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23/06/2022 | FRANCE | N°19/10569

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 23 juin 2022, 19/10569


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2022

hg

N° 2022/ 315













Rôle N° RG 19/10569 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQWP







[A] [N] [T]

[X] [V] [P] [I] épouse [T]





C/



[Z] [Y] épouse [G]

SCI [BN]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH



Me Jean-Claude PYOT













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04161.





APPELANTS



Monsieur [A] [N] [T]

demeurant [Adresse 7]



représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2022

hg

N° 2022/ 315

Rôle N° RG 19/10569 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQWP

[A] [N] [T]

[X] [V] [P] [I] épouse [T]

C/

[Z] [Y] épouse [G]

SCI [BN]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH

Me Jean-Claude PYOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04161.

APPELANTS

Monsieur [A] [N] [T]

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Marcelle CAUVIN-LAVAGNA de la SELARL CLELIA JURIS, avocat au barreau de GRASSE

Madame [X] [V] [P] [I] épouse [T]

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Marcelle CAUVIN-LAVAGNA de la SELARL CLELIA JURIS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

Madame [Z] [Y] épouse [G]

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Jean-Claude PYOT, avocat au barreau de GRASSE

SCI [BN], dont le siège social est [Adresse 5], pris en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Me Jean-Claude PYOT, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte notarié du 26 août 1982, [BH] [G] et son épouse [Z] [Y] ont acquis de [D] veuve [E] et [O] [E] une parcelle de 1 318 m² située à [Adresse 9], cadastrée section D n°[Cadastre 3] (désormais CM n°[Cadastre 1]).

Par acte notarié du 11 septembre 1986, les époux [G] ont donné cette parcelle à bail à construction à la SCI constituée entre eux et dénommée [BN], afin qu'elle édifie un bâtiment à usage industriel, commercial et professionnel de 360 m², suivant permis de construire délivré le 29 août 1985

Suite au décès de [BH] [G] le 14 décembre 2005, son épouse [Z] [G] est devenue l'unique associée de la SCI et la bénéficiaire d'un droit d'usage et d'habitation sur le terrain.

Par acte notarié du 13 juillet 2007, [A] [T] et son épouse [X] [I] ont acquis de [B] et [H] [E] la parcelle limitrophe, cadastrée section CM n°[Cadastre 2].

Un litige s'est élevé entre les parties relativement aux modalités d'accès à la parcelle propriété de [Z] [G] et exploitée par la société [BN].

Le 4 juillet 2012, un protocole d'accord a été signé entre la société [BN] et les époux [T], prévoyant l'accès à la parcelle CM n°[Cadastre 1] en empiétant sur la parcelle CM n°[Cadastre 2], moyennant une indemnité mensuelle de 300 €, jusqu'au 31 décembre 2013.

Au mois de mai 2014, un second protocole d'accord a été signé, prolongeant l'autorisation de passage moyennant le versement d'une indemnité mensuelle de 300€, sans stipulation de limitation dans le temps.

Par acte d'huissier du 14 septembre 2017, [Z] [G] et la SCI [BN] ont fait assigner devant le tribunal d'instance de Grasse les époux [T] aux fins de voir:

-Constater que Madame [Z] [G] gérante de la SCI [BN] s'est vue contrainte d'accepter de verser une indemnité mensuelle de 300 € à Monsieur [A] [T] et à Madame [X] [T] contre l'autorisation de passer sur leur fonds, sous peine de ne plus pouvoir accéder à son local en raison de la menace (de clôture) proférée par les époux [T].

-Constater la situation de vulnérabilité et de contrainte économique dans laquelle se trouvait Madame [Z] [G] lors de la signature du protocole d'accord litigieux non daté qui lui a été soumis par Monsieur [A] [T] et Madame [X] [T].

-Dire et juger que le consentement de Madame [Z] [G] gérante de la SCI [BN] a été vicié par la violence.

-Constater que la nature du chemin emprunté est un chemin d'exploitation,

-Constater que la contrepartie au profit de la SCI [BN] est illusoire en l'état du droit d'usage du chemin d'exploitation qu'elle possédait déjà.

En conséquence,

-Prononcer la nullité du protocole d'accord non daté conclu entre la SCI [BN] et Monsieur [A] [T] et Madame [X] [T],

-Dire et juger que le chemin d'exploitation emprunté est présumé appartenir pour moitié aux propriétaires riverains, chacun au droit de sa propriété.

-Dire et juger que la SCI [BN] a un droit de propriété sur h chemin d'exploitation, au droit de son fonds.

En conséquence,

-Condamner in solidum Monsieur [A] [T] et Madame [X] [T] à rembourser à la SCI [BN] la somme de 9.900€ au titre de l'indemnité versée de janvier 2014 à octobre 2016.

-Condamner in solidum Monsieur [A] [T] et Madame [X] [T] à verser à la SCI [BN] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Les condamner dans les mêmes conditions aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 24 mai 2019, le tribunal d'instance de Grasse a statué en ces termes:

« Prononce la révocation de l'ordonnance de clôture du 14 février 2019.

-Prononce la clôture au 1er mars 2019.

-Rejette la demande d'annulation du protocole d'accord signé en 2014 pour vice du consentement.

-Prononce l'annulation du protocole d'accord non daté signé en 2014 entre Monsieur et Madame [A] et [X] [T] et la société [BN] pour défaut de cause.

-Condamne in solidum Monsieur et Madame [A] et [X] [T] à payer à la société [BN] la somme de 9.900 € au titre des indemnités indûment perçues entre janvier 2014 et octobre 2016.

-Déboute Monsieur et Madame [A] et [X] [T] de leur demande en paiement d'un arriéré d'indemnités mensuelles en exécution du protocole annulé.

-Déboute Monsieur et Madame [A] et [X] [T] de leur demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société [BN] et à [X] [T] de réaliser leur entrée ailleurs, et de leur demande de condamnation sous astreinte en cas d'empiétement sur leur parcelle ou de destruction de clôture.

-Déboute Monsieur et Madame [A] et [X] [T] de leur demande d'allocation de dommages et intérêts pour inexécution du protocole d'accord.

-Déboute Monsieur et Madame [A] et [X] [T] de leur demande d'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire.

-Condamne in solidum Monsieur et Madame [A] et [X] [T] à payer à la société [BN] et à Madame [Z] [G] la somme de 1.000 € chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile. »

Le premier juge a considéré que :

-le vice du consentement allégué n'était pas caractérisé,

-le protocole était dépourvu de cause car le droit à emprunter le chemin d'exploitation préexistait, et l'obligation contractée par [Z] [G] était dépourvue de contrepartie (ancien article 1131 du code civil et L162-1 du code rural et de la pêche maritime ),

-il n'était pas établi que l'assiette du chemin d'exploitation était élargie ou que le passage était accordé pour des parcelles autres que CM [Cadastre 1] et [Cadastre 2], séparées par le chemin.

Les époux [T] ont fait appel de ce jugement par déclaration du 1er juillet 2019.

Aux termes de leurs dernières conclusions n°2 remises au greffe et notifiées le 22 avril 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, les époux [T] entendent voir :

Vu les pièces versées aux débats et notamment les éléments nouveaux Rapport d'expertise judiciaire [BC], de 1983, le plan du géomètre [W] et constat d'huissier en présence du géomètre, déclarations préalables déposées en Mairie, par les Consorts [G] et [BN],

-confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du protocole d'accord pour vice du consentement,

-Réformer le jugement de première instance en ce qu'il a annulé le protocole d'accord non daté signé en 2014 entre Monsieur et Madame [A] [T] et la SCI [BN] pour défaut de cause,

Statuant à nouveau,

-prononcer la validité du protocole d'accord non daté mais signé en 2014, entre Monsieur et Madame [A] [T] et la SCI [BN],

-Réformer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise, au motif que les époux [T] ne faisaient pas la démonstration de l'empiétement,

Statuant à nouveau, si la Cour n'est pas convaincue par les nouvelles pièces versées aux débats et notamment le rapport d'expertise [BC] de 1983 et le plan du géomètre [W] dressé et appliqué in situ avec un huissier, avant dire droit,

- Nommer tel géomètre expert qu'il appartiendra avec pour mission :

De se rendre sur les lieux, sis à [Localité 8] chemin du Ferrandou, parcelles CM [Cadastre 1] et CM [Cadastre 2],

De se faire remettre tous les éléments et pièces nécessaires, bornage, titres, permis de construire, expertises judiciaires anciennes, plans et toutes pièces qu'il jugera utiles à sa mission

De fixer l'assiette du chemin d'exploitation situé entre les parcelles CM[Cadastre 1] et CM [Cadastre 2]

De déterminer l'assiette des empiétements faits sur le fonds [T] CM [Cadastre 2] par la Société [BN] et Madame [G], propriétaires du fonds CM [Cadastre 1], relativement au déplacement et à l'élargissement du chemin d''exploitation, conformément aux protocoles,

Fixer les limites du chemin d'exploitation côté [T], CM [Cadastre 2] et côté Pantinchini Vinpacrima permettant à chacun de se clôturer en limite dudit chemin d'exploitation,

Du tout dresser rapport. »

-Ordonner que l'expertise soit faite aux frais avancés de [A] [T] et [X] [T], étant précisé que la charge définitive sera attribuée par le juge du fond, aux succombants, si l'expertise est ordonnée avant dire droit.

-Réformer la décision en ce qu'elle a condamné [A] [T] et [X] [T] à rembourser la somme de 9.900 € au titre des indemnités qui auraient été perçues indûment entre janvier 2014 et Octobre 2016,

Statuant à nouveau,

-Dire n'y avoir lieu à remboursement les sommes ayant été réglées l'ayant été au visa du second protocole dont le prononcé de le prononcé de la validité est sollicité,

-Réformer la décision en ce qu'elle a débouté [A] [T] et [X] [T] de leurs demandes en paiement d'un arriéré d'indemnités mensuelles en exécution du protocole annulé

Statuant à nouveau,

- condamner conjointement et solidairement, Madame [G] et la Société [BN] à payer à [A] [T] et [X] [T] la somme de 20.700 € suivant décompte arrêté au 30.06.2022 tel que détaillé ci-après conformément au protocole, assortie des intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement, conformément au protocole dont le prononcé de la validité est sollicité,

Au titre de l'exécution du protocole jusqu'à sa dénonciation par les époux [T] à effet du 1er janvier 2018, somme restée impayée :

4ème trimestre 2016 : 900 €

1er trimestre 2017 au 4ème trimestre 2017 (900 X 4)... 3.600 €

Au titre de l'indemnité d'utilisation après la dénonciation du protocole, à effet au 1er janvier 2018

Du 1er trimestre 2018 au 4ème trimestre 2018 3 600 €

Du 1er trimestre 2019 au 4ème trimestre 2019 3 600 €

Du 1er trimestre 2020 au 4ème trimestre 2020 3 600 €

Du 1er trimestre 2021 au 4ème trimestre 2021 3 600 €

Du 1er trimestre 2022 au 2ème trimestre 2022 1 800 €

Jusqu'à la libération des lieux mémoire

Total du sauf mémoire : 20 700 €

Statuant à nouveau,

- les condamner sous la même solidarité au paiement de 300 € par mois jusqu'à la libération effective des lieux, par la cessation de l'utilisation de l'empiétement au-delà de l'assiette du chemin d'exploitation, le tout assorti d'un intérêt au taux légal jusqu'au parfait paiement.

-Réformer la décision en ce qu'elle a débouté les époux [T] de leur demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la SCI [BN] et Madame [G] de réaliser leur entrée ailleurs, conformément au protocole et de leur demande de condamnation sous astreinte, en cas d'empiétement sur leur parcelle ou destruction de clôture,

Statuant à nouveau

-Ordonner à Madame [G] et à la SCI [BN] de réaliser une sortie de leur fonds et local commercial ailleurs que sur le chemin d'exploitation, conformément aux engagements prévus au protocole, dont le prononcé de la validité est sollicité,

-Interdire tout empiétement au-delà du chemin d'exploitation et assortir d'une astreinte de 500 € pour tout empiétement sur le fond ou destruction de la clôture avec charge de réfection de cette dernière, à compter de la décision à intervenir.

-Réformer la décision en ce qu'elle a débouté les époux [T] de leur demande d'allocation de dommages et intérêts au titre de l'inexécution du protocole.

Statuant à nouveau,

-Condamner conjointement et solidairement Madame [G] et la SCI [BN] au paiement de la somme de 15 000 € par application des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, pour n'avoir pas respecté le protocole, dont le prononcé de la validité est sollicité,

-Réformer la décision en ce qu'elle a débouté les époux [T] de leur demande de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- condamner conjointement et solidairement la SCI [BN] et Madame [G] à payer la somme de 6.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Au titre de la procédure de première instance, y ajouter 6.000 € au titre de la procédure d'appel, outre les entiers dépens distraits au profit de la S.C.P Magnan, y ajoutant les entiers dépens distrait au profit de la S.C.P. Magnan.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 28/04/2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [Z] [G] et la SCI [BN] demandent à la cour de :

-Vu les dispositions des articles 1130, 1140, 1169, 2224 et suivants du code civil,

vu le jugement,

vu l'appel n° 19/09074 en date du 1er juillet 2019 régularisé par les époux [A] et [X] [T],

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris excepté en ce qui concerne les dispositions afférentes à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux [A] et [X] [T] à leur payer seulement la somme de 1 000 € chacune.

statuant à nouveau,

-les condamner à ce titre à la somme de 4 800 € chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-les condamner en cause d'appel à une somme identique.

-les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur l'annulation du protocole d'accord pour vice du consentement :

Le jugement n'est pas contesté en appel en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du protocole d'accord signé en 2014 pour vice du consentement.

Il est donc définitif de ce chef.

Sur l'annulation du protocole d'accord pour défaut de cause :

Aux termes du protocole du mois de mai 2014, faisant suite à celui de juillet 2012, il a notamment été prévu :

« Article 1

Sans que cela ne constitue la reconnaissance d'un droit de passage, au sens des articles 682 et suivants du Code civil, Monsieur et Madame [T] autorisent expressément la SCI [BN], ainsi que tous occupants de son chef des locaux sis sur la parcelle cadastrée CM n°[Cadastre 1] à empiéter sur la parcelle CM n°[Cadastre 2] jusqu'au droit du portillon qui jouxte, au Sud, l'ouverture fermée par portail métallique, permettant l'accès desdits véhicule.

Article 2

Au droit du portillon, sans en gêner aucunement l'accès, Monsieur et Madame [T] construiront une clôture sur leur terrain pour éviter que l'empiétement n'excède ce qui est nécessaire à l'accès principal au bâtiment.

Article 3.

Cette autorisation d'accès est stipulée moyennant le paiement d'une indemnité mensuelle de 300 € par mois à compter du 1er mars 2014, outre indexation (')

Article 4

La SCI [BN] devra maintenir en bon état de circulation le terrain sur lequel elle empiète et, en cas de dégradations, de quelque ordre que ce soit, de procéder à ses frais, aux réparations qui s'imposent.

Article 5

La présente autorisation est donnée pour une durée indéterminée.

Chacune des parties pourra renoncer au bénéfice du présent accord moyennant sa dénonciation par lettre recommandée avec A.R. avant le 30 juin de chaque année pour que l'accord trouve son terme le 1er janvier suivant. »

Au stade de la procédure en appel, les parties sont d'accord sur le fait qu'il existe un chemin d'exploitation entre les parcelles CM n°[Cadastre 1] et CM n°[Cadastre 2], et que la limite entre les deux fonds est valablement fixée suivant les points A et B du plan amiable de bornage réalisé les 20 et 21 octobre 2003 par [K] [BB].

Pour les époux [T], [Z] [G] et la SCI [BN] utilisent une assiette du chemin d'exploitation qui déborde sur leur fonds, ce qui a justifié les accords pris entre eux depuis le 4 juillet 2012.

Au contraire, pour [Z] [G] et la SCI [BN], le protocole d'accord signé en 2014 est dépourvu de cause dans la mesure où il n'existe pas de contrepartie à l'obligation de payer une indemnité mensuelle pour utiliser un chemin sur lequel elles disposent de droits de passage inhérents aux chemins d'exploitation .

Pour apprécier si le protocole a une cause ou non, il convient donc de déterminer la réalité et l'étendue des droits de [Z] [G] et la SCI [BN] d'utiliser le chemin litigieux.

Le tracé du chemin d'exploitation et le débordement prétendu sont retracés sur un plan du géomètre expert [W] qu'ils produisent en pièce 33, laquelle est constituée d'un procès-verbal de constat d'huissier réalisé en présence du géomètre expert [W].

Les époux [T] se prévalent, pour justifier de leur thèse :

-du courrier transmis le 23 juin 2008 par le conseil de [Z] [G] au leur, où il écrivait :

« Ma cliente n'entend pas a priori remettre en cause la limite séparative de son fonds avec celui dont Madame [T] vient de faire l'acquisition.( CM n°[Cadastre 2] acquis le 13 juillet 2007)

Toutefois, sur ce dernier terrain, il existait, non pas véritablement un chemin, mais plutôt une aire de man'uvre rejoignant d'ailleurs la voie publique, laquelle est impérative pour le passage des véhicules, et notamment des poids lourds qui doivent accéder à l'entrepôt implanté sur le fonds.

J'ajoute que l'accès direct sur le chemin du Ferrandou que vous visez existe, mais ne permet pas le passage de camions.

Ainsi, si votre cliente persistait à implanter matériellement une clôture au droit de l'entrée du hangar de ma cliente, cela reviendrait à empêcher le locataire d'entrer ou sortir.

Dès lors, il y aurait lieu de prévoir l'établissement d'une servitude conventionnelle de passage pour tout véhicule ou bien de cour commune moyennant naturellement indemnité au profit de Madame [T].

J'ajoute que la mise en place d'une clôture au droit de l'entrée du hangar, savoir tout à fait dans le bout du terrain de Madame [T] qui finit en "triangle" n'apportera pas grand chose à celle-ci si ce n'est de nuire à sa voisine ».

-du courrier adressé le 18 septembre 2009 par le conseil des époux [T] à [X] [T] lui indiquant être « relancé par l'avocat de Madame [G] au sujet d'une éventuelle acquisition de la servitude de passage ».

-du courrier adressé le 28 février 2014 par [Z] [G] à [X] [T] lui adressant un chèque de 7 200 € en dédommagement du passage de ses locataires sur sa propriété et la suppliant instamment de ne pas procéder à la fermeture de sa propriété.

-d'attestations émanant de [J] [L], [F] [S] et [U] [C] établissant qu'en 2008, les époux [T] ont élargi le chemin qui était de 2,50 m auparavant, par une emprise sur leur terrain augmentant considérablement sa largeur.

Confortant la faible largeur du chemin, le rapport d'expertise établi par [M] [BC] en 1983 dans le cadre d'une demande de désenclavement d'une propriété Bersezio cadastrée [Cadastre 6], il qualifie de « chemin existant » celui qui est situé notamment entre les parcelles CM n°[Cadastre 1] et CM n°[Cadastre 2] et le décrit comme d'une largeur de 3,50 mètres « à son origine », ce qui correspond au tronçon séparant ces deux parcelles.

Face à ces éléments tout à fait probants sur la largeur initiale du chemin d'exploitation, et son élargissement en 2008 pris exclusivement sur la parcelle CM n°[Cadastre 2], [Z] [G] et la SCI [BN] n'apportent aucun élément permettant d'établir que l'assiette du chemin d'exploitation à laquelle elles peuvent prétendre correspond à celle qui a été élargie au point d'atteindre 11,70 m de large au débouché sur le chemin du Ferrandou, suivant le constat établi le 30 septembre 2016 par Maître [R], à la demande de la SCI [BN].

Au contraire, l'échange de correspondances entre les parties met en évidence que [Z] [G] et la SCI [BN], assistées d'un conseil, étaient bien conscientes de la limite de leurs droits et de la nécessité de trouver un accord pour continuer à bénéficier de la largeur du passage qui leur était utile, au delà de l'assiette du chemin sur laquelle elles avaient des droits.

Le plan produit en pièce 55 par les époux [T] établi par [M] [BC] en 1983, géomètre expert retrace le chemin litigieux avec une largeur égale sur toute sa longueur, sauf à varier selon la description qu'il en fait de 3,50 m à 3,10 m de large, qui tend à renforcer leur thèse.

Quant au plan de bornage réalisé les 20 et 21 octobre 2003 par [K] [BB], la limite a été fixée suivant les points A et B en ligne droite, sans que soit figuré le chemin litigieux.

En matière de bornage, l'axe médian d'un chemin existant entre les deux sert souvent à fixer la limite, auquel cas, en l'espèce, le chemin aurait une largeur égale de part et d'autre de cette limite, ce qui a été valablement figuré sur le plan du géomètre expert [W] (pièce [T] n°33)

Tous ces éléments, nullement valablement démentis ou contredits par [Z] [G] et la SCI [BN] permettent de considérer que leurs droits d'utiliser le chemin d'exploitation ne portent pas sur la totalité de l'assiette réelle utilisée par eux et nécessaire à leur activité, qui comporte une emprise sur le fonds voisin CM n°[Cadastre 2].

Ainsi, elles ne peuvent valablement prétendre à l'absence de cause du protocole d'accord signé en 2014 et à sa nullité devant entraîner le remboursement des sommes versées sur sa base puisque, moyennant paiement, elles ont pu continuer à utiliser le chemin dans l'intégralité de son assiette et non seulement dans l'assiette du chemin d'exploitation, ce qui leur a permis de poursuivre leur activité en permettant à des véhicules lourds d'accéder au hangar construit sur la parcelle la parcelle CM n°[Cadastre 1] comme elles le sollicitaient directement ou par la voix de leur conseil en exhortant les époux [T] de ne pas se clôturer dans leurs limites.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a accueilli la demande d'annulation du protocole et a condamné les époux [T] à rembourser à [Z] [G] et la SCI [BN] la somme de 9 900 € au titre des indemnités perçues entre janvier 2014 et octobre 2016.

Les époux [T] forment une demande en paiement de 20 700 €, suivant décompte arrêté au 2ème trimestre 2022 inclus, tout en indiquant et justifiant qu'ils ont dénoncé le protocole par courrier daté du 26 mai 2017 à effet du 1er janvier 2018, conformément à son article 5.

Ils sont en conséquence fondés à obtenir le paiement de la somme convenue dans le protocole jusqu'au 1er janvier 2018, mais ne justifient pas du bien-fondé de leurs prétentions pour la période d'après rupture de cet accord alors qu'ils indiquaient reprendre l'entière disponibilité de leur propriété et ne justifient pas de la persistance de l'utilisation de la partie du chemin qui leur est propre au delà de cette date, et ne précisent pas non plus le fondement de leur demande pour la période postérieure à la rupture du contrat.

Ils ne peuvent donc être accueillis en leur demande en paiement que dans la limite de 4 500 € (900 € et 3 600 €) d'octobre 2016 au1er janvier 2018

Les époux [T] entendent obtenir 15 000 € de dommages et intérêts pour inexécution du protocole sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, applicable en l'espèce et qui prévoyait :

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

[Z] [G] et la SCI [BN] ayant cessé de s'acquitter des sommes prévues au protocole à compter du mois d'octobre 2016 sans se prévaloir d'une cause étrangère seront condamnées à payer aux époux [T] une somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Vu le caractère définitif du jugement ayant rejeté la demande d'annulation du protocole d'accord signé en 2014 pour vice du consentement,

Pour le surplus,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande d'annulation du protocole d'accord signé en 2014 pour défaut de cause,

Condamne [Z] [G] et la SCI [BN] à payer aux époux [T] les sommes de :

- 4 500 € pour la période d'octobre 2016 au 1er janvier 2018,

- 1 000 € de dommages et intérêts pour inexécution du protocole,

Rejette le surplus des demandes en paiement des époux [T],

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne [Z] [G] et la SCI [BN] dépens et à payer 4 000 € aux époux [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/10569
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;19.10569 ?
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