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30/06/2022 | FRANCE | N°19/09977

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 30 juin 2022, 19/09977


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

sa

N° 2022/ 328













Rôle N° RG 19/09977 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEO3I







Syndicat des copropriétaires LES JARDINS DE L'EMPEREUR





C/



SCA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE

Etablissement Public LA METROPOLE [Localité 6] COTE D'AZUR













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP DELAGE - DAN - LARRIBEAU - RENAUDOT



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON



Me Talissa FERRER BARBIERI









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

sa

N° 2022/ 328

Rôle N° RG 19/09977 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEO3I

Syndicat des copropriétaires LES JARDINS DE L'EMPEREUR

C/

SCA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE

Etablissement Public LA METROPOLE [Localité 6] COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP DELAGE - DAN - LARRIBEAU - RENAUDOT

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Me Talissa FERRER BARBIERI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/03391.

APPELANT

Syndicat des copropriétaires LES JARDINS DE L'EMPEREUR sis [Adresse 4], pris en la personne de son syndic en exercice, la SAS GESTION IMMOBILIERE DAUBEZE-ROULLAND, agissant sous l'enseigne Cabinet ROULLAND, dont le siège social est situé [Adresse 2], lui-même pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Me Philippe DAN de la SCP DELAGE - DAN - LARRIBEAU - RENAUDOT, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

SCA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Philippe MARIA de l'ASSOCIATION MARIA - RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE. substituée par Me Frédérique JOUHAUD, avocat au barreau de GRASSE

Etablissement Public LA METROPOLE [Localité 6] COTE D'AZUR, sis [Adresse 3], représentée par son Président en exercice

représentée par Me Talissa FERRER BARBIERI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Michaël VERNE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Anouk CWIKLINSKI , avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Sylvaine ARFINENGO, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La copropriété Les jardins de l'Empereur est située à [Localité 7] , sur un terrain d'environ un hectare, à l'angle de l'[Adresse 5] et de l'[Adresse 4]. Sur ce terrain, ont été édifiés six immeubles d'habitation.

Le syndicat des copropriétaires principal est chargé de la gestion des parkings, garages et jardins.

Sur la propriété de la copropriété se situe un réseau principal d'eau potable.

La canalisation en cause prend naissance en amont de la résidence, par un piquage sur la canalisation collective publique, sous l'[Adresse 5], elle traverse et distribue en eau l'ensemble immobilier, et se prolonge par un autre piquage sur la canalisation publique passant sous l'avenue de l'[Adresse 4].

Le syndicat des copropriétaires indique que la Compagnie des Eaux et de l'Ozone a régulièrement entretenu ladite canalisation.

A compter du 1er janvier 2002, la gestion de l'eau publique a été confiée à la Communauté d'agglomération de [Localité 6] Côte d'Azur (la CANCA) aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur.

A compter de l'année 2003, cette conduite a présenté des défaillances.

En 2004, un compteur général a été installé à l'entrée de la copropriété Les Jardins de l'Empereur.

Le syndicat des copropriétaires a saisi le président du tribunal de grande Instance de Grasse aux fins de désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance de référé en date du 11 janvier 2006, Monsieur [U] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

Au cours des opérations d'expertise, les travaux ont dû être effectués par le syndicat des copropriétaires pour un montant de 36.810,30 € TTC et ont été réceptionnés sans réserve le 24 février 2009.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 4 décembre 2009.

En 2009, le syndicat des copropriétaires Les Jardins de l'Empereur a saisi le tribunal administratif de Nice en vue d'obtenir la condamnation de la communauté d'agglomération [Localité 6] Côte d'Azur et de la société Compagnie des Eaux et de l'Ozone au paiement des travaux engagés pour remplacer la conduite d'eau traversant la copropriété.

Par jugement du 27 mars 2012, le tribunal administratif s'est déclaré incompétent pour prononcer la condamnation demandée en raison du caractère industriel et commercial du service public concerné et de la relation usager/ administration en découlant, soumis à la seule compétence des juridictions civiles.

Par arrêt du 13 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête d'appel de la Compagnie des eaux et de l'ozone.

Par exploit d'huissier délivré le 19 juin 2015, le syndicat des copropriétaires a fait assigner ce dernier ainsi que la Métropole [Localité 6] Cote d'Azur devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de les voir condamnés à lui verser la somme de 36.810,30€ TTC correspondant au montant des travaux engagés.

Par jugement du 9 mai 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a statué ainsi qu'il suit :

-déboute le syndicat des copropriétaires Les Jardins de l'Empereur, [Adresse 4] de l'ensemble de ses demandes ;

-condamne le syndicat des copropriétaires Les Jardins de l'Empereur, [Adresse 4] à payer à la société en commandite par actions Compagnie des Eaux et de l'ozone la somme de deux mille euros (2000 €), au titre de l'article 700 du code de procédure civile -condamne le syndicat des copropriétaires Les Jardins de l'Empereur, [Adresse 4] à payer à la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur la somme de deux mille euros (2000 €), au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamne le syndicat des copropriétaires Les Jardins de l'Empereur, [Adresse 4] aux dépens de la procédure, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, avec distraction au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

-rejette tous autres chefs de demandes.

Pour statuer ainsi, le tribunal se fondant sur les articles 4 et 5 du règlement de l'eau potable du 30 avril 1982, sur la circonstance que la canalisation d'alimentation en eau potable passe sous le tènement de la copropriété, qu'elle a été réalisée à l'époque de la construction de l'immeuble à la demande du constructeur qui a financé les travaux, ainsi que sur les articles 3 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, a retenu que si la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur était propriétaire des canalisations situées sous la voie publique, la canalisation en cause, située hors les limites de la voie publique, relevait de l'entretien du syndicat des copropriétaires.

Le 21 juin 2019, le syndicat des copropriétaires Les Jardins de l'Empereur a relevé appel de cette décision.

Aux termes des dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 30 septembre 2020, le syndicat des copropriétaires Les Jardins de l'Empereur demande à la cour de:

-infirmer le jugement rendu le 9 mai 2019 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

-dire et juger que de 1979 au mois de novembre 2004, les canalisations d'eau potable passant sur sa propriété étaient des ouvrages publics.

-dire et juger que les canalisations litigieuses entrent dans la définition, jusqu'en 2004, du règlement d'eau potable du 30 avril 1982 définissant les réseaux devant être entretenus et renouvelés par le service des Eaux.

-dire et juger que des défaillances des canalisations d'eau potable litigieuses tenant en des fuites et oxydations ont été constatées dès l'année 2003.

-dire et juger que la Métropole [Localité 6] Cote d'Azur était propriétaire de l'installation litigieuse.

-dire et juger que la Compagnie des Eaux et de l'ozone avait une obligation d'entretien des canalisations d'eau potable litigieuses en vertu d'un contrat d'affermage conclu avec la Métropole [Localité 6] Cote d'Azur.

-dire et juger qu'il a fait réaliser les travaux de renouvellement des canalisations d'eau potable litigieuses pour un coût total de 36.810,30 €.

Par conséquent,

-infirmer le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

-condamner, in solidum, la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur et la Compagnie des eaux et de l'Ozone à lui rembourser la somme de 36.810,30 € TTC, correspondant au montant des travaux engagés.

-condamner, in solidum, la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur et la Compagnie des eaux et de l'Ozone à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner in solidum tous succombants aux entiers dépens distraits au profit de Maître Philippe Dan, membre de la SCP Delage-Dan- Larribeau sous sa due affirmation de droit.

-ordonner l'exécution provisoire (SIC).

Le syndicat appelant soutient essentiellement que :

-selon la jurisprudence, les canalisations ou canaux, même réalisés par des personnes privées sur leur propriété ou sur le domaine privé de collectivités locales, constituent des ouvrages publics, dès lors qu'ils servent à l'évacuation d'eaux provenant d'un réseau public ou facilitent l'écoulement des eaux pluviales.

-la canalisation d'eau froide passant dans la copropriété et la distribuant en eau prend naissance par piquage sur la canalisation publique de l'[Adresse 5] et se prolonge jusqu'à un piquage sur la canalisation publique de l'[Adresse 4],

-ce réseau principal constituait ainsi un maillage avec le réseau public d'eau général,

-la compagnie des eaux et de l'ozone entretenait régulièrement cette canalisation, qui doit être qualifiée d'ouvrage public compte tenu de sa fonction d'équilibrage de l'écoulement du réseau public d'eau,

-entre 1979 et le mois de novembre 2004, aucun compteur d'eau n'avait été installé par la Compagnie des Eaux et de l'Ozone à l'entrée ou à la sortie de la copropriété;

-cette compagnie assure la gestion du réseau public en vertu de plusieurs règlements successifs (premier règlement du 9 mars 1972, modifié par le règlement du service des eaux en 1982);

-selon les articles 4 et 5 du règlement, les canalisations sur lesquelles la compagnie des Eaux et de l'Ozone a une obligation d'entretien sont celles qui se poursuivent jusqu'au compteur de l'abonné.

-le tribunal a mal interprété ces textes.

-le changement du réseau était indispensable compte tenu des défaillances constatées et les travaux doivent être imputés à la Compagnie des Eaux et de l'Ozone et à la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur.

Selon les dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 16 juillet 2020, la société Compagnie des Eaux et de l'Ozone demande à la cour, sur le fondement des articles L 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, 4 et 5 du règlement du service de l'eau, 3 et 14 de la loi du 10 Juillet 1965, de:

-dire et juger le syndicat des copropriétaires irrecevable et infondé en ses prétentions en cause d'appel,

-en conséquence, l'en débouter en tous points,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse,

-débouter en conséquence le syndicat des copropriétaires de ses fins, demandes et prétentions, celles-ci étant irrecevables et infondées,

Y ajoutant,

-Condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner en outre le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins de L'Empereur au paiement des entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance comprenant les frais de l'expertise judiciaire, les dépens d'appel étant distraits au profit de la SCP Badie-Simon Thibaud-Juston.

Elle fait valoir globalement que :

-les décisions administratives n'ont aucune incidence sur le litige,

-le réseau litigieux est de nature privée, il dessert uniquement les bâtiments de la copropriété et se situe sur le terrain d'assiette de la copropriété,

-la canalisation publique circule sur l'[Adresse 4] qui longe le terrain de la copropriété. De cette canalisation publique, part une canalisation secondaire qui alimente la copropriété. Il s'agit ici du branchement particulier qui alimente la copropriété. Or, c'est bien la partie située sur le terrain de la copropriété du branchement particulier qui est en cause.

-selon le règlement du service de l'eau du 30 avril 1982, seule la partie située sous le domaine public constitue un ouvrage public et non pas la partie située sous le domaine privé du bénéficiaire du raccordement en alimentation en eau.

-Il n'existe absolument aucune ambiguïté et la jurisprudence considère que la partie du branchement situé en domaine privé est nécessairement un ouvrage privé et non pas un ouvrage public;

-ce réseau est une partie commune de la copropriété; il n'a jamais été incorporé au réseau public

-le règlement du service de l'eau visé ne prévoit pas dans l'hypothèse d'une absence de compteur général de substituer les compteurs divisionnaires au compteur général;

-au regard de l'article 14 de la loi du 10 Juillet 1965, c'est bien sur le syndicat de copropriété que pèse l'obligation d'entretien.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 15 avril 2020, la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur demande à la cour de :

-À titre principal :

-constater que le syndic appelant n'a pas été expressément habilité par le syndicat des copropriétaires Les jardins de l'empereur pour interjeter appel contre le jugement rendu en date du 9 mai 2019,

-dire et juger que le syndic appelant n'avait donc pas qualité pour agir au nom du syndicat des copropriétaires pour introduire sa requête en appel,

-déclarer, par conséquent, comme étant irrecevable la requête en appel pour défaut de qualité pour agir du syndic.

À titre subsidiaire :

-constater que le réseau de canalisations litigieux relève des parties communes de la copropriété Les jardins de l'empereur, dont l'entretien incombait au syndicat des copropriétaires,

-dire et juger, en conséquence, que le syndicat des copropriétaires devait prendre en charge le coût des travaux de remplacement des canalisations d'eau litigieuses s'élevant à un montant de 36 810,30 euros,

-confirmer le jugement rendu en date du 9 mai 2019 par le tribunal de grande Instance de Grasse en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes du syndicat des copropriétaires Les jardins de l'empereur,

-débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes,

À titre infiniment subsidiaire;

-Constater qu'elle avait délégué l'exploitation du service public de distribution de l'eau potable, sur son territoire, à la Compagnie des Eaux et de l'Ozone, en vertu d'un contrat d'affermage conclu en dates des 15 et 19 juin 1967,

-dire et juger, dans l'hypothèse où le réseau de canalisations litigieux serait qualifié d'ouvrage public, qu'en application de ce contrat d'affermage, l'entretien des canalisations d'eau incombait exclusivement à la société concessionnaire, la Compagnie des Eaux et de l'Ozone,

-constater que les désordres affectant le réseau de canalisations trouvent leur origine dans un défaut d'entretien du réseau, comme cela ressort du rapport d'expertise judiciaire,

-dire et juger qu'elle n'est pas responsable des désordres affectant le réseau de canalisation litigieux, dans la mesure où elle n'avait aucune obligation d'entretien de ce réseau,

-Par conséquent, la mettre hors de cause dans la présente affaire.

En tout état de cause,

-condamner le syndicat des copropriétaires Les jardins de l'empereur à lui payer la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La métropole [Localité 6] Côte d'Azur expose, en substance, que :

-le syndic n'établit pas avoir été régulièrement habilité pour relever appel, son appel est irrecevable,

-l'obligation d'entretien du réseau de canalisations litigieux incombe au syndicat des copropriétaires

-le réseau de canalisations d'eau litigieux n'a pas le caractère d'un ouvrage public, mais relève des parties communes de la copropriété,

-en effet, les canalisations desservant les immeubles de la copropriété, qui sont affectées à l'usage de tous les copropriétaires, relèvent des parties communes;

-la conduite d'eau circulant sur le terrain d'assiette de la copropriété « Les jardins de l'empereur », qui alimente en eau potable chacun des immeubles constituant la copropriété, a été financée par le promoteur de l'opération immobilière et se trouve affectée à l'usage exclusif des copropriétaires,

-selon le règlement du service de l'eau, l'entretien de la canalisation litigieuse, située hors la limite du domaine public, relève du syndicat des copropriétaires.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

A l'audience du 24 mai 2022, la cour a invité les parties à produire une note en délibéré sur la qualité de la Métropole de [Localité 6] Côte d'Azur à invoquer le défaut d'habilitation du syndic au regard de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2019-650 du 27 juin 2019, et sur la compétence de la cour à se prononcer sur la recevabilité de l'appel en considération des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile.

Le 30 mai 2022, la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur a déposé une note en délibéré.

Le 7 juin 2022, la Compagnie des Eaux et de l'Ozone a fait valoir, par une note en délibéré, qu'elle s'en rapportait à justice.

Les 14 juin 2022 et 22 juin 2022, le syndicat des copropriétaires a déposé une note en délibéré.

Motifs de la décision :

1-L'article 55 du décret du 17 mars 1967, dans la rédaction que lui a donnée l'ordonnance n°2019-650 du 27 juin 2019, dispose que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. Seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic à agir en justice.

Comme toute loi de procédure, cette disposition s'applique immédiatement aux actes postérieurs à son entrée en vigueur, intervenue le le 29 juin 2019.

Les dernières conclusions de la Métropole de [Localité 6] Côte d'Azur, remises au greffe et notifiées le 15 avril 2020, sont postérieures à l'entrée en vigueur de la disposition précitée.

Or, cette partie n'a pas la qualité de copropriétaire de l'immeuble Les Jardins de l'Empereur.

Dès lors, en vertu de cette disposition, la Métropole de [Localité 6] Côte d'Azur est irrecevable à se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic à agir en justice, et sa demande subséquente tendant à voir déclarer l'appel du syndicat des copropriétaires de ce chef est également irrecevable.

2-Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

Or, les demandes exprimées sous la forme de « dire et juger » constituent, non pas des prétentions, mais un rappel des moyens soulevés auxquels il sera répondu dans la motivation de l'arrêt et non dans le dispositif.

3-L'article 4 du règlement d'eau potable du 30 avril 1982, texte de nature réglementaire, énonce que le branchement comprend la canalisation publique en suivant le trajet le plus court, la prise d'eau sur la conduite de distribution publique, le robinet sous bouche à clé, la canalisation de branchement située tant sous le domaine public que privé, le robinet d'arrêt avant compteur ou jauge, le compteur ou la jauge.

L'article 5 du règlement de 1982 dispose que les branchements tels qu'ils sont définis à l'article 4 pour leur partie située sous la voie publique sont la propriété du syndicat des eaux, à l'exception des compteurs et jauges, et font partie intégrante du réseau.

Cette partie du branchement ainsi que le compteur y compris le robinet de purge s'il est contigu au compteur seront entretenus et renouvelés par le service des eaux et à ses frais. Ce dernier entretiendra également à ses frais les jauges qui restent propriété des abonnés.

La garde, y compris l'entretien de la partie des branchements et de ses dérivations situées hors limites de la voie publique ainsi que le regard de la niche abritant le compteur est à la charge de l'abonné avec toutes les conséquences que cette notion comporte en matière de responsabilité.

Les branchements jusqu'au compteur ou jauge inclus, y compris le robinet de purge s'il est contigu au compteur font partie intégrante des installations. Les travaux d'entretien et de renouvellement des branchements dont la consistance ci-dessus définie seront exécutés par le Services des eaux. L'entretien de l'abri compteur ou jauge, ainsi que de tous les appareils et canalisations situés après l'appareil de compte qui ne font pas partie du branchement seront entretenus par l'abonné.

Il ne fait pas débat entre les parties que la canalisation litigieuse prend naissance en amont de la résidence, par un piquage sur la canalisation collective publique, sous l'[Adresse 5], qu'elle traverse et distribue en eau l'ensemble immobilier, puis qu'elle se prolonge par un autre piquage sur la canalisation publique passant sous l'avenue de l'[Adresse 4].

Il n'est pas davantage contesté que le réseau, objet du litige, dessert exclusivement les bâtiments dépendant du syndicat des copropriétaires Les jardins de l'Empereur.

Au soutien de sa demande tendant à la condamnation, in solidum de la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur et de la Compagnie des Eaux et de l'Ozone à lui payer la somme 36 810,30 euros, représentant le montant des travaux engagés sur la canalisation litigieuse, le syndicat des copropriétaires allègue essentiellement que :

-de 1979 au mois de novembre 2004, les canalisations d'eau potable passant sur sa propriété étaient des ouvrages publics, que la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur était propriétaire de l'installation litigieuse lors des désordres qui y ont été constatés tandis que la Compagnie des Eaux et de l'Ozone avait une obligation d'entretien en vertu du contrat d'affermage signé avec la Métropole.

-selon la jurisprudence, les canalisations ou canaux, même réalisés par des personnes privées sur leur propriété ou sur le domaine privé de collectivités locales, constituent des ouvrages publics, dès lors qu'ils servent à l'évacuation d'eaux provenant d'un réseau public ou facilitent l'écoulement des eaux pluviales

Cependant, la cour retiendra que :

-en premier lieu, il n'est pas démontré que le réseau en cause ait été incorporé au domaine public.

En effet, il n'est justifié d'aucune jurisprudence constante affirmant la nature publique d'une canalisation d'alimentation en eau potable, située sur le terrain d'assiette d'un immeuble en copropriété, exclusivement destinée à le desservir, en l'absence de compteur général situé en amont.

Il ne peut être déduit de l'installation d'un compteur général à compter de l'année 2004, alors que le syndicat des copropriétaires ne disposait jusqu'alors que de compteurs divisionnaires, que jusqu'à cette date, l'obligation d'entretien de l'exploitant du service de l'eau s'étendait jusqu'aux compteurs divisionnaires des six immeubles.

En effet, l'absence de compteur général à l'entrée du terrain d'assiette de la copropriété n'emporte pas qualification d'ouvrage public de la conduite d'eau litigieuse.

De plus, le règlement du service de l'eau ne prévoit pas qu'en l'absence d'un tel compteur, lui seraient substitués les compteurs divisionnaires.

En outre, le jugement rendu le 27 mars 2012 par le tribunal administratif de Nice , qui a considéré que « les branchements amenant l'eau aux immeubles des particuliers constituent une dépendance de la conduite principale à laquelle ils sont reliés et font partie de l'ensemble des ouvrages que comporte un service public de distribution d'eau; qu'ils constituent, dès lors, un ouvrage public » ne lie pas le juge judiciaire.

Selon les dispositions précitées du règlement du service de l'eau du 30 avril 1982, seule la partie du branchement située sous le domaine public constitue un ouvrage public, et non celle située sous le tènement privé du bénéficiaire du raccordement en eau.

Or, il ne fait aucun doute que la partie de la canalisation défectueuse était située hors les limites de la voie publique, sur le terrain dépendant du syndicat des copropriétaires.

Enfin, il est justement soutenu que l'installation d'un compteur général à l'entrée de la copropriété en 2004 a simplement matérialisé la délimitation entre la canalisation publique et la conduite privée, sans qu'il puisse en être tiré la moindre conséquence sur le caractère d'ouvrage public qu'aurait présenté cette conduite antérieurement.

Dès lors, en lecture des articles 4 et 5 du règlement du service de l'eau du 30 avril 1982, dont le premier juge ne s'est pas mépris sur la lecture, l'entretien du branchement situé dans le terrain d'assiette de la copropriété lui incombe.

-selon l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, sont communes les parties de bâtiments et des terrains affectés à l'usage de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux. Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes, le gros oeuvre des bâtiments, les éléments d'équipement commun, y compris les parties de canalisations y afférentes qui traversent des locaux privatifs, ainsi que tout élément incorporé dans les parties communes.

Il n'est pas allégué que le règlement de copropriété contiendrait une disposition dérogatoire au principe fixé par l'article 3.

Au contraire, le règlement de copropriété de l'immeuble Les Jardins de l'Empereur définit les parties communes générales comme celles affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires, comprenant, notamment : «les canalisations, gaines et réseaux de toutes natures, d'utilité commune et notamment, les tuyaux de tout à l'égout, les drains et les branchements d'égout, les prises d'eau, les canalisations principales, d'eau ['] ».

Enfin, le syndicat des copropriétaires tient de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, l'obligation de conserver et d'entretenir les parties communes de l'immeuble.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, dont il ressort que le dommage est survenu sur le domaine privé du syndicat des copropriétaires, sur une canalisation dont celui-ci a l'usage, la direction et le contrôle, l'entretien de la partie de la canalisation située dans les limites de la propriété du syndicat des copropriétaires incombe bien à ce dernier.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions appelées, sans qu'il y ait lieu en cause d'appel d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt, le pourvoi en cassation n'ayant, en application de l'article 579 du code de procédure civile, aucun caractère suspensif.

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

Déclare la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur irrecevable en sa demande

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 9 mai 2019.

Condamne le syndicat des copropriétaires les Jardins de l'Empereur, représenté par son syndic en exercice, la SAS Gestion Immobilière Daubèze-Roulland, agissant sous l'enseigne Cabinet Roulland, [Adresse 2], à payer à la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur et à la Compagnie des Eaux et de l'Ozone, chacune, la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne le syndicat des copropriétaires les Jardins de l'Empereur, représenté par son syndic en exercice, la SAS Gestion Immobilière Daubèze-Roulland, agissant sous l'enseigne Cabinet Roulland, [Adresse 2], aux dépens d'appel, distraits au profit de la SCP Badie-Simon-Thibaud-Juston, qui en a fait la demande.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/09977
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.09977 ?
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