La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2022 | FRANCE | N°18/19263

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 23 juin 2022, 18/19263


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2022



N° 2022/217













N° RG 18/19263 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDOFP







SAS DEPIL TECH

SCP [S] - [E]

SELARL BG & ASSOCIES





C/



[T] [V]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN



Me Cécile DESHORMIERE





<

br>






Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 22 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017000417.





APPELANTES



Société DEPIL TECH, dont le siège social est sis [Adresse 2]





SCP [S] - [E], ès qualités de Mandataire judiciaire de la S...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2022

N° 2022/217

N° RG 18/19263 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDOFP

SAS DEPIL TECH

SCP [S] - [E]

SELARL BG & ASSOCIES

C/

[T] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN

Me Cécile DESHORMIERE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 22 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017000417.

APPELANTES

Société DEPIL TECH, dont le siège social est sis [Adresse 2]

SCP [S] - [E], ès qualités de Mandataire judiciaire de la SAS DEPIL TECH, suivant jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 24 mai 2018, dont le siège social est sis [Adresse 3]

SELARL BG & ASSOCIES, ès qualités d'Administrateur judiciaire de la SAS DEPIL TECH, représentée par Me Stéphanie BIENFAIT, suivant jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 24 mai 2018, dont le siège social est sis [Adresse 4]

toutes représentées par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Hubert DIDON, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

Madame [T] [V]

née le 22 Février 1963 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cécile DESHORMIERE, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Roger ZEINEH, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte en date du 29 septembre 2015, madame [V] a signé avec la société DEPIL TECH un contrat de franchise afin de pouvoir exploiter un centre de dépilation à la lumière pulsée et de photo-rajeunissement dans la ville de [Localité 6]. Suivant avenant daté du 29 mars 2016, la vielle D'[Localité 5] a été substituée à l'emplacement initial. Madame [V] a versé une somme de 26.400 € au titre du droit d'entrée et la somme de 139 € au titre de frais d'inscription à une conventionnelle annuelle.

Par lettre en date du 9 mars 2017, madame [V] a demandé à la société DEPIL TECH de résilier à l'amiable le contrat, invoquant notamment le caractère illicite de l'activité et le refus de prêts bancaires destinés à financer son installation.

Par acte en date du 1er juin 2017, madame [V] a fait assigner la société DEPIL TECH devant le Tribunal de Commerce de NICE en annulation du contrat en raison du caractère illicite de son objet et de l'existence d'un vice du consentement.

Suivant jugement en date du 22 novembre 2018, le tribunal a prononcé la nullité du contrat pour dol et a condamné la société DEPIL TECH à verser à madame [V] la somme de 26.400 € et 671,50 € en remboursements des sommes versées, outre 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 24 mai 2018, la société DEPIL TECH a été placée sous sauvegarde. Le plan de sauvegarde a été adopté par jugement en date du 27 décembre 2019, lequel a désigné la SELARL BG ET ASSOCIES en qualité de commissaire à l'exécution au plan.

La société DEPIL TECH, la société civile professionnelle [S] [E] et la SELARL BG ET ASSOCIES ont interjeté appel de la décision du 22 novembre 2018 par déclaration enregistrée au greffe le 6 décembre 2018.

Par ordonnance en date du 4 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 9 mai 2022.

Par conclusions par conclusions déposées par voie électronique le 25 mars 2022, la société DEPIL TECH, la société civile professionnelle [S] [E] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL BG ET ASSOCIES concluent à l'infirmation de la décision en soutenant que l'activité d'épilation à la lumière pulsée par personnes n'ayant pas la qualité de médecin est parfaitement licite et ils se réfèrent pour cela à un arrêt en date du 8 novembre 2019 du Conseil d'Etat, à la jurisprudence de la présente Cour et à deux arrêts qualifiés d'arrêts de principe de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation en date du 19 mai 2021. Elles affirment que madame [V] a été parfaitement informée du débat juridique existant au moment de la conclusion du contrat sur la licéité de l'activité par le document d'information précontractuelle (DIP) et sur l'application de la jurisprudence aux contrats en cours, elles se réfèrent à la motivation adoptée sur ce point par la Cour de Cassation. Elles concluent en conséquence à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat pour objet illicite, et l'infirmation pour le surplus. Elles demandent à la Cour de débouter madame [V] de l'intégralité de ses demandes et reconventionnellement concluent à sa condamnation à verser la somme de 8.694 € au titre de dommages intérêts pour rupture fautive du contrat, outre 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [V], par conclusions déposées par voie électronique le 23 mars 2022, demande à la Cour de confirmer la décision ayant prononcé la nullité du contrat de franchise en soulevant le caractère illicte de son objet, l'activité d'épilation par lumière pulsée étant réservée au moment de la conclusion du contrat aux médecins. Elle invoque en outre la nullité du contrat pour erreur et pour dol en raison des informations données sur le caractère licite de l'activité franchisée. Répondant aux conclusions adverses excipant de la jurisprudence de la Cour de Cassation et d'arrêts rendus par la cour d'AIX EN PROVENCE, elle soutient que la validité de la convention doit être appréciée au jour de la signature du contrat, et sans tenir compte des évolutions jurisprudentielles survenues depuis lors. Elle demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement déféré, de fixer sa créance au passif de la société DEPIL TECH à la somme de 26.400 € en remboursement des sommes versées, outre 671 € 50 au titre des frais pour participer à la convention annuelle et 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Madame [V] invoque l'illicéité de l'objet de la cause des contrats de franchise en excipant des dispositions de l'article 5 2° de l'arrêté du 6 janvier 1962 et de différentes décisions judiciaires pour affirmer que la technique de l'épilation par lumière pulsée doit être considérée comme un acte médical ; force est de constater que par arrêt en date du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé la décision du ministre des solidarités et de la santé refusant d'abroger les dispositions de l'article 5 2° de l'arrête du 6 janvier 1962, se référant pour cela à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services garantis par le droit de l'Union Européenne ; au vu de cette décision, et en l'absence de tout texte réglementaire régissant actuellement la matière, il convient de constater que l'activité d'épilation par lumière pulsée ne peut être en l'état considérée comme illicite ; la jurisprudence contradictoire constatée concernant la licéité de l'activité proposée par le franchiseur à des personnelles non titulaires d'un doctorat de médecine a été unifiée par la première chambre civile de Cour de Cassation dans un arrêt du 19 mai 2021 versé aux débats ; cet arrêt indique expressément que la pratique par un professionnel non médecin d'épilation à la lumière pulsée n'est plus illicite et que, si elle peut être soumise à des restrictions pour des motifs d'intérêt général, elle ne justifie pas l'annulation des contrats que ce professionnel a pu conclure aux seuls motifs qu'ils concernent une telle pratique ; il ajoute que cette évolution de jurisprudence s'applique immédiatement aux contrats en cours, en l'absence de droit acquis à une jurisprudence figée et de privation d'un droit d'accès au juge ; il découle de cette dernière précision que le caractère licite du contrat doit être apprécié au moment de la signature du contrat, mais au vu des principes dégagés au jour où statue la juridiction, et ce que ce soit pour les contrats en cours d'exécution, ou pour ceux résiliés par l'une ou l'autre des parties ; il y a lieu en conséquence de rejeter le moyen tiré du caractère illicte de l'objet du contrat de franchise.

Les documents d'Informations Précontractuelles versés aux débats indiquent de manière claire les aléas juridiques liés à la pratique de l'épilation par lumière pulsée, et leur analyse selon laquelle cette pratique doit être considérée comme licite même sans recours à un docteur en médecine ; ces documents ne peuvent être qualifiés de trompeurs au vu des éléments rappelés au paragraphe précédent ; madame [V] ne peut en conséquence soutenir avoir été induite en erreur sur la licéité de l'activité, observation étant faite que les documents pré-contractuels n'éludaient pas l'incertitude juridique régnant alors sur la question ; il ne peut en conséquence être fait droit à la demande en nullité de la convention et le jugement déféré sera infirmé.

La société DEPIL TECH a perçu la somme totale de 26.400 € au titre de droit d'entrée et de maîtrise d'oeuvre ; cette somme lui reste acquise dès lors que le contrat est jugé régulier ; en revanche, la société DEPIL TECH, qui n'a fourni aucune prestation en raison de l'absence d'ouverture du centre dont l'exploitation était envisagée par madame [V], ne peut soutenir avoir subi un préjudice du fait de la résiliation du contrat et obtenir, outre la somme de 26.400 €, une indemnité complémentaire ; elle sera en conséquence déboutée de sa demande en dommages intérêts.

Les circonstances de l'espèce imposent en équité de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de madame [V].

PAR CES MOTIFS, LA COUR

- INFIRME le jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 22 novembre 2018 dans l'intégralité de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- DÉBOUTE madame [V] de l'intégralité de ses demandes.

- DÉBOUTE la société DEPIL TECH, la société civile professionnelle [S] [E] et la SELARL BG & ASSOCIES de leur demande reconventionnelle en dommages intérêts.

- DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de madame [V].

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 18/19263
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;18.19263 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award