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24/06/2022 | FRANCE | N°18/16187

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 24 juin 2022, 18/16187


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022



N° 2022/ 227

Rôle N° RG 18/16187 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDFTW







[P] [D] épouse [W]





C/



Fondation INSTITUT NATIONAL DE FORMATION ET D'APPLICATION DE CULTURE OUVRIERE - INFA -

[K] [R]

Association UNEDIC-AGS CGEA IDF EST

SELARL BARRONNIE-[F]











Copie exécutoire délivrée

le :24/06/2022

à :



Me Yannick POU

RREZ, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'homm...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022

N° 2022/ 227

Rôle N° RG 18/16187 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDFTW

[P] [D] épouse [W]

C/

Fondation INSTITUT NATIONAL DE FORMATION ET D'APPLICATION DE CULTURE OUVRIERE - INFA -

[K] [R]

Association UNEDIC-AGS CGEA IDF EST

SELARL BARRONNIE-[F]

Copie exécutoire délivrée

le :24/06/2022

à :

Me Yannick POURREZ, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 11 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00127.

APPELANTE

Madame [P] [D] épouse [W], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Yannick POURREZ, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Fondation INSTITUT NATIONAL DE FORMATION ET D'APPLICATION DE CULTURE OUVRIERE - INFA, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS qui a plaidé

Maître [K] [R] mandataire judiciaire ès qualitès de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la fondation INFA, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS qui a plaidé

SELARL BARRONNIE-[F] prise en la personne de Maître [F] ès qualitès d'administrateur Judiciaire au redressement judiciaire de la fondation INFA, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS qui a plaidé

Association UNEDIC-AGS CGEA IDF EST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, M.Philippe SILVAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 5 octobre 2009, Mme [W] a été recrutée en qualité d'employée comptable par l'association L'Arbousier, aux droits de laquelle vient la fondation INFA. Elle exerçait sa prestation de travail sur la commune de [Localité 8].

Début 2015, elle a été placée en arrêt maladie. Elle a repris son activité à mi-temps thérapeutique courant septembre 2015, puis à temps complet à compter du 16 décembre 2015.

Le 25 janvier 2016, elle a été informée du transfert de son poste de travail à Clermont-[V] à compter du 1er avril 2016. Le 23 février 2016, elle a informé son employeur de son refus de cette mutation.

Le 1er avril 2016, Mme [W] a été sanctionnée pour cause réelle et sérieuse à raison de son refus, en contravention avec la clause de mobilité prévue à son contrat de travail, d'accepter sa mutation à Clermont-[V].

Le 25 avril 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 11 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Fréjus l'a débouté de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme [W] a fait appel de ce jugement le 11 octobre 2018.

Par jugement du 1er octobre 2018, le tribunal de grande instance de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la fondation INFA et a désigné la SELARL Baronnie-[F] en qualité d'administrateur judiciaire.

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a arrêté le plan de redressement de la fondation INFA.

A l'issue de ses conclusions du 6 avril 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [W] demande de':

Au préalable';

- Ordonner la jonction des instances RG n°18/16187 et 18/16589';

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel';

- Infirmer ou à défaut réformer en toutes ses dispositions frappés d'appel et confirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a débouté la fondation INFA de ses demandes';

- Statuant de nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension de la situation, et y rajoutant';

- débouter la fondation INFA, prise en la personne de son représentant légal, la SELARL Baronnie-[F], prise en la personne de Maître [O] [F], es qualité d'administrateur judiciaire de la fondation INFA, et Maître [K] [R], anciennement mandataire judiciaire de la fondation INFA devenu Commissaire à l'Exécution du plan de redressement judiciaire de celle-ci selon jugement rendu par le tribunal judicaire de Créteil en date du 26 mai 2020 publié au BODACC le 30 avril 2021, et l'UNEDIC AGS/CGEA d'Ile de France Est, prise en la personne de son représentant légal, de l'ensemble de leurs demandes, prétentions, fins et conclusions,

- Dire et juger ou à défaut prononcer que son licenciement du le 1 er avril 2016 est sans cause réelle et sérieuse et par voie de conséquence abusif,

- fixer au passif de la fondation INFA. prise en la personne de son représentant légal, sa créance se décomposant comme suit :

- 22 000 € bruts majorés de 2000 € à titre de intérêts pour licenciement abusif et injustifié (soit 10 mois, cf. L 1235-2, 3 et 5 du code du travail)';

- 2 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 2'000 € en cause d'appel ainsi qu'en tous les dépens dont les frais d ' assignation,

condamner la fondation INFA prise en la personne de son représentant légal, à lui payer les sommes suivantes :

- 22 000 € bruts majorés de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et injustifié (soit 10 mois, cf. L 1235-2, 3 et 5 du code du travail),

- 2 000 € en vertu de l'article 700 du code de Procédure Civile au titre de la première instance et 2 000 € en cause d'appel ainsi qu'en tous les dépens dont les frais d' assignation,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC AGS/CGEA d'Ile de France Est, prise en la personne de son représentant légal, et ordonner que l'UNEDIC AGS/CGEA d'Ile de France garantisse ses créances telle que mentionnée ci-dessus puisqu'antérieures au plan de redressement, et qu'il ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253 - 6 à 8 et suivants du code du travail dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253 - 15 et L 3253-17 dudit code, en l'absence de fonds disponibles de la fondation INFA pour procéder à leur paiement.

- dire que les sommes mentionnées ci-dessus porteront application des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Fréjus, jusqu'au 1er octobre 2018, date du jugement de redressement judiciaire, puis à partir du 26 mai 2020, date d'adoption du plan de redressement judiciaire.

Au terme de leurs conclusions du 2 février 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la fondation INFA, la SELARL Baronnie-[F], ès qualités d'administrateur Judiciaire et Maître [R], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la fondation INFA demandent de':

- prononcer la mise hors de cause de Maître [F]';

- confirmer le jugement entrepris';

- En tant que de besoin';

- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes à toutes fins qu'elles procèdent';

- recevoir la fondation INFA et Maître [R] en leurs demandes';

- condamner Mme [W] au règlement à chacun de la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'issue de ses conclusions du 30 mars 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, l'UNEDIC-AGS IDF EST demande de ':

- confirmer le jugement du 18 octobre 2018 qui a constaté que le licenciement de Mme [W] reposait sur une cause réelle et sérieuse et la débouter de ses demandes et débouter Mme [W] des fins de son appel ;

Subsidiairement';

- Constater et fixer les créances de Mme [W] en fonction des justificatifs produits ; à défaut débouter Mme [W] de ses demandes ;

- Réduire les dommages et intérêts, dont le montant sollicité n'est pas justifié ;

- Débouter la salariée appelante et le cas échéant le commissaire à l'exécution du plan ou le mandataire judiciaire, de toute demande de paiement formulée à première demande contre l'AGS, dès lors que la garantie est subsidiaire en l'état d'un employeur qui poursuit son activité dans le cadre d'un plan de redressement ;

- Débouter la salariée appelante et le cas échéant le commissaire à l'exécution du plan ou le mandataire judiciaire, de toute demande de garantie sur la totalité de ses créances dès lors qu'en application de l'article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (art. l'article D. 3253-5 du code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposées par la loi ;

- Débouter la salariée appelante et le cas échéant le commissaire à l'exécution du plan ou le mandataire judiciaire, de toute demande de paiement directement formulée contre l'AGS dès lors que l'obligation de l'UNEDIC-AGS CGEA IDF EST de faire l'avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-19 du code du travail ;

- Débouter la salariée appelante de toutes demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité, dès lors qu'elles n'entrent pas dans le cadre de la garantie de l'UNEDIC-AGS IDF EST ;

- Débouter la salariée appelante de toute demande accessoire au titre des intérêts dès lors que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 du code de commerce) ;

- Débouter Mme [W] de toute demande contraire et la condamner aux dépens ;

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 avril 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE':

sur la jonction':

La jonction des procédures a été ordonnée le 17 décembre 2021. La demande formée de ce chef s'avère en conséquence sans objet.

sur la mise hors de cause de la SELARL Baronnie-[F], ès qualités,':

Il a été mis fin au mandat de la SELARL Baronnie-[F], ès qualités, par l'effet du jugement du 26 mai 2020 arrêtant le plan de redressement de la fondation INFA. Il conviendra en conséquence de prononcer sa mise hors de cause.

sur le licenciement de Mme [W]':

moyens des parties':

Mme [W] conteste le bien fondé de son licenciement par la fondation INFA aux motifs que la clause de mobilité prévue à son contrat de travail est nulle puisqu'elle ne précise pas dans quelle zone géographique de la France elle s'applique, que toute clause de mobilité pourtant sur l'ensemble du territoire français est nulle, que les établissements visés dans cette clause sont ceux de l'Association l'Arbousier, qui n'avait qu'un seul établissement à l'époque, et qui n'existent plus du fait de sa fusion-absorption par la fondation INFA, que cette clause ne saurait viser les établissements actuels sans les nommer voire les établissements futurs car ceux-ci sont indéterminés lors de la signature de ladite clause, qu'une clause de mobilité doit en outre être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, proportionnée au but recherché compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé, et justifiée par la nature de la tâche à accomplir, que la fondation INFA ne démontre pas le bien fondé de sa mutation à Clermont-[V], que le site de [Localité 8] dans lequel elle était employée existe toujours, qu'elle y réalisait essentiellement ses fonctions à distance par courriels ou connexions au serveur de la fondation INFA et qu'il appartenait à la fondation INFA de veiller au respect de son accord intergénérationnel lui imposant une recherche d'aménagement d'emploi avec éventuellement des propositions de formation pour les salariés dits « séniors », catégorie à laquelle elle appartenait.

Elle estime que le motif réel de son licenciement réside dans les difficultés de santé qu'elle a rencontrées en 2015 ainsi que les réclamations qu'elle a formulées en janvier 2016 concernant le règlement de ses salaires et soutient qu'en réalité la fondation INFA souhaitait recruter une nouvelle comptable à temps partiel et non à temps complet, ainsi qu'elle exerçait ses fonctions.

Elle fait grief à la fondation INFA de ne pas justifier que sa décision de modifier ses conditions de travail de la salariée en la mutant à 600 km environ de chez elle était conforme à l'intérêt de l'entreprise et qu'il avait agit de bonne foi.

Elle affirme que son licenciement par la fondation INFA porte atteinte à son droit fondamental d'avoir une familiale normale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) aux motifs que son mari travaillait sur [Localité 6], qu'il n'avait aucune connaissance professionnelle sur Clermont [V] et ne pouvait ainsi pas se permettre de quitter son emploi à l'âge de 51 ans, que ses deux enfants étaient scolarisées à proximité de son domicile (une fille en 2eme année d'école d'infirmière sur [Localité 5] sur concours et ne pouvait pas changer d'école, et l'autre en seconde en BTS Profession immobilier sur [Localité 5]), que recommencer dans une autre région, compte tenu de son âge, aurait été trop lourd pour elle et toute sa famille et que la fondation INFA lui a infligé un licenciement pour cause réelle et sérieuse dont les conséquences en terme de prise en charge par Pôle Emploi sont nettement plus défavorables qu'un licenciement pour motif économique.

La fondation INFA, la SELARL Baronnie-[F], ès qualités, et Me [R], ès qualités, y exposent qu'une clause de mobilité, pour être licite, doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, proportionnée au but recherché, compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé et justifiée par la nature de la tâche à accomplir, qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve d'un abus de droit de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction par rapport à la mise en 'uvre de la clause de mobilité, que la jurisprudence reconnaît la validité d'une clause de mobilité applicable à l'ensemble du territoire français, que le contrat de travail conclu entre Mme [W] et l'association l'Arbousier prévoyait une clause permettant la mutation de cette salariée dans l'un des établissements actuels ou futurs implantés en France Métropolitaine de l'association, qu'une telle clause, qui permet la mobilité de Mme [W] à l'ensemble du territoire métropolitain conformément à la jurisprudence ne peut donc être considérée comme nul au motif qu'elle ne définirait pas de façon précise sa zone géographique d'application, que Mme [W] n'a jamais personnellement contesté la validité de cette clause de mobilité, ni encore moins son application par son employeur et que son refus en date du 23 février 2016 n'est motivé que par des considérations d'ordre personnel lesquelles, même légitimes, n'en demeurent pas moins contraires aux dispositions de son contrat de travail.

Ils soutiennent en outre que Mme [W] ne rapporte pas la preuve d'un détournement de pouvoir de la fondation INFA dans la mise en 'uvre de cette clause de mobilité

Ils précise que Mme [W] assurait la comptabilité du site de Rhône-Alpes de façon délocalisée à [Localité 8], à la faveur du maintien de son emploi dans le cadre de la fusion entre l'association L'Arbousier et I'INFA, que suite à la modification du ressort des régions par la loi du 16 janvier 2015, la fondation INFA a dû adapter son organisation structurelle à ce nouveau découpage, certaines régions ayant fusionné, que suite à la fusion des régions Rhône Alpes et Auvergne, le siège de la fondation INFA a été fixé à Clermont-[V], qu'il apparaissait alors nécessaire et légitime de relocaliser sur ce nouveau siège le service comptable de cette grande région, que Mme [W] ne peut donc sérieusement soutenir que la fondation INFA ne ne rapporterait pas la preuve du bien fondé de sa mutation sur Clermont [V], que la fondation INFA n'a pas invoqué un motif économique à l'appui de la mutation mais un motif organisationnel légitime, qu'il n'y a pas eu d'autres mutations, que la fondation INFA n'avait pas de raison de licencier Mme [W] pour motif économique et qu'une telle mesure aurait constitué une fraude vis-à-vis de Pôle Emploi.

réponse de la cour':

Il est de principe que la mise en 'uvre d'une clause de mobilité incluse dans le contrat de travail correspond à un simple changement des conditions de travail et non à une modification du contrat de travail qui nécessiterait l'accord du salarié. Ainsi le refus du salarié d'accepter un changement de ses conditions de travail constitue une faute contractuelle susceptible de justifier la mesure de licenciement prise à son encontre.

Il est de jurisprudence constante que, pour être valable, la clause de mobilité géographique doit définir de manière précise sa zone géographique d'application, que doivent être écartées les clauses évolutives ou celles par laquelle l'employeur se réserve un droit d'extension du périmètre de mutation et qu'une clause de mobilité ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée. Ainsi, une clause de mobilité sur tout le territoire français n'est ni floue ni évolutive, et s'avère donc opposable au salarié.

En l'espèce, Mme [W] a été recrutée par la fondation INFA en qualité de comptable, coefficient D/100, statut non-cadre. Son contrat de travail prévoyait qu'elle exercerait ses fonctions dans l'établissement de St Raphaël. Il stipulait en outre que l'employeur se réservait le droit de muter définitivement dans l'un de ses établissements actuels ou futurs implantés en France métropolitaine.

Une telle clause, qui définit son périmètre d'application au territoire national, peu important qu'elle précise que son champ d'application comprend les établissements actuels et futurs de l'employeur, s'avère suffisamment précise quant à sa zone géographique d'application.

Mme [W] ne peut en conséquence en invoquer l'imprécision pour conclure à sa nullité.

Conformément aux articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L.'1121-1 du code du travail, toute personne dispose de la liberté de choisir son domicile et nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Il est constant que Mme [W] résidait à St Raphaël depuis plusieurs années, que son conjoint travaillait sur cette commune, que ses attaches familiales se situaient dans le Sud-Est de la France et que la mise en 'uvre de la clause de mobilité nécessitait de fixer son domicile à proximité de Clermont-[V], portant ainsi atteinte à la liberté de choix de son domicile par Mme [W].

Il ressort du site internet de la fondation INFA et du registre d'entrées et sorties du personnel de l'établissement de Saint Raphaël au sein duquel Mme [W] était employée que, suite à la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015 ayant procédé au redécoupage des régions, la fondation INFA a redéfini son organisation territoriale, que la fondation INFA a fixé son siège à Clermont-[V] alors que, antérieurement, il se situait à'Nogent sur Marne et qu'il a été convenu d'y regrouper le service comptabilité qui, auparavant, était externalisé à Saint Raphaël. Par ailleurs, le registre d'entrées et sorties précité démontre qu'aucune tâche de nature comptable n'est exercée à Saint Raphaël depuis le licenciement de Mme [W]. De surcroît, Mme [W] ne rapporte pas la preuve qu'elle réalisait essentiellement ses fonctions à distance.

Conformément aux articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L.'1121-1 du code du travail, toute personne dispose de la liberté de choisir son domicile et nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

S'il est certain que la mise en oeuvre par l'employeur de la clause de mobilité, par l'obligation de déménagement qu'elle entraînait, était de nature à porter atteinte à la vie privée de Mme [W], il apparait que cette mesure, compte tenu de la fermeture du service comptable de [Localité 8] et faute pour la salariée de rapporter la preuve de l'exercice de sa prestation de travail sous la forme d'un télétravail, une telle décision était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

L'article L.1132 1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2014 173 du 21 février 2014, applicable au litige, dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008 496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221 1, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Par ailleurs, l'article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Les éléments produits aux débats par Mme [W] ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'un lien entre l'état de santé de cette dernière et/ou les demandes adressées à son employeur concernant sa rémunération. En tout état de cause, il a été relevé que la mise en oeuvre de la clause de mobilité, compte tenu de la fermeture du service comptable de [Localité 8] et de l'absence de télétravail chez Mme [W], était justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. Cette décision était donc justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Enfin, la seule référence par Mme [W] en des termes généraux à l'accord intergénérationnel du 23 avril 2014 ne permet pas de retenir que cet accord comprenait des dispositions s'opposant, directement ou indirectement, à la mise en 'uvre de la clause de mobilité.

Il en ressort en conséquence que la mise en 'uvre par la fondation INFA de la clause de mobilité était justifiée par le bon fonctionnement du service comptabilité et qu'elle s'avérait proportionnée au but recherché dès lors que la nature des missions confiées à Mme [W] nécessitait sa présence physique. Le refus de Mme [W] d'accepter cette modification de ses conditions de travail justifiait en conséquence son licenciement par la fondation INFA. Le jugement déféré, qui a débouté Mme [W] de sa contestation de ce chef, sera en conséquence confirmé.

Il est de principe que le licenciement peut causer au salarié en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation.

Mme [H] ne démontre pas que la rupture du contrat de travail est intervenue à des conditions abusives ou vexatoires. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages-intérêts distincts.

sur le surplus des demandes':

Compte tenu des faits de l'espèce, l'équité commandait, en première instance, de rejeter les demandes formées à l'encontre de Mme [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Mme [W], partie perdante qui sera condamnée aux dépens, sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

Enfin, il n'apparaît pas inéquitable de débouter la fondation INFA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,

DECLARE'Mme [W] recevable en son appel';

PRONONCE la mise hors de cause de la SELARL Baronnie-[F], ès qualités';

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus du 14 septembre 2018 en ce qu'il a débouté Mme [W] de ses demandes;

CONDAMNE Mme [W] aux dépens';

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 18/16187
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;18.16187 ?
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