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23/06/2022 | FRANCE | N°19/10469

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 23 juin 2022, 19/10469


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2022

HG

N° 2022/ 314













Rôle N° RG 19/10469 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQKE







[L] [E] [X]

[G] [W] [C] épouse [E] DAAG

[Z] [E] [X]

[F] [B] épouse [E] [X]



C/



SCI CHAMADE









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCATS ASSOCIES



Me Michel MAS<

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 28 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 1118001645.





APPELANTS



Monsieur [L] [E] [X]

demeurant [Adresse 9] / FRANCE



représenté par Me Thierry GA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2022

HG

N° 2022/ 314

Rôle N° RG 19/10469 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQKE

[L] [E] [X]

[G] [W] [C] épouse [E] DAAG

[Z] [E] [X]

[F] [B] épouse [E] [X]

C/

SCI CHAMADE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCATS ASSOCIES

Me Michel MAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 28 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 1118001645.

APPELANTS

Monsieur [L] [E] [X]

demeurant [Adresse 9] / FRANCE

représenté par Me Thierry GARBAIL de l'ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

Madame [G] [W] [C] épouse [E] DAAG

demeurant [Adresse 9] / FRANCE

représentée par Me Thierry GARBAIL de l'ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [Z] [E] [X]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Thierry GARBAIL de l'ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

Madame [F] [B] épouse [E] [X]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Thierry GARBAIL de l'ASSOCIATION CABINET GARBAIL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SCI CHAMADE, dont le siège social est [Adresse 7], agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Michel MAS, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Karine SUPPINI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame [P] [O], a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCI Chamade est propriétaire des parcelles cadastrées section ID n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] situées [Adresse 10] dépendant de la commune de Hyères.

[L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] (ensuite dénommés les consorts [E]-[X]) sont propriétaires de la parcelle contiguë cadastrée section ID n°[Cadastre 1], [Adresse 11].

Les deux propriété se jouxtent, celle de la SCI Chamade étant à l'est de celle des consorts [E]-[X].

La parcelle cadastrée Section ID n°[Cadastre 4] était en indivision entre eux tous.

Par acte authentique du 8 juin 2016, il a été mis fin à cette indivision, par compensation avec échange de parcelles.

Les consorts [E]-[X] ont cédé à la SCI Chamade la moitié divise qu'ils détenaient dans la parcelle section ID n°[Cadastre 4] d'une surface de 50,50 m² ;

en contrepartie et à titre d'échange, la SCI Chamade leur a cédé une surface de

50,50 m² prise dans la partie ouest de la parcelle ID n°[Cadastre 2], cette surface étant cadastrée en deux parcelles section ID n°[Cadastre 6] et [Cadastre 8].

Aux termes de l'acte d'échange, les termes d'un protocole sous seing privé du 6 juillet 2015 a été rappelé prévoyant notamment qu'un « grillage séparatif serait installé, à frais communs sur des plots en béton à cheval sur les limites cadastrales séparatives des deux propriétés ».

La SCI Chamade a fait installer une clôture grillagée par la société Costantini selon facture du 28 février 2017 d'un montant de 6 600,48 €.

Par actes d'huissier des 23 et 24 mai 2018, la SCI Chamade a fait assigner les consorts [E]-[X] devant le tribunal d'instance de Toulon aux fins de les voir condamner à :

-lui payer la somme de 3.300,24 € représentant la moitié des travaux de clôture réalisés;

-supprimer la fenêtre située sur le côté ouest de leur immeuble sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir ;

- tailler à une hauteur de 1,5M la haie de bambous,

-arracher les 14 cyprès florentins situés côté sud sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir ;

-lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 28 mai 2019, le tribunal d'instance de Toulon a statué en ces termes:

« se déclare incompétent au profit du tribunal de grande instance de Toulon s'agissant de la demande de suppression de la fenêtre de la villa [E]-[X] créant une vue directe sur la propriété de la SCI Chamade.

-condamne in solidum [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] à payer la somme de 3 300,24 € à la SCI Chamade correspondant à la moitié du coût des travaux de clôture réalisés sur la limite séparative, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.

-condamne in solidum [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] à tailler les bambous enracinés sur un espace d'environ 3,50 mètres de longueur et culminant à environ 3,50 mètres de hauteur se situant à moins de 2 mètres de la limite de propriété de la SCI Chamade à une hauteur inférieure à 2 mètres, et ce, dans le mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 2ème mois suivant cette signification.

-condamne in solidum [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] à procéder à l'arrachage des 6 cyprès florentins enracinés à environ 20 cm de la clôture séparative et mesurant 4m à 5m de hauteur, identifiés dans le procès-verbal de constat du 03 janvier 2017, et ce, dans le mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 2ème mois suivant cette signification.

-déboute la SCI Chamade de ses plus amples demandes.

-autorise la pose de pavés de verre dépolis sur la fenêtre en façade EST du bâtiment Nord de l'immeuble appartenant aux consorts [E]-[X] mentionnée dans le procès-verbal de constat du 03 janvier 2017, sans préjudice de l'action en suppression de la vue qui pourra être engagée par la SCI Chamade devant la juridiction compétente.

-condamne in solidum [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] à payer la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

-condamne in solidum [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] aux entiers dépens. »

Le premier juge a considéré que

-le tribunal d'instance n'était pas compétent pour statuer sur la demande de suppression de la fenêtre de la villa [E]-[X] créant une vue directe sur la propriété de la SCI Chamade relevant de la compétence du tribunal de grande instance,

-il a fait droit à la demande en paiement de 3 300,24 € représentant la moitié du coût des travaux de clôture réalisés sur la base de l'accord contractuel des parties,

-il a accueilli les demandes relatives à la taille des bambous et à l'arrachage des cyprès sur le fondement des articles 671 et 672 du code civil,

-il a autorisé la pose par les consorts [E]-[X] de pavés de verre dépolis sur la fenêtre en façade EST de leur bâtiment Nord, au visa de l'article 676 du code civil, pour transformer la vue en jour,

Les consorts [E]-[X] ont fait appel de ce jugement par déclaration du 28 juin 2019.

Aux termes de leurs dernières conclusions n°2 remises au greffe et notifiées le 10/12/2021 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, les consorts [E]-[X] entendent voir :

confirmer le jugement en ce qu'il :

-se déclare incompétent au profit du tribunal de grande instance de Toulon s'agissant de la demande de suppression de la fenêtre de la villa [E]-[X] créant une vue directe sur la propriété de la SCI Chamade.

-autorise la pose de pavés de verre dépolis sur la fenêtre en façade EST du bâtiment Nord de l'immeuble appartenant aux consorts [E]-[X] mentionnée dans le procès-verbal de constat du 03 janvier 2017, sans préjudice de l'action en suppression de la vue qui pourra être engagée par la SCI Chamade devant la juridiction compétente.

-déboute la SCI Chamade de ses plus amples demandes.

infirmer le jugement en ce qu'il les condamne in solidum à :

- payer la somme de 3 300,24 € à la SCI Chamade correspondant à la moitié du coût des travaux de clôture réalisés sur la limite séparative, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.

- tailler les bambous enracinés sur un espace d'environ 3,50 mètres de longueur et culminant à environ 3,50 mètres de hauteur se situant à moins de 2 mètres de la limite de propriété de la SCI Chamade à une hauteur inférieure à 2 mètres, et ce, dans le mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 2èroe mois suivant cette signification.

-procéder à l'arrachage des 6 cyprès florentins enracinés à environ 20 cm de la clôture séparative et mesurant 4m à 5m de hauteur, identifiés dans le procès-verbal de constat du 03 janvier 2017, et ce, dans le mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 2'ms mois suivant cette signification.

-payer la somme de 800€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens

y ajoutant :

-Débouter la SCI Chamade de ses demandes.

-Condamner la SCI Chamade sous astreinte de 200 € par jour de retard courant un mois après la signification du jugement à intervenir à procéder à l'enlèvement de la clôture mitoyenne composée d'un mur bahut en agglos surmonté d'un grillage.

-Condamner la SCI Chamade à payer aux consorts [E] [X] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance dont ceux d'appel distraits au profit Me Me Garbail, avocat, sur son affirmation de droit.

Ils font valoir que :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 19 décembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, la SCI Chamade demande à la cour de :

-Infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaréincompétent sur la demande de suppression de la fenêtre et sur l'arrachage des cyprès,

Et en conséquence

Vu l'article 678 du code civil

-Se déclarer compétent pour prononcer la suppression de la fenêtre litigieuse créant une vue droite sur la propriété de la SCI Chamade en violation des distances légales fixées par l'article 678 du code civil

-condamner les consorts [E] [X] à supprimer la fenêtre situé sur le côté Est de leur immeuble sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir

Vu les articles 671 et 672 du code civilVu l'article 544 du code civil.

-condamner les consorts [E] [X] à arracher les 8 cyprès florentins situés côté Sud/Est sous peine sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 2ème mois de la signification du jugement à intervenir

-confirmer le jugement sur les autres dispositions

En conséquence.

Vu l'article 1134 du code civil (rédaction antérieure au 1er octobre 2016)

-condamner les consorts [E] [X] à payer à la SCI Chamade la somme de 3300,24 euros représentant la moitié des travaux de clôture réalisés et conformes au protocole signé sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir

-débouter les consorts [E] [X] de leur demande de procéder à l'enlèvement de la clôture mitoyenne composée d'un mur bahut en agglos surmonté d'un grillage.

Vu les articles 671 et 672 du code civilVu l'article 544 du code civil.

-condamner les consorts [E] [X] à maintenir à la hauteur de 1,5 m la haie de bambous et à arracher les 6 cyprès florentins situés coté Est sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 2ème mois de la signification du jugement à intervenir

-condamner les consorts [E] [X] à payer à la SCI Chamade la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur l'incompétence du tribunal d'instance au profit du tribunal de grande instance de Toulon s'agissant de la demande de suppression de la fenêtre de la villa [E]-[X] créant une vue directe sur la propriété de la SCI Chamade :

L'article L211-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa version applicable au litige prévoit que « Le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ».

L'article L221-4 du même code prévoit que « Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, le tribunal d'instance connaît, en matière civile, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros. Il connaît aussi des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros. »

En l'espèce, la demande porte sur la suppression d'une fenêtre créant une vue enfreignant les dispositions de l'article 678 du code civil, sans que la partie adverse n'invoque de servitude de vue, puisqu'elle propose de rétablir la situation antérieure en

reposant les pavés de verre dépolis qu'elle a simplement enlevés.

Ce faisant, elle ne se prévaut pas de l'acquisition d'une servitude de vue dont l'appréciation relèverait du tribunal de grande instance, s'agissant d'un droit réel immobilier.

Il y a donc lieu de considérer que la demande de suppression de la fenêtre est une action personnelle indéterminée relative à une obligation dont il n'est pas établi que le montant excède 10 000 €, et donc que le juge d'instance était compétent pour statuer.

En toute hypothèse, la cour étant la juridiction d'appel de cette demande, et les parties ayant été en mesure de s'expliquer, il convient de statuer de ce chef, par évocation de l'affaire en application des articles 88 et 568 du code de procédure civile.

Sur le bien-fondé de la demande :

La règle posée par les articles 678 et 679 du code civil est qu'« on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage... ni de vues par côté ou obliques sur le même héritage, s'il n'y a six décimètres de distance ».

Toutefois, l'existence trentenaire d'une vue illicite peut créer une servitude de vue dans les conditions de prescription trentenaire définies pour les servitudes apparentes et continues, comme le prévoit l'article 690 du code civil.

Il n'est nullement contesté par les consorts [E] [X] que leur fenêtre située sur la façade EST de leur maison, dans sa partie nord, ne satisfait pas aux conditions de distance édictées par l'article 678 du code civil.

La fenêtre litigieuse est précisément décrite dans le constat d'huissier du 3 janvier 2017 dressé par Maître [Y] à la demande de la SCI Chamade.

Elle a une dimension d'environ 80 centimètres de large sur 70 centimètres de haut, et se situe à 72 centimètres de la clôture séparative des deux fonds ou 3,34 m de la façade de la maison de la SCI.

Elle est à 1,10 m au dessus du sol naturel ou à 1,75m au dessus du fonds de la SCI.

La vue ainsi créée par cette fenêtre enfreint les règles posées par l'article 678 du code civil qui édicte :

« On ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions. »

La fenêtre étant située à moins d'1,90 m du fonds voisin, la vue créée est illicite.

Il convient d'y mettre fin par une solution adaptée qui peut ne pas consister en la démolition de la fenêtre sollicitée, mais au rétablissement de la situation antérieure, par la pose de pavés de verre dépolis qui ont été enlevés, cette solution paraissant suffisamment efficace pour supprimer la vue illicite.

Dans ces conditions, les consorts [E]-[X] seront, non pas autorisés, mais condamnés à poser des pavés de verre dépolis sur la fenêtre en façade EST du bâtiment Nord de l'immeuble leur appartenant, et sous l'astreinte prévue au dispositif de la présente décision.

Sur la demande en paiement de 3 300,24 € dirigée contre les consorts [E] [X] :

La SCI Chamade sollicite cette somme correspondant à la moitié du coût des travaux de clôture réalisés sur la limite séparative.

Elle se fonde sur les termes du protocole d'accord du 6 juillet 2015 rappelé dans l'acte d'échange, prévoyant notamment qu'un « grillage séparatif serait installé, à frais communs sur des plots en béton à cheval sur les limites cadastrales séparatives des deux propriétés » et sur la facture du 28 février 2017 dont elle s'est acquittée pour un montant de 6 600,48 €, suite à l'installation d'une clôture grillagée par la société Costantini.

Pour contester devoir la somme réclamée, les consorts [E]-[X] font valoir que l'installation n'est pas conforme à l'accord des parties dans la mesure où c'est un mur bahut en aggloméré de 30 à 50 centimètres de haut surmonté d'un grillage qui a été installé, avec un brise-vue type bandes de bruyères de 1,50 m de haut, le tout ne correspondant pas aux exigences spécifiées dans leur accord.

Les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil applicable au protocole liant les parties prévoyaient que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

L'acte sous seing privé du 6 juillet 2015, intitulé « projet d'échange » fait état de la décision prise par les parties de mettre fin à l'indivision sur la parcelle cadastrée Section ID n°[Cadastre 4] et de régulariser les conditions d'un échange de parcelles par acte notarié.

Au paragraphe des « conditions » il est indiqué :

« Seront partagés par moitié entre les soussignés les frais de géomètre... les frais de notaire... les frais de fourniture et de pose d'un grillage d'une hauteur de 1 mètre sur la limite entre les deux propriétés CD et Chamade. Les plots en béton seront à cheval sur les deux propriétés ».

Au paragraphe des « observations », il est notamment indiqué :

« Pour réduire les nuisances sonores et visuelles réciproques, Chamade a fait édifier face à ses constructions, une clôture en bois, sur son terrain, sur une longueur d'environ 9 mètres.

Les CD n'appréciant pas l'esthétique de cette clôture, souhaitent la déposer et la remplacer par un grillage contre lequel ils feront des plantations de leur coté... »

« Les travaux commenceront à la signature de ce protocole et il sera :

a) installé un grillage séparatif à frais communs sur des plots en béton à cheval sur les limites cadastrales séparatives des deux propriétés (...) »...

« Ces travaux ne s'effectueront qu'exclusivement en présence de Chamade à peine de nullité »

L'acte notarié du 8 juin 2016 a rappelé les termes de ce protocole sans reprendre toutefois la condition relative à la hauteur de grillage de 1 mètre.

En réalité, l'installation réalisée par la SCI Chamade consiste en l'implantation d'un mur bahut maçonné surélevé d'un grillage pour une hauteur totale de 1,80 m, avec pose d'un brise-vue.

C'est donc à juste titre que les consorts [E]-[X] font valoir que l'installation n'est pas conforme à leur accord, peu important qu'ils n'aient pas contesté la déclaration préalable de travaux déposée par la SCI Chamade ou ne lui aient pas adressé de courrier contestant l'édification du mur, leur silence ne pouvant valoir acceptation contraire à un document écrit ayant valeur contractuelle.

Il ne peut valablement être considéré que les modalités de construction de la clôture ne constituaient pas un élément essentiel de leur consentement dès lors que précisément mécontents de l'esthétique de la clôture existante en bois, ils s'étaient entendus sur un autre type de séparation dont ils avaient précisément fixé les modalités.

La SCI Chamade fait valoir qu'elle seule est intervenue pour réaliser la clôture convenue, qu'elle a déposé une déclaration préalable de travaux le 13 octobre 2016 dans les conditions prévues par le plan local d'urbanisme et que sur les conseils d'un architecte, elle a fait réaliser le mur eu égard à la pente du terrain la contraignant à retenir ses terres.

Mais dès lors qu'elle entendait modifier les conditions de réalisation de la clôture convenue à frais partagés, il lui appartenait de communiquer le devis et d'obtenir un accord, ce qu'elle n'a pas fait.

Elle ne peut, dans ces conditions, prétendre au paiement de la moité de la facture dont elle s'est acquittée alors que la charge de soutenir ses terres lui appartient à elle seule et que la facture comprend le coût de réalisation du mur non prévu et 1 522,82 € nets de frais de brise-vue.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum les consorts [E]-[X] à payer la somme de 3 300,24 € à la SCI Chamade.

Sur la demande de taille des bambous dirigée contre les consorts [E] [X] :

La SCI Chamade sollicite la condamnation des consorts [E]-[X] à tailler les bambous enracinés sur un espace d'environ 3,50 mètres de longueur et culminant à environ 3,50 mètres de hauteur se situant à moins de 2 mètres de la limite des propriétés.

Le premier juge a fait droit à cette demande sur le fondement de l'article 671 du code civil interdisant que des végétaux de plus de deux mètres de hauteur soient implantés à moins de deux mètres de la limite d'une propriété voisine.

Il ressort du constat d'huissier du 3 janvier 2017 dressé par Maître [Y] à la demande de la SCI Chamade qu'une haie de bambous est implantée sur une longueur d'environ 3,50 m, culminant à environ 3,50 m de hauteur, à moins de deux mètres de la limite entre les deux fonds.

Les consorts [E]-[X] se prévalent de l'acte sous seing privé du 6 juillet 2015 ayant prévu que :

« il sera (...) toléré l'emprise d'une jardinière au profit des CD sur la propriété de Chamade pour faciliter les plantations de CD. Cette jardinière aura au nord à l'aplomb de la cuisine CD une largeur de 20 cm hors tout et se prolongera en sifflet sur 5 m vers le sud,pour se terminer en mourant, à l'aplomb de l'angle sud-ouest de la maison Chamade. »

Quand bien même les bambous litigieux se trouveraient dans ladite jardinière, ce qui est compatible avec les photographies jointes au constat d'huissier, rien dans l'accord des parties ne prévoit de dérogation aux dispositions de l'article 671 du code civil, en sorte que les bambous situés à moins de deux mètres de la limite de propriété doivent être réduits à une hauteur inférieure à 2 m, la condamnation sous astreinte prononcée par le premier juge devant être confirmée de ce chef.

Sur la demande d'arrachage des 6 et 8 cyprès florentins dirigée contre les consorts [E] [X] :

La SCI Chamade sollicite la condamnation des consorts [E]-[X] à arracher les 6 cyprès florentins enracinés à environ 20 cms de la clôture séparative et mesurant 4m à 5m de hauteur, ainsi que les 8 cyprès florentins situés côté Sud/Est, culminant entre 7 et 8 mètres de hauteur, identifiés dans le procès-verbal de constat du 3 janvier 2017.

Les articles 671 et 672 du code civil permettent de demander l'arrachage de végétaux qui mesurent plus de deux mètres de hauteur en étant implantés à moins de deux mètres de la limite séparative, « à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.»

Pour s'opposer à la demande adverse, les consorts [E]-[X] font valoir à propos des 6 premiers cyprès visés, qu'ils sont concernés par l'acte sous seing privé du 6 juillet 2015 ayant prévu que :

« il sera (...) toléré l'emprise d'une jardinière au profit des CD sur la propriété de Chamade pour faciliter les plantations de CD. Cette jardinière aura au nord à l'aplomb de la cuisine CD une largeur de 20 cm hors tout et se prolongera en sifflet sur 5 m vers le sud, pour se terminer en mourant, à l'aplomb de l'angle sud-ouest de la maison Chamade. »

Or, rien ne permet d'établir que les 6 premiers cyprès visés dans le constat d'huissier se trouveraient dans ladite jardinière, et rien dans l'accord des parties ne prévoit de dérogation aux dispositions de l'article 671 du code civil, en sorte que les cyprès situés à moins de 50 centimètres de la limite de propriété doivent être arrachés, la condamnation sous astreinte prononcée par le premier juge devant être confirmée de ce chef.

Pour s'opposer à la demande adverse, les consorts [E]-[X] font valoir à propos des 8 autres cyprès visés, qu'ils ont atteint deux mètres de haut depuis plus de 30 ans et produisent à cette fin des attestations de :

[I] [R], né en 1947, selon lequel les cyprès existent sur cette propriété depuis que les deux fonds ont été séparés par le frère et la s'ur avec cette haie, « il y a sans doute plus de 30 ans si ce n'est plus » ;

[K] [U], né en 1949, pépiniériste, selon lequel les cyprès plantés dans la propriété [E]-[X] ont plus de 40 ans d'âge ;

[H] et [T] [N], déclarant avoir toujours vu depuis 1985 les cyprès remarquables d'au moins 3 à 4 m de haut ;

[V] [M], indiquant que « les cyprès de Provence sont des arbres remarquables, parfaitement entretenus depuis plus de 30 ans, il est important de continuer à les protéger comme s'en charge(nt) la famille [E]-[X], comme les précédents voisins s'en accordaient depuis plus de 30 ans et comme je le constate depuis plus de 40 ans que je viens en famille sur l'île... »

[T] [D], née en 1954, indiquant que « les cyprès de la maison [E]-[X] ont toujours existé, étaient déjà plantés du temps de l'ancienne propriétaire...

j'habite sur cette île depuis 1980 et venais avant en vacances avec mes parents et il y avait déjà les cyprès du temps de Madame [A] que je connaissais personnellement. »

En l'état de ces attestations, du procès-verbal de constat d'huissier du 3 janvier 2017 et des photographies des cyprès apparaissant sur la pièce 18 de la SCI Chamade, il y a lieu de considérer qu'ils avaient atteint la hauteur de deux mètres plus de 30 ans avant la demande de les arracher formée par la SCI Chamade dans son assignation des 23 et 24 mai 2018.

Le jugement ayant retenu la prescription trentenaire sera confirmé en son rejet de la demande d'arrachage des 8 cyprès florentins situés côté Sud/Est, culminant entre 7 et 8 mètres de hauteur, sera donc confirmé.

Eu égard à la prescription trentenaire, la demande de taille à 2 m de hauteur ne peut être accueillie, l'article 672 du code civil s'y opposant.

Sur la demande de maintien à la hauteur de 1,5 m la haie de bambous:

Les consorts [E]-[X] sont condamnés à réduire la hauteur des bambous à moins de deux mètres, pour être en conformité avec les dispositions légales.

Il ne ressort d'aucune disposition légale que leur obligation doive être de les maintenir à la hauteur de 1,5 m, mais uniquement à moins de 2 m de hauteur.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur la demande dirigée contre la SCI Chamade :

Les consorts [E]-[X] demandent la condamnation de la SCI Chamade à enlever la clôture mitoyenne composée d'un mur bahut en agglos surmonté d'un grillage.

Dès lors que cette clôture a été implantée sur la limite séparative sans respecter l'accord des parties sur sa consistance, il convient de faire droit à la demande d'enlèvement formée par les consorts [E]-[X], sous l'astreinte prévue au dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions ayant :

- condamné in solidum [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] à tailler les bambous enracinés sur un espace d'environ 3,50 mètres de longueur et culminant à environ 3,50 mètres de hauteur se situant à moins de 2 mètres de la limite de propriété de la SCI Chamade à une hauteur inférieure à 2 mètres, et ce, dans le mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 2ème mois suivant cette signification,

- condamné in solidum [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] à procéder à l'arrachage des 6 cyprès florentins enracinés à environ 20 cm de la clôture séparative et mesurant 4m à 5m de hauteur, identifiés dans le procès-verbal de constat du 03 janvier 2017, et ce, dans le mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 2ème mois suivant cette signification,

- rejeté la demande de condamnation de [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] à les 8 cyprès florentins situés côté Sud/Est, culminant entre 7 et 8 mètres de hauteur,

Pour le surplus,

Infirme le jugement et statuant à nouveau,

Dit que le juge d'instance était compétent pour statuer sur la demande de suppression de la fenêtre formée par la SCI Chamade,

Rejette cette demande,

Condamne in solidum [L] [E]-[X], [J] [E]-[X] née [C], [Z] [E]-[X] et [F] [B] épouse [E]-[X] à poser des pavés de verre dépolis sur la fenêtre en façade EST du bâtiment Nord de l'immeuble leur appartenant, et ce, dans les trois mois de la signification de cette décision, sous astreinte passé ce délai de 50 euros par jour de retard pendant trois mois,

Y ajoutant,

Rejette la demande de condamnation des consorts [E]-[X] à maintenir la haie de bambous à une hauteur de 1,5 m,

Condamne la SCI Chamade à enlever la clôture mitoyenne composée d'un mur bahut en agglos surmonté d'un grillage, et ce, dans les six mois de la signification de cette décision, sous astreinte passé ce délai de 50 euros par jour de retard pendant trois mois,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile de chacune des parties,

Laisse à la charge de chacune les dépens exposés par elle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/10469
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;19.10469 ?
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