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24/06/2022 | FRANCE | N°21/11551

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 24 juin 2022, 21/11551


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/11551 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4UT







[V] [R]



C/



MDPH





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Corinne CAILLOUET-GANET



- MDPH















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en da

te du 02 Juillet 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00079.





APPELANTE



Madame [V] [R], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Corinne CAILLOUET-GANET, avocat au barreau de TOULON





INTIMEE



MDPH, demeurant [Adresse 1]



non comparante





*-*...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/11551 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4UT

[V] [R]

C/

MDPH

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Corinne CAILLOUET-GANET

- MDPH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en date du 02 Juillet 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00079.

APPELANTE

Madame [V] [R], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Corinne CAILLOUET-GANET, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

MDPH, demeurant [Adresse 1]

non comparante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [V] [R], né le 16 octobre 1991, bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap sur la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2019, ayant fixé le plan d'aide à domicile à 365 heures au prix unitaire de 17.77 euros soit à 6 486.05 euros, en a sollicité le 28 avril 2017, le renouvellement, à compter du 1er septembre 2019, pour une période de 5 ans.

La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicap du Var lui a accordé le 27 août 2019 le renouvellement de l'aide à domicile pour la période du 01/09/2019 au 31/08/2024 mais en réduisant à 243.03 le nombre d'heures, au prix unitaire de 17.77 euros, ramenant ainsi à 4 318.64 euros le montant de la prestation de compensation du handicap.

En l'état d'un rejet implicite de son recours gracieux Mme [R] a saisi le tribunal judiciaire de Toulon le 18 janvier 2020, étant précisé que la décision explicite de rejet du dit recours est intervenue le 20 février 2020.

Par jugement en date 02 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, a:

* déclaré recevable et non fondé le recours de Mme [R],

* dit n'y avoir lieu à expertise,

* débouté Mme [R] de sa demande de prestation de compensation du handicap pour un volume d'heures supérieur à celui fixé à 8 heures par jour, soit 243,03 heures par mois pour une période de 5 ans à compter du 1er septembre 2019.

Mme [R] a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffier le 11 mai 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, et dont il est justifié du caractère contradictoire, Mme [R] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de:

* annuler les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicap des 27 août 2019 et 20 février 2020,

* réviser à la hausse le volume horaire de l'aide humaine à domicile accordée,

* laisser les dépens à la charge de la maison départementale des personnes en situation de handicap.

A titre subsidiaire, elle sollicite avant dire droit une expertise pour quantifier le temps d'aide humaine nécessaire.

La maison départementale des personnes en situation de handicap du Var, bien que régulièrement convoquée à l'audience du 11 mai 2022, ainsi que cela résulte de l'avis de réception daté du 1er mars 2022, n'y a pas été représentée.

MOTIFS

Par application de l'article L.245-1 du code de l'action sociale et des familles la prestation compensation, dite prestation compensation handicap, peut être accordée à toute personne handicapée, résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine, sous conditions d'âge, lorsque son handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie.

L'article L.245-3 du code de l'action sociale et des familles dispose que la prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges:

1° liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux,

2° liées à un besoin d'aides techniques, notamment aux frais laissés à la charge de l'assuré lorsque ces aides techniques relèvent des prestations prévues au 1° de l'article L. 160-8 du code de la sécurité sociale,

3° liées à l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ainsi qu'à d'éventuels surcoûts résultant de son transport,

4° spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap,

5° liées à l'attribution et à l'entretien des aides animalières.

Il résulte de l'article D.245-4 du code de l'action sociale et des familles que la personne qui présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l'annexe 2-5 et dans des conditions précisées dans ce référentiel a le droit à la prestation compensation. Les difficultés dans la réalisation de cette ou de ces activités doivent être définitives, ou d'une durée prévisible d'au moins un an.

L'article L.245-4 du code de l'action sociale et des familles stipule que l'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-3 est accordé à toute personne handicapée soit lorsque son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière, soit lorsque l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective lui impose des frais supplémentaires.

Le montant attribué à la personne handicapée est évalué en fonction du nombre d'heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent-temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur.

Aux termes de l'article R.245-41 du code de l'action sociale et des familles, le temps d'aide humaine quotidien pris en compte pour le calcul du montant attribué au titre de l'élément de la prestation prévu au 1° de l'article L. 245-3 est déterminé au moyen du référentiel déterminé en application de l'article L. 245-3 du présent code.

Le temps d'aide quotidien est multiplié par 365 de façon à obtenir le temps d'aide humaine annuel.

Le montant mensuel attribué au titre de l'élément lié à un besoin d'aides humaines est égal au temps d'aide annuel multiplié par le tarif applicable et variable en fonction du statut de l'aidant et divisé par 12, dans la limite du montant mensuel maximum fixé à l'article R. 245-39.

Mme [R] expose souffrir d'un handicap important de naissance sans espoir d'amélioration et avoir besoin de l'aide d'une tierce personne pour la quasi-totalité des gestes de la vie courante. Elle souligne que l'évaluation faite par l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes en situation de handicap a en réalité été effectuée, non point par un médecin, mais par une infirmière et une assistante sociale qui ont attribué un taux plafond pour la toilette, l'habillage et éliminé la participation sociale, l'alimentation et le déplacement autonome avec fauteuil roulant.

Elle souligne que sa mère, chez laquelle elle vit, est confrontée à des soucis de santé et éprouve de plus en plus de difficultés à assumer le quotidien notamment les transferts et qu'elle-même a des difficultés d'élocution du fait d'une infirmité motrice et d'un asthme aggravé.

Elle soutient que son déficit de mobilité est largement caractérisé puisqu'elle ne peut pas marcher et est en fauteuil roulant avec une infirmité motrice cérébrale, que son état justifie une majoration des heures sans assujettissement à sa scolarité, son défaut d'autonomie dans les tâches de la vie quotidienne étant caractérisé et souligne remplir la condition d'âge de moins de 60 ans pour avoir 29 ans.

L'annexe 2-5 du référentiel pour l'accès à l'autonomie du code de l'action sociale et des familles, chapitre 1er, définit les critères à prendre en compte pour l'accès à la prestation de compensation qui comme étant: 'Présenter une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux des activités dont la liste figure au b.

Les difficultés doivent être définitives ou d'une durée prévisible d'au moins un an. Il n'est cependant pas nécessaire que l'état de la personne soit stabilisé'.

La liste des activités (figurant au b) distingue quatre domaines:

* la mobilité: dont se mettre debout, marcher, avoir la préhension de la main dominante, non dominante, avoir des activités de motricité fine,

* l'entretien personnel: dont la toilette, l'habillage, la prise des repas,

* la communication: dont parler, entendre, voir, utiliser des appareils techniques de communication,

* tâches et exigences générales, relations avec autrui: dont s'orienter dans le temps et l'espace, gérer sa sécurité,

et définit pour chacun de ses domaines les activités à prendre en considération, en détaillant celles qui relèvent de l'inclusion et celles qui relèvent de l'exclusion.

Pour la détermination du niveau de difficultés, ce référentiel en identifie cinq, en précisant qu'elle:

*se fait en référence à la réalisation de l'activité par une personne du même âge qui n'a pas de problème de santé,

* résulte de l'analyse de la capacité fonctionnelle de la personne, capacité déterminée sans tenir compte des aides apportées, quelle que soit la nature de ces aides.

La capacité fonctionnelle s'apprécie en prenant en compte tant la capacité physique à réaliser l'activité, que la capacité en termes de fonctions mentales, cognitives ou psychiques à initier ou réaliser l'activité. Elle prend en compte les symptômes (douleur, inconfort, fatigabilité, lenteur, etc.) qui peuvent aggraver les difficultés dès lors qu'ils évoluent au long cours.

Et pour déterminer de manière personnalisée les besoins de compensation, quel que soit l'élément de la prestation, ce référentiel indique qu'il convient de prendre en compte:

a) les facteurs qui limitent l'activité ou la participation (déficiences, troubles associés, incapacités, environnement),

b) les facteurs qui facilitent l'activité ou la participation: capacités de la personne (potentialités et aptitudes), compétences (expériences antérieures et connaissances acquises), environnement (y compris familial, social et culturel), aides de toute nature (humaines, techniques, aménagement du logement, etc.) déjà mises en oeuvre,

c) le projet de vie exprimé par la personne.

Et que les besoins d'aides humaines peuvent être reconnus dans les quatre domaines suivants :

* les actes essentiels de l'existence,

* la surveillance régulière,

* les frais supplémentaires liés à l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective,

*l'exercice de la parentalité.

Pour débouter Mme [R] de ses demandes, les premiers juges ont retenu qu'elle disposait antérieurement de 3h55 par jour du 1er mai 2012 au 31 mai 2015 (pendant son BTS) et que le nombre d'heures d'aide humaine du 1er septembre 2014 au 1er septembre 2019 a été porté à 12 heures par jour pour la poursuite d'études à l'université, que la maison départementale des personnes en situation de handicap a procédé à une réévaluation faite à domicile en juillet 2019 à la fin des études et évalué l'ensemble des besoins d'aide pour la vie courante à huit heures par jour, qu'il n'apparaît pas qu'elle a pris en considération l'aide de sa mère et que la baisse du nombre d'heures s'explique seulement par la prise en compte d'une diminution de l'aide permanente qui était nécessaire pour suivre des cours à l'université.

En l'espèce, il résulte du rapport non daté, établi par un médecin de l'équipe disciplinaire, dont l'identité n'est pas précisée, et qui n'est pas signé, que l'appelante verse aux débats, établi dans le cadre du recours administratif préalable:

* la reconnaissance du grave handicap moteur de naissance entraînant une dépendance quasi totale pour tous les actes de la vie quotidienne,

* une absence d'évolution notable de la pathologie de 2012 à 2019.

Ce rapport indique que la première évaluation (non datée) attribue 3h55 par jour d'aide humaine, qui correspond aux besoins pour les actes de la vie quotidienne et que pour 'être soutenant envers l'usager' l'équipe pluridisciplinaire octroie des heures supplémentaires lors de l'entrée en faculté pour pallier au manque d'auxiliaire de vie scolaire qui n'existe qu'en BTS mais pas en faculté, et qu'il a été procédé à une réévaluation à domicile, fin d'études en juillet 2019, ayant 'objectivé au plus près les besoins de l'usager' et proposé 8 heures par jour.

Il est quantifié 'un temps plafond' pour:

* la toilette: 70 minutes,

* l'habillage: 40 minutes,

* l'élimination: 50 minutes,

* la participation sociale: 60 minutes,

* la surveillance 'au-delà du plafond à 205 minutes par jour' pour permettre des interventions actives 'avec un plafond de 180 minutes par jour',

* pour les autres actes essentiels: 30 minutes pour l'alimentation pour couper, en notant qu'elle mange seule, et 20 minutes pour le déplacement autonome dans le logement avec le fauteuil roulant manuel en précisant que le plafond est de 35 minutes.

Il est exact que cette évaluation, ne prend pas en considération l'ensemble des besoins de compensation, pour ne comporter aucun élément sur le projet de vie de la personne de Mme [R], alors que précédemment, celui-ci était pris en considération au titre du cursus universitaire suivi jusqu'en juin 2019.

Or, il résulte de ce même rapport que la pathologie congénitale de Mme [R] n'a pas subi d'évolution notable. Eu égard à son cursus universitaire achevé, dans le cadre de l'évaluation de la prestation, il y a nécessité de prendre en considération le besoin en aide humaine nécessaire pour le projet de vie exprimé, totalement occulté par ce rapport.

De même ce rapport n'évalue pas le besoin d'aide pour les activités définies par le domaine 4 du référenciel, l'impossibilité pour cette jeune femme d'effectuer seule ses transferts, alors qu'elle ne peut se tenir debout ni se déplacer seule d'une surface à l'autre, les évaluations faites en dessous des plafonds de 205 minutes pour la surveillance et de 35 minutes pour les autres actes essentiels n'étant pas justifiées au regard de son handicap.

La cour relève qu'il n'est pas davantage fait état dans ce rapport de l'évaluation du niveau des difficultés alors qu'il retient la dépendance quasi totale pour tous les actes de la vie quotidienne générée par son handicap.

Les éléments retranscrits dans ce rapport ne procèdent donc pas d'une analyse réelle et objective des besoins de Mme [R], en conformité avec le référentiel pour l'accès à la prestation, et la réduction du nombre d'heures attribué ne peut se justifier par la fin des études, alors qu'aucun projet de vie n'a été examiné.

Par infirmation du jugement entrepris, la cour annule la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicap du 27 août 2019 maintenue par celle du 20 février 2020, et dit que le renouvellement pour une durée de cinq années à compter du 1er septembre 2019, la prestation de compensation du handicap, élément 1, aide humaine, attribuée à Mme [V] [R], est fixé à 365 heures.

Les dépens doivent être mis à la charge de la maison départementale des personnes handicapées.

PAR CES MOTIFS,

- Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- Annule la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicap du Var en date du 27 août 2019 maintenue par celle du 20 février 2020,

- Renouvelle pour une durée de cinq années à compter du 1er septembre 2019, la prestation de compensation du handicap élément 1, aide humaine, attribuée à Mme [V] [R],

- Fixe la prestation de compensation, élément 1'aide humaine, à 365 heures,

- Dit que la maison départementale des personnes handicapées du Var devra transmettre pour exécution le présent arrêt au Conseil départemental du Var,

- Met les dépens à la charge de la maison départementale des personnes handicapées du Var.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/11551
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;21.11551 ?
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