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30/06/2022 | FRANCE | N°19/02853

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 30 juin 2022, 19/02853


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022



N° 2022/

CM/FP-D











Rôle N° RG 19/02853 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDZ7B







[P] [S]

[K] [V]

[I] [V]





C/



SAS SMDC LOGISTIQUE

























Copie exécutoire délivrée

le :

30 JUIN 2022

à :

Me François MAIRIN, avocat au barreau

de TARASCON



Me Alexandre FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 14 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00149.





APPELANTES



Madame [P] ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

N° 2022/

CM/FP-D

Rôle N° RG 19/02853 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDZ7B

[P] [S]

[K] [V]

[I] [V]

C/

SAS SMDC LOGISTIQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

30 JUIN 2022

à :

Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

Me Alexandre FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 14 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00149.

APPELANTES

Madame [P] [S] agissant en qualité d'ayant droit de M. [L] [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

Madame [K] [V] agissant en qualité d'ayant droit de M. [L] [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

Madame [I] [V] agissant en qualité d'ayant droit de M. [L] [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

SAS SMDC LOGISTIQUE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Alexandre FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

[L] [V] (le salarié) a été embauché par la société SMDC logistique (la société) selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 27 janvier 2012, à compter du 1er février 2012, en qualité de magasinier polyvalent, ouvrier groupe OL, coefficient 110.

À compter du 18 avril 2014, le salarié a été placé en arrêt de travail.

Le 11 août 2014, la caisse primaire d'assurance-maladie a refusé la prise en charge de l'accident du 16 avril 2014 au titre de la législation professionnelle.

Le refus de prise en charge a été confirmé par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône du 15 septembre 2016 puis par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 septembre 2017.

Le 1er décembre 2014, le salarié a été examiné par le médecin du travail, lequel a conclu à une inaptitude temporaire au poste de magasinier polyvalent en précisant qu'il serait apte à un poste sans manutention, sans mouvement répétitif des membres supérieurs (préparation de commande, déchargement et chargement manuel, réception colis...) et à un poste administratif ou assimilé- à revoir le 17 décembre 2014 pour deuxième avis.

Le 18 décembre 2014, lors de la seconde visite médicale de reprise, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste de travail de magasinier polyvalent mais apte à un poste sans manutention, sans mouvement répétitif des membres supérieurs (préparation de commande, déchargement et chargement manuel, réception colis...) et à un poste administratif ou assimilé.

Le 19 janvier 2015, le salarié a été convoqué un entretien préalable à éventuel licenciement pour le 28 janvier 2015.

Le 3 février 2015, le salarié a été licencié pour impossibilité de reclassement consécutive à une inaptitude médicalement constatée.

Le 1er avril 2015, la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge la maladie de [L] [V] au titre de la législation professionnelle.

Le 15 septembre 2015, [L] [V] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles aux fins de voir dire que son licenciement est abusif, et de voir condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire, d'une indemnité spéciale de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société SMDC logistique s'est opposée aux demandes et a sollicité à titre reconventionnel une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 14 février 2019, le conseil de prud'hommes d'Arles a :

condamné la société SMDC logistique à payer à M. [V] la somme de 915,92 euros à titre de rappel de salaire,

dit et jugé que l'inaptitude constatée n'a pas une origine professionnelle,

dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse en l'état d'une impossibilité de reclassement, consécutive à une inaptitude médicalement constatée,

débouté M. [V] de sa demande à titre d'indemnité de licenciement,

débouté M. [V] de ses demandes de préavis, congés payés y afférents, de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

débouté M. [V] de sa demande d'exécution provisoire,

condamné la société SMDC logistique à verser à M. [V] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

débouté la société SMDC logistique de l'ensemble de ses demandes.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 18 février 2019, [L] [V] a interjeté appel du jugement dans les formes et délais prescrits à peine d'irrecevabilité, en le limitant aux chefs de jugement suivants : en ce qu'il a dit et jugé que l'inaptitude constatée n'a pas une origine professionnelle, en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse en l'état d'une impossibilité de reclassement consécutive à une inaptitude médicalement constatée, en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité de licenciement, de ses demandes de préavis, de congés payés y afférents, de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse de sa demande d'exécution provisoire, du surplus de ses demandes.

[L] [V] est décédée le 28 mai 2021.

Mme [S], Mme [K] [V] et Mme [I] [V] sont intervenues à la cause en qualité d'ayants droit de [L] [V].

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe de la cour le 23 novembre 2021, Mme [S], Mme [K] [V] et Mme [I] [V] en qualité d'ayants droit de [L] [V] demandent à la cour de :

déclarer recevable et bien fondé leur intervention,

ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture afin de leur permettre d'intervenir utilement à la procédure en leur qualité d'ayant droit de [L] [V], décédée le 28 mai 2021,

infirmer la décision en ce qu'elle a considéré que l'inaptitude de [L] [V] n'avait pas une origine professionnelle et en ce qu'elle l'a également débouté de toutes ses prétentions au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

statuant à nouveau,

à titre principal,

vu les articles L. 1226 ' 10 et suivants du code du travail,

constater que l'inaptitude constatée par la médecine du travail avait une origine professionnelle,

constater que l'employeur n'a pas consulté les délégués du personnel et ne justifie pas d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement,

dire et juger que le licenciement du 2 février 2015 est abusif,

condamner la société SMDC logistique au paiement de la somme de 1831,76 euros bruts à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

condamner la société SMDC logistique au paiement de la somme de 3052,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 305,29 euros bruts au titre des congés payés afférents,

condamner la société SMDC logistique au paiement de la somme de 18'317,64 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

vu les articles R. 4624 ' 31, L. 1226 ' 9 et L. 1226 ' 13 du code du travail,

dire et juger que la rupture du contrat de travail est intervenue en période de suspension du contrat de travail, aucune visite de reprise n'ayant eu lieu,

condamner la société SMDC logistique à payer la somme de 3052,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 305,29 euros bruts au titre des congés payés afférents,

condamner la société SMDC logistique au paiement de la somme de 18 317,64 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

condamner la société SMDC logistique à payer aux concluants la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 22 novembre 2021, la société SMDC logistique demande à la cour de :

à titre principal,

dire et juger que l'inaptitude constatée n'a pas une origine professionnelle,

dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

dire et juger qu'aucun rappel de salaire ne doit être ordonné,

à titre subsidiaire,

dire et juger que [L] [V] ne justifie aucunement d'un préjudice à hauteur de prétentions indemnitaires formulées,

par conséquent,

à titre principal,

confirmer le jugement attaqué en ses dispositions déboutant [L] [V] de ses prétentions,

réformer le jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau,

débouter [L] [V] de l'intégralité de ses demandes,

condamner [L] [V] au paiement de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

réduire toute condamnation à la plus stricte proportion,

débouter [L] [V] du surplus de ses demandes.

À l'audience du 25 avril 2021, l'ordonnance de clôture du 11 octobre 2021 a été révoquée pour permettre la reprise de l'instance par les ayants droit de [L] [V]. La clôture a été prononcée le 25 avril 2015 et les débats ont été rouverts. L'affaire a été évoquée à l'audience du 25 avril 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail et le rappel de salaire

La société fait grief au jugement de la condamner à verser au salarié un rappel de salaire

alors que les sommes retirées en décembre 2014 et en janvier 2015 correspondent à des congés payés qu'il avait sollicités pour pallier l'absence de paiement de salaire au cours du mois consécutif à la visite médicale de reprise et que le versement des salaires a été repris pour la période du 18 janvier 2015 au licenciement le 3 février 2015.

Les ayants droit du salarié n'ont présenté aucun argumentaire ni formulé de demande tendant à débouter la société de son appel incident à ce titre.

La cour note que la demande formulée par le salarié en première instance portait sur un rappel de salaire et non un rappel d'indemnité compensatrice de congés payés outre l'absence de motivation des premiers juges sur ce point.

L'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement des salaires à défaut pour lui d'avoir licencié ou reclasser le salarié court à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail.

En l'occurrence, l'inaptitude définitive du salarié à son poste de travail résulte de l'avis médical du 18 décembre 2014, en sorte que l'obligation de reprise du paiement des salaires débutait le 19 janvier 2015.

Il ressort des bulletins de salaire de janvier et février 2015 que l'employeur a versé les salaires dus au salarié pour la période postérieure au 18 janvier 2015 jusqu'au licenciement le 2 février suivant. Par ailleurs, les congés payés ont été pris pendant la période du 22 décembre 2014 au 7 janvier 2015 inclus, alors que l'employeur n'était pas tenu à l'obligation de reprise du paiement des salaires, ont donné lieu à indemnité de congés payés. Il s'ensuit qu'aucune somme n'était due au salarié sur le fondement du rappel de salaire.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a condamné la société à verser au salarié un rappel de salaire de 915,92 euros qui sera débouté de cette demande.

Sur la rupture du contrat de travail

1/ Sur l'application des dispositions protectrices en matière de législation professionnelle

Pour contester le jugement entrepris, le salarié soutient qu'il a été de manière continue en arrêt de travail du 18 avril 2014, initialement pour accident du travail puis pour maladie professionnelle, jusqu'à ce qu'il soit licencié, et que l'employeur avait connaissance au jour de l'engagement de la procédure de licenciement de l'origine professionnelle de l'inaptitude dès lors qu'il avait en sa possession les certificats médicaux mentionnant une épicondylite du coude droit depuis le 18 avril 2014 outre le courrier de la caisse primaire d'assurance maladie du 17 décembre 2014 l'informant de la déclaration de maladie professionnelle du 29 octobre 2014 et que l'avis d'inaptitude fait mention qu'il serait apte à un poste sans mouvement répétitif des membres supérieurs.

L'employeur qui s'oppose à l'application du régime protecteur en cas de maladie professionnelle ou d'accident du travail fait valoir que dès le mois d'août 2014, la caisse primaire d'assurance maladie avait refusé de prendre en charge le prétendu accident du travail au titre de la législation professionnelle, de sorte que le salarié n'avait plus droit de bénéficier des arrêts de travail pour accident du travail et qu'au terme des arrêts de travail, il n'avait pas connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude. Il prétend à ce titre que les arrêts de travail versés aux débats par le salarié ne sont pas les mêmes que ceux qu'il lui avait adressés pour les périodes postérieures à août 2014, que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge de l'épicondylite du coude droit au titre des maladies professionnelles est postérieure au licenciement et que le certificat médical initial pour maladie professionnelle du 29 octobre 2014 ne concerne pas un arrêt de travail mais de simples soins.

Les règles protectrices de articles L.1226-6 à L.1226-22 du code du travail s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quelque soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement, pour origine un accident ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.

Le salarié a été déclaré inapte définitivement au poste de magasinier polyvalent mais apte à un poste sans manutention et sans mouvement répétitif des membres supérieurs établissant que cette inaptitude a pour origine l'épicondylite du coude droit qui a été reconnue comme maladie professionnelle le 1er avril 2015 par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Les certificats médicaux communiqués à l'employeur pour la période postérieure au 11 août 2014, étaient, malgré le refus de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie, encore établis sur des feuilles 'accident du travail /maladie professionnelle' pour un accident du travail constaté le 16 avril 2014 pour un arrêt de travail prolongé sans interruption jusqu'au 16 décembre 2014 puis, de nouveau prolongé du 13 janvier 2015 au 28 février 2015. Il y était précisé épicondylite du coude droit- hypoesthésie ulnaire.

Le salarié justifie de certificats médicaux d'arrêt de travail pour maladie professionnelle constatée pour la première fois le 1er octobre 2014, à compter du 1er décembre 2014 jusqu'au 28 février 2015. Il s'agit toutefois de rectificatifs dont la date d'établissement n'est pas connue et dont il n'est pas établi qu'ils aient été communiqués à l'employeur avant le licenciement.

Si la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a, par courrier du 30 novembre 2018, confirmé au salarié que son employeur avait été informé de la procédure de maladie professionnelle du 29 octobre 2014 et qu'il avait reçu l'information de réception de la demande de maladie professionnelle au 17 décembre 2014, un jour avant la seconde visite médicale de reprise, en l'absence d'élément concernant l'exacte teneur de l'information donnée par la caisse à l'employeur notamment concernant le type de maladie déclarée, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir que lors de l'engagement de la procédure de licenciement le 19 janvier 2015, l'employeur avait connaissance que l'inaptitude médicalement constatée avait au moins partiellement pour origine une maladie professionnelle.

Le salarié n'est donc pas en droit de bénéficier de la législation protectrice en matière de licenciement d'origine professionnelle. Il ne saurait en conséquence se prévaloir de l'absence de consultation des délégués du personnel. Il sera en conséquence débouté de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement.

2/ Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la constatation de l'inaptitude

Le salarié soutient que les visites de reprise des 1er eu 18 décembre 2014 ont été effectuées alors qu'il était encore en arrêt de travail, alléguant que la première visite était donc une visite de pré-reprise. Il en induit qu'en l'absence de visite médicale de reprise, le contrat de travail était toujours suspendu et que le licenciement est nul par application des dispositions de l'article L.1226-13 du code du travail.

La société fait valoir au contraire que l'arrêt de travail était arrivé à son terme le 16 décembre 2014, que la visite médicale de reprise s'est tenue le18 décembre 2014 et que son contrat de travail n'était plus suspendu, quand bien même il aurait été par la suite, de nouveau, placé en arrêt de travail.

Il convient de constater que le salarié ne demande pas au sein du dispositif de ses conclusions de déclarer nul le licenciement mais seulement sans cause réelle et sérieuse, en sorte que le moyen tiré de l'irrégularité de la constatation de l'inaptitude est inopérant.

3/ Sur l'obligation de reclassement

Le salarié prétend que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement au motif qu'il n'apporte aucune preuve d'une quelconque recherche de reclassement alors que l'entreprise fait partie d'un groupe, qu'elle ne fournit aucun organigramme et ne produit même pas aux débats le registre d'entrée et de sortie du personnel.

La société soutient avoir rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement en soutenant que :

- hormis les services administratifs, limités aux activités comptables et financières, sociales et commerciales employant du personnel à qualification précise, ces postes de travail sont des postes opérationnels (responsables d'exploitation ou de service, chefs d'équipes, ouvriers magasiniers) impliquant des tâches de manutention et tâches de contrôle et de comptage de la marchandise rendant impossible le reclassement du salarié sur ces postes au regard des restrictions médicales ;

- les postes opérationnels à haute qualification sont exclus du champ de la recherche de reclassement en raison des compétences de cadre requises ;

- le salarié n'avait pas la qualification nécessaire pour occuper un poste en comptabilité ou au service des ressources humaines, même via des actions de formation ou d'adaptation ;

- il n'existe pas de poste de type administratif ou assimilé sans manutention, sans mouvement répétitif des membres supérieurs comme le préconisait la médecin du travail ;

- le service RH a interrogé les responsables de service en interne sur les éventuels possibilités de reclassement mais n'a reçu que des réponses négatives ;

- c'est la typologie des postes qui s'impose au reclassement et non leur indisponibilité de sorte que la production du registre unique du personnel est sans intérêt ;

- il n'y a pas de groupe de reclassement, en l'absence de direction centralisée, de services communs, d'échanges opérationnels, fonctionnels ou institutionnels avec les autres entités ;

- elle est allée au-delà de son obligation en interrogeant les sociétés Logistique Val Seine Opérations et Logistique Estuaire Opérations situées au Havre ainsi que la société Logifare en Moselle qui opèrent dans le même secteur de la logistique de biens de consommation, sans recevoir en retour des offres de reclassement.

L'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2017, édicte que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail, consécutive à une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de postes de travail ou aménagement du temps du travail.

L'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise et à l'impossibilité de son reclassement au sein de celle-ci ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement.

Il incombe à ce dernier de justifier des recherches de reclassement qu'il a effectuées et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de reclasser la salariée.

Les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doivent s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en oeuvre de façon loyale et personnalisée.

Il suit de là que, quoique reposant sur une inaptitude physique d'origine non professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement n'est légitime que pour autant que l'employeur aura préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par ce texte.

L'employeur ne produit aucun organigramme de l'entreprise, ni registre unique du personnel permettant de vérifier les types de postes existant en son sein, et notamment les types de poste de nature administrative ou assimilée pour lesquels il n'existait pas de contre-indication médicale et au sein de ces postes administratifs et assimilés, l'éventualité de postes ne nécessitant pas de formation qualifiante pour le salarié, dépourvu de diplôme mais ayant occupé au regard de son curriculum vitea un poste de conseiller commercial en assurance entre 1994 et 2000. Aussi la société ne justifie pas avoir rempli sérieusement et loyalement son obligation de recherche de reclassement et le licenciement opéré est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse en l'état d'une impossibilité de reclassement consécutive à une inaptitude médicalement constatée.

Sur les conséquences de la rupture

1/ Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié qui a une ancienneté de deux ans et plus dans une entreprise de plus de 10 salariés dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, a droit à une indemnité correspondant aux six derniers mois de salaire.

Compte tenu de son ancienneté, de son âge (55 ans) lors de la rupture du contrat en l'absence de toute pièce concernant sa situation au regard de l'emploi postérieurement au licenciement, de son salaire mensuel de 1.526,46 euros bruts, le préjudice subi par le salarié à raison de la rupture injustifiée du contrat de travail sera entièrement réparée par la somme de 9.158,76 euros correspondant à six mois de salaire, que la société sera condamnée à lui verser.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de toute demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2/ Sur la demande d'indemnité compensatrice

Il convient de constater qu'il n'est pas demandé le paiement de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1224-5 du code du travail mais l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

L'inexécution du préavis résulte du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, en sorte que le salarié est en droit de bénéficier d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

En l'occurrence, le salarié qui avait une ancienneté de deux ans et demi avait droit à un préavis de deux mois par application des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail, en sorte qu'au regard du salaire mensuel brut de 1.526,46 euros, la société sera condamnée à lui verser 3.052,92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 305,29 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de toute demande d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de congés payés afférente.

Il est rappelé que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut.

Sur l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société succombant même partiellement, sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. Elle sera en conséquence, déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier les ayants droit du salarié des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner cette dernière à leur verser une indemnité complémentaire de 2.200 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile;

Dans la limite de la dévolution,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SMDC logistique à payer à [L] [V] la somme de 915,92 euros à titre de rappel de salaire, dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse en l'état d'une impossibilité de reclassement, consécutive à une inaptitude médicalement constatée, en ce qu'il a débouté [L] [V] de ses demandes de préavis, congés payés y afférents, de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare que [L] [V] n'est pas en droit de bénéficier de la législation protectrice en matière de licenciement d'origine professionnelle ;

Déclare que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société SMDC logistique à verser à Mme [S], Mme [K] [V] et Mme [I] [V] en leur qualité d'ayants droit de [L] [V] les sommes suivantes :

9.158,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3.052,92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 305,29 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente ;

Déboute Mme [S], Mme [K] [V] et Mme [I] [V] en leur qualité d'ayants droit de [L] [V] de leurs autres demandes indemnitaires consécutives au licenciement ;

Dit que [L] [V] a été rempli de ses droits en matière de rappel de salaire ;

Confirme le jugement entrepris sur le surplus de la dévolution,

Y ajoutant,

Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

Condamne la société SMDC logistique à verser à Mme [S], Mme [K] [V] et Mme [I] [V] en leur qualité d'ayants droit de [L] [V] une indemnité complémentaire de 2.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne la société SMDC logistique aux entiers dépens de l'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 19/02853
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.02853 ?
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