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30/06/2022 | FRANCE | N°19/00543

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 30 juin 2022, 19/00543


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022



N°2022/

NL/











Rôle N° RG 19/00543 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTNF







[U] [C]





C/



SAS EPC FRANCE





































Copie exécutoire délivrée

le :

30 JUIN 2022

à :

Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat

au barreau de MARSEILLE



Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 12 Décembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00163.







APPELANT



Monsieur [U] [C], demeurant [Adresse 2]



re...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

N°2022/

NL/

Rôle N° RG 19/00543 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTNF

[U] [C]

C/

SAS EPC FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

30 JUIN 2022

à :

Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 12 Décembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00163.

APPELANT

Monsieur [U] [C], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE,

et par Me Stéphane SELEGNY, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE

SAS EPC FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, et Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée, la société Nitro Bickford a engagé M. [C] (le salarié) en qualité de directeur administratif et financier, coefficient 880, statut cadre dirigeant, à compter du 1er janvier 2007 moyennant une rémunération annuelle brute de 93 039.60 euros.

Dans le cadre d'un reclassement au sein du groupe auquel appartient la société Nitro Bickford, le salarié domicilié à [Localité 3] (76) a été nommé au sein de la société EPC France (la société) au poste de directeur administratif et financier, coefficient 880, statut cadre dirigeant, basé dans l'établissement de [Localité 4] à compter du 1er janvier 2011 moyennant une rémunération annuelle brute de 125 000 euros outre des primes.

Les parties ont en outre prévu que les frais de pension et de déplacement du salarié depuis son domicile était pris en charge par la société, et que le salarié avait la faculté de travailler à son domicile sans toutefois excéder une journée par quinzaine ou deux journées par mois.

La convention collective des industries chimiques a été appliquée à la relation de travail.

Dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise, et suivant avenant en date du 1er juillet 2013, le salarié a été nommé directeur des ressources et des performances rattaché à la direction générale, coefficient 880, statut cadre dirigeant sans référence horaire compte tenu de l'importance des responsabilités, avec maintien de la rémunération antérieure.

Selon la fiche de fonction versée aux débats, la mission du salarié a consisté à animer, superviser, coordonner et faire progresser l'ensemble des services qui lui sont rattachés (administration du personnel, ressources humaines, services généraux, systèmes d'information et d'achats). Il a eu en outre pour tâche la gestion des performances et l'accompagnement de la direction générale notamment dans le développement des décisions stratégiques et le déploiement de nouvelles organisations.

En dernier lieu, il a perçu un salaire mensuel brut de 10 338.40 euros.

Dans le courant du mois de juillet 2016, le salarié a soumis à la société une demande de rupture conventionnelle qui n'a pas abouti.

Par courrier du 22 juillet 2016, il a démissionné de son emploi.

Le 10 juillet 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail en contestant notamment le statut de cadre dirigeant, outre diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail après requalification de sa démission.

Par jugement rendu le 12 décembre 2018, le conseil de prud'hommes a:

- jugé que le salarié relève du statut de cadre dirigeant,

- jugé que la démission produit les effets d'une démission,

- débouté le salarié de ses demandes,

- condamné le salarié au paiement de la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et eu paiement des dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l'appel formé le 11 janvier 2019 par le salarié.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 16 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:

Vu le jugement du Conseil des Prud'hommes d'ARLES du 12 décembre 2018, le réformer

Dire et juger

-que Monsieur [U] [C] ne relevait pas du statut de cadre dirigeant ;

-que la démission de Monsieur [U] [C] est équivoque et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

Par voie de conséquence, condamner la Société EPC France à payer à Monsieur [U] [C] les sommes suivantes :

402 851,00 € au titre des heures supplémentaires,

40 285,10€ au titre des congés payés afférents,

108 628,53 € au titre des heures majorées de nuit (majoration de 40% effectuées entre 21h00 et 6H00 du matin)

56 224,16€ au titre des repos compensateurs et de la contrepartie obligatoire en repos

136 028,96 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

30 000,00€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et harcèlement moral,

261 103,31€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

618 402,24€ à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 2 816,82€ à titre de rappels de frais de repas et de carburant,

Condamner, encore, la société EPC France à remettre à Monsieur [U] [C] :

-des bulletins de salaire mentionnant les divers rappels de salaire qui lui sont dus au titre de la période du 1er juillet 2013 au 22 septembre 2016

des documents de rupture rectifiés conformes à la décision à intervenir

-un solde de tout compte rectifié pour tenir compte des rappels de salaire et des indemnités de rupture qui lui sont dues ;

-une attestation pôle emploi reprenant les salaires des 12 derniers mois et mentionnant " licenciement sans cause réelle ni sérieuse ".

Réformera le jugement critiqué en ce qu'il a condamné Monsieur [U] [C] à payer à la SAS ALPHAROC EPC France EXPLOSIF EPC F la somme de 100 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et condamner la Société EPC France à Payer à Monsieur [C] une somme de 6 000€ à ce titre.

Condamner la Société EPC France aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 15 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour:

-qu'elle confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et, y ajoutant :

-qu'elle déboute Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes, fins, écrits et conclusions en tant qu'ils ne sont pas fondés,

-qu'elle condamne Monsieur [C] au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-qu'elle condamne Monsieur [C] aux entiers dépens de l'instance,

A titre infiniment subsidiaire :

-dans l'hypothèse où elle viendrait à reconnaître que Monsieur [C] ne relevait pas du statut de cadre dirigeant,

*qu'elle dise et juge que la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que celle différente aux congés payés y afférente est prescrite, s'agissant de la période antérieure au 7 juillet 2014, conformément à l'article L.3245-1 du Code du travail,

*qu'elle dise et juge que Monsieur [C] ne démontre pas, autrement que par ses propres affirmations, la réalité des heures prétendument effectuées à titre d'heures supplémentaires et contestées par la Société EPC FRANCE,

*qu'elle réduise dès lors à de beaucoup plus justes proportions le quantum du rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés y afférents, et le quantum du rappel de salaire au titre des heures majorées de nuit, susceptibles d'être alloués à Monsieur [C],

*qu'elle réduise par voie de conséquence à de beaucoup plus justes proportions le quantum de l'indemnisation sollicitée à titre de repos compensateur et de contrepartie obligatoire en repos,

-dans l'hypothèse où elle viendrait à considérer que la démission s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'elle limite à de beaucoup plus justes proportions le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que celui de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis sollicitées par Monsieur [C],

-dans l'hypothèse où elle viendrait à juger que la Société EPC FRANCE n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail, qu'elle limite à de beaucoup plus justes proportions le quantum des dommages et intérêts sollicités.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue en dernier lieu le 21 mars 2022.

MOTIFS

1 - Sur le statut de cadre dirigeant

L'article L. 3111-2 du code du travail en son second alinéa dispose:

'Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.'

Les critères ainsi visés sont cumulatifs.

Ils impliquent que seuls les cadres participant à la direction de l'entreprise relèvent de la catégorie des cadres dirigeants.

La qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-2 précité n'est pas exclusive du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail.

La charge de la preuve pèse sur le salarié qui conteste sa classification au statut de cadre dirigeant.

En l'espèce, le salarié a occupé au sein de la société à compter du 1er juillet 2013 les fonctions de directeur des ressources et des performances au statut de cadre dirigeant.

L'analyse de la fiche de fonction produite aux débats indique que:

- la mission du salarié a consisté à animer, superviser, coordonner et faire progresser l'ensemble des services qui lui sont rattachés (administration du personnel, ressources humaines, services généraux, systèmes d'information et d'achats);

- le salarié a eu en outre pour tâche la gestion des performances et l'accompagnement de la direction générale notamment dans le développement des décisions stratégiques et le déploiement de nouvelles organisations.

Le salarié conteste l'application du statut de cadre dirigeant en faisant valoir que la société, et notamment le directeur général, contrôlait son travail, et que la société ne rapporte pas la preuve qu'il participait personnellement et activement à l'élaboration de la politique de l'entreprise.

La société soutient que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant en ce qu'il remplissait toutes les conditions exigées pour son application et qu'il ne l'a contestée à aucun moment de la relation de travail.

Il convient d'examiner les points sur lesquels s'appuie le salarié au soutien de sa demande.

1.1. Sur l'indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps

Le salarié soutient d'une part qu'il devait faire valider ses congés, d'autre part qu'il devait fournir ses plannings au directeur général chaque semaine, et enfin que la société lui a reproché sa façon d'exercer ses fonctions en 'home office'.

Sur la validation des congés, la cour dit qu'elle s'inscrit dans la mise en oeuvre du lien de subordination dans laquelle était placé le salarié, de sorte que cette validation se trouve sans rapport avec les conditions dans lesquelles le salarié a organisé son emploi du temps.

Sur la transmission des plannings, le salarié se prévaut en pièce n°34 des courriels par lesquels Mme [Z], en sa qualité d'assistante de direction, a transmis au directeur général pour la période du 14 décembre 2015 au 16 septembre 2016 les plannings du salarié et ceux de MM. [O] et [Y], directeurs généraux délégués.

Cette pièce n°34 est complétée par une pièce n°100 relative à la modification d'un planning.

Il résulte de l'analyse de ces pièces que le directeur général a été informé du lieu d'exercice du travail du salarié, notamment les jours où il se trouvait à [Localité 4], et non de la nature des tâches accomplies par celui-ci, étant précisé:

- qu'en vertu du contrat de travail, à compter du 1er janvier 2011 le salarié avait la faculté de travailler non pas à [Localité 4] (13) mais à son domicile situé à [Localité 3] (76), soit à une distance de plusieurs centaines de kilomètres, sans toutefois excéder une journée par quinzaine ou deux journées par mois;

- que la société justifie par l'attestation établie par Mme [X], en sa qualité de directrice juridique et administratif au sein du siège du groupe EPC, que les cadres dirigeants devaient communiquer leur emploi du temps pour permettre la planification et l'organisation de réunions regroupant les cadres des différentes sociétés du groupe.

Force est de constater que le salarié n'établit pas en quoi le fait qu'il a été tenu d'informer à l'avance son employeur du lieu où il exercerait ses fonctions le priverait d'une indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.

Et sur les reproche liés au 'home office', le salarié se borne à produire aux débats un courrier du 26 octobre 2015 dans lequel M. [F], en sa qualité de directeur général de la société, indique au salarié qu'il a été constaté que ce dernier a produit des notes de frais d'intendance normalement non pris en charge par la société, qu'il a utilisé à des fins privées le véhicule de fonction lors de fins de semaine à son domicile, qu'il s'isolait hors de son bureau et se rendait ainsi indisponible pour ses collaborateurs, qu'il travaillait à son initiative en-dehors des heures de travail acceptables, et que le déploiement de l'outil 'Visual Planning' a été retardé d'un an.

Or, le salarié n'explique pas en quoi cette correspondance porte atteinte à sa liberté d'organisation de son emploi du temps, étant précisé que la réponse qu'il a fournie par courriel du 03 novembre 2015 en répondant à chacun des points évoqués par le directeur général est à cet égard à elle seule insuffisante

Dès lors, les reproches allégués ne sont pas établis.

Il n'est donc pas établi que le salarié ne disposait, dans l'exercice de ses responsabilités, d'aucune indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.

1.2. Sur les prises de décision

Le salarié fait valoir qu'il ne disposait:

- d'aucune délégation de pouvoirs, à l'inverse de ses collègues MM. [O] et [Y];

- d'aucune autonomie de gestion en ce qu'il appliquait les décisions prises par le groupe; qu'il était informé et non pas associé aux décisions concernant les recrutements, les augmentations de salaire et les départs de salariés; que le directeur général lui donnait des instructions incessantes et désobligeantes, présentait seul les comptes et a remis en cause la politique voiture du salarié.

A l'appui, il verse aux débats des pièces établissant:

- qu'il a demandé au directeur général son avis par courriel du 11 février 2016 sur la souscription d'un contrat d'bonnement au gaz;

- qu'il a expliqué au directeur général par courriel du 23 mars 2016 sa décision de limiter la primes de deux salariés;

- que le directeur général lui a demandé par courriel du 21 mars 2016 de ne pas évoquer les augmentations individuelles lors de la négociation annuelle obligatoire;

- que le directeur général lui a indiqué par courriel du 29 mars 2016 qu'il demandait qu'un avertissement soit notifié à Mme [H], étant précisé que le salarié produit sa réponse où il indique qu'il ne notifiera pas d'avertissement à cette salariée et qu'il a choisi de rompre le contrat à durée déterminée par anticipation.

Force est de constater que ces éléments ne permettent pas à eux seuls d'établir la réalité d'une absence de délégations de pouvoirs ni d'une absence d'autonomie de gestion.

Et il ressort des pièces produites par le salarié que MM. [O] et [Y] exercent chacun les fonctions de directeur général délégué au sein de la division solutions de la société, regroupant l'activité de stockage et livraison d'explosifs et l'activité de minage forage et travaux spéciaux, et qu'à ce titre ils ont reçu une délégation de pouvoir en matière de sécurité, santé et environnement dans les limites d'une annexe de la délégation, avec la précision pour les autres opérations l'autorisation préalable du directeur général est requise.

MM. [O] et [Y] n'ont donc pas bénéficié de délégation de pouvoir générale de sorte que la comparaison avec ces deux derniers manque de pertinence.

Et la cour relève que la société verse des pièces dont l'analyse fait ressortir:

- que le salarié a bénéficié de délégations de pouvoir pour les négociations annuelles obligatoires chaque année entre 2013 et 2016, pour présider la réunion des négociations annuelles obligatoires en 2013 et 2014, pour représenter le directeur général aux élections au comité d'entreprise en 2014, pour représenter le directeur général le 7 juillet 2014 au comité d'entreprise, au CHSCT et à la délégation du personnel, et pour représenter le directeur général dans le cadre d'un litige prud'homal;

- que dans le cadre de ses fonctions, le salarié a, sans avoir à en référer au directeur général, été l'interlocuteur de l'inspection du travail dans le cadre d'une plainte déposée par une salariée protégée;

- que le salarié a seul déterminé les ordres du jour des réunions du comité d'entreprise et du CHSCT (à titre d'exemple: pièce n°217 pour le 11 décembre 2014; pièce n°208 pour le CHSCT) et il en a présidé les réunions (à titre d'exemple: pièce n°21 pour le 16 décembre 2014; pièce n°209 pour le CHSCT); il a recruté et signé des contrats de travail (à titre d'exemple: pièce n°77 pour le contrat de travail de Mme [H]); il a procédé à des recherches de reclassement de salariés déclarés inaptes à leur poste par le médecin du travail (à tire d'exemple pièces n° 126 à 134); il a mis en oeuvre des procédures de licenciement (à titre d'exemple: pièce n°105 pour M. [K]) y compris à l'égard de salariés protégés (à titre d'exemple: pièces n°84, 92 et 93 pour M. France); il a réalisé à l'égard des salariés placés sous son autorité les entretiens d'évaluation; il a décidé des éléments de rémunération (par exemple la pièce n°482 pour l'octroi d'une prime, la pièce n°508 pour la modification d'un coefficient, la pièce n° 503 pour une prime exceptionnelle); il a fait réaliser des contrôles médicaux de salariés (pièce n°504); conduit la procédure de licenciements pour motif économique à compter de 2013 (pièces n° 89 et suivantes); il a été l'interlocuteur du cabinet d'avocats Capstan pour la fixation des honoraires (pièce n°183).

Le salarié n'établit donc pas une absence de prise de décision.

1.3. Sur le niveau de rémunération

Le salarié fait indirectement valoir, en répondant aux moyens soulevés par la société, que le directeur général percevait une rémunération supérieure à la sienne en ce qu'il percevait un salaire de 12 769 euros en 2013 outre une rémunération variable de 20%.

Ce faisant, la cour ne peut que constater que le salarié ne fournit aucun élément relatif aux rémunérations servies aux cadres de la société, la rémunération du directeur général étant à elle seule insuffisante pour apprécier le critère lié au niveau de rémunération.

Et force est de constater que le salarié ne contredit ni les pièces n°28 à 31 produites pas la société pour établir le niveau de rémunération annuel du salarié (178 254.77 euros en 2013; 159 9900 euros en 2014; 136 598 en 2015; 130 595 euros en 2016), ni les conséquences que la société en tire pour indiquer que le salarié percevait la rémunération la plus élevée au sein de l'entreprise.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas justifié que la rémunération du salarié ne se situait pas dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein de la société.

Et le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à établir qu'il ne participait pas à la direction de l'entreprise, étant précisé qu'il ne conteste pas qu'il a siégé au sein des organes décisionnels de la société, soit le comité de direction et le comité exécutif (le Comex).

En définitive, le salarié n'est pas fondé à contester qu'il est un cadre au sein de l'entreprise, les cadres auquel sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans son entreprise.

Les critères sont donc tous réunis pour faire application au salarié du statut de cadre dirigeant.

Dès lors, la demande tendant à voir écarter ce statut n'est pas fondée et le jugement déféré est confirmé de ce chef.

2 - Sur les heures supplémentaires, la contrepartie obligatoire en repos et les heures de nuit

Les conséquences principales de l'appartenance à la catégorie professionnelle des cadres dirigeants sont prévues par le premier alinéa de l'article L. 3111-2 du code du travail qui prévoit que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III, soit celles qui sont relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires ainsi qu'au repos et aux jours fériés.

En l'espèce, comme il a été précédemment dit, le statut de cadre dirigeant s'applique au salarié.

En conséquence, le salarié n'est pas soumis au régime des heures supplémentaires, de sorte que sa demande de ce chef et ses demandes au titre de la majoration du travail de nuit et de la contrepartie obligatoire en repos ne sont pas fondées.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il les a rejetées.

3 - Sur le travail dissimulé

Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes des dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

- de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche,

- de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli,

- de se soustraire intentionnellement à l'obligation de délivrer un bulletin de paie,

- de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il résulte de l'article L. 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, le salarié fait valoir à l'appui de sa demande au titre d'un travail dissimulé que la société l'a maintenu au statut de cadre dirigeant alors que les conditions n'étaient pas réunies, qu'elle savait que le salarié effectuait des heures supplémentaires et qu'il dépassait ses horaires de travail.

Comme il a été précédemment dit, il est établi que le statut de cadre dirigeant s'applique au salarié et que ce dernier n'était pas éligible aux dispositions des titres II et III, soit celles qui sont relatives à la durée du travail, notamment les heures supplémentaires.

Il s'ensuit que le salarié ne justifie d'aucun élément matériel du travail dissimulé de sorte que la demande n'est pas fondée et que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

4 - Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de bonne foi.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L. 1154-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet des dégradations de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale; en cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; il incombe ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; le juge forme alors sa conviction.

Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.

L'altération de l'état de santé de la salariée résultant de certificats médicaux n'est pas à elle seule de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral en l'absence d'agissements de cette nature.

En l'espèce, le salarié fait valoir à l'appui de sa demande à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail que la société d'une part l'a exclu des dispositions légales relatives au temps de travail, et d'autre part a commis des agissements de harcèlement moral.

Comme il a été précédemment dit, le statut de cadre dirigeant s'applique au salarié, ce dont il résulte que ce dernier n'est pas soumis aux dispositions légales relatives au temps de travail.

S'agissant ensuite des agissements de harcèlement moral, le salarié invoque:

- le fait de travailler de manière intense;

- le fait de recevoir via le directeur général des courriels désobligeants;

- le fait que la société s'est abstenue de contrôler sa charge de travail.

Le salarié ajoute que ces faits ont affecté sa santé et sont à l'origine de sa démission.

La cour relève d'abord que le salarié, qui consacre seulement quelques lignes de ses écritures (en page 41) à sa demande au titre de exécution déloyale du contrat de travail, n'invoque aucun fait précis susceptibles d'établir la réalité du travail intense et des courriels désobligeants, étant précisé que le salarié se borne à faire état en termes très généraux de la défaillance et du cynisme de son employeur.

Ensuite, à supposer que l'absence de contrôle de la charge de travail soit établie, force est de constater qu'il s'agit d'un acte isolé et unique qui ne peut pas constituer un harcèlement, quand bien même cet acte s'est maintenu dans le temps.

Au surplus, il convient enfin de souligner que le salarié ne produit aucune pièce, notamment de nature médicale, relative à une dégradation de son état de santé.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le salarié n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, soient de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale.

En définitive, le salarié ne rapporte pas la preuve de manquements imputables à la société constitutives d'une exécution déloyale du contrat de travail.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

5 - Sur les frais de repas et de carburant

Le salarié sollicite le paiement de la somme de 2 816.82 euros se décomposant comme suit:

* 2 294.49 euros au titre des frais kilométriques entre le 30 septembre 2015 et le 31 août 2016;

* 522.33 euros au titre des frais de repas entre le 07 septembre 2015 et le 30 août 2016.

La société s'oppose à la demande en soutenant que la demande n'est pas fondée.

Le salarié produit à l'appui de sa demande:

- un décompte qu'il insère à ses écritrues;

- deux courriels (pièces n°32 et 33) en date des 28 septembre 2015 et 31 août 2015 dans lesquels il fournit à son employeur des relevés kilométriques.

La cour relève qu'il résulte des stipulations du contrat de travail versé aux débats que les frais de pension et de déplacement du salarié depuis son domicile ont été pris en charge par la société.

Pour autant, le salarié ne donne aucune indication sur les modalités de prise en charge de ses frais de déplacement et de repas, notamment sur le fait de savoir s'il revenait au salarié de fournir des factures et/ou des tickets de caisse ou s'il bénéficiait de forfaits.

Le salarié n'établit donc pas que la société est tenue au remboursement des frais en litige sur la base des éléments qu'il verse aux débats.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

6 - Sur la rupture du contrat de travail

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail; qu'il incombe au salarié d'établir la réalité des faits invoqués à l'encontre de l'employeur.

Si les faits justifient la prise d'acte par le salarié, la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et dans le cas contraire, la prise d'acte produit les effets d'une démission.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

La démission donnée sans réserve n'est pas équivoque. Toutefois, lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission que celle-ci a été donnée en raison de faits que le salarié reproche à son employeur, la démission est nécessairement équivoque de sorte que si le salarié justifie que les faits invoqués sont établis et qu'ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge doit alors requalifier la démission en prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la demande du salarié s'analyse en une demande de requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A l'appui, il fait valoir que la société lui a appliqué le statut de cadre dirigeant sans que les conditions soient réunies, qu'elle s'est abstenue de lui payer ses heures supplémentaires et qu'elle l'a fait travailler sous pression et dans un climat de harcèlement moral.

La cour relève après analyse des pièces du dossier que:

- le salarié a donné sa démission par courrier du 22 juillet 2016 sans réserve dès lors qu'il n'a invoqué aucun grief à l'encontre de son employeur;

- le 16 septembre 2016 au soir, le salarié a quitté les effectifs de l'entreprise et la société lui a remis le solde de tout compte;

- par courrier du 23 février 2017, le salarié a d'une part contesté le solde de tout compte et d'autre part affirmé qu'il avait donné sa démission en raison notamment d'une absence de délégation de pouvoir depuis qu'il a occupé le poste de directeur des ressources et des performances, une absence de responsabilités importantes et de l'obligation où il se trouvait de fournir chaque semaine son emploi du temps.

La cour dit qu'eu égard au courrier du 23 février 2017, la démission est équivoque.

Comme il a été précédemment dit, d'une part le statut de cadre dirigeant s'applique au salarié qui ne se trouve donc pas soumis au régime des heures supplémentaires, et d'autre part il n'est pas établi que le salarié a été victime d'agissement de harcèlement moral.

Ensuite, force est de constater que le salarié ne fournit à la cour aucun fait précis de nature à établir qu'il a travaillé sous pression comme il l'allègue.

En conséquence, les faits que le salarié invoque à l'appui de sa demande ne sont pas établis.

Dès lors, la cour, en infirmant le jugement qui a maladroitement dit que la démission produit les effets d'une démission, rejette la demande de requalification de la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est en outre confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

7 - Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné le salarié aux dépens, et y ajoutant, la cour dit que la société est condamnée aux dépens d'appel.

Infirmant le jugement déféré et y ajoutant, la cour dit que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a:

- dit que la démission produit les effets d'une démission,

- condamné M. [C] à payer à la société EPC France la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT sur les chefs infirmés,

REJETTE la demande de requalification de la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y AJOUTANT,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel,

CONDAMNE M. [C] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 19/00543
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.00543 ?
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