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24/06/2022 | FRANCE | N°21/10071

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 24 juin 2022, 21/10071


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/10071 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHX3U







CPCAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



Société [3]









Copie exécutoire délivrée

le :

à :







- CPCAM DES BOUCHES DU RHONE



- Me Guy DE FORESTA













Décision déférée à la Cour :


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APPELANTE



CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]



représenté par Mme [J] [F] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



Société [3], ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/10071 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHX3U

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

Société [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

- Me Guy DE FORESTA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 26 Mai 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/02363.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [J] [F] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Société [3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [R], employé en qualité de responsable de rayon par la société [3] depuis le 11 février 2001 a été victime le 18 mars 2015 d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône l'a déclaré consolidé à la date du 03 septembre 2018 et a fixé à 30% son taux d'incapacité permanente partielle.

La société [3] a saisi le 22 janvier 2019 le pôle social du tribunal de grande instance de sa contestation de cette décision afférente au taux d'incapacité.

Par jugement en date du 26 mai 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* déclaré recevable en la forme le recours de la société [3],

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [3] les olives résultant de l'accident du travail du 18 mars 2015 dont a été victime M. [Y] [R] est fixé à 5%,

* condamné la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône aux dépens comprenant les frais de la consultation médicale.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 13 avril 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* confirmer l'opposabilité du taux d'incapacité permanente partielle de 30% à la société [3] les olives pour les séquelles de l'accident de travail du 18 mars 2015 de son salarié M. [Y] [R],

* ordonner le cas échéant la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction,

* débouter la société [3] de toutes ses demandes.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 10 mai 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [3] sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris.

A titre subsidiaire, elle conclut à une expertise.

MOTIFS

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

La caisse expose que son médecin conseil a un retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 30% pour les séquelles indemnisables chez un droitier d'une névralgie cervico-brachiale initialement droite ayant bénéficié d'une décompression radiculo médullaire par triple dissectomie antérieure sur état antérieur qui s'est compliquée en post opératoire immédiat d'un syndrome de Brown Sequard à type d'hypoesthésie de l'hémicorps droit et un déficit modéré du membre supérieur gauche avec conservation de la fonction de la main gauche.

Elle souligne que le salarié a été reconnu inapte par la médecine du travail et que le barème prévoit au chapitre 3.1 pour la persistance de douleurs du rachis cervical et une gêne fonctionnelle discrète un taux de 5 à 15% et lorsqu'elles sont importantes un taux de 15 à 60% et au chapitre 4.2.4 pour les séquelles provenant d'une atteinte médullaire-monoplégie du membre inférieur avec marche possible, 30%.

Elle soutient que le taux de 30% fixé par son médecin conseil pour ces séquelles chez un sujet jeune est justifié et critique le taux de 5% proposé par le médecin consultant en ce qu'il ne tient pas compte des conséquences de la chirurgie réalisée dans les suites de l'accident du travail au motif que la victime présentait un état antérieur sur le rachis cervical et souligne que cet état antérieur est radiologique et a été découvert lors des examens complémentaires au décours de l'accident du travail. Elle souligne que les nouvelles lésions des 25 mars 2016 et 1er juin 2017 ont été notifiées et prises en charge au titre de l'accident du travail et qu'elles sont opposables à l'employeur dans toutes leurs conséquences.

Elle ajoute que la victime travaillait sans difficultés ni réserves de la médecine du travail alors qu'il était salarié de la société depuis 2001 et été licencié pour inaptitude à la suite de son accident du travail et en tire la conséquence que l'état antérieur était muet.

L'intimée réplique qu'il y a une pathologie interférente et intercurrente, soulignant que l'état antérieur est reconnu par la caisse, qui allègue le mutisme de celui-ci sans le prouver en quoi que ce soit. Elle soutient que le médecin consultant a tenu compte de l'aggravation alléguée puisque, après avoir écarté les séquelles relevant de l'état antérieur, il évalue à un taux de 5% celles rattachables à l'accident.

Il résulte du chapitre préliminaire du barème indicatif d'invalidité (accidents du travail) que s'agissant des infirmités antérieures, l'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables, mais il peut y avoir des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière, ce qui conduit à distinguer:

* l'état pathologique antérieur absolument muet, révélé à l'occasion de l'accident de travail (ou de la maladie professionnelle), qui n'est pas aggravé par les séquelles, qui n'a pas à être pris en compte dans l'estimation du taux d'incapacité,

* lorsque l'état pathologique antérieur révélé par l'accident (ou la maladie professionnelle) est aggravé par celui-ci, il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

* lorsque l'état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci, l'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle est évaluée en fonction des séquelles présentées.

En l'espèce, le rapport du médecin conseil de la caisse évaluant le taux d'incapacité permanente partielle travail n'est pas versé aux débats.

Il résulte de la consultation médicale ordonnée par les premiers juges que:

* le certificat médical initial en date du 19 mars 2015 mentionne un traumatisme épaule et bras droits au moment de positionner un colis en rayon, et celui du 1er juin 2017, un traumatisme cervico-scapulaire et une myélopathie avec syndrome de Brown Sequard,

* le certificat médical du 25 mars 2016, fait état d'une intervention neuro chirurgicale sur rachis cervical,

* l'IRM du rachis cervical du 23 avril 2015 pour névralgie cervicobrachiale droite mentionne:

- une inversion de courbure centrée sur l'interligne C5-C6,

- des remaniements dégénératifs étendus de C3-C4 à C7-T1, qui déterminent en C3-C4 une petite profusion discale médiane venant effleurer le cordon médullaire,

- une volumineuse saille discale en C4-C5 à l'origine d'une empreinte sur le cordon médullaire qui est refoulé vers l'arrière et aminci sans signe de myélopathie,

- une uncodiscarthrose étagée à l'origine de sténose foraminale bilatérale modérée C5-C6, C6-C7 et C7-T1,

* l'IRM du 20 juillet 2015 mentionne une volumineuse hernie discale C4-C5, et celle du 12 janvier 2016 une double hernie discale C4C5 et C5C6,

* le TDM cervical du 22 mars 2016 pour paralysie du MSG post chirurgie fait état de la présence de matériel chirurgical en lieu et place des disques intervertébraux C4C5, C5C6, et C6C7 qui apparaît correctement positionné,

* l'IRM médullaire du 19 janvier 2017 mentionne la présence du matériel chirurgical en C4 à C7, l'absence de compression médullaire comme de rétrécissement canalaire, un typer signal de la partie latérale gauche de la moelle cervicale en C4.

Il est retenu:

* le 22 mars 2016 une décompression radiculo-médullaire avec complication post opératoire immédiate à type de déficit brachial gauche pluri radiculaire périphérique et le 20 avril 2016, une décompression radicule-médullaire par triple abord cervical C4 à C7 où il est réalisé une arthrodèse sur les trois nivaux,

* comme antécédent l'uncodiscarthrose étagée à l'origine de sténose foraminale bilatérale modérée en C5-C6, C6-C7 et C7-T1,

* à la date de consolidation du 03 septembre 2018, le médecin conseil a évalué les séquelles indemnisables chez un droitier d'une névralgie cervico-brachiale initialement droite ayant bénéficié d'une décompression radicule médullaire par triple discectomie sur état antérieur qui s'est compliqué en post opératoire immédiat d'un syndrome de Brown Sequard à type d'hypoesthésie de l'hémicorps droit et un déficit modéré du membre supérieur gauche avec conservation de la main gauche à 30%.

Le médecin consultant retient en conclusion à une névralgie cervico brachiale lors d'un effort de manutention avec dolorisation d'un important état antérieur dégénératif pour lequel une cure chirurgicale a été réalisée avec complication post opératoire immédiate d'un syndrome de Brown Sequard, une assez bonne récupération motrice, persistance d'une hypoesthésie de l'hémicorps droit, la marche étant qualifiée de correcte, et une légère limitation de l'épaule gauche sans atteinte motrice au niveau de la main.

Le médecin consultant ne précise pas à quelle date l'état antérieur a été connu, s'il a été révélé postérieurement à l'accident du travail par les examens réalisés ni l'incidence de l'accident du travail sur cet état antérieur, et les éléments qu'il reprend, manifestement issus du rapport du médecin conseil de la caisse ne comportent aucune précision sur ces différents points.

Le médecin conseil de l'employeur, qui à la différence de la cour, a manifestement eu connaissance du rapport pour évaluation du taux d'incapacité permanente partielle du médecin conseil de la caisse, reprend de façon plus détaillée que le médecin consultant l'anamnèse et également des éléments du rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle du médecin conseil de la caisse, tout en relevant que l'intégralité des comptes rendus de l'IRM cervicale du 20/07/15 et du scanner cervical du 22/03/2016 et de l'IRM médullaire du 9/01/17 ne figurent pas au dossier communiqué. Pour autant, au regard de leurs dates ces examens sont inopérants à établir que l'état antérieur, à savoir l'uncodiscarthrose, a été médicalement constaté avant l'accident du travail du 18 mars 2015.

Par contre, l'importance des pathologies affectant le rachis cervical dont fait état l'IRM du 23 avril 2015, réalisée moins d'un mois après l'accident, ne permet pas à la cour de considérer que cet état antérieur reconnu par le médecin conseil de la caisse était muet.

Eu égard aux précisions apportées par le barème indicatif sur les conditions dans lesquelles un état antérieur doit ou non être pris en considération dans l'évaluation du taux d'incapacité, dont la cour a rappelé la teneur, l'absence de toute précision à ce sujet par le médecin conseil de la caisse qui se devait de vérifier ces éléments, ne peut suffire à établir que cet état n'aurait été révélé que dans le cadre de la prise en charge médicale dont a bénéficié la victime de l'accident du travail.

La circonstance que la caisse a reconnu sur avis de son médecin conseil le lien entre les lésions nouvelles et l'accident du travail est inopérante à établir que l'état antérieur était muet. De même il ne peut être déduit de l'inaptitude médicale dont le salarié a fait état le 02 novembre 2018 sur le questionnaire de la caisse, en précisant attendre le reclassement de son employeur, que sa pathologie du rachis était muette.

Dés lors, il doit être considéré que l'état pathologique antérieur était nécessairement connu avant l'accident même si, compte tenu de son ancienneté, le salarié avait, également, été jugé apte à son poste par le médecin du travail.

La caisse ne soumet pas à l'appréciation de la cour d'élément permettant de considérer que les séquelles présentées caractérisent une aggravation indemnisable de l'état pathologique antérieur résultant de l'accident, alors qu'il résulte de la consultation médicale que la marche est correcte, qu'il y a une assez bonne récupération motrice, même si le médecin consultant retient une dolorisation de l'état antérieur, la persistance d'une hypoesthésie de l'hémicorps droit et une légère limitation des mouvements de l'épaule gauche sans attente motrice au niveau de la main.

Il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise étant rappelé qu'aux termes de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a, suivant l'évaluation proposée par le médecin consultant, dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [3] les olives résultant de l'accident du travail du 18 mars 2015 dont a été victime M. [Y] [R] est fixé à 5%.

Succombant en ses prétentions la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône doit être condamnée aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,

- Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône de ses demandes,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône aux dépens, hormis les frais de la consultation médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/10071
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;21.10071 ?
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