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10/06/2022 | FRANCE | N°21/05459

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 10 juin 2022, 21/05459


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/05459 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHISZ







Organisme CPAM DU VAR





C/



[R] [K]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Stéphane CECCALDI





- Me Florence PIERONI















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 05 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/1346.





APPELANTE





CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 3]



représentée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIME



Monsieur [R] [K] demeurant...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/05459 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHISZ

Organisme CPAM DU VAR

C/

[R] [K]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Stéphane CECCALDI

- Me Florence PIERONI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 05 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/1346.

APPELANTE

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [R] [K] demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/008190 du 03/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),

représenté par Me Florence PIERONI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [K] était employé en qualité d'ouvrier, travailleur handicapé, à l'Etablissement et Service d'Aide par le Travail [2] (ESAT), lorsqu'il a été victime d'une agression le 3 janvier 2018 sur le parking de l'établissement.

Par certificat médical initial du 3 janvier 2018, il a été constaté qu'il souffrait d'une entorse du genou gauche traitée par antalgiques et immobilisation.

La déclaration d'accident du travail du 5 janvier 2018 a mentionné que « Suite à une altercation verbale de M. [K] envers M. [P], M [P] a attrapé M. [K] par le col et l'a mis au sol » et l'employeur a émis la réserve suivante : « selon les deux protagonistes, le conflit aurait commencé la nuit du réveillon au domicile de Monsieur [K] ».

Par courrier en date du 24 avril 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après CPAM) a notifié à M. [K] son refus de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident survenu le 3 janvier 2018.

Le 8 octobre suivant, la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie a reçu le recours de M. [K], et par courrier daté du même jour la caisse l'a informé des voie et délai de recours à défaut de décision de la commission dans le délai d'un mois.

Par courrier recommandé envoyé le 30 octobre 2018, M. [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM, confirmant le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 3 janvier 2018.

Par jugement du 5 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- dit que l'accident du travail dont M. [K] a été victime le 3 janvier 2018 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle sur les accidents du travail,

- condamné la CPAM du Var à lui payer la somme de 400 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamné la CPAM du Var aux dépens.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 avril 2021, reçue par le secrétariat du service des déclarations d'appel le 12 avril suivant, la CPAM du Var a interjeté appel de cette décision.

A l'audience du 7 avril 2022, la caisse primaire d'assurance maladie du Var est dispensée de comparaître et se réfère, par courrier daté du 5 avril 2022 aux conclusions déposées au greffe de la cour le 6 avril suivant. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de débouter le requérant initial.

Au soutien de ses prétentions, la caisse fait valoir que l'accident est survenu pour une raison qui n'avait aucun lien avec l'activité professionnelle et qu'il est dû à un motif d'intérêt personnel. Elle indique que l'assuré n'a pas répondu au questionnaire adressé par son service administratif mais qu'il ressort de son audition par les gendarmes dans le cadre de l'enquête pénale qu'il a fait état d'un différend d'ordre privé entre lui-même et l'auteur de l'agression lors d'une soirée du nouvel an, en précisant avoir échangé des textos d'insultes d'ordre privé, de sorte que la rixe était survenue pour un motif d'ordre personnel constituant ainsi un acte volontaire totalement étranger au travail et échappant ainsi à l'autorité de l'employeur et dont les blessures occasionnées ne pouvaient constituer un accident du travail.

M. [K], par la voix de son conseil, se réfère aux écritures déposées le jour de l'audience et visées par le greffe. Il demande à titre principal, la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'accident devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle, l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné la caisse à lui verser 400 euros en réparation de son préjudice moral et statuant à nouveau la condamnation de la caisse à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts. Subsidiairement, il demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Il fait valoir que l'agression dont il a été victime au lieu et au temps du travail répond aux critières d'un accident de travail, tels que définis à l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale. Il ajoute en avoir rapporté suffisamment la preuve. En outre, il estime que 'la résistance abusive de la CPAM de le rétablir dans ses droits' en le privant de toute indemnisation durant les premiers temps, est source de préjudices moral et matériel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

Sur la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident survenu le 3 janvier 2018

Aux termes de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale : 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.'

Il résulte de ces dispositions une présomption d'imputabilité impliquant que toute lésion survenue au temps et au lieu du travail doit être considérée comme résultant d'un accident du travail sauf s'il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.

En l'espèce, il ressort de la déclaration de l'accident du travail établie par l'employeur le 5 janvier 2018, des réponses de Mme [E], intervenue immédiatement après l'accident, et de Mme [W], directrice de l'ESAT, aux questionnaires adressés par le service administratif de la caisse, sans que ce soit discuté par les parties, que le 3 janvier 2018 à 7h50, sur le parking de l'ESAT, alors qu'il attendait le départ pour le chantier, M. [K] s'est fait attraper par le col par M. [P] qui l'a mis au sol à la suite d'une altercation.

Il est également indiqué dans la déclaration d'accident du travail que M. [K] travaillait ce jour-là de 7h45 à 15h.

Le certificat médical initial établi le jour même de l'accident allégué, le 3 janvier 2018, permet de vérifier qu'il a été médicalement constaté que M. [K] souffrait d'une entorse au genou gauche.

Il s'en suit que l'apparition soudaine d'une lésion au temps et au lieu du travail est établie et permet de présumer le caractère professionnel de l'accident.

Dès lors qu'il n'est pas discuté que la rixe a eu lieu alors que le salarié victime attendait le départ pour le chantier de sorte qu'il était à disposition de son employeur lorsqu'il s'est fait aggressé, et que le seul motif de la rixe, tenant à des insultes proférées deux jours auparavant par le salarié dans le cadre d'une fête privée, n'est pas de nature à caractériser la soustraction du salarié à l'autorité de son employeur au moment de l'accident, la preuve que l'accident a une cause totalement étrangère au travail n'est pas rapportée.

Il s'en suit que c'est à juste titre que les premiers juges ont reconnu le caractère professionnel de l'accident.

En conséquence, le jugement disant que l'accident doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle doit être confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l'article 1240 du Code civil, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Bien que la caisse affirme dans ses conclusions avoir fait parvenir aux parties un questionnaire complémentaire aux fins d'établir les causes et circonstances de l'accident litigieux et que M. [K] n'y a jamais répondu, elle n'en justifie pas.

En revanche, il ressort des courriers adressés par Maître [J] à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, en date des 12 mars et 26 mars 2018, que l'avocate de l'assuré a informé la caisse du fait que son client n'avait pas été destinataire du questionnaire complémentaire et qu'elle était en attente de sa communication.

Il s'en suit qu'il n'est pas établi que la caisse a effectivement adressé un questionnaire complémentaire à l'assuré aux fins de déterminer les causes et circonstances de l'accident malgré les réserves de l'employeur sur le caractère professionnel de l'accident.

Or, il résulte de la notification de sa décision de refus de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, en date du 24 avril 2018, que celle-ci est motivée par le fait que M. [K] n'ayant pas donné suite aux courriers de la caisse, elle n'a pas pu apprécier le caractère professionnel de l'accident.

Les juges ont donc pertinemment motivé leur décision en indiquant que la caisse ne pouvant fonder sa décision de refus sur une carence dont elle est responsable, il convient de retenir une faute dans l'instruction de la demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 3 janvier 2018.

De même, aux fins d'évaluer le préjudice lié à la faute de la caisse, les premiers juges ont justement pris en compte le fait que la différence entre le montant des indemnités d'arrêt maladie et d'accident du travail serait réparée par le versement d'indemnités journalières d'accident du travail, de sorte que seul le préjudice moral du requérant lié à la carence de la caisse doit être réparé à hauteur de 400 euros.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens

La caisse primaire d'assurance maladie du Var succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens en vertu de l'article 696 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

 

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 5 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Toulon, en toutes ses dispositions,

 

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Var aux éventuels dépens de l'appel.

 

 Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/05459
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;21.05459 ?
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