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10/06/2022 | FRANCE | N°21/05455

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 10 juin 2022, 21/05455


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 10 JUIN 2022



N°2022/













Rôle N° RG 21/05455 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHISO







Société [3]





C/



Etablissement CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Grégory KUZMA



- CPAM BDR











1 COPIE S

IMPLE

à l'EXPERT + REGIE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 24 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/7423.





APPELANTE



Société [3], demeurant [Adresse 5]



représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, av...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 10 JUIN 2022

N°2022/

Rôle N° RG 21/05455 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHISO

Société [3]

C/

Etablissement CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Grégory KUZMA

- CPAM BDR

1 COPIE SIMPLE

à l'EXPERT + REGIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 24 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/7423.

APPELANTE

Société [3], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Quentin JOREL, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 4]

représentée par Mme [H] [B], Inspectrice Juridique, en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 Avril 2022 , en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [X] [M] , salarié de la SAS [3] depuis 2014, a été victime d'un accident le 1er février 2017 en se cognant le dos sur le coin d'une armoire métallique. L'accident a été pris en charge par la Caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après CPCAM) au titre de la législation professionnelle.

La société a contesté cette décision, ainsi que la longueur des arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail, devant la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté son recours par décision du 19 septembre 2017.

La date de consolidation a été fixée le 10 octobre 2017.

Par requête du 12 décembre 2017, la société a contesté la décision de rejet de la commission de recours amiable de la CPCAM des Bouches-du-Rhône, écartant son recours sur la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident et la relation de cause à effet entre l'accident du travail et les arrêts consécutifs pris en charge à ce titre.

Par jugement du 24 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- déclaré le recours de la société [3] recevable en la forme, mais mal fondé ;

- déclaré opposables à la société [3] les soins et arrêts de travail prescrits à M. [X] [M], salarié, en rapport avec son accident du travail du 1er février 2017 ;

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CPCAM des Bouches-du-Rhône en date du 19 septembre 2017 ;

- condamné la société [3] aux dépens de l'instance.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 avril 2021, reçue par le secrétariat du service des déclarations d'appel le 12 avril suivant, la société [3], a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 8 avril 2021.

A l'audience du 7 avril 2022, la SAS [3] reprend oralement les conclusions déposées le jour de l'audience et vises par le greffe. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 24 mars 2021,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire sur pièces, dont les frais seront entièrement mis à la charge de la CPAM, aux fins de déterminer si l'ensemble des lésions à l'origine des arrêts de travail pris en charge résultent directement et uniquement de l'accident du travail survenu le 1er février 2017, si une pathologie évoluant pour son propre compte est à l'origine d'une partie des arrêts de travail et dans l'affirmative, si l'accident a aggravé ou révélé cette pathologie et de dire à quelle date l'état de santé directement et uniquement imputable à l'accident a été consolidé,

- dans l'hypothèse où des arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité direct et certain avec la lésion initiale, la juridiction devra lui déclarer ces arrêts inopposables.

Au soutien de ses prétentions, la société fait valoir que les arrêts de travail pris en charge ne sont pas entièrement imputables à l'accident initial en ce que, d'une part, la lésion initiale afférente à un simple traumatisme du dos sans gravité particulière ne permet pas de justifier la durée des arrêts de travail, d'autre part, le salarié présente concomitament des pathologies sans lien avec le travail, ainsi qu'un état dégénératif du rachis lombaire important antérieur pouvant légitimement justifier les arrêts de travail.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône se réfère aux conclusions déposées le jour de l'audience et visées par le greffe. Elle demande à la cour la confirmation en toutes ses dispositions du jugement, et le débouté de la société.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la présomption d'imputabilité des lésions au travail couvre l'ensemble des prestations servies jusqu'à la guérison ou la consolidation et que l'employeur n'apporte pas la preuve de l'existence d'une cause étrangère au travail permettant de renverser la présomption d'imputabilité. Elle considère que la société ne rapporte pas la preuve d'un état antérieur évoluant pour son propre compte et susceptible de justifier les arrêts de travail pris en charge. Elle rappelle que les avis rendus par le service du contrôle médical, quand ils portent sur des éléments d'ordre médical et qu'ils commandent l'attribution des prestations, s'imposent aux organismes d'assurance maladie et s'appuie sur l'argumentaire de son médecin conseil.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

Il est désormais acquis qu'il résulte des dispositions de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail établie le 2 février 2017 par la société [3], que le 1er février 2017 à 7 heures, M. [M] se serait cogné le dos sur le coin d'une armoire métallique causant des lésions au dos, y compris la colonne vertébrale et les vertèbres dorsales, alors que ces horaires de travail étaient ce jour-là de 5 à 10 heures.

Un certificat médical établi à l'hôpital nord de [Localité 6] le jour même de l'accident allégué, le 1er février 2017, permet de vérifier qu'il a été médicalement constaté que le salarié souffrait de contracture des muscles paravertébraux au niveau lombaire et d'une contusion lombaire, rendant nécessaire la prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 6 février 2017.

Le caractère professionnel de l'accident n'est plus discuté par la société appelante et la prescription de l'arrêt de travail par certificat médical initial permet de présumer l'imputabilité de l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'à la date de consolidation fixée au 10 octobre 2017, à moins que la société [3] ne rapporte la preuve que les lésions justifiant les arrêts de travail pris en charge ont une origine totalement étrangère au travail.

La société se fonde sur l'avis médico-légal du docteur [G] pour contester la prise en charge des arrêts de travail au titre de l'accident du travail du 1er février 2017.

Dans cet avis, le médecin fait valoir qu'aucune lésion traumatique aiguë, hormis l'existence de contractures musculaires qui ne justifient que quelques jours d'arrêt de travail, n'a été mentionnée et que seul un état antérieur dégénératif justifie la durée des arrêts de travail.

Il ressort du certificat médical initial, ainsi que des certificats médicaux de prolongation qu'il a été médicalement constaté qu'à la suite de son accident, le salarié a présenté une contracture des muscles paravertébraux, une contusion lombaire, ainsi qu'une protrusion en L4-L5.

Selon l'argumentaire du médecin conseil de la caisse, l'assuré avait été victime d'un accident de moto en 2013 ayant entraîné des lombalgies et dont le scanner mettait en évidence des pincements étagés, qui se sont amendés avec le temps puisqu'aucune doléance sur ce point n'était exprimée malgré un suivi médical pour d'autres motifs de 2013 à 2016. Le médecin en conclut logiquement que l'accident a majoré un pincement en L4-L5 entraînant une protrusion visible au scanner du rachis pour lombalgies en date du 10 février 2017.

La majoration d'un état antérieur par l'accident du travail devrait justifier la prise en charge des arrêts et soins prescrits à ce titre.

Cependant, il ressort du courrier de la caisse à la société [3] le 20 avril 2017, que la prise en charge au titre de l'accident du 1er février 2017, de la nouvelle lésion déclarée avec certificat médical du 23 février 2017, dont il ressort qu'il vise une protrusion discale L4 L5, a été refusée.

Cet état de fait est confirmé par l'argumentaire du médecin conseil de la caisse indiquant en page 1 de son argumentaire : 'nouvelle lésion du 23/02/2017 du Dr [J] : protrusion discale L4 L5 : refusée par le service médical'.

Il s'en suit que la conclusion du médecin conseil de la caisse selon laquelle l'accident a majoré un pincement en L4-L5 entraînant une protrusion ce qui justifierait la prise en charge des arrêts de travail prescrits pour protrusion en L4L5 semble en contradiction avec le refus de prise en charge de cette même protrusion par la caisse le 20 avril 2017.

L'explication de ce même médecin, en page 3 de son argumentaire, selon laquelle la nouvelle lésion refusée est la hernie discale, puisque le patient n'en souffre pas au regard du dernier scanner, ne correspond pas ni au certificat médical du 23 février 2017 produit aux débats et visant une protrusion discale, ni à la propre mention de ce médecin en page 1 de son argumentaire du refus de prise en charge par le service médical de la caisse de la protrusion discale L4L5.

Il s'en suit qu'il existe un doute sur le fait que les arrêts de travail prescrits pour protrusion discale L4 L5 doivent être pris en charge au titre de l'accident du travail du 1er février 2017.

Par ailleurs, le médecin conseil de la société fait valoir que la consolidation de l'état de santé du salarié à la suite de son accident du travail du 1er février 2017, a été fixée au 10 octobre 2017 sans séquelles indemnisables, alors même que le dernier certificat médical de prolongation de l'arrêt de travail date du 2 octobre 2017 et prescrit un arrêt jusqu'au 31 octobre suivant, de sorte qu'aucun élément clinique en lien avec l'accident initial, ne permet de dire que les arrêts de travail jusqu'à la date de consolidation du 10 octobre 2017 sont liés à l'accident.

Sur ce point, il résulte de l'argumentaire du médecin conseil de la caisse que le 29 septembre 2017, l'examen clinique était identique à celui du 24 mars précédent, à l'exception de la latéralité qui avait changé, malgré le repos, les antalgiques, les séances de kinésithérapie deux fois par semaine depuis 8 mois, et l'absence d'avis chirurgical, de sorte que la lombosciatalgie à bascule légère, même si elle n'était pas indemnisable au regard du guide barème, pouvait être considérée comme étant consolidée.

Néanmoins, la date de consolidation correspondant, par définition, au moment à compter duquel l'état de santé de la victime s'est stabilisé de sorte que les traitements médicaux ne sont plus susceptibles de l'améliorer, la fixation de la date de consolidation au 10 octobre 2017 à la suite de l'examen clinique du 29 septembre 2017 dont il est dit qu'il est superposable à celui du 24 mars précédent malgré les traitements prescrits pendant plusieurs mois, paraît en contradiction avec le fait que l'état de santé n'a pas évolué depuis le mois de mars 2017.

Il s'en suit qu'il existe également un doute sur le fait que les arrêts de travail prescrits après l'examen médical du 24 mars 2017, doivent être pris en charge au titre de l'accident du travail du 1er février 2017 alors que l'état de santé n'a plus évolué après cette date selon l'examen médical du 29 septembre 2017.

Ce doute est d'autant plus important qu' il ressort des derniers certificats médicaux de prolongation et de l'argumentaire du médecin conseil de la caisse, que le salarié est suivi par un psychiatre pour du stress que le professionnel associe à l'événement traumatique du 1er février 2017, alors que la caisse a refusé de le prendre en charge au titre de l'accident, de sorte que les arrêts de travail prescrits par ce psychiatre jusqu'au 31 octobre 2017 pourraient s'expliquer par un stress complètement étranger à l'accident.

En conséquence, la société [3] rapporte un commencement de preuve du caractère totalement étranger au travail des arrêts de travail postérieurs au 24 mars 2017. Il convient d'ordonner une expertise aux fins de vérifier les soins et arrêts de travail directement liés à l'accident du travail du 1er février 2017.

PAR CES MOTIFS,

 

La cour statuant publiquement par décision contradictoire avant-dire droit,

Ordonne une expertise judiciaire sur pièces ;

Désigne le docteur [I] [N]

demeurant: [Adresse 2]

pour accomplir la mission suivante :

- prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [X] [M], notamment celui établi par le service médical de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône;

- déterminer exactement les lésions initiales rattachables à l'accident du 1er février 2017 ;

- dire si l'accident a révélé ou a temporairement aggravé un état pathologique antérieur indépendant, et dans l'affirmative, dire à partir de quelle date cet état est revenu à son statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte;

- déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. [X] [M] suite à l'accident de travail du 1er février 2017 ;

- fixer la durée des soins et arrêts de travail en relation, au moins en partie, avec l'accident et la durée des soins et arrêts de travail exclusivement liés à une cause étrangère à l'accident ;

- fournir les seuls éléments médicaux de nature à apporter une réponse à la question posée;

Rappelle que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône doit communiquer à l'expert désigné le dossier de M. [X] [M] détenu par son service médical, sauf à la cour à tirer toutes les conséquences de son abstention ou de son refus;

Dit que la société [3] devra verser au service de la régie de la cour d'appel d'Aix en Provence [Adresse 1], dans les quinze jours du prononcé de la présente décision, une consignation de six cent cinquante euros (650 euros) à valoir sur les frais et honoraires de l'expert;

Dit que l'expert devra rendre son rapport dans le délai de trois mois suivant sa saisine ;

Désigne Dominique Podevin, présidente de chambre, pour suivre les opérations d'expertise;

Renvoie les parties à l'audience du

JEUDI 19 JANVIER 2023 à 09h00

aux fins de conclusions après dépôt du rapport d'expertise ;

Précise que le présent arrêt vaut convocation des parties;

Réserve la décision sur les autres demandes.

 

 Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/05455
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;21.05455 ?
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