitent de la cour que leur soit accordé sur ce poste de préjudice la somme de 200 000 €.

Les époux [C] avaient un projet d'implantation d'un site d' Accro- Branche sur les parcelles déforestées, lequel s'avère désormais impossible. Par ailleurs leur volonté de créer un lotissement (villas individuelles et mobil home) avait fait l'objet, bien avant la déforestation sauvage, dont ils ont été victimes, d'un avant-projet, dont la maquette est jointe aux présentes, lequel a été déposé en Mairie.

Les demandeurs sollicitent de la cour que leur soit accordé sur ce poste de préjudice la somme de 300 000 €.

Les époux [C] ont en outre subi un fort préjudice moral, impuissants devant le saccage répété de leur propriété, les différents intervenants étant revenus malgré l'injonction faite par Madame [C] de ne plus pénétrer sur leur propriété.

Les demandeurs sollicitent de la cour que leur soit accordé sur ce poste de préjudice la somme de 80 000 €.

En outre, il convient de déterminer qui a vendu le bois coupé sur la propriété des époux [C] et à quels montant, et de le reverser directement à ces derniers.

Les demandeurs sollicitent de la cour que leur soit accordé sur ce poste de préjudice la somme de 30 000 €

-Condamner solidairement Monsieur [G], Monsieur [X] et la société forestière Patrick Tell AXA France aux entiers dépens de l'instance ;

-Condamner solidairement Monsieur [G], Monsieur [X] et la société forestière Patrick Tell axa France au versement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

-Dire et juger dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcés dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 (tarif huissiers) devra être supporté par la défenderesse en sus de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 6 avril 2020 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [H] [G] demande à la cour :

vu les articles 1134 et suivants du code civil,

vu le rapport d'expertise,

vu les pièces,

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celles relatives au débouté des demandes indemnitaires des époux [C] quant au préjudice lié à la source d'eau et au préjudice lié à la réalisation de projets immobiliers,

-dire et juger que monsieur [G] n'est pas responsable du préjudice des époux [C], -constater que l'entreprise [X] a manqué à son obligation contractuelle de renseignement préalable à une coupe de bois sur une propriété privée,

-dire et juger que les entreprises [X] et Tell sont pleinement responsables du préjudice subi par les époux [C],

en conséquence,

-prononcer la mise hors de cause de [H] [G]

-condamner solidairement monsieur [X], la SAS Tell à rembourser à monsieur [G] la somme provisionnelle de 50 000 € qu'il a versé en exécution de l'ordonnance de référé du 30 juin 2016,

-condamner solidairement monsieur et madame [C], monsieur [X] et la SAS Tell à payer à monsieur [G] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice moral

très subsidiairement,

-condamner les entreprises [X] et Tell à relever et garantir monsieur [G] de toutes condamnation pouvant être mises à sa charge

à titre infiniment subsidiaire,

-dire et juger que la réparation du préjudice des époux [C] sera assurée par l'allocation d'une somme de 30 412 €

en tout état de cause,

-débouter les époux [C] de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions

-condamner solidairement monsieur et madame [C], monsieur [X] et la SAS Tell à payer à monsieur [G] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

-les condamner aux entiers dépens

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 12 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [O] [X] demande à la cour :

-Réformer le jugement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de [O] [X] et en ce qu'il a fixé à la somme de 93 303,04 € HT et la somme de 2.000 € les préjudices matériels de Monsieur et Madame [C] et à la somme de 8.000 € le préjudice moral subi par chacun

-Condamner Monsieur et Madame [C] à rembourser à [O] [X] la somme de

50 000 € perçue à titre de provision en vertu de l'ordonnance de référé du 30 juin 2016

à titre subsidiaire, et si une part de responsabilité était retenue à son encontre,

-Ordonner une nouvelle expertise judiciaire

à titre infiniment subsidiaire,

-limiter à la somme de 30 412 € le préjudice des époux [C],

-Condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 17 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, la SAS Entreprise forestière Tell la SA AXA France lard demandent à la cour de :

vu l'article 1240 du code civil,

vu les pièces versées aux débats,

vu le rapport d'expertise judiciaire,

vu les jurisprudences visées,

-réformer le jugement en ce qu'il déclaré la SAS Entreprise forestière Tell responsable sur le fondement de l'article 1240 du code civil du déboisement réalisé sur les parcelles propriétés des époux [C], aux côtés de [H] [G] et [O] [X], et condamné in solidum les trois à diverses sommes,

statuant de nouveau :

à titre principal :

-juger qu'il n'est caractérisé l'existence d'aucune faute délictuelle à l'encontre de la SAS Entreprise forestière Tell et, a fortiori, d'aucun lien de causalité avec le préjudice des époux [C],

juger que la SAS Entreprise forestière Tell n'a pas participé ni contribué à l'erreur d'identification des parcelles - seule faute délictuelle caractérisée vis-à-vis des époux [C],

-débouter les époux [C] de leurs demandes de condamnation in solidum formulée à l'encontre de la SAS Entreprise forestière Tell et de la société Axa France Iard, son assureur, au titre des préjudices allégués par les époux [C] ;

-débouter [H] [G] de sa demande reconventionnelle de condamnation à l'égard de la SAS Entreprise forestière Tell et de la société Axa France Iard, son assureur, au versement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice moral ;

à titre subsidiaire :

-condamner solidairement [O] [X] et [H] [G] à relever et garantir la SAS Entreprise forestière Tell de toutes éventuelles condamnations qui seraient mises à sa charge ;

à titre plus subsidiaire :

dire et juger que la SAS Entreprise forestière Tell n'est responsable qu'à hauteur de 10 % du préjudice subi par les époux [C], [O] [X] et [H] [G] supportant solidairement la charge de cette responsabilité à hauteur de 90 % ;

à titre infiniment subsidiaire :

-fixer le montant des dommages et intérêts alloués aux époux [C] à la somme maximum de 30 412 € ;

en toute hypothèse

-débouter les époux [C], [H] [G] et [O] [X] de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires ;

-condamner monsieur et madame [C] et toute partie succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel, outre à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les responsabilités de [H] [G], [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell :

[H] [G] et [O] [X] s'accordent à dire que le premier, propriétaire de plusieurs parcelles, a sollicité le second afin qu'il procède à un déboisement.

Pour [H] [G], il lui a montré les lieux, la parcelle cadastrée section X n°[Cadastre 4] pour 2ha 21a et 20ca, lui a remis un relevé de propriété et un plan, mais [O] [X] s'est trompé de parcelles et a sous-traité l'opération, sans son accord, à la SAS Entreprise forestière Tell.

Alors même qu'ils avaient été alertés de l'erreur par la fille des époux [C], ils ont poursuivi leur activité.

Pour [O] [X], [H] [G] s'est manifestement trompé en lui montrant ses parcelles à déboiser ; lui-même a décliné la proposition et a recommandé la SAS Entreprise forestière Tell à [O] [X] qui a traité directement avec elle, en assistant aux opérations de déboisement ;

il a montré à la SAS les parcelles à déboiser que lui avait indiquées [H] [G].

Pour la SAS Entreprise forestière Tell, [O] [X], professionnel de l'exploitation forestière, l'a contactée pour qu'elle procède au déboisement opéré, en lui indiquant le lieu de la coupe, comme étant la propriété [G], le marquage des arbres à abattre s'étant fait sur les indications de [O] [X] qui est resté son seul interlocuteur, notamment après l'alerte donnée par la fille des époux [C].

L'action à l'encontre des trois intimés est fondée sur la responsabilité délictuelle de l'article 1240 du code civil nécessitant de caractériser une faute, un préjudice et un lien causal entre les deux.

Quelles que soient les variantes possibles selon les interprétations de chacun, le premier juge a retenu à juste titre que les trois intervenants avaient commis chacun une faute à l'origine du dommage causé aux époux [C].

Ainsi,[H] [G], commanditaire des travaux, s'est présenté comme le propriétaire des lieux qui ont été déboisés, après les avoir montrés sur le terrain à [O] [X].

Il a confié des travaux de déboisement sans établir le moindre document écrit qui aurait permis de vérifier qu'il désignait ses propres parcelles à déboiser.

[O] [X], professionnel dans ce domaine, s'est contenté de renseignements non vérifiés pour participer au marquage des arbres sur le terrain, et servir d'intermédiaire avec la SAS Entreprise forestière Tell. Au lieu d'une parcelle appartenant à [H] [G], ( section X n°[Cadastre 4]) ce sont quatre parcelles qui ont fait l'objet de marquages, et cinq qui ont été déboisées ( [Cadastre 3], 472, 481, 482 et 483, cette dernière de 17 m² n'appartenant pas aux époux [C]).

La SAS Entreprise forestière Tell, professionnelle également, n'a pas vérifié les informations reçues quant au marquage des arbres et à la délimitation de terrain alors que c'est elle qui a réalisé les opérations de coupe.

Aucun écrit n'a été établi, aucune vérification cadastrale n'a été opérée par quiconque, ni avant le démarrage des travaux, ni après l'intervention de la fille des propriétaires.

Aucun des trois n'a sérieusement pris en compte cette intervention, et le déboisement a été poursuivi.

C'est à juste titre et par des motifs pertinents que le premier juge a retenu la responsabilité in solidum de ces trois protagonistes.

Contrairement à ce que chacun soutient, les fautes commises par les autres ne les exonèrent pas de la leur, et chacune d'elle a contribué au préjudice subi par les époux [C], sans qu'il y ait lieu de distinguer dans quelle proportion chacun est responsable du préjudice causé aux époux [C].

Par conséquent, il n'y a pas lieu de les accueillir en leurs demandes tendant :

pour [H] [G] : à être mis hors de cause, à voir condamner solidairement [O] [X] et la SAS Tell à le rembourser de la provision versée en exécution de l'ordonnance de référé du 30 juin 2016, ou à lui payer 10 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, ou à le relever et garantir de toutes condamnations pouvant être mises à sa charge ;

pour la SAS Tell : à voir condamner solidairement [O] [X] et [H] [G] à la relever et garantir des condamnations mises à sa charge ou à voir dire et juger qu'elle n'est responsable qu'à hauteur de 10 % du préjudice subi par les époux [C], [O] [X] et [H] [G] supportant solidairement la charge de cette responsabilité à hauteur de 90 %.

Quant à la demande de [O] [X] tendant à voir les époux [C] condamnés à le rembourser de la provision réglée, celle-ci n'a pas lieu d'être accueillie, les comptes devant être faits entre les parties en fonction des condamnations prononcées, et l'éventuel trop-perçu restitué, sans qu'il y ait lieu à condamnation de ce chef.

Sur l'indemnisation des préjudices :

Nul ne conteste la qualité de propriétaire des époux [C] sur les parcelles cadastrées à [Localité 9] n° [Cadastre 3], 472, 481, 482 qui ont été déboisées, mais aucun justificatif n'en est produit à l'appui de leur demande d'indemnisation de plus de 800 000€.

Une expertise a été réalisée par [L] [W], missionné notamment pour décrire les désordres, déterminer les travaux nécessaires à y remédier, et en chiffrer le coût.

Il a relevé que tous les conifères avaient été abattus, qu'il s'agissait de 535 pins sylvestres sur des parcelles d'une superficie totale de 16 956 m² ; que le terrain était jonché de branches et de grumes ; qu'il était inexploitable ; que l'entreprise n'avait pas pris le soin de nettoyer les parcelles, mais s'était contentée de couper au plus vite et d'enlever uniquement un maximum de bois ; que les coupes d'arbres n'avaient pas été faites à ras le sol, ce qui créait un nouvel obstacle dans le nettoyage du terrain.

Il a mis en évidence que la pente du terrain représentait plus de 33° de dénivellation soit 37% de pente.

Il a proposé deux évaluations différentes de 93 301,04 € HT pour la première ou

256 795,30 € TTC pour la seconde, selon que les arbres replantés étaient d'une hauteur de 40 centimètres ou de 2,5m-3m.

La première évaluation est faite comme suit :

Nettoyage du terrain conforme au devis Gondolpho : 69 000,00 € H.T.

Fourniture et livraison de 1 837 pins sylvestre 40 cms : 5 972,25 € H.T.

Plantation manuelle : 7 715,40 € HT

Protection des jeunes plants : 2 020,70 € H.T.

Perte sur valeur forestière : 4250 € H.T.

Préjudice sur valeur d'avenir : 2 344,69 € H.T.

Préjudice sur vente du bois : 2 000 € H.T.

Coût total : 93 301,04 € HT

La seconde évaluation est faite comme suit :

Nettoyage du terrain conforme au devis Gondolpho : 69 000,00 € H.T.

Fourniture et livraison de 535 pins sylvestre 250/300 : 98 975 € H.T.

Plantation : 17 655 € HT

Tuteurage : 17 655 € HT

Arrosage : 6 119 € HT

Coût total H.T. 222 244 € HT

TVA sur végétaux 10% : 9 897,50 € HT

TVA à 20% : 24 653,80 € HT

Coût total TTC : 256 795,30 € TTC

Cette expertise est critiquée en ce qu'elle aboutit à une indemnisation sans proportion avec la valeur des parcelles qui n'excède pas 4 250 €, qu'elle émane d'un expert, lequel est spécialiste des jardins paysagers et de l'entretien de golfs sur la Côte d'Azur, alors qu'en l'espèce, la parcelle est forestière et située dans les Alpes de Haute Provence, les pins sylvestre étant de faible valeur, et le terrain très peu exploitable en raison de sa déclivité.

S'il est considéré que le préjudice subi doit être intégralement réparé sans perte ni profit pour les parties, le droit au remboursement des frais de remise en état d'une chose endommagée a pour limite sa valeur de remplacement, en sorte que le parallèle doit être fait entre le coût évalué pour la remise en état des parcelles et leur valeur de remplacement.

Dans ces conditions, alors qu'il est indiqué que la valeur de la parcelle n'excède pas 4 250 €, que le rapport [E] [R] transmis par dire à l'expert évalue à 2 500 € l'hectare sans que cela soit démenti par aucun autre document produit, ni même par le titre de propriété des époux [C], le montant intégral du préjudice matériel subi, toutes causes confondues, ne saurait dépasser la somme de 30 412 € que chacun des auteurs du déboisement suggère de retenir à titre subsidiaire, comme indemnisation maximale, en ayant pris pour base l'évaluation basse de l'expert, mais en chiffrant à 6 111 € au lieu de 69 000 € le nettoyage de la parcelle conformément au rapport [E] [R], contredisant le devis Gondolpho.

Pour le surplus de leurs prétentions, les époux [C], qui n'ont officiellement communiqué que six pièces et qui en versent aux débats de multiples autres, qui ne seront pas prises en compte, ne démontrent aucunement :

-l'existence d'une source qui aurait été détériorée, à propos de laquelle ils sollicitent

200 000€,

-un projet d'implantation d'un site d'accro-branche ou un projet immobilier sur les parcelles déboisées, alors qu'ils sollicitent 300 000€ à ce titre, en produisant une pièce n°6 intitulée « projet accro-branche-villa » faisant état de deux projets portant sur des parcelles X[Cadastre 2] de 27 887 m² et X40 de 10 271 m² pour 31 villas individuelles, 15 mobil-home et 10 villas individuelles,

-avoir subi un préjudice moral distinct de leur préjudice matériel indemnisé.

Eu égard aux éléments suffisants du dossier pour trancher ce litige, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de nouvelle expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en ce qu'il :

- Déclare Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil du déboisement réalisé sur les parcelles de Monsieur [K] [C] et Madame [D] [U] épouse [C] au cours de l'été 2014 et tenus in solidum de supporter la réparation des préjudices subis .

- Déboute Monsieur [K] [C] et Madame [D] [U] épouse [C] de leur demandes d'indemnisation au titre d'un préjudice lié à la source d'eau et d'un préjudice lié à la réalisation de projets immobiliers ;

- Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell à payer à Monsieur [K] [C] et Madame [D] [U] épouse [C] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article R 631-4 du code de la consommation;

- Rejette toutes autres demandes des parties à l'instance ;

Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell aux dépens de l'instance ;

- Dit qu'il appartient à la SA AXA France lard de garantir la SAS Entreprise forestière Tell des condamnations prononcées à son encontre ;

pour le surplus, l'infirme et statuant à nouveau,

Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell à payer à Monsieur [K] [C] et Madame [D] [U] épouse [C] la somme de 30 412 € au titre des préjudices matériels subis ;

Rejette les demandes formées par les époux [C] au titre de leurs préjudices moraux,

Rejette les demandes de [H] [G] tendant à être mis hors de cause, à voir condamner solidairement [O] [X] et la SAS Tell à le rembourser de la provision versée en exécution de l'ordonnance de référé du 30 juin 2016, ou à lui payer 10 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, ou à le relever et garantir de toutes condamnation pouvant être mises à sa charge ;

Rejette les demandes de la SAS Tell tendant à voir condamner solidairement [O] [X] et [H] [G] à la relever et garantir des condamnations mises à sa charge ou à voir dire et juger qu'elle n'est responsable qu'à hauteur de 10 % du préjudice subi par les époux [C], [O] [X] et [H] [G] supportant solidairement la charge de cette responsabilité à hauteur de 90 % ;

Rejette la demande de [O] [X] tendant à voir condamner les époux [C] à le rembourser de la provision réglée, les comptes devant être faits entre les parties en fonction des condamnations prononcées, et l'éventuel trop-perçu restitué, sans qu'il y ait lieu à condamnation de ce chef par la présente décision ;

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur [H] [G], Monsieur [O] [X] et la SAS Entreprise forestière Tell aux dépens d'appel, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civilepour la procédure d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/09989
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.09989 ?
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