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24/06/2022 | FRANCE | N°21/05531

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 24 juin 2022, 21/05531


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/05531 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHIXK





[3]





C/



CPAM DE L'ALLIER







Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Guy DE FORESTA



- CPAM DE L'ALLIER















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judicia

ire de Marseille en date du 10 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/10201.





APPELANTE



[3], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMEE



CPAM DE L'ALLIER, demeurant [Adr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/05531 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHIXK

[3]

C/

CPAM DE L'ALLIER

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Guy DE FORESTA

- CPAM DE L'ALLIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 10 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/10201.

APPELANTE

[3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

CPAM DE L'ALLIER, demeurant [Adresse 2]

non comparant

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [Y] [I], employée en qualité d'agent de propreté par la société [3] depuis le 10 septembre 1990, a été victime le 15 juillet 2013 d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier l'a déclarée consolidée à la date du 13 janvier 2017 et a fixé à 17% son taux d'incapacité permanente partielle, dont 2% au titre de l'incidence professionnelle.

La société [3] a saisi le 29 mai 2017 le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille de sa contestation de cette décision afférente au taux d'incapacité.

Par jugement en date du 10 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* déclaré recevable le recours de la société [3],

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [3] et attribué à Mme [Y] [I] suite à son accident du travail survenu le 15 juillet 2013 est de 12% dont 2% pour le taux professionnel.

La société [3] a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 09 mai 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [3] demande à la cour à titre principal de juger que la décision prise par la caisse d'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 17% à Mme [Y] [I] lui est inopposable, et subsidiairement de juger que ce taux doit être annulé dans les rapports caisse/employeur.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 09 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier, dispensée de comparaître, soulève l'irrecevabilité du recours concernant la décision attributive de rente, et demande à la cour de:

* déclarer le recours de la société [3] recevable en ce qui concerne le taux d'incapacité permanente partielle,

* confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

* débouter la société [3] de ses demandes,

* condamner la société [3] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

* sur le moyen d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie fixant le taux d'incapacité permanente partielle tiré de la violation du principe du contradictoire:

L'article R.142-16-3 du code de la sécurité sociale dispose que le greffe demande par tous moyens, selon le cas à l'organisme de sécurité sociale, au président du conseil départemental ou la maison départementale des personnes handicapées, de transmettre à l'expert ou au consultant désigné l'intégralité du rapport médical mentionné à l'article L. 142-6 et du rapport mentionné au premier alinéa de l'article L. 142-10 ou l'ensemble des éléments ou informations à caractère secret au sens du deuxième alinéa de l'article L. 142-10 ayant fondé sa décision.

Dans le délai de dix jours à compter de la notification, à l'employeur de la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, lorsque ce dernier est partie à l'instance, de la décision désignant l'expert, celui-ci peut demander, par tous moyens conférant date certaine, à l'organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin, qu'il mandate à cet effet, l'intégralité des rapports précités. S'il n'a pas déjà notifié ces rapports au médecin ainsi mandaté, l'organisme de sécurité sociale procède à cette notification, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l'employeur. Dans le même délai, l'organisme de sécurité sociale informe la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle de la notification de l'intégralité de ces rapports au médecin mandaté par l'employeur.

L'appelante expose que le principe du contradictoire n'a pas été respecté en ce que le médecin qu'elle a désigné s'est trouvé dans l'incapacité de procéder à une réelle évaluation du taux d'incapacité permanente partielle, n'ayant pas été destinataire des pièces médicales de la caisse et particulièrement du rapport médical dont les conclusions s'imposent à elle pour la fixation du taux d'incapacité, alors qu'elle a demandé le 22 avril 2022, à la caisse la transmission de l'ensemble de ces éléments à son médecin conseil, soulignant que le Dr [F] n'est plus le médecin désigné devant la cour, qui est à présent le Dr [M], et que la communication au médecin désigné en appel ne peut avoir lieu dés lors que les médecins sont soumis au secret professionnel. Elle en tire la conséquence que faute de transmission du rapport médical, et dans l'impossibilité d'évaluer le taux d'incapacité permanente partielle de l'assuré, la décision attributive de rente doit lui être déclarée inopposable.

La caisse lui oppose avoir satisfait à son obligation légale de communication des pièces et que le Dr [F], médecin désigné par la société, a rédigé un mémoire médical le 08 décembre 2020. Elle ajoute que lors de la consultation médicale ordonnée sur l'audience du 13 janvier 2021, le Dr [F] était présent.

Il résulte du jugement de première instance que le Dr [F] alors désigné comme médecin conseil par la société [3] a eu communication des pièces médicales ainsi que du rapport du médecin consultant désigné par les premiers juges. Il s'ensuit que dans le cadre de la procédure de première instance le contradictoire a été respecté par la caisse, que l'employeur a eu par l'intermédiaire de son médecin conseil connaissance des éléments médicaux sur lesquels le médecin conseil s'était basé pour évaluer le taux d'incapacité de la salariée.

La circonstance tirée du changement d'avocat et de médecin conseil par l'employeur en cause d'appel ne peut avoir pour conséquence de rendre inopposable à l'employeur la décision de la caisse fixant le taux d'incapacité permanente partielle de la salariée.

De plus la cour, qui n'est pas saisie par les conclusions de l'appelante d'une demande de réformation ou d'infirmation du jugement entrepris, relève que cette décision a fixé le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur à un taux inférieur à celui retenu par la caisse.

Il s'ensuit que la société [3] est mal fondée en ce moyen.

* sur le taux d'incapacité permanente partielle:

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

Se prévalant de l'argumentaire médical du Dr [F], l'appelante soutient que le taux de 17% a été surévalué par le médecin conseil de la caisse et que dans la mesure où l'incidence professionnelle est déjà prise en compte dans le taux défini à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le juge ne saurait ajouter un taux complémentaire pour l'incidence professionnelle, à peine d'indemniser deux fois le même préjudice.

Elle allègue que l'inaptitude de la salariée n'est pas justifiée par les séquelles de son accident du travail du 15 juillet 2013 mais est en lien avec un état pathologique antérieur évoluant pour son

propre compte et ajoute que le médecin conseil n'a pas évalué l'état antérieur et n'a pas davantage fourni et annexé à l'appui de son évaluation l'ensemble des éléments et documents lui permettant d'en apprécier la réalité.

Elle soutient que les premiers juges ont tiré des conséquences juridiquement inexactes du rapport du médecin consultant, en jugeant que pour être pris en compte l'état antérieur doit être à l'origine exclusive des séquelles constatées alors que le barème exige seulement de distinguer les séquelles selon leur origine et de n'indemniser que celles étrangères à l'état antérieur.

La caisse réplique que le taux médical d'incapacité retenu par les premiers juges est parfaitement justifié et que s'agissant de l'incidence professionnelle, elle souligne que la salariée a indiqué dans son questionnaire ne pas avoir repris d'activité après la consolidation de ses blessures et être dans l'attente d'un licenciement pour inaptitude, ajoutant qu'un courrier de l'employeur daté du 9 mars 2017 a indiqué qu'elle avait été licenciée, ce qui justifie de retenir un taux de 2% à ce titre.

Il résulte du jugement entrepris que le médecin conseil de la caisse a, pour évaluer le taux médical d'incapacité permanente partielle de Mme [I] à 15%, a retenu qu'elle présentait à la date de consolidation une algodystrophie après arthroscopie sur lésions méniscales du genou droit ainsi que des douleurs et gêne fonctionnelle importante.

Le médecin consultant a conclu pour sa part à une chondropathie rotulienne et des condyles fémoraux décompensée lors de la montée dans les escaliers, à une arthroscopie compliquée d'algoneurodystrophie, le conduisant à proposer d'évaluer le taux d'incapacité permanente partielle à la date de consolidation à 10% pour les séquelles interférentes à algoneurodystrophie sur état antérieur évoluant pour son propre compte.

Il résulte du chapitre préliminaire du barème indicatif d'invalidité (accidents du travail) que s'agissant des infirmités antérieures, l'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur, et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables, mais il peut y avoir des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière, ce qui conduit à distinguer:

* l'état pathologique antérieur absolument muet, révélé à l'occasion de l'accident de travail (ou de la maladie professionnelle), qui n'est pas aggravé par les séquelles, qui n'a pas à être pris en compte dans l'estimation du taux d'incapacité,

* lorsque l'état pathologique antérieur révélé par l'accident (ou la maladie professionnelle) est aggravé par celui-ci, il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

* lorsque l'état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci, l'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle est évaluée en fonction des séquelles présentées.

En l'espèce, il résulte de la consultation médicale que le certificat médical initial en date du 16 juillet 2013 mentionne le blocage du genou droit, que lors de la radiographie réalisée aux urgences, les clichés étaient normaux et qu'il est noté sur:

*l'IRM du 24/ 09/ 2013: chondropathie au niveau rotulien et des condyles fémoraux. Lésions du ménisque interne du genou droit,

*l' IRM du 11/03/2014: toujours des images d'algodystrophie,

* l'arthroscopie du genou droit le 10/10/2013: intervention sur le ménisque,

* ainsi qu'une algodystrophie.

Les lésions de l'accident du travail sont constituées par la flexion du genou droit qui ne peut se faire au-delà de 90% pour laquelle le barème (2.2.4) évalue le taux à 15% , par une algodystrophie du membre inférieur de forme mineure pour laquelle le barème (4.2.6) propose une fourchette de 10 à 20%.

Par conséquent, l'état antérieur qui est la chondropathie, soit la dégénérescence du cartilage au niveau de l'articulation du genou, a été mis en évidence par l'IRM du 24/09/2013, laquelle est postérieure à l'accident du travail du 15 juillet 2013.

Il s'agit donc d'un état muet révélé dans les suites de l'accident du travail par les examens médicaux effectués en lien avec la persistance des douleurs de la salariée, et il résulte de la consultation que l'accident du travail a aggravé cet état puisque la flexion du genou ne peut plus se faire normalement.

Il s'ensuit qu'il n'y avait pas lieu d'évaluer l'état antérieur, ce qui est du reste la position retenue par le médecin consultant.

La cour relève que dans son argumentaire, le médecin consultant de l'employeur écrit que l'état antérieur a été objectivé par l'IRM du 24 septembre 2013.

L'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle proposée par le médecin consultant de 10% a été retenue par les premiers juges correspond au taux minimum de la fourchette du guide barème pour une algodystrophie du membre inférieur qualifiée de minime, et elle est la conséquence de l'accident du travail.

Pour retenir une incidence professionnelle et l'évaluer à 2% la caisse a indique avoir pris en considération la circonstance que la salariée lui déclaré être dans l'attente d'un licenciement pour inaptitude.

La société [3] qui est l'employeur de la salariée ne contredit pas la caisse sur la réalité du licenciement de sa salariée pour inaptitude, et la cour relève que le siège et la nature des séquelles de l'accident du travail sont effectivement peu compatibles avec la nature du poste de travail occupé par la salariée (agent de propreté), ce qui justifie de majorer le taux d'incapacité permanente partielle en le portant à 12% (dont 2% au titre de l'incidence professionnelle) comme retenu par les premiers juges.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions et la société [3] doit être déboutée de ses demandes.

Succombant en ses prétentions la société [3] doit être condamnée aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- Déboute la société [3] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne la société [3] aux dépens, hormis les frais de la consultation médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/05531
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;21.05531 ?
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