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17/06/2022 | FRANCE | N°21/04064

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 17 juin 2022, 21/04064


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/04064 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHEJO







CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE





C/



Société [4]

Société [2]





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE



- Me Virginie GAY-JACQUET















Décision déférée à la Cour :r>


Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 16 Février 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/11743.





APPELANTE



CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 3]



représentée par Mme [L] [C] en vertu d'un pouvoir spécial





INTI...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/04064 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHEJO

CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE

C/

Société [4]

Société [2]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE

- Me Virginie GAY-JACQUET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 16 Février 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/11743.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Mme [L] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEES

Société [4], demeurant [Adresse 1]

Société [2], demeurant [Adresse 5]

toutes deux représentées par Me Virginie GAY-JACQUET, avocat au barreau de BORDEAUX

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022

Signé par Madame Audrey BOITAUD-DERIEUX, Conseiller pour Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre régulièrement empêchée et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédures, prétentions et moyens des parties

Le 27 février 2017, M. [K] [T], né le 15 avril 1966, employé de la société [4] en tant que cariste chargeur de camion, a été victime d'un accident du travail dans le cadre d'une mise à disposition de la société [2]. Alors qu'il passait sur un dos d'âne au moment du chargement d'un camion, il a ressenti une vive douleur dans le dos et n'a plus senti son pied droit.

Par certificat médical initial du même jour, une lombosciatalgie gauche post traumatique a été constatée puis une lésion nouvelle par certificat médical de prolongation du 6 mars 2017, à savoir une lombosciatique droite par la hernie discale L5/S1.

Cet accident a bien été pris en charge selon la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône.

L'état de l'assuré a été consolidé au 7 février 2018 et un taux d'incapacité permanente partielle de 12% lui a été reconnu par décision de la CPAM en date du 25 avril 2018.

Par requête du 15 juin 2018, la société [4] a cependant saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille en contestation du taux d'incapacité permanente partielle opposable de 12% afin de le voir réduire à 5%, et a également appelé à la cause l'entreprise utilisatrice le 14 janvier 2019.

Par jugement du 16 février 2021, notifié le 18 février 2021, après consultation sur pièces confiée au Docteur [Z], le tribunal judiciaire de Marseille ayant repris l'instance, a reçu l'appel en cause de la société [2], fait droit au recours de la société [4] et dit que le taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'accident du travail du 27 février 2017 est fixé à 5% à l'égard de la société [4] ainsi que de la société [2] utilisatrice.

Par déclaration au greffe de la cour du 17 mars 2021, l'organisme de sécurité sociale a régulièrement interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffe et soutenues oralement lors de l'audience du 17 mai 2022, la CPAM des Bouches du Rhône sollicite de la cour de céans de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 16 février 2021,

- confirmer le taux d'incapacité permanente partielle de 12% opposable à la société [4] et à la société [2] pour les séquelles de l'accident de travail du 27 février 2017 subi par le salarié M. [T],

- ordonner le cas échéant la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction,

- débouter les sociétés [4] et [2] de leurs demandes en inopposabilité de la décision attributive de rente,

- débouter les sociétés [4] et [2] de leurs demandes, fins et conclusions.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- selon les dispositions générales du barème indicatif d'invalidité, l'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver, et dans ce cas, il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

- il est évident que cet état antérieur a été découvert au moment de l'instruction de l'accident du travail comme l'attestent les conclusions du Docteur [Z], médecin désigné en première instance,

- en l'espèce, l'état antérieur de M. [T] était asymptomatique et non traité, et correspond à une découverte radiologique,

- cet état antérieur n'empêchait pas M. [T] d'exercer son travail depuis 2012, et par conséquent, il n'y a pas lieu de retenir un état antérieur pour minimiser le taux d'incapacité permanente partielle alors même que ni l'employeur, ni la médecine du travail n'avaient donné de restrictions,

- sur le bien-fondé du taux retenu, la détermination du taux d'incapacité permanente partielle s'apprécie selon certains critères définis par l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, à savoir la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif,

- en l'espèce, le médecin conseil a retenu pour les séquelles de M. [T] un taux de 12% pour une hernie discale L5 S1 post traumatique droite,

- or, le barème précité prévoit pour ce type de séquelles portant sur le rachis dorso lombaire en son chapitre 3.2, en cas de persistance de douleurs et de gêne fonctionnelle discrètes, un taux compris entre 5 et 15%,

- l'argumentaire du médecin conseil versé aux débats justifie la réformation du jugement entrepris,

- si la cour s'estime insuffisamment informée, elle pourra ordonner conformément aux dispositions des articles R. 142-16 et suivants du code de la sécurité sociale, une mesure d'instruction confiée à un expert judiciaire,

- la demande d'inopposabilité de la décision attributive de rente au motif de l'absence d'information de la prise en charge de la nouvelle lésion ne saurait prospérer, l'employeur ne visant aucun texte et les séquelles indemnisées par la rente étant bien la séquelle initiale aggravée par la hernie discale non opérée,

- l'employeur n'a pas contesté l'accident initial ni la nouvelle lésion qui ont été pris en charge de sorte que les décisions de prise en charge lui sont opposables.

Par conclusions visées par le greffe et soutenues oralement lors de l'audience du 17 mai 2022, la société [4] mais aussi la société [2] mise en cause, sollicitent de la cour de céans de:

- à titre principal, dire la décision attributive de rente inopposable car indemnisant des séquelles liées à de nouvelles lésions,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a ramené le taux d'incapacité permanente partielle de M. [T] opposable aux deux sociétés, à 5%,

- à titre infiniment subsidiaire, ordonner une consultation médicale à un médecin afin qu'il donne son avis sur le taux d'incapacité permanente partielle de M. [T] à l'issue de sa consolidation.

Au soutien de ses prétentions, elles font valoir que :

- le certificat médical initial établi par l'hôpital de [Localité 6] le jour de l'accident du travail, mentionne une lombosciatalgie à gauche alors que les séquelles indemnisées à l'issue de la consolidation et justifiant le taux d'incapacité permanente partielle de 12% concernent une hernie discale,

- il appartient au médecin-conseil de fixer les séquelles en rapport exclusif avec l'accident du travail,

- si l'accident survenu à M. [T] a causé une hernie à gauche, le taux d'incapacité permanente partielle ne peut indemniser le côté droit,

- en tant qu'employeur, elle n'a pas été informée de cette nouvelle lésion, l'organisme de sécurité sociale évoquant une notification de prise en charge du 4 avril 2017 sans justifier d'une preuve de réception par elle,

- à défaut d'information sur la prise en charge et sur la procédure d'instruction, la nouvelle lésion doit lui être déclarée inopposable et ipso facto la décision attributive de rente, le taux d'incapacité permanente partielle indemnisant les séquelles de la nouvelle lésion, c'est-à-dire la hernie discale L5 S1 à droite,

- contrairement aux allégations de la partie adverse, le taux d'incapacité permanente partielle de 5% n'a pas été proposé uniquement au regard de l'état dégénératif majeur mais parce que les séquelles ne justifient pas un taux de 12% tel que prévu par le barème, en l'absence d'enraidissement, de contracture para vertébrale, de déficit sensitive-moteur, en présence de réflexes ostéo-tendineux et d'un état antérieur dégénératif.

Conformément aux dispositions des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

MOTIFS

Sur la demande d'inopposabilité de la décision attributive de rente

En l'absence de contestation de la décision de prise en charge de la nouvelle lésion, les demandes d'inopposabilité de la décision attributive de rente ne sauraient prospérer et être examinées dans le cadre du présent contentieux portant sur l'évaluation de l'état d'incapacité attribué à M. [T] par la CPAM.

Sur le taux d'IPP opposable aux sociétés [4] et [2]

Conformément aux dispositions de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'IPP est déterminé d'après la nature de l'infirmité, de l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Selon une jurisprudence constante, la détermination de l'importance respective des éléments d'appréciation visés à l'article L. 434-2 relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Concernant le rachis dorso-lombaire, en cas de persistance de douleurs et d'une gêne fonctionnelle discrètes, un taux compris entre 5 et 15% est prévu au chapitre 3.2 du barème indicatif précité.

Ledit barème indique que l'état antérieur (arthroses lombaires ou toute autre anomalie radiologique que l'accident révèle et qui n'ont jamais été traitées antérieurement), ne doit en aucune façon être retenu dans la génèse des troubles découlant de l'accident.

En l'espèce, à l'examen des avis des différents médecins intervenus dans le présent litige, il ressort que le salarié, manutentionnaire âgé de 50 ans au moment des faits, était porteur d'un important état antérieur dégénératif interférant, la présence d'une hernie discale L5 S1 avec conflit disco-radiculaire de la racine S1 droit ayant été constatée par imagerie par résonnance magnétique (IRM) lombaire du 4 mars 2017.

Ainsi, l'exploration radiologique dans le cadre de la prise en charge des lésions de l'accident du travail a permis de révéler cet état antérieur non connu.

En présence d'un état antérieur muet, le barème précise la nécessité de distinguer deux situations, les séquelles rattachables à l'accident du travail, étant en principe seules indemnisables, en distinguant selon que :

- l'état pathologique antérieur muet a été révélé à l'occasion de l'accident du travail, sans aggraver les séquelles et dans ce cas, il n'y a pas lieu d'en tenir compte,

- l'état pathologique antérieur muet révélé à l'occasion de l'accident du travail l'a aggravé et dans ce cas, il doit y avoir indemnisation de l'aggravation résultant du traumatisme.

En l'espèce, il ressort des pièces versées au débat, notamment du rapport du Docteur [Z], médecin consultant désigné en première instance, que M. [T] n'a aucun déficit moteur des membres inférieurs, aucun signe de compression radiculaire (Lasègue négatif), ni d'enraidissement, ni de contracture paravertébrale et a conservé des réflexes ostéo tendineux et symétriques.

Il est rappelé ici que le signe de Lasègue est un signe clinique utilisé lorsqu'on suspecte une sciatique.

Le rapport médical d'évaluation du médecin conseil de la CPAM, le Docteur [I] [V], indique cependant une 'boiterie et une plainte de ne pouvoir soulever le pied droit' sur 'explication de l'assuré' et ce, malgré l'absence de déficit moteur aux membres inférieurs médicalement constaté sur le plan neurologique, mais aussi des lombalgies et une sciatique du membre inférieur droit, en dépit d'un Lasègue négatif.

Ce faisant, il apparaît que les séquelles du salarié sont peu décrites et issues essentiellement de ses doléances ou allégations lors de l'examen pratiqué par le médecin conseil.

Au vu des constatations médicales non sérieusement remises en cause et concordantes de deux professionnels, la cour considère que le taux d'incapacité permanente partielle de 12% directement imputable à l'accident du travail, soit la fourchette haute du barème précité, n'est pas justifié pour des séquelles discrètes et peu documentées ayant révélé un état antérieur muet sans pour autant en être aggravé de façon considérable.

Aucun élément suffisant n'est par ailleurs présenté en cause d'appel par la CPAM des Bouches du Rhône de nature à ce qu'il soit utile d'ordonner une mesure d'instruction. La demande de l'organisme de sécurité sociale sera donc rejetée.

Pour l'ensemble de ces raisons, le jugement entrepris ayant fixé à 5% le taux d'IPP opposable aux intimées sera confirmé dans toutes ses dispositions.

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la CPAM des Bouches du Rhône, succombant en ses prétentions, supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire,

- Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 16 février 2021 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- Déboute les sociétés [4] et [2] de leur demande d'inopposabilité de la décision attributive de rente.

- Déboute la CPAM des Bouches du Rhône de sa demande de mise en oeuvre d'une mesure d'instruction.

- Condamne la CPAM des Bouches du Rhône aux dépens.

Et la présente décision a été signée par la Présidente et le Greffier.

Le GreffierLe Conseiller pour la Présidente empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/04064
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;21.04064 ?
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