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23/06/2022 | FRANCE | N°21/17232

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 23 juin 2022, 21/17232


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT

DU 23 JUIN 2022



N° 2022/229













N° RG 21/17232 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQFT







[O] [B] épouse [V]





C/



S.A.S. HEINEKEN ENTREPRISE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Yves HADDAD



Me Philippe HAGE













Décision d

éférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 24 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021R00072.





APPELANTE



Madame [O] [B] épouse [V]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Yves HADDAD, avocat au barreau de TOULON





INTIMEE
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT

DU 23 JUIN 2022

N° 2022/229

N° RG 21/17232 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQFT

[O] [B] épouse [V]

C/

S.A.S. HEINEKEN ENTREPRISE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Yves HADDAD

Me Philippe HAGE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 24 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021R00072.

APPELANTE

Madame [O] [B] épouse [V]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Yves HADDAD, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

S.A.S. HEINEKEN ENTREPRISE, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Philippe HAGE de la SCP ROBERT & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Marion HUBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

La société JAPA, exploitant un fonds de commerce de brasserie et débit de boissons sous l'enseigne L'AOC à [Localité 3], placée en redressement judiciaire par jugement du 22 novembre 2016, puis en liquidation judiciaire le 7 février 2019, a été défaillante dans le remboursement du solde d'un prêt de 30.550 € au taux de 4,25 % l'an sur une durée de 60 mois dont 2 mois de franchise, consenti par la BANQUE CIC EST.

La société HEINEKEN ENTREPRISE en sa qualité de caution solidaire de la société JAPA, a été contrainte de régler à la BANQUE CIC EST la totalité des sommes restant dues par la société JAPA et s'est vu délivrer une quittance subrogative par la banque CIC EST en date du 20 janvier 2017.

La société HEINEKEN ENTREPRISE a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire et cette créance a fait l'objet d'une admission par le tribunal de commerce de Toulon pour la somme de 26.442,50 € à titre privilégié.

À défaut de règlement amiable du litige malgré une mise en demeure du 3 mai 2021, la société HEINEKEN ENTREPRISE a fait assigner, par acte du 23 août 2021, monsieur [I] [K] et madame [O] [B] épouse [V] qui s'étaient portés cautions solidaires de la société JAPA, devant le tribunal de commerce de Toulon.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 24 novembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Toulon a :

-condamné in solidum madame [O] [B] épouse [V] et monsieur [I] [K] à payer à la société HEINEKEN, la somme provisionnelle de 28.709,66 euros, majorée des intérêts au taux de 4,25% depuis le 25 juin 2021 jusqu'au parfait règlement, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément à l'article 1342- 2 du code civil et au contrat de prêt,

-condamné monsieur [I] [K] et madame [O] [B] épouse [V] à payer à la société HEINEKEN ENTREPRISE la somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Madame [O] [B] épouse [V] a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 8 décembre 2021.

Le président de la chambre a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 4 avril 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 12 mai 2022.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 janvier 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, madame [O] [B] épouse [V] demande à la cour de :

Vu l'article L. 721-3 du code de commerce, Vu les articles L. 332-1, L.341-1 et L.341-6 du code de la consommation, Vu l'article 2293 du code civil

- INFIRMER le jugement pour incompétence matérielle du Tribunal de commerce de TOULON

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné Madame [B] à payer à la SAS HEINEKEN ENTREPRISE la somme provisionnelle de 28.709,66€, majorée des intérêts au taux de 4,25% depuis le 25 juin 2021 et jusqu'au parfait règlement, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné Madame [B] à payer à la SAS HEINEKEN ENTREPRISE la somme de 1.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné Madame [B] aux entiers dépens liquidés à la somme de 57,65 € T.T.C., dont T.V.A. 9,61€

- ANNULER l'acte de cautionnement de Madame [B] en date du 4 juin 2015

- ANNULER les accessoires, intérêts, frais et pénalités qui s'y rattachent

- DÉBOUTER la société HEINEKEN ENTREPRISE de l'ensemble de ses demandes ;

- La CONDAMNER aux entiers dépens outre au paiement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [O] [B] épouse [V] fait valoir que

-elle ne présente pas la qualité de commerçant et que par conséquent le tribunal de commerce ne pouvait être compétent pour connaître de la demande de la société HEINEKEN ENTREPRISE formée à son encontre,

- l'engagement de caution est disproportionné par rapport à ses biens et revenus, de sorte que l'acte de cautionnement est nul,

- l'obligation d'information des incidents de paiement n'a pas été respectée de sorte que le créancier est déchu du droit aux intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la communication de la nouvelle information,

-l'obligation d'information de suivi annuel n'a pas été respectée de sorte que l'acte de cautionnement doit être annulé.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 février 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société HEINEKEN demande à la cour de :

Vu l'article 2288 du Code civil ,Vu les pièces versées aux débats,

- STATUER ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par Madame [O] [V] née [B]

- AU FOND DECLARER Madame [O] [V] née [B] irrecevable et mal fondée en sa demande tendant à contester la compétence de la juridiction commerciale

- DEBOUTER en conséquence Madame [O] [V] née [B] de sa prétention tendant à l'infirmation de la décision rendue pour incompétence matérielle du Tribunal de commerce de TOULON

- SE DECLARER compétente pour statuer dans le présent litige

- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 24 novembre 2021 par le Tribunal de commerce de TOULON

- DEBOUTER Madame [O] [V] née [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Y AJOUTANT

- CONDAMNER Madame [O] [V] née [B] à verser à la société HEINEKEN ENTREPRISE une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- LA CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- L'exception d'incompétence du tribunal de commerce est irrecevable et non fondée,

- Les sommes dues par madame [B] épouse [V] présentent un caractère incontestable,

- Les moyens de fond invoqués par cette dernière ne sont pas fondés.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence du tribunal de commerce

Aux termes de l'article 75 du code de procédure civile, s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.

Au cas présent, madame [O] [B] épouse [V] ne précise pas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée, de sorte que sa demande visant à voir déclarer le tribunal de commerce de Toulon incompétent est irrecevable.

Au surplus, aux termes de L'article L721- 3 du code de commerce, les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des litiges relatifs aux actes de commerce entre toutes personnes.

Un cautionnement est considéré comme commercial dès lors que la caution a un intérêt patrimonial personnel dans l'opération qu'elle garantit au moment de la souscription de son engagement.

En l'espèce, madame [O] [B] épouse [V] détenait 50% du capital de la société JAPA lors de la souscription de son engagement de caution, et était ainsi associée égalitaire de la société JAPA. L'objet de l'opération commerciale garantie était de permettre à la société de développer son activité en finançant un programme d'investissements (cf le contrat de prêt du 4 juin 2015) et présentait dès lors un caractère commercial.

Ainsi, en sa qualité d'associé égalitaire au sein de la société JAPA, Madame [O] [B] épouse [V] avait un intérêt patrimonial direct personnel au succès de l'opération garantie, peu importe qu'elle n'exerce, de droit ou de fait, aucune responsabilité de gestion au sein de cette société, qu'il en résulte que l'engagement de caution qu'elle a souscrit présentait un caractère commercial. La juridiction commerciale était par conséquent compétente pour connaître de la demande en condamnation au paiement par provision formée par la société HEINEKEN ENTREPRISE à son égard.

Ce moyen, outre qu'il sera déclaré irrecevable, sera rejeté.

Sur la demande de condamnation à titre provisionnel

Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il impose au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Il appartient à la société HEINEKEN ENTREPRISE, demanderesse à l'action, de démontrer que l'existence de l'obligation dont elle se prévaut n'est pas sérieusement contestable.

Elle justifie, au cas présent, de l'engagement de caution souscrit par l'appelante, de ce qu'elle a réglé entre les mains de la banque CIC EST les sommes impayées par la société JAPA et de la quittance subrogative délivrée par la banque, et verse aux débats le décompte des sommes dues.

Madame [O] [B] épouse [V] se prévaut d'exceptions tant personnelles qu'inhérentes à la dette, pour soutenir que l'obligation est sérieusement contestable. Elle invoque en particulier à cet égard la disproportion de l'engagement de caution, en considération de ses revenus, au sens de l'ancien article L341-4 du code de la consommation applicable au litige, et le manquement à l'obligation d'information des incidents de paiement et de suivi annuel.

Ces contestations qui visent la validité et l'étendue du cautionnement n'apparaissent pas dépourvu de caractère sérieux, de sorte que leur appréciation et la demande formée par la société HEINEKEN ENTREPRISE ne relèvent pas du pouvoir du juge des référés, juge de l'évidence.

En conséquence, l'ordonnance est infirmée et la demande de condamnation formée par la société HEINEKEN ENTREPRISE déclarée irrecevable, les parties étant invitées à mieux se pourvoir.

Sur les demandes accessoires

Les circonstances de l'affaire imposent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société HEINEKEN ENTREPRISE étant condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

DECLARE irrecevable et mal fondée l'exception d'incompétence matérielle du tribunal de commerce de Toulon,

INFIRME l'ordonnance attaquée rendue le 24 novembre 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Toulon pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- DIT que la demande de condamnation à titre provisionnel excède les pouvoirs du juge des référés, et la DECLARE en conséquence irrecevable,

- RENVOIE les parties à mieux se pourvoir,

Y ajoutant,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédurecivile,

- CONDAMNE la société HEINEKEN ENTREPRISE aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 21/17232
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.17232 ?
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