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24/06/2022 | FRANCE | N°21/02550

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 24 juin 2022, 21/02550


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/02550 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7H4







[H] [S]





C/



MDPH DES ALPES-MARITIMES



CAF DES ALPES-MARITIMES



CONSEIL DEPARTEMENTAL DES ALPES-MARITIMES





Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Hajer HMAD





- Me Carmela BRANDI-PARHAD





- CAF DES ALPES-MARI

TIMES



- CONSEIL DEPARTEMENTAL DES ALPES-MARITIMES









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 15 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/09913.





APPELANTE



Madame ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/02550 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7H4

[H] [S]

C/

MDPH DES ALPES-MARITIMES

CAF DES ALPES-MARITIMES

CONSEIL DEPARTEMENTAL DES ALPES-MARITIMES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Hajer HMAD

- Me Carmela BRANDI-PARHAD

- CAF DES ALPES-MARITIMES

- CONSEIL DEPARTEMENTAL DES ALPES-MARITIMES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 15 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/09913.

APPELANTE

Madame [H] [S], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Hajer HMAD, avocat au barreau de NICE

INTIME

MDPH DES ALPES-MARITIMES, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Carmela BRANDI-PARHAD, avocat au barreau de NICE, dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

CAF DES ALPES-MARITIMES, demeurant [Adresse 2]

non comparant

CONSEIL DEPARTEMENTAL DES ALPES-MARITIMES, demeurant [Adresse 3]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [S] a été renversée par une voiture le 7 janvier 2016. Ce grave accident a entraîné un traumatisme facial, un traumatisme thoracique, un traumatisme du rachis et de multiples fractures périphériques des membres supérieurs et inférieurs.

Le 20 mars 2017, Mme [S] a sollicité le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), du complément de ressources et de la prestation de compensation du handicap (PCH) auprès de la Maison départementale des Personnes Handicapées (MDPH) des Alpes-Maritimes.

Dans sa séance du 21 novembre 2017, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) reconnaissant un taux d'incapacité supérieur à 50% et inférieur à 80%, mais sans restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi, a rejeté les demandes de Mme [S].

Par requête du 19 janvier 2018, elle a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, aux fins de contester la décision, considérant que sa situation n'avait pas été correctement appréciée.

Par jugement du 15 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Marseille ayant repris l'instance, après consultation confiée au docteur [V], a dit que la demanderesse présentait un taux d'incapacité supérieur à 50% et inférieur à 80% sans restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi, l'a déboutée de sa demande d'allocation aux adultes handicapés, ainsi que de ses demandes de complément de ressources et de prestation de compensation du handicap, et condamné la MDPH des Alpes-Maritimes aux dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe de la cour formée par RPVA le 18 février 2021, Mme [S] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 5 mai 2022, l'appelante reprend oralement les conclusions déposées le jour de l'audience et visées par le greffe. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de son recours,

- fixer son taux d'incapacité permanente à 80 %,

- condamner la MDPH au paiement de l'allocation aux adultes handicapés avec effet rétroactif au jour de sa demande déposée le 20 mars 2017,

- condamner la MDPH au paiement du complément de ressources avec effet rétroactif au jour de la demande déposée le 20 mars 2017,

- condamner la MDPH au paiement de la prestation de compensation du handicap avec effet rétroactif au jour de la demande déposée le 20 mars 2017,

- à titre subsidiaire, fixer son taux d'incapacité permanente entre 50 % et 80 % et retenir une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi,

- condamner la MDPH au paiement de l' allocation aux adultes handicapés et de la prestation de compensation du handicap avec effet rétroactif au jour de la demande déposée le 20 mars 2017,

- en tout état de cause, condamner la MDPH au paiement de la somme de 2.000 euros conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que le jugement rendu le 15 janvier 2021 et les conclusions du médecin consultant n'expliquent pas les raisons pour lesquelles de nombreux éléments médicaux la concernant ont été écartés. Précisément, elle s'appuie sur le certificat médical daté du 3 mars 2017, le certificat de constatation de blessures établi par le docteur [Y], médecin réanimateur le 21 janvier 2016, et le rapport de réquisition rendu par le docteur [X] en date du 12 mai 2016 pour faire valoir que son taux d'incapacité ne peut être inéfrieur à 80%.

Elle considère en outre que le médecin consultant, en considérant qu'il n'y avait aucune restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi, est en totale contradiction avec les comptes-rendus médicaux remis depuis l'accident. Elle invoque le rapport d'expertise du docteur [K], daté du 16 janvier 2020, pour faire valoir que trois ans après le dépôt de sa demande et alors que son état s'est amélioré, il existe une anxiété résiduelle et une diminution des capacités motrices post-traumatiques au membre supérieur droit, au rachis lombaire, au thorax et aux deux membres inférieurs perturbant la vie quotidienne, les loisirs et rendant très difficile un retour à l'emploi, de sorte que l'expert consulté en première instance serait l'unique médecin qui considère qu'il n'y a aucune restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi alors même qu'il ne l'a examinée en quelques minutes à l'audience et sans aucune étude approfondie des éléments médicaux produits.

Elle ajoute que contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, elle était dans une démarche avérée d'insertion professionnelle stoppée par l'accident de la circulation dont elle a été victime, puisqu'une offre d'emploi lui avait été faite le 29 décembre 2015.

Sur la demande de prestation de compensation du handicap, elle fait valoir le rapport du docteur [K] pour démontrer qu'elle dû aménager son logement des suites de son handicap (cannes naglaises, déambulateur, lit médicalisé, chaise baignoire, réhausseur dans les toilettes) et qu'elle a dû faire appel à l'aide d'une tierce personne pour l'accomplissement des actes d ela vie quotidienne.

La MDPH des Alpes-Maritimes, dispensée de comparaître à l'audience, se réfère aux conclusions notifiées par RPVA le 14 avril 2022. Elle demande à la cour de confirmer la décision du tribunal judiciaire de Marseille du 15 janvier 2021 dans toutes ses dispositions et de condamner Mme [S] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, elle invoque le rapport de consultation du docteur [V] concluant à un taux d'incapacité compris entre 50% et 80% sans restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi.

Elle rappelle que seuls les facteurs constitutifs de difficultés à l'accès à l'emploi en lien direct avec le handicap doivent être pris en compte pour apprécier l'éligibilité à la restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi et que doivent être écarter les facteurs non exclusivement liés au handicap ou liés au handicap, mais ne réduisant pas de façon substantielle et durable l'accès et le maintien à l'emploi. Elle considère que si l'absence de diplôme peut générer des limitations d'activités cela ne compromet pas l'accès à l'emploi et cette absence de diplôme ne relève pas du handicap. Elle indique que le médecin consultant a pu constater que Mme [S] ne présentait pas de difficultés absolues à la réalisation des actes essentiels de la vie de sorte qu'elle doit pouvoir utiliser sa main droite. Elle ajoute que même si Mme [S] ne peut plus exercer son métier précédent d'aide-comptable en raison de son handicap à la main droite, elle a des compétences acquises et mobilisables pour exercer une autre activité professionnelle ou envisager une formation adaptée à son handicap.Elle explique que Mme [S] n'est pas dans une démarche d'insertion professionnelle. Elle fait valoir que la difficulté à la station assise prolongée et au port de charges lourdes génère des limitations d'activité et des restrictions de participation constitutive d'un handicap qui néanmoins ne semble pas compromettre l'accès et le maintien dans un emploi adapté d'une durée supérieure ou égale à un mi-temps.

Concernant la demande de complément de ressources, elle indique que la requérante n'est pas éligible à cette allocation en raison d'un taux d'incapacité inférieur à 80%.

Concernant la prestation de compensation du handicap, elle fait valoir qu'en l'absence de difficultés graves ou absolues à la réalisation des actes essentiels de la vie, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande.

La CAF des Alpes-Maritimes et le Conseil départemental des Alpes-Maritimes, bien que régulièrement convoqués par courriers recommandés avec accusés de réception retournés signés le 7 mars 2022, n'ont pas comparu.

Conformément aux dispositions de l'article 455, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'allocation aux adultes handicapés

L'article L.821-1 du code de la sécurité sociale prévoit que toute personne dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé à 80 % par l'article D.821-1 perçoit, dans les conditions prévues au titre II du Livre VIII, une allocation aux adultes handicapés.

L'article L.821-2 poursuit : «L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes :

1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L.821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ;

2° La commission mentionnée à l'article L.146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret.

Le versement de l'allocation aux adultes handicapés au titre du présent article prend fin à l'âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L. 821-1.»

Le taux visé au 1° ci-dessus est fixé à 50 % par l'article D.821-1.

Sur la détermination du taux d'incapacité

Le guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant en annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version inchangée depuis 2007, définit trois classes de taux d'incapacité :

- taux inférieur à 50 p. 100 : incapacité modérée n'entraînant pas d'entrave notable dans la vie quotidienne de l'enfant ou de celle de sa famille ;

- taux compris entre 50 p. 100 et 80 p. 100 : incapacité importante entraînant une entrave notable dans la vie quotidienne de l'enfant et de sa famille ;

- taux égal ou supérieur à 80 p. 100 : incapacité majeure, entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de l'enfant et de celle de sa famille.

En introduction du guide, il est précisé qu'il vise à permettre aux utilisateurs de fixer le taux d'incapacité d'une personne quel que soit son âge à partir de l'analyse de ses déficiences et de leurs conséquences dans sa vie quotidienne et non sur la seule nature médicale de l'affection qui en est l'origine.

De même, il y est indiqué que :

'Un taux de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L'entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.

Un taux d'au moins 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l'ensemble des actions que doit mettre en oeuvre une personne, vis-à-vis d'elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu'elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans leur accomplissement, ou ne les assure qu'avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint. C'est également le cas lorsqu'il y a déficience sévère avec abolition d'une fonction.

Les actes de la vie quotidienne, parfois qualifiés d'élémentaires ou d'essentiels, sont mentionnés dans les différents chapitres et portent notamment sur les activités suivantes :

- se comporter de façon logique et sensée ;

- se repérer dans le temps et les lieux ;

- assurer son hygiène corporelle ;

- s'habiller et se déshabiller de façon adaptée ;

- manger des aliments préparés ;

- assumer l'hygiène de l'élimination urinaire et fécale ;

- effectuer les mouvements (se lever, s'asseoir, se coucher) et les déplacements (au moins à l'intérieur d'un logement).'

En l'espèce, il ressort du rapport du docteur [V] consulté par les premiers juges le 3 décembre 2020, étant précisé dans le jugement, que l'expert s'est prononcé sur l'état de santé de la patiente au jour de la demande d'allocation du 20 mars 2017, qu'il a pris en compte l'âge, la situation familiale et professionnelle de la requérante, le polytraumatisme dont elle a été victime suite à l'accident sur la voie publique survenu le 7 mars 2016, les séquelles et les traitements suivis, ainsi qu'une évaluation de l'ensemble de ses capacités fonctionnelles hors aide ou assistance (dont il ressort qu'elle n'a aucune difficulté à la mobilité ou la manipulation, la communication, les tâches et exigences générales et la relation avec autrui et à l'apprentissage et l'application des connaissances, mais une difficulté modérée pour se laver et une difficulté grave pour faire les courses, faire le ménage et entretenir le linge et les vêtements), pour conclure à un taux d'incapacité permanente entre 50 et 79%, sans restriction substantielle et durable de l'accès à l'emploi.

Le certificat médical établi le 3 mars 2017 pour être joint à la demande d'allocation, donnaît une toute autre analyse de l'entrave dans les actes de vie courante et de l'autonomie de Mme [S]. En effet, il indiquait que Mme [S] présentait une difficulté grave ou absolue pour marcher, se déplacer à l'extérieur et à la préhension à la main dominante, de sorte qu'elle nécessitait d'un accompagnement pour toute démarche extérieure au domicile. Il y était également indiqué qu'elle avait besoin d'une aide humaine partielle pour faire sa toilette, s'habiller, se désahabiller, manger et boire de saliments préparés et couper ses aliments, et qu'elle ne participait plus aux activités ménagères.

Cependant, ce certificat n'est pas de nature à contredire sérieusement les conclusions de l'expert consulté par les premiers juges, dans la mesure où celles-ci sont corroborées par le rapport d'expertise médicale du docteur [K] désigné dans le cadre de l'évaluation du préjudice corporel de la victime par le tribunal de grande instance de Nice le 6 juin 2019, produit par l'appelante elle-même.

En effet, ce rapport reprend les conclusions du même expert déjà désigné dans le cadre d'une expertise demandée par le trbunal correctionnel et qui avait examiné Mme [S] le 4 octobre 2017, dans un temps proche de la demande d'allocation le 20 mars 2017, et dont il ressort que si la victime nécessitait l'aide de son entourage pour les actes de la vie courante, dont la toilette, l'hygiène et l'habillage à son retour à domicile courant 2016, en revanche, dès le mois d'avril 2017, elle n'avait plus besoin que d'une aide pour les actes ménagers et les courses compte tenu de ses grandes difficultés à la marche et au port de charges.

Les autres pièces médicales susceptibles de donner des informations sur l'état de santé de Mme [S] avant la demande du 20 mars 2017 sont sans emport sur la solution du litige et les examens et soins prodigués à la requérante courant 2019 ne donnent aucune information utile quant à son autonomie au jour de la demande d'allocation.

Il s'en suit que les conclusions de l'expert consulté en première instance, selon lequel l'autonomie de Mme [S] était préservée au jour de la demande le 20 mars 2017, ne sont pas sérieusement contestées.

Le taux d'incapacité déterminé par le docteur [V] entre 50 et 79% doit être entériné.

Sur la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi

Il convient de rappeler que l'allocation aux adultes handicapés est accordée à la personne dont le taux d'incapacité permanente est compris entre 50 et 79% sous réserve que, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi lui soit reconnue.

L'article D.821-1-2 du code de l'action sociale et des familles précise que 'la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération:

a) Les déficiences à l'origine du handicap ;

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L.144-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L.243-4 code de l'action sociale et des familles ;

b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L.241-5 du code de l'action sociale et des familles.'

La restriction substantielle et durable de l'accès à l'emploi, suppose notamment une limitation des activités ou des contraintes pour travailler auxquelles il est impossible de répondre par un aménagement du poste de travail ou par la mise en valeur de potentialités d'adaptation.

En l'espèce, l'expertise du docteur [K], produite par l'appelante, conforte une nouvelle fois les conclusions de l'expert consulté en première instance. Dans ses conclusions datées du 4 octobre 2017, il indique que Mme [S] a abandonné son projet de reprise de l'activité professionnelle envisagée quelques jours avant l'accident en ayant repris contact avec pôle emploi. Il précise que sur le plan professionnel, 'une pénibilité à la station débout peut être évoquée ainsi que des difficultés motrices pour le membre supérieur droit', mais aucun de ces handicaps n'empèchant la reprise de contact avec pôle emploi et la recherche d'un emploi adapté, il ne peut être retenu de restriction substantielle à l'accès à l'emploi du fait du handicap.

De même, le certificat médical établi le 3 mars 2017 pour être joint à la demande d'allocation vise une 'impossibilité d'envisager actuellement une quelconque activité en milieu ordinaire salarié', sans pour autant indiquer en quoi le handicap de la requérante l'empêche de reprendre contact avec pôle emploi comme elle l'envisageait avant l'accident, alors même que sa formation de comptable est compatible avec un handicap qui la restreint dans ses déplacements et le port de charges.

La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi au sens de la réglementation précitée n'étant pas démontrée, l'allocation aux adultes handicapés ne peut être attribuée sur le fondement de l'article L.821-2 du Code de la sécurité sociale.

Sur la demande de complément de ressources

Aux termes de l'article L.821-1-1 du Code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 28 décembre 2007 au 1er décembre 2019 :

'Il est institué une garantie de ressources pour les personnes handicapées composée de l'allocation aux adultes handicapés et d'un complément de ressources. Le montant de cette garantie est fixé par décret.

Le complément de ressources est versé aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés au titre de l'article L. 821-1 :

-dont la capacité de travail, appréciée par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles, est, compte tenu de leur handicap, inférieure à un pourcentage fixé par décret ;

-qui n'ont pas perçu de revenu d'activité à caractère professionnel propre depuis une durée fixée par décret ;

-qui disposent d'un logement indépendant ;

-qui perçoivent l'allocation aux adultes handicapés à taux plein ou en complément d'un avantage de vieillesse ou d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail. (...)'

Il s'en suit que l'assuré doit présenter un taux d'incapacité permanente au moins égal à 80% pour ouvrir droit au complément de ressources.

Mme [S], présentant un taux d'incapacité permanente évalué entre 50 et 79%, elle ne peut ouvrir droit à un complément de ressources.

Sur la demande de prestation de compensation du handicap

Aux termes de l'artice L.245-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version en vigueur du 16 octobre 2015 au 8 mars 2020 :

'I. - Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine, dans les collectivités mentionnées à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret et dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces.

(...)'

L'article D.245-4 du code de l'action sociale et des familles prévoit les critères de handicap en ces termes :

'A le droit ou ouvre le droit, à la prestation de compensation, dans les conditions prévues au présent chapitre pour chacun des éléments prévus à l'article L. 245-3, la personne qui présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l'annexe 2-5 et dans des conditions précisées dans ce référentiel. Les difficultés dans la réalisation de cette ou de ces activités doivent être définitives, ou d'une durée prévisible d'au moins un an.'

Enfin, l'annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles vise les activités suivantes :

'Activités du domaine 1 : mobilité :

' se mettre debout ;

' faire ses transferts ;

' marcher ;

' se déplacer (dans le logement, à l'extérieur) ;

' avoir la préhension de la main dominante ;

' avoir la préhension de la main non dominante ;

' avoir des activités de motricité fine.

Activités du domaine 2 : entretien personnel :

' se laver ;

' assurer l'élimination et utiliser les toilettes ;

' s'habiller ;

' prendre ses repas.

Activités du domaine 3 : communication :

' parler ;

' entendre (percevoir les sons et comprendre) ;

' voir (distinguer et identifier) ;

' utiliser des appareils et techniques de communication.

Activités du domaine 4 : tâches et exigences générales, relations avec autrui :

' s'orienter dans le temps ;

' s'orienter dans l'espace ;

' gérer sa sécurité ;

' maîtriser son comportement dans ses relations avec autrui.'

Le même article identifie 5 niveaux de difficulté :

- aucune difficulté : la personne réalise l'activité sans aucun problème et sans aucune aide, c'est-à-dire spontanément, totalement, correctement et habituellement.

- difficulté légère (un peu, faible) : la difficulté n'a pas d'impact sur la réalisation de l'activité.

- difficulté modérée (moyen, plutôt) : l'activité est réalisée avec difficulté mais avec un résultat final normal. Elle peut par exemple être réalisée plus lentement ou en nécessitant des stratégies et des conditions particulières.

- difficulté grave (élevé, extrême) : l'activité est réalisée difficilement et de façon altérée par rapport à l'activité habituellement réalisée.

-difficulté absolue (totale) : l'activité ne peut pas du tout être réalisée sans aide, y compris la stimulation, par la personne elle-même. Chacune des composantes de l'activité ne peut pas du tout être réalisée.

Il y est précisé que ' La détermination du niveau de difficulté se fait en référence à la réalisation de l'activité par une personne du même âge qui n'a pas de problème de santé. Elle résulte de l'analyse de la capacité fonctionnelle de la personne, capacité déterminée sans tenir compte des aides apportées, quelle que soit la nature de ces aides. La capacité fonctionnelle s'apprécie en prenant en compte tant la capacité physique à réaliser l'activité, que la capacité en termes de fonctions mentales, cognitives ou psychiques à initier ou réaliser l'activité. Elle prend en compte les symptômes (douleur, inconfort, fatigabilité, lenteur, etc.), qui peuvent aggraver les difficultés dès lors qu'ils évoluent au long cours.'

Compte tenu de la demande déposée par Mme [S] le 20 mars 2017, c'est à cette date qu'il convient de vérifier si son état de santé engendre une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l'annexe 2-5.

Il ressort de l'évaluation des capacités fonctionnelles de la requérante par l'expert consulté en première instance, qu'elle est datée du 3 novembre 2020, et qu'à cette date la patiente ne présente aucune difficulté grave ou absolue dans la réalisation des activitées définies dans le référentiel figurant à l'annexe 2-5.

Si selon l'expertise du docteur [K], la requérante présentait au 4 octobre 2017, des difficultés motrices au membre supérieur droit et aux deux membres inférieurs. Il n'est pas précisé le niveau de difficulté, mais il est indiqué que la marche est difficile, avec une certaine boiterie, sans pour autant, à aucun moment, mentionner la nécessité d'une canne, comme dans le certificat médical

établi le 3 mars 2017 pour être joint à la demande d'allocation.

Il s'en suit qu'il n'y a pas lieu de retenir une difficulté grave ou absolue pour réaliser les activités définies dans le référentiel figurant à l'annexe 2-5, au jour de la demande le 20 mars 2017.

En conséquence, de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens

Mme [S], succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du Code de procédure civile et en application d el'article 700 suivant, elle sera déboutée de sa demande en frais irrépétibles.

L'équité commande qu'elle soit condamnée à payer à la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Alpes-Maritimes la somme de 500 euros à titre de frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par décision réputée contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 15 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Marseille, en toutes ses dispositions,

Déboute Mme [S] de l'ensemble de ses prétentions,

Condamne Mme [S] à payer à la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Alpes-Maritimes la somme de 500 euros au titre de frais irrépétibles,

Condamne Mme [S] au paiement des éventuels dépens de l'appel.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/02550
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;21.02550 ?
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