La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2022 | FRANCE | N°21/03621

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 17 juin 2022, 21/03621


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/03621 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCWV





S.A.R.L. [7]





C/



URSSAF PACA





Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Anne-Constance COLL



- URSSAF PACA













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du

26 Août 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 14/02953.





APPELANTE



LA SARL [6] venant aux droits de la SARL [7], demeurant[Adresse 10]E - [Localité 4] - [Localité 1]



représentée par Me Anne-Constance COLL de la SELASU CABINET COLL, avocat au b...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/03621 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCWV

S.A.R.L. [7]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Anne-Constance COLL

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 26 Août 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 14/02953.

APPELANTE

LA SARL [6] venant aux droits de la SARL [7], demeurant[Adresse 10]E - [Localité 4] - [Localité 1]

représentée par Me Anne-Constance COLL de la SELASU CABINET COLL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 3] - [Localité 2]

représenté par M. [M] [F] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022

Signé par Madame Audrey BOITAUD-DERIEUX, Conseiller pour Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre régulièrement empêchée et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédures, prétentions et moyens des parties

La SARL [7] a fait l'objet d'un contrôle sur l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires [5] au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, opéré au sein de l'établissement situé [Adresse 9], qui a donné lieu à une lettre d'observation notifiée le 8 octobre 2013, puis à une mise en demeure délivrée le 16 décembre 2013 pour la somme totale de 77.711,00 euros dont 67.606,00 euros de cotisations et 10.105,00 euros de majorations de retard.

Le 14 janvier 2014, la société a saisi la commission de recours amiable de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur (ci-après désignée URSSAF ) pour contester le chef de redressement n°3 portant sur l'assujettissement et l'affiliation au régime général des rémunérations qualifiées d'honoraires, et versées à M. [B] [J], ayant donné lieu à un rappel de cotisations et contributions d'un montant de 58.419,00 euros.

Par lettre recommandée du 21 mai 2014, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône pour contester la décision implicite de rejet de cette commission.

Par décision du 11 décembre 2014, notifiée le 7 janvier 2015, la commission de recours amiable a rejeté la contestation et maintenu le redressement opéré.

Par jugement du 26 août 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, ayant repris l'instance, a :

- reçu le recours de la SARL [7] aux droits de laquelle vient désormais la SARL [6],

- débouté la société de sa demande d'annulation du chef de redressement n°3,

- confirmé la décision du 11 décembre 2014 de la commission de recours amiable,

- condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 77.711,00 euros,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de l'URSSAF.

Par acte du 17 septembre 2019, la société a relevé appel de cette décision.

L'affaire a fait l'objet d'une radiation par arrêt du 5 février 2021 et a été ré enrôlée à la demande de la société, pour être évoquée à l'audience du 3 mai 2022.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, la société demande à la cour d'annuler le jugement déféré, d'annuler la mise en demeure du 16 décembre 2013, et de condamner l'URSSAF à lui payer une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir essentiellement que :

- elle a conclu plusieurs contrats de représentation commerciale avec M. [J], lequel exerçait en qualité d'indépendant, dont elle n'était qu'un client, réglant les prestations sur factures,

- le redressement n'est fondé que sur l'analyse de la convention conclue entre elle et M. [J], cette pièce non mentionnée sur la lettre d'observation, et donc obtenue en fraude du principe du contradictoire de sorte que le redressement est frappé de nullité,

- l'URSSAF ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination entre les parties, la seule demande faite au prestataire de réaliser un rapport détaillé de ses activités obéissant aux seules nécessités de la facturation des clients, sans qu'elle ait exercé aucun pouvoir de sanction ou de contrôle de l'activité de M. [J],

- l'analyse des modalités de rétribution de M. [J] démontre son assujettissement aux bons résultats de l'entreprise, par ailleurs il supporte un risque économique en cas de perte de son client,

- enfin M. [J] est valablement affilié au [8].

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'organisme de sécurité sociale soutient en substance que :

- aucune nullité n'est encourue du fait que l'inspecteur n'ait pas visé un document consulté, la lettre d'observation répondant par ailleurs aux exigences de l'article R-243-59 du code de la sécurité sociale, permettant au cotisant de comprendre précisément la cause, la nature et l'étendue du redressement envisagé,

- la dénomination donnée par les parties au contrat ne détermine pas la relation de travail, et en l'espèce, l'existence d'une rémunération fixe, régulière et mensuelle déterminée unilatéralement par la société, l'absence de tout risque financier supporté par le prétendu indépendant à l'égard d'une clientèle appartenant expressément à la société, la détermination unilatérale par la société des tâches, l'obligation pour l'intéressé de rendre compte et l'existence d'une véritable dépendance économique caractérisent le lien de subordination.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la nullité de la lettre d'observation

Aux termes de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale :

' A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d'absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.'

La lettre d'observation du 8 octobre 2013 précise, dans l'encart destiné à la liste des documents consultés pour ce compte, que l'inspecteur du recouvrement a notamment consulté le grand livre comptable.

Ce document indique par ailleurs que l'inspecteur du recouvrement a constaté, à l'analyse du grand livre comptable, qu'à compter du mois de juin 2010, la société versait des honoraires à M. [J], les factures de cet intervenant faisant apparaître l'existence d'un contrat daté du 15 février 2010 conclu entre les parties. L'inspecteur du recouvrement a ensuite précisé qu'aux termes de ce contrat, il apparaissait que M. [J] devait représenter la société [7] sur l'île de la Réunion.

Il résulte suffisamment de ces énonciations que l'inspecteur a consulté les éléments comptables liés au redressement ainsi que le contrat en cause, et que la lettre d'observation vise et énonce le contrat concerné et la date de signature de celui-ci, de sorte que l'information du cotisant sur la pièce consultée lors du contrôle est suffisante, aucun texte ne mettant à la charge de l'organisme l'obligation de lister de manière exhaustive dans l'encart précité tous les documents ayant pu être consultés et analysés lors du contrôle.

Rappel fait de ce que les énonciations de l'inspecteur du recouvrement font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'il résulte de la lettre d'observations qu'il a, lors du contrôle, pu consulter le contrat litigieux, et au constat de ce que la société affirme sans aucunement le démontrer que cette pièce aurait été obtenue en fraude du contradictoire, aucune nullité de la lettre d'observation n'est donc encourue, et le moyen est en voie de rejet.

Sur le bien-fondé du redressement

Aux termes de la lettre d'observation, outre les observations ci-dessus rappelées, il a été noté par l'inspecteur du recouvrement que M. [J] était lié à la société [5], présentée dans le contrat comme une société cons'ur, les deux sociétés partageant la même holding. Il a également été constaté que la convention fixait le montant de la rémunération, en l'espèce à 3.150,00 euros par mois, précision expressément stipulée qu'aucune prime variable ne saurait être versée.

L'inspecteur a retenu l'existence d'un lien de subordination juridique, comme découlant des termes mêmes du contrat. Il a à ce titre constaté que la société disposait d'un pouvoir de vérification et de contrôle du travail effectué par M. [J], ce dernier devant assurer un reporting régulier sur l'ensemble de ses fonctions administratives, que par ailleurs M. [J] ne supportait aucun risque économique lié à son activité professionnelle, la clientèle appartenant exclusivement à la société [7] ou à la société [5], dont lui-même était le directeur. D'autre part il a été observé que la rémunération versée était fixe et ne dépendait nullement de l'activité de M. [J]. Ces constatations ont conduit l'inspecteur du recouvrement a considéré que M. [J] devait être assujetti au régime général de la sécurité sociale.

Selon une jurisprudence constante, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conventions de fait dans lesquelles est effectivement exercée l'activité des travailleurs.

Il importe de déterminer si les conditions suivantes sont réunies : existence d'une convention entre les parties, quelle que soit sa forme, sa nature, sa dénomination, ses clauses et sa validité, existence d'une rémunération allouée, en contrepartie d'un travail effectif, exercée dans le cadre d'un lien de subordination juridique d'employeur à employé.

En l'espèce, l'existence d'un contrat conclu entre la SARL [7], et M. [J] est constante. De ce contrat découle l'existence incontestable d'une rémunération allouée, en contrepartie de l'accomplissement de tâches effectives.

Seule est discutée l'existence ou non d'un lien de subordination unissant les deux parties au contrat.

Ce lien de subordination est caractérisé de façon classique par l'exercice de trois pouvoirs détenus par l'employeur à l'égard de son salarié : un pouvoir de direction pour l'exécution du travail, un pouvoir de surveillance et de contrôle pendant l'exécution du travail, un pouvoir de vérification et de sanction après l'exécution du travail. S'y ajoutent d'autres critères tels que le service organisé et l'absence de risque économique pesant sur le salarié.

Il résulte des termes de la convention dénommée « contrat de représentation commerciale » que la société a déterminé de manière extrêmement précise, et dans le cadre d'un service organisé, les tâches confiées à M. [J], en imposant la restitution par ce dernier de l'ensemble du travail accompli, et en exerçant ainsi un pouvoir de direction pour l'exécution du travail mais également un pouvoir de surveillance et de contrôle pendant l'exécution de celui-ci.

Cette organisation comporte en outre plusieurs volets, commercial, administratif, technique, qui excèdent une simple mission de représentation commerciale. Ainsi M. [J] était chargé de suivre tout ce qui concernait le recouvrement pour les factures établies par la société, d'assurer la supervision du déroulement de tous les déménagements effectués par l'intermédiaire de la société [5], d'effectuer un véritable soutien du suivi de la qualité que ce soit au niveau de l'emballage, au niveau des respects des engagements pris par rapport à la clientèle (fabrication de caisses, vérification du bon emballage des objets fragiles) de la vérification du respect des droits et volumes pris en compte par sa société, de suivre tout ce qui concerne 'l'empotage' des effets personnels des clients dans les containers ou dans les caisses, ainsi que le dépotage et la livraison au domicile des clients à l'import, de suivre la traçabilité de la marchandise, depuis l'enlèvement au domicile du client jusqu'au départ du container ou de l'aérien et d'en informer la société, d'assurer le suivi du service client, et notamment de prendre en compte tous les problèmes de sinistralité, d'y apporter les mesures correctives et correctrices pour diminuer considérablement cette sinistralité pour le bien des clients de la société [7].

La convention prévoit en outre le versement d'une rétribution mensuelle. Les avenants à ce contrat produit par l'appelante stipulent expressément qu'il ne pourra être versé de rémunération autre à M. [J] dans le cadre de l'activité ainsi exercée. Ainsi l'affirmation selon laquelle dans ses écritures la société soutient que M. [J] facturait ses prestations est inexacte et contraire aux termes de la convention dont elle se prévaut, qui prévoient au contraire une rémunération mensuelle fixe et exclusive de tout autre versement lui-même assujetti à un volume ou à une nature de prestations réalisées.

Les parties ne discutent par ailleurs pas le fait que l'exécution de ce contrat, au profit d'une société constituant son unique cliente, a constitué pour M. [J] sa seule activité économique, le plaçant ainsi dans une dépendance économique totale à l'égard de la société. En contrepartie, il n'a été fixé dans la convention aucun impératif chiffré ni aucun objectif de sorte que la perception de la rétribution mensuelle a dégagé M. [J] de tout risque économique, la perception des revenus étant assurée, indépendamment de l'exercice effectif de son activité, peu important que la conclusion d'un second contrat le 30 décembre 2012 ait prévu une rémunération mensuelle supérieure à celle fixée dans la première convention.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a retenu l'existence de nombreux indices concordants permettant de caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre la SARL [7] et M. [J]. À cet égard, l'affiliation au [8] de M. [J] n'est pas suffisante pour contredire la qualification de contrat de travail apportée à la relation contractuelle litigieuse.

Le jugement qui a en conséquence maintenu le redressement opéré de ce chef et débouté la société de l'ensemble de ses demandes est donc en voie de confirmation.

L'équité commande d'allouer à l'URSSAF la somme de 2.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la demande présentée à ce titre par l'appelante étant rejetée.

Cette dernière, qui succombe, supportera par ailleurs la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

- Confirme le jugement du 26 août 2019 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- Condamne la SARL [6], venant aux droits de la SARL [7], à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 2.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rejette la demande présentée par l'appelante à ce même titre.

- Condamne la SARL [6], venant aux droits de la SARL [7], aux dépens.

Le GreffierLe Conseiller pour la Présidente empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/03621
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;21.03621 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award