La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2022 | FRANCE | N°21/02429

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 24 juin 2022, 21/02429


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022



N°2022/.





Rôle N° RG 21/02429 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG644





CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE



C/



[B] [P]







Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE



- Me Philippe MOURET















Décision déférée à l

a Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judicaire de Marseille en date du 22 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00810.





APPELANTE



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE, demeurant [Adresse 1]



représentée par Mme [E] [U]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/02429 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG644

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE

C/

[B] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE

- Me Philippe MOURET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judicaire de Marseille en date du 22 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00810.

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Mme [E] [U] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIME

Monsieur [B] [P], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [B] [P] employé par la société [3] en qualité de mécanicien, depuis le 24 octobre 1997, a été victime, le 08 juillet 1999 d'un accident du travail, déclaré par son employeur le 20 juillet 1999, que la caisse primaire d'assurance maladie du Gard a pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La caisse l'a déclaré consolidé à la date du 10 août 1999 en lui attribuant un taux d'incapacité de 04%.

M. [P] a déclaré une rechute en joignant un certificat médical initial en date du 12 avril 2012, que l'organisme social a prise en charge au titre de l'accident du travail du 08 juillet 1999 à une date qui n'est pas précisée par les parties, puis a fixé la date de la consolidation au 31 janvier 2014 en retenant un taux d'incapacité permanente partielle de 09%.

M. [P] a déclaré une aggravation de son état de santé en joignant un certificat médical en date du 09 mars 2015 et la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse a maintenu le 27 août 2015 à 09% son taux d'incapacité permanente partielle.

M. [P] a saisi le 24 septembre 2015, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille de sa contestation de ce taux.

Par jugement avant dire droit en date du 17 février 2016, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille a ordonné une expertise, et l'expert a déposé son rapport le 15 octobre 2016.

Par jugement en date du 22 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle de M. [B] [P] est porté à 19% à la date du 09 mars 2015,

* infirmé la décision de la commission de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse du 27 août 2015,

* condamné la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse aux dépens, à l'exclusion des frais de la consultation médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

La caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffier le 11 mai 2022, soutenues oralement, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour d'ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire.

Par conclusions visées par le greffier le 11 mai 2022, reprises oralement, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [P] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions et demande à la cour de débouter la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse de l'ensemble de ses demandes.

MOTIFS

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte, résultant de son accident du travail et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

L'appelante, se prévalant de l'argumentaire médical de son médecin conseil dont elle reprend la teneur, expose que le certificat médical initial établi lors de l'accident du travail mentionnait comme lésions des acouphènes bilatéraux, une altération de la perception des aigus depuis un traitement sonore (air comprimé) et que lors de la consolidation le taux d'incapacité permanente a été fixé à 04%, puis que la rechute du 12 avril 2012 a conduit à retenir un taux d'incapacité permanente partielle de 9% à la date de la consolidation fixée au 31 janvier 2014, ce taux ayant été maintenu lors de la demande du 09 avril 2015 d'aggravation du taux, en l'absence de diagnostic étiologique initial, lequel était un traumatisme aigu sans qu'il soit fait état de lésion tympanique ni d'atteinte de l'oreille interne.

Elle conteste les conclusions de l'expertise au motif que l'audiogramme mentionné par l'expert montre certes une perte d'audition mais que l'évaluation de l'incapacité permanente ne prend nullement en compte la presbyacousie liée à l'âge, relevant que l'assuré est âgé de 60 ans et qu'il s'agit d'un accident du travail et non d'une maladie professionnelle où le patient serait toujours exposé aux nuisances sonores.

Elle soutient que la presbyacousie correspondant en moyenne à une perte de 29.5 décibels à 60 ans, une incapacité permanente de 8% doit être retranchée à celle donnée au dernier audiogramme du 09/11/2015 et qu'ainsi le taux d'incapacité permanente partielle ne peut être de 19%, que le taux de 9% est conforme aux constatations médicales et au barème. Elle relève qu'un taux de 1% a été accordé par l'expert pour acouphènes.

L'intimé lui oppose que l'expert a retenu que la perte auditive doit se faire sur les valeurs indiquées par la perte représentée en conduction osseuse qui est la même que la perte en conduction aérienne, et que le tribunal a justement retenu que le déficit fonctionnel auditif (acouphènes) est un déficit partiel et définitif et irréversible, et que les aggravations ultérieures seront la conséquence de son traumatisme initial.

Le litige qui oppose les parties porte sur l'aggravation du taux d'incapacité fixé après la date de consolidation de la rechute d'accident du travail du 31 janvier 2014. Il est donc exact que l'évaluation du taux d'incapacité doit se faire au regard du barème indicatif des accidents du travail et non point de celui des maladies professionnelles.

La caisse n'a pas jugé utile de verser aux débats les éléments pris en considération par son médecin conseil pour évaluer à 9% le taux d'incapacité permanente partielle de M. [P] à la date du 31 janvier 2014, ni ceux ayant conduit à maintenir le 27 août 2015 ce taux, et les éléments repris dans ses conclusions pour lui avoir été fournis dans 'l'argumentaire' allégué de son médecin conseil sont particulièrement succincts.

Le barème indicatif d'invalidité des accidents du travail (annexe I à l'article R.434-32 du code de la sécurité sociale) précise dans son chapitre préliminaire, s'agissant des révisions de taux d'incapacité, que hormis les cas où les séquelles présentent d'emblée un caractère définitif, l'état de la victime est susceptible de subir, en aggravation ou en amélioration, une évolution spontanée ou du fait du résultat du traitement soit médical, soit chirurgical ou de l'appareillage et que pour l'estimation du nouveau taux, il y a lieu de se référer au taux fixé lors de l'examen précédent, et de le modifier dans la mesure où les séquelles elles-mêmes auront évolué de façon tangible.

Il est exact que l'expert indique expressément dans son rapport, s'être référé au barème des maladies professionnelles en prenant comme référence l'audiométrie du 09 novembre 2015 la plus proche de la demande d'évaluation, en précisant qu'elle est conforme à l'audiométrie demandée dans le cadre de son avis. Il indique que la perte auditive de M. [P] est de type professionnelle, bilatérale et que l'asymétrie est en faveur d'un traumatisme sonore latéralisé.

Il précise la formule de calcul retenue pour évaluer la perte auditive qui le conduit à quantifier à 18% le taux d'incapacité en résultant (21.5 sur l'oreille droite et 16.5 sur l'oreille gauche).

La cour relève que la formule de calcul retenue par l'expert n'est pas critiquée par l'appelante, alors que le barème des maladies professionnelles auquel se réfère l'expert, renvoie en réalité dans son chapitre 4.6 relatif aux surdités professionnelles aux barèmes des accidents du travail, (chapitre 5.5.2. et pour les acouphènes au chapitre 5.5.3).

S'agissant de la surdité, le chapitre 5.5.2 du barème indicatif d'invalidité (accidents du travail) mentionne que le taux d'incapacité permanente partielle est fonction de la perception de la voix de conversation, et doit être évaluée en tenant compte des données acoumétriques, des examens audiométriques et éventuellement de l'audition après prothèse. Il précise notamment que l'audiométrie doit comprendre l'audiogramme tonal, en conduction aérienne (qui apprécie la valeur globale de l'audition), et en conduction osseuse (qui permet d'explorer la réserve cochléaire) et l'audiogramme vocal.

S'agissant des acouphènes, le chapitre 5.5.3 du même barème indicatif précise qu'en général les acouphènes d'origine traumatique (bourdonnements, sifflements, tintements, etc.) n'existent pas à l'état isolé, c'est-à-dire, en dehors de tout déficit auditif, qu'ils ne sont pas expressément conditionnés par un déficit important et préconise de tenir compte, pour l'estimation du taux d'incapacité, de leur durée, de leur intensité, de leur retentissement sur le sommeil, voire sur l'état général, moral et psychique, évaluant un acouphène gênant le sommeil, accompagnant une baisse de l'acuité auditive à un taux de 2 à 5, qui s'ajoute par simple addition à celui afférent à la surdité.

L'expert évalue par ailleurs à 1% le taux d'incapacité lié aux acouphènes en précisant qu'ils sont permanents, fluctuants et insomniants. L'évaluation de ce taux n'est pas critiquée par l'argumentaire médical repris par la caisse dans ses conclusions, lequel n'indique pas qu'il aurait été pris en considération dans le maintien du taux d'incapacité à 9%.

L'expert répond par ailleurs aux arguments du médecin conseil de la caisse en indiquant que l'atteinte bilatérale est compatible avec une exposition professionnelle chronique et que l'évaluation audiométrique d'un déficit se fait en conduction aérienne (valeur auditive perçue) et par voie osseuse (valeur auditive neurosensorielle), cette dernière valeur, représentative de l'atteinte neurosensorielle, devant être la valeur prise en compte dans l'évaluation de la perte.

Il relève que dans son évaluation le médecin de la caisse indique que les deux courbes étant disjointes, il s'agit d'une surdité mixte alors que d'une part, il n'y a aucune anomalie clinique objective ni aucun élément à l'anamnèse qui expliquerait une surdité de type mixte (pas de perforation de tympan, pas d'anomalie du conduit auditif, pas d'ATCD particulier), ce qui le conduit à écarter la survenue d'une surdité mixte, et que d'autre part le léger décalage entre la courbe osseuse et la courbe aérienne (environ 5 décibels) résulte d'une règle graphique permettant d'indiquer que les deux courbes ont été analysées. Il ajoute qu'une surdité de type mécanique est exceptionnellement responsable d'une perte de 5 décibels qui est à la limite de la détection et que le seuil de conduction aérienne est dans le cas présent de surdité neurosensorielle le même que le seuil en conduction osseuse.

La caisse n'étayant pas médicalement dans le cadre d'un échange contradictoire sa contestation des conclusions de ce rapport d'expertise, complet, précis et argumenté, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise étant rappelé qu'aux termes de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.

Succombant en ses prétentions la caisse primaire d'assurance maladie Vaucluse doit être condamnée aux dépens, hormis les frais de l'expertise médicale ordonnée en première instance.

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions,

y ajoutant,

- Déboute la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse de sa demande d'expertise,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse aux dépens, hormis les frais de l'expertise médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/02429
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;21.02429 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award