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17/06/2022 | FRANCE | N°18/15248

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 17 juin 2022, 18/15248


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022



N° 2022/ 220













Rôle N° RG 18/15248 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDDAT







SARL APPLICATION DIFFUSION COMMERCIALISATION (ADC)





C/



[J] [I]















Copie exécutoire délivrée

le : 17 Juin 2022

à :



Me Pierre ARMANDO, avocat au barreau de NICE



Me Edith ANGELICO, avo

cat au barreau de TOULON





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 05 Septembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00098.





APPELANTE



SARL APPLICATION DIFFU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022

N° 2022/ 220

Rôle N° RG 18/15248 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDDAT

SARL APPLICATION DIFFUSION COMMERCIALISATION (ADC)

C/

[J] [I]

Copie exécutoire délivrée

le : 17 Juin 2022

à :

Me Pierre ARMANDO, avocat au barreau de NICE

Me Edith ANGELICO, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 05 Septembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00098.

APPELANTE

SARL APPLICATION DIFFUSION COMMERCIALISATION (ADC), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pierre ARMANDO, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [J] [I], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Edith ANGELICO, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Ange FIORITO, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022 puis prorogé au 17 Juin 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M.[I] a été recruté par la SARL Application Diffusion Commercialisation (A.D.C.) le 4 décembre 2000 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de technicien de chantier. La société A.D.C. réalise des piscines de marque DIFFAZUR.

Au dernier état de la relation de travail, M.[I] était conducteur de travaux.

Il a été en charge du chantier dans le cadre d'un contrat conclu entre les consorts [N] et la société A.D.C. pour la construction d'une piscine. Le contrat a été établi hors terrassement et ne fait état d'aucun maître d''uvre.

La société A.D.C. a reçu un courrier de la commune de [Localité 2] en date du 14 décembre 2016 l'informant que la piscine n'avait pas été construite conformément à l'autorisation administrative, et plus précisément concernant l'implantation altimétrique.

La société A.D.C. a fait dresser un constat d'huissier le 21 décembre 2016 établissant que la piscine était au-dessus de la distance autorisée par le permis de construire.

M.[I] a été convoqué par lettre remise en main propre le 23 décembre 2016 à un entretien préalable du 5 janvier 2017.

Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 janvier 2017.

M.[I] a saisi le conseil de prud'hommes le 15 février 2017.

Par jugement du 5 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Toulon a rendu la décision suivante':

«'requalifie le licenciement de M.[I] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

condamne la SARL Application Diffusion Commercialisation (A.D.C.), en la personne de son représentant légal, à payer à M.[I] les sommes suivantes':

''20978,23 euros brut au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

''4195,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

''419,56 euros au titre des congés payés sur préavis,

''9335,30 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

''1000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

ordonne à la SARL Application Diffusion Commercialisation (A.D.C.), en la personne de son représentant légal, de remettre à M.[I] les documents sociaux sous astreinte de 25 euros par jour de retard après le 15e jour suivant la notification du jugement présent et se réserve le droit de liquider l'astreinte.

ordonne l'exécution provisoire.

déboute la SARL Application Diffusion Commercialisation (A.D.C.) de sa demande reconventionnelle d'article 700 du CPC.

condamne la SARL Application Diffusion Commercialisation (A.D.C.) aux dépens.'»

Le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon a été notifié le 7 septembre 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception à la SARL Application Diffusion Commercialisation qui a interjeté appel par déclaration du 25 septembre 2018.

La clôture de l'instruction a été fixée au 4 février 2022. L'affaire a'été plaidée à l'audience du 3 mars 2022 de la cour en sa formation de conseiller rapporteur'; l'arrêt a été mis en délibéré au 20 mai 2022.

La SARL Application Diffusion Commercialisation (A.D.C.), suivant conclusions notifiées par RPVA le 25 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande'de':

''réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon le 5 septembre 2018';

''débouter M.[I] de l'ensemble de ses demandes';

''condamner M.[I] à payer à la société A.D.C. la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner à payer les entiers dépens.

La société A.D.C. énonce qu'il y a eu un important problème pour la piscine des époux [N]'concernant l'implantation altimétrique en raison du travail défectueux de M.[I]. Pour l'employeur, ce comportement est constitutif d'une faute professionnelle grave du fait de la violation de l'autorisation administrative, en l'espèce le permis de construire du 5 octobre 2015. Elle expose que M.[I] en sa qualité de conducteur de travaux avait la pleine responsabilité du chantier. La société A.D.C. explique que M.[I] avait pourtant une longue expérience et qu'il ne pouvait ignorer les conséquences de son comportement. La société A.D.C. reproche à M.[I] de s'être mis sous la subordination du maître d'ouvrage, à savoir le client, et de M. [F], père de Mme [N], celui-ci se présentant comme architecte et étant étranger à la société. La société A.D.C. précise que M.[I] ne l'a jamais informée de la modification de l'altimétrie par rapport à l'autorisation administrative, et que ce faisant, il n'a pas respecté la procédure interne à la société. Elle énonce que M.[I] a utilisé des man'uvres pour dissimuler la modification en violation de la loi. Elle fait état d'antécédents dans le travail de M.[I] avec mises en demeure pour les chantiers [S], [G] et [L]. Elle ajoute que le bassin a dû être démoli et reconstruit à ses frais. Elle soutient ainsi que le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé et justifié.

M.[I], suivant conclusions notifiées par RPVA le 14 janvier 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande'de':

''débouter la société A.D.C. (DIFFAZUR) de l'ensemble de ses demandes';

''confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon';

Y ajoutant,

''condamner la société A.D.C. (DIFFAZUR) à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M.[I] reconnaît avoir suivi les directives de M. [F], père de Mme [N], qui s'est présenté comme étant architecte. Il explique que s'il a commis une erreur, c'est de ne pas avoir fait signer un document stipulant que les côtes de la piscine étaient modifiées à la demande du client. M.[I] énonce que c'est M. [F] qui est à l'origine de la modification des côtes de la piscine. Il expose que M. [F]'est dans le milieu du bâtiment sur le plan national et intervient depuis des décennies auprès de nombreux promoteurs-constructeurs. Il fait état de la défaillance de M. [C], conducteur de travaux principal, et de M. [U], chef d'agence, qui sont ses supérieurs hiérarchiques et qui ont pour mission de contrôler son travail.

MOTIVATION

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui, en raison d'un manquement grave du salarié à ses obligations contractuelles dans le cadre du contrat de travail, rend impossible son maintien dans l'entreprise'; elle s'apprécie au regard du contexte spécifique à chaque affaire. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

M.[I] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 janvier 2017. La lettre énonce que la société A.D.C. a été alertée par les époux [N] lorsque la commune de [Localité 2] a constaté une infraction au code de l'urbanisme pour leur piscine. Dans la lettre l'employeur reproche à M.[I] de s'être gravement trompé sur l'implantation de l'ouvrage en ne respectant pas l'altimétrie prévue par l'autorisation administrative accordée le 5 octobre 2015. Il est mentionné que la régularisation est impossible et qu'il en résulte un préjudice très important puisque la société doit reconstruire la piscine. La lettre stipule que lors de l'entretien du 5 janvier 2017, M.[I] a reconnu les griefs reprochés, celui-ci ajoutant que le représentant du client lui a demandé verbalement de changer l'implantation altimétrique'; or, cette modification, comme le souligne la lettre de licenciement, aurait dû être entérinée par la signature d'un procès-verbal de chantier. Il est précisé que M.[I] ne pouvait ignorer qu'en construisant ainsi cette piscine, il faisait prendre un risque considérable à l'ouvrage pouvant remettre en cause sa pérennité. La lettre conclut que ces faits caractérisent des fautes graves.

M.[I] ne conteste pas le problème relatif à la différence altimétrique entre le bassin terminé et l'autorisation administrative. Il explique avoir eu le tort d'accepter la demande de M. [F], père de Mme [N]. M. [F] énonce dans un courrier du 11 octobre 2017 transmis à la société DIFFAZUR avoir été officiellement mandaté par ses enfants pour suivre le chantier et met en cause la responsabilité de M.[I] dans la malfaçon. Cependant aucun document ne justifie de ce mandat officiel dûment notifié à l'entreprise avant l'intervention des services de la commune de [Localité 2].

Eu égard à son ancienneté, M.[I] ne pouvait ignorer les conséquences de cette modification, s'agissant du non-respect d'un permis de construire pouvant entraîner la démolition de l'ouvrage. M.[I] n'a pas avisé sa hiérarchie, ce qui aurait permis une étude de faisabilité puis, en cas de faisabilité, une construction dans le respect des prescriptions administratives.

Ainsi, il ne peut être contesté que M.[I] a agi avec légèreté, commettant une faute professionnelle indéniable. Il s'avère, au vu des conclusions et des attestations produites par les parties, qu'exerce dans l'entreprise un conducteur de travaux principal, M. [C]. Ce dernier, par attestation du 8 février 2018, énonce ne pas avoir été informé d'un problème quelconque par M.[I] sur le chantier [N], étant seulement alerté par les clients. M. [C] explique qu'un conducteur de travaux est seul responsable d'un chantier et doit donc suivre les recommandations du permis de construire'; il ajoute qu'il y a eu volonté délibérée de M.[I] de cacher la modification apportée. Il ressort également des éléments du débat qu'un chef d'agence est en fonction, M. [U]. Celui-ci déclare, par attestation du 14 juin 2019, ne pas avoir été informé du problème d'implantation.

Recruté depuis le 4 décembre 2000, M.[I] n'a jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire. La société A.D.C. fait état de précédents avec mises en demeure mais ne produit aucune pièce à l'appui.

Compte tenu de l'ancienneté de M.[I] dans l'entreprise, de l'absence d'antécédents et du caractère unique des faits reprochés, la faute commise par ce dernier n'apparaît pas d'une importance telle qu'elle rendait son maintien impossible dans l'entreprise. Ainsi, la faute qui est caractérisée doit être qualifiée de faute simple et non de faute grave, le licenciement pour faute grave devant par conséquent être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Sur les mesures accessoires

La SARL Application Diffusion Commercialisation, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et qui sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à M.[I] la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, Statuant publiquement et par jugement contradictoire,'après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT la SARL Application Diffusion Commercialisation (A.D.C.) recevable en son appel';

INFIRME le jugement rendu le 5 septembre 2018 par le conseil de prud'hommes de Toulon'en ce qu'il a requalifié le licenciement de M.[I] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la SARL Application Diffusion Commercialisation à payer à M.[I] la somme de 20978,23 euros brut au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse';

Statuant à nouveau,

REQUALIFIE le licenciement de M.[I] pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse';

déboute M.[I] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse';

CONFIRME le jugement rendu le 5 septembre 2018 par le conseil de prud'hommes de Toulon pour le surplus';

CONDAMNE la SARL Application Diffusion Commercialisation à payer à M.[I] la somme de 1'500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes';

CONDAMNE la SARL Application Diffusion Commercialisation aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 18/15248
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;18.15248 ?
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