La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2022 | FRANCE | N°17/22248

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 24 juin 2022, 17/22248


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022



N° 2022/ 230













Rôle N° RG 17/22248 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBT5C







[I] [J]





C/



Association UNEDIC DELEGATION CGEA AGS

S.E.L.A.R.L. [S] [T]





















Copie exécutoire délivrée

le :24/06/2022

à :



Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de

TOULON



Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON



S.E.L.A.R.L. [S] [T]





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 15 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00560.





APP...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022

N° 2022/ 230

Rôle N° RG 17/22248 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBT5C

[I] [J]

C/

Association UNEDIC DELEGATION CGEA AGS

S.E.L.A.R.L. [S] [T]

Copie exécutoire délivrée

le :24/06/2022

à :

Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON

S.E.L.A.R.L. [S] [T]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 15 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00560.

APPELANT

Monsieur [I] [J], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

INTIMEES

Association UNEDIC DELEGATION CGEA AGS, [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON

S.E.L.A.R.L. [S] [T] prise en la personne de Me [S] [T] ès qualités de mandataire ad hoc de la SASU AXIOME, demeurant [Adresse 2]

Défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été appelée le 03 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Thierry CABALE, conseiller, a été chargé rapport.

La Cour était composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 2006, Monsieur [I] [J] a été engagé à compter du 1er juillet 2006 par la Sarl Sm2p en tant que responsable d'exploitation Grand Sud à temps complet.

La Sas Axiom Sécurité, devenue l'employeur, a notifié au salarié son licenciement pour motif économique par lettre du 14 décembre 2012 avant d'être placée en redressement judiciaire par jugement du 13 février 2013 puis en liquidation judiciaire par jugement du 12 décembre 2013, Maître [G] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon qui par jugement du 15 novembre 2017 a :

- fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la 'Sasu Axion sécurité' aux sommes

suivantes :

2310,30 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'institutions représentatives du

personnel,

1 euro à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,

- déclaré le présent jugement opposable à Maître [H] [G], ès qualités,

- dit que la condamnation prononcée, l'exécution provisoire devra être réalisée par un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier devra être supporté par le débiteur,

- dit que l'Unedic Ags Cgea de [Localité 4]-Délégation régionale du Sud-Est ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 à L3253-21 du même code, et sous les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le liquidateur dans le délai d'un mois suivant notification de la présente notification de la présente décision et sur justification par

celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre les mains pour procéder à leur paiement en vertu

de l'article L3253-20 de ce même code,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit que les dépens seront pris en frais privilégiés par le liquidateur,

- constaté que l'Ags-Cgea de [Localité 4]-Délégation régionale du Sud-Est n'était pas concernée par la procédure du fait de la date de redressement judiciaire du 13 février 2012 intervenant après

la rupture judiciaire du contrat de travail de Monsieur [U] [J] au 14 décembre 2012,

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

Le 13 décembre 2017, soit dans le délai légal, Monsieur [J] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt avant dire droit du 26 mars 2021, la cour a rabattu l'ordonnance de clôture, renvoyé l'affaire devant le conseiller de la mise en état, invité le salarié à mettre en cause le mandataire ad hoc de la société Axiom Sécurité, et réservé les dépens.

La société Axiom Sécurité a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 6 décembre 2017 par suite d'une clôture pour insuffisance d'actif. Aux termes d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 31 décembre 2018, le mandat ad hoc initialement confié à Maître [G] a été transféré à la Selarl [S] [T] à laquelle le salarié a fait signifier l'arrêt précité et sa mise en cause par acte d'huissier de justice du 21 juillet 2021 remis à une personne déclarant être habilitée à recevoir la copie de l'acte et qui l'a accepté.

Par dernières conclusions du 5 novembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, le salarié demande à la cour de :

- le recevoir en son appel et le dire bien fondé,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé sa créance à titre de dommages et intérêts pour absence d'institutions représentatives du personnel, à la somme de 2310,30 euros net,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de son surplus de demandes,

et statuant à nouveau :

- dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause économique réelle et sérieuse,

- dire et juger que la Sasu Axiom Sécurité a manqué à son obligation de reclassement,

- dire et juger que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'établit à 2310,30 euros brut,

- fixer ses créances comme suit :

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 27723,60 euros net (12 x 2.310,30 €), * indemnité spéciale pour travail dissimulé (6 mois) : 13.861,80 euros net, * dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure et non-respect des droits de la défense: 2.310,30 euros net, * rappel sur les heures supplémentaires : 11043,38 euros brut outre 1104,338 euros brut, * dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche : 2310,30 euros net, rappel sur les primes de paniers : 985,79 euros net, * 'article 700 du CPC' : 2500 euros, - condamner le Cgea Ags à garantir et régler les créances ainsi fixées,

- ordonner à la Sasu Axiom Sécurité de procéder à la rectification des bulletins de paie de Monsieur [J] pour la période de septembre 2011 à décembre 2012 ainsi que l'attestation Pôle Emploi,

- dire que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 (numéro 96/1080 ' tarif des huissiers), devront être supportées par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- c'est à juste titre que le premier juge a relevé que l'employeur n'apportait pas de documents certifiant la concertation d'institution représentative du personnel, ni de procès-verbal de carence, et qu'il a fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Axiom Sécurité à la somme de 2310,30 euros net, dès lors qu'il n'a pas pu bénéficier de la représentation et de la défense de ses intérêts par un délégué du personnel par la faute de l'employeur qui ne justifie pas des diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel faute de preuve de la transmission d'un procès-verbal de carence du 4 juin 2010 au Centre de Traitement des Elections Professionnelles sous le numéro Siret 484971627000;

- par application des articles L 1233-16 et L 1233-3 du code du travail, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse puisqu'il énonce un motif imprécis équivalent à une absence de motif en ce qu'il ne mentionne pas la conséquence du motif économique sur son emploi dont la suppression ne se confond pas avec celle de la branche d'activité; la liquidation judiciaire postérieure à la lettre de licenciement n'a pas d'incidence sur l'insuffisance de sa motivation;

- outre l'absence de toute pièce matérielle relative à la base comptable et financière versée aux débats et qui justifierait de la réalité des difficultés économiques invoquées, la mise en oeuvre de la restructuration indiquée passant par la cessation de toute activité dans le secteur de [Localité 5], est contredite par des demandes d'interventions et des bons de commande qui démontrent que l'activité de ronde ou de prestation de gardiennage s'est poursuivie dans ce secteur après son licenciement, sans preuve de l'exécution alléguée de contrats déjà en cours;

- le licenciement est également sans cause réelle et sérieuse en l'absence d'élément fourni par l'employeur sur l'effectivité de recherches de reclassement infructueuses au sein du groupe de permutation, ce dernier ayant favorisé le recrutement d'un nouveau personnel dans les fonctions qu'il occupait; le premier juge ne s'est pas prononcé sur ce point;

- l'indemnisation de son préjudice en résultant se justifie à hauteur du montant des dommages et intérêts réclamés compte tenu de son âge au moment de la rupture, soit plus de soixante ans, et de la perception d'indemnités de chômage et d'une modeste pension de retraite;

- la procédure est irrégulière, d'une part, au regard des dispositions de l'article L 1232-4 du code du travail, en ce que le courrier de convocation à l'entretien préalable en date du 28 novembre 2012 mentionne que la liste des conseillers du salarié est tenue à sa disposition à la mairie de [Localité 3] alors qu'il demeurait et travaillait dans le Var, d'autre part, en ce que l'entretien préalable s'est tenu en présence de trois collègues qui ne l'assistaient pas et dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L 1233-12 du code du travail, les motifs de la décision envisagée ne lui ont pas été indiqués puisqu'il s'agissait de soumettre aux intéressés une proposition de rupture conventionnelle qu'ils ont refusée; le préjudice en résultant doit être indemnisé;

- il satisfait au régime probatoire s'agissant des heures supplémentaires dont il réclame le paiement au moyen de relevés précis d'heures supplémentaires effectuées chaque semaine au-delà de 35 heures hebdomadaires sur la période allant de septembre 2011 à novembre 2012, selon une amplitude horaire 19h00-07h00 minimum suivant l'organisation décidée par l'employeur auquel il a adressé, en vain, une lettre du 5 février 2013 précisant sa réclamation; en contrepoint, les parties adverses ne justifient pas de ses horaires effectifs;

- l'intention de l'employeur de dissimuler de l'emploi résulte de la mention sur ses bulletins de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réalisé alors que ce dernier en connaissait l'existence au regard de leur importance et de leur récurrence , ce d'autant qu'il en avait sollicité le paiement par lettre du 05 février 2013;

- dans le cadre d'un usage, l'employeur a fixé une prime de panier pour chaque repas effectué mais ne lui a pas réglé la totalité de celles-ci alors qu'il ne pouvait prendre ses repas à domicile du fait de ses missions;

- l'employeur a également manqué à son obligation de sécurité en s'abstenant de lui faire passer une visite médicale d'embauche alors qu'il bénéficiait d'une surveillance médicale renforcée en tant que travailleur de nuit; l'indemnisation allouée par le premier juge est insuffisante à cet égard.

Par dernières conclusions du 2 août 2021 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, l'Unedic Délégation Ags Cgea de Chalon-sur-Saône demande à la cour de :

en toute hypothèse :

- juger que l'Ags a procédé à l'avance d'une somme totale de 2311,30 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'institutions représentatives du personnel et défaut de visite médicale de sorte que plus rien n'est dû à ce titre ;

en conséquence, débouter Monsieur [J] de ces demandes ;

- exclure de la garantie de l'Ags la somme éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre principal:

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, pour irrégularité de procédure, au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, primes de paniers ;

en conséquence, débouter Monsieur [J] de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, pour défaut de visite médicale d'embauche, pour irrégularité de procédure, au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, primes de paniers ;

- condamner Monsieur [J] aux frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens;

subsidiairement:

- réduire la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- réduire à une somme symbolique les dommages et intérêts pour irrégularité de procédure et absence de visite médicale ;

en toute hypothèse, juger que la garantie de l'Ags n'est acquise que dans le cadre du plafond 6,

- condamner qui il appartiendra aux frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

en tout état de cause:

en tout état de cause, fixer toutes créances en quittance ou deniers.

-dire et juger que l'Ags ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 à 8 du Code du travail (anciens articles L. 143.11.1 et suivants) que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15 (ancien article L. 143.11.7) et L. 3253-17 (ancien article L. 143.11.8) du Code du travail,

- dire et juger que la garantie de l'Ags est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D3253-5 du code du travail,

- dire et juger que l'obligation du Cgea de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

L'Unedic Délégation Cgea Ags de Chalon-sur-Saône fait valoir que :

- le poste de gardiennage et d'intervention du salarié a bien été supprimé par suite de la cessation de cette branche d'activité et la société a été placée en redressement judiciaire deux mois après le licenciement; l'activité a été maintenue jusqu'en décembre 2013 et les contrats qui se sont exécutés dans la région toulonnaise sont ceux qui étaient en cours et ne pouvaient être stoppés;

- dans la lettre de licenciement, l'employeur fait état des tentatives de reclassement qui se sont avérées infructueuses;

- le salarié ne justifie pas de son préjudice ni en application de l'article L 1235-3 du code du travail ni au titre d'une irrégularité de procédure; en application de l'article L 2312 du code du travail, la mise en place des délégués du personnel s'imposait au plus tôt le 1er octobre 2012, ce qui exclut tout comportement fautif de l'employeur qui n'a pas été en mesure d'organiser les élections avant le déclenchement de la procédure de licenciement le mois suivant;

- le tableau produit au soutien de la demande relative aux heures supplémentaires n'est pas daté, ni tamponné ou signé par l'employeur; cette demande n'est pas fondée;

- faute d'heures supplémentaires impayées et faute de preuve de la volonté de l'employeur de se soustraire à ses obligations déclaratives, la demande de ce chef doit être écartée;

- le salarié ne justifie pas de son préjudice au titre de l'absence de visite médicale d'embauche,

- celui-ci percevait régulièrement des primes de panier; il ne donne aucune explication sur le complément qu'il réclame; il travaillait à domicile.

Par dernières conclusions du 14 mai 2018 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Maître [H] [G], alors mandataire ad hoc de la société Axiom Sécurité, demande à la cour de :

en toute hypothèse

- dire et juger que la somme de 2311,30 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'institutions représentatives du personnel et défaut de visite médicale a été réglée, de sorte que plus rien n'est dû à ce titre ;

en conséquence, débouter Monsieur [J] de ces demandes ;

- débouter Monsieur [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre principal

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, pour irrégularité de procédure, au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, primes de paniers ;

en conséquence, débouter Monsieur [J] de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, pour défaut de visite médicale d'embauche, pour irrégularité de procédure, au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, primes de paniers ;

subsidiairement

- réduire la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- réduire à une somme symbolique les dommages et intérêts pour irrégularité de procédure et absence de visite médicale.

Ces conclusions développent les mêmes arguments que ceux soutenus par le Cgea Ags.

La Selarl [S] [T], en qualité de mandataire ad hoc de la Sasu Axiom Sécurité, est défaillante.

La nouvelle clôture de l'instruction est intervenue le 8 avril 2022.

MOTIFS:

Sur le rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires:

Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, selon son contrat de travail, le salarié était soumis à la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires réparties à raison de 7 heures par jour sur cinq jours.

Le salarié produit aux débats les bulletins de paie qui mentionnent le paiement chaque mois de 28 heures de travail supplémentaires de septembre 2011 à novembre 2012 et les décomptes précis qu'il a établis détaillant semaine par semaine sur cette même période, les jours travaillés, ses horaires de travail, essentiellement de 19 heures à 7 heures, plus exceptionnellement de 7 heures à 19 heures, et à une seule reprise, un dimance, de 7 heures à 18 heures, également, les heures supplémentaires accomplies et, parmi ces dernières, celles qui ne lui ont pas été payées.

Cet ensemble d'éléments est suffisamment précis quant aux heures non rémunérées revendiquées par le salarié afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, en réplique, il n'est pas justifié des horaires réellement effectués par le salarié ni d'aucun élément de nature à contredire sérieusement l'ensemble des éléments apportés par ce dernier.

Au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, dont les éléments de calcul, suffisamment précis, cohérents et détaillés, il y a lieu d'allouer au salarié la somme de 11043,38 euros bruts au titre des heures supplémentaires outre 1104,338 euros bruts de congés payés afférents.

Sur le rappel de primes de panier:

Le contrat de travail du salarié ne prévoit pas le versement d'une prime de nourriture ou de panier.

Il résulte des bulletins de paie que la prime intitulée prime de panier a été versée mensuellement au salarié pour un montant unitaire de 10 euros de septembre 2011 à mars 2012 inclus, puis de 3,30 euros à partir d'avril 2012, de 3,37 euros à compter en mai et juin 2012, et de 10 euros jusqu'en novembre 2012 inclus.

Le salarié ne justifie pas de l'usage qu'il invoque faute de rapporter la preuve des critères cumulatifs de fixité, constance et généralité, dès lors qu'il ne démontre pas que la prime était versée à l'ensemble du personnel ou à une catégorie de celui-ci, ni que son montant ou son mode de calcul auraient été fixes.

Il sera donc débouté de sa demande relative au rappel de primes de panier.

Sur le travail dissimulé:

Dès lors que l'employeur n'ignorait pas la réalisation répétée d'heures supplémentaires demeurées impayées qui ne résultait que de la nature et de l'ampleur des tâches confiées comme de l'organisation du travail qu'il avait décidé de mettre en place, la mention d'un nombre d'heures de travail inférieur dans une proportion très importante à celui réellement accompli sur une période suffisamment longue pour ne pas lui avoir échappé et qui n'a donné lieu à aucune régularisation après réception, le 6 février 2013, d'une lettre de mise en demeure du salarié qui lui demandait de procéder à une régularisation des heures supplémentaires depuis le mois de septembre 2011, caractérise son intention de dissimuler du travail en application des dispositions alors en vigueur des articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail.

Au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, l'employeur sera ainsi condamné au paiement d'une indemnité forfaitaire d'un montant de 13861,80 euros nets.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche:

Il n'est pas justifié du respect par l'employeur de son obligation de sécurité en ce qu'il n'est pas démontré que celui-ci a fait effectivement bénéficier le salarié de l'examen médical prévu par l'article R 241-48 du code du travail alors applicable, devant intervenir avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai qui suit l'embauche, et, dans le cas d'une surveillance médicale spéciale définie à l'article R 241-50 alors applicable, obligatoirement avant l'embauche.

Il n'est pas plus démontré qu'un tel examen pouvait ne pas avoir lieu.

Toutefois, le salarié se contente d'invoquer un préjudice nécessairement causé par ce manquement en ce qu'il bénéficiait d'une surveillance spéciale en tant que travailleur de nuit et en ce que l'examen aurait dû précéder son embauche, quand il lui appartenait de justifier de l'existence de son préjudice. Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts relative à l'absence de mise en place d'institution représentative du personnel:

Il résulte des éléments d'appréciation que la Sas Axiom Sécurité qui employait le salarié au moment de la procédure de licenciement, a été créée le 9 septembre 2011, alors que la Sarl Sm2p qui l'avait engagé était manifestement plus ancienne, avait été inscrite au Registre du commerce et des sociétés sous un autre numéro et était titulaire d'un numéro de Siret distinct qui correspond précisément au numéro de Siret que le salarié indique être mentionné sur le procès-verbal de carence que le mandataire ad hoc aurait en son temps communiqué, ce dont il résulte que le respect des dispositions alors en vigueur des articles L 2312-1 et suivants du code du travail doit s'apprécier pour la seule Sasu Axiom Sécurité et en fonction de la seule date du 9 septembre 2011.

Il n'est pas utilement contesté que la Sas Axiom Sécurité comptait au moins onze salariés depuis sa création, ce dont il résulte qu'en application des dispositions légales précitées l'employeur, qui ne justifie d'aucun procès-verbal de carence ni d'aucune autre situation l'ayant empêché de respecter ses obligations en la matière, aurait dû mettre en place des délégués du personnel en amont de la date de l'engagement de la procédure de licenciement le 28 novembre 2012.

Or, il résulte de l'application combinée de l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 27 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil devenu 1240, et de l'article 8 § 1 de la directive n° 2002/14/CE du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

Le salarié est donc bien fondé en sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef et l'allocation par le premier juge de la somme de 2310,30 euros, qui s'entend nécessairement en net, à titre de dommages et intérêts, procède d'une juste évaluation et d'une réparation intégrale du préjudice subi.

Le jugement sera confirmé sur ce point sauf à rectifier l'erreur matérielle qui affecte le nom de la société Axiom Sécurité et de préciser que le montant fixé au passif s'entend nécessairement en net.

Sur le licenciement :

Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail applicable à la date du licenciement : 'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.'

Pour constituer un motif économique réel et sérieux, la réorganisation de l'entreprise doit résulter de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.

La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

En application de l'article L. 1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Cette obligation légale a pour objet de permettre au salarié de connaître les motifs de son licenciement pour pouvoir éventuellement les discuter et de fixer les limites du litige quant aux motifs énoncés.

La lettre de licenciement doit énoncer la cause économique du licenciement telle que prévue par l'article L. 1233-3 du code du travail et l'incidence matérielle de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.

Dans la lettre de licenciement du 14 décembre 2012, les motifs du licenciement s'énoncent en ces termes:

'...Compte tenu des difficultés économiques que connaît la Société AXIOM Sécurité et dans un objectif de sauvegarde de l'emploi de manière globalisé, il est envisagé de mettre fin aux prestations de sécurité dans la région de [Localité 5].

Dès lors, et dans le souci de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, il a été décidé d'une réorganisation de la structure commerciale.

Les perspectives pour l'année à venir ne sont pas de nature à espérer un redressement rapide et durable de la situation de sorte que la réorganisation de l'entreprise et son recentrage sur les secteurs porteurs est indispensable à la sauvegarde de la compétitivité.

Le secteur de [Localité 5], sur lequel les commandes ont considérablement baissé et qui ne semble pas donner de signe de dynamisme à moyen terme, est directement impacté par cette réorganisation.

Compte tenu de la difficulté à trouver de nouveaux clients à [Localité 5] et ses environs dans le domaine bien spécifique de la ronde et de l'intervention, il est à ce jour impossible de maintenir une activité dans ce secteur à [Localité 5].

D'autre part, notre client Centre Commercial MIDI MULTIPLE a refusé notre augmentation tarifaire prévisionnelle entraînant ainsi la fin du contrat de prestation de gardiennage et sécurité.

Afin d'éviter votre licenciement, nous avons activement recherché toutes les possibilités de reclassement tant dans l'entreprise et dans le groupe qu'auprès d'entreprises extérieures mais nos tentatives se sont révélées infructueuses.

Compte tenu de ces éléments et après application des critères d'ordre des licenciements, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique ... »

Cette lettre n'énonce donc pas l'incidence matérielle de la cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, ce dont il résulte qu'en application des dispositions alors en vigueur des articles L 1233-3 et L 1233-16 du code du travail, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Infirmant le jugement entrepris sur ce point, la cour dira que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

Compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise au moment de la rupture ( six ans et six mois), de son âge au moment de cette rupture ( soixante ans ), de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer la somme de 23103 euros nets ( dix mois de salaire brut mensuel de référence) à titre de dommages et intérêts en application des dispositions alors en vigueur de l'article L1235-3 du code du travail.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière:

La procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article L 1232-4 du code du travail, en ce que le courrier de convocation à l'entretien préalable en date du 28 novembre 2012 mentionne que la liste des conseillers du salarié est tenue à sa disposition à la mairie de [Localité 3] alors qu'il résulte des éléments d'appréciation qu'il était domicilié et qu'il travaillait dans le département du Var.

En revanche, le salarié ne justifie pas des faits qu'il allègue pour en déduire le caractère non-individuel de l'entretien préalable.

En tout état de cause, le salarié ne démontre pas l'existence d'une irrégularité lui permettant de cumuler l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière avec celle allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige.

Sur la garantie de l'Ags: Il y aura lieu de fixer les créances allouées supra au passif de la liquidation judiciaire.

La garantie de l'Ags doit s'appliquer pour l'ensemble de ces mêmes créances dans les limites légales et réglementaires.

Sur la remise de documents rectifiés:

Au vu des développements qui précèdent, il convient de faire droit à la demande, justifiée, de remise de bulletins de paie et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à l'arrêt.

Les circonstances de la cause ne rendent pas nécessaire le prononcé d'une astreinte.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il sera alloué au salarié une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Cette créance sera fixée au passif de la liquidation judiciaire.

Sur les dépens:

La société Axiom Sécurité, représentée par son mandataire ad hoc, doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel. Ces dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par ailleurs, les frais et dépens afférents aux procédures d'exécution susceptibles d'être mises en oeuvre en vue de l'exécution d'une décision de justice sont étrangers aux dépens de l'instance qui a abouti à cette décision.

Le juge de l'instance principal ne peut pas se prononcer sur le sort des frais et dépens afférents à ces éventuelles procédures d'exécution, lesquelles relèvent de l'appréciation du juge de l'exécution.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de Monsieur [I] [J].

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Axiom Sécurité les créances de Monsieur [I] [J] qui suivent :

- 11043,38 euros bruts au titre de rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires, - 1104,338 euros bruts de congés payés afférents,

- 13861,80 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 2310,30 euros nets au titre de dommages et intérêts pour absence de mise en place d' institutions représentatives du personnel,

- 23103 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit que la garantie de l'Ags doit s'appliquer pour l'ensemble de ces créances dans les limites légales et réglementaires.

Condamne l'administrateur ad hoc es qualité à remettre à Monsieur [I] [J] des bulletins de paie et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt.

Fixe également au passif de la liquidation judiciaire la somme de 2500 euros allouée à Monsieur [I] [J] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Dit que les entiers dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 17/22248
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;17.22248 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award