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10/06/2022 | FRANCE | N°19/19996

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 10 juin 2022, 19/19996


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2022



N°2022/.















Rôle N° RG 19/19996 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFL6U





SAS [10] DITE '[11]'





C/



Organisme URSSAF PACA



MNC -











Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Isabelle RAFEL



- Me Jean victor BOREL









Décision déféré

e à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 12 Janvier 2017,enregistré au répertoire général sous le n° 21302623.





APPELANTE



SAS [10] DITE '[11]', demeurant [Adresse 12]



représentée par Me Isabelle RAFEL de la SCP INTER-BARREAUX VID...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 19/19996 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFL6U

SAS [10] DITE '[11]'

C/

Organisme URSSAF PACA

MNC -

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Isabelle RAFEL

- Me Jean victor BOREL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 12 Janvier 2017,enregistré au répertoire général sous le n° 21302623.

APPELANTE

SAS [10] DITE '[11]', demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Isabelle RAFEL de la SCP INTER-BARREAUX VIDAL-NAQUET AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean victor BOREL de la SCP BOREL / DEL PRETE & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Jenna BROWN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant Antenne de [Localité 8] - [Adresse 2] -[Adresse 3]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par la lettre d'observations en date du 27 septembre 2012, visant la communication du procès-verbal n°09133, établi le 19 août 2009, par la [6] à l'encontre de la société [10], dite [11], et l'article L.8271-8-1 du code du travail, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a notifié, pour la période du 01 janvier 2017 au 30 septembre 2009, un rappel total de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS de 2 441 876 euros en précisant que seront également réclamées les majorations de retard dues en application de l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale.

Après échanges d'observations, l'URSSAF a notifié à la société [11]:

* une mise en demeure en date du 26 décembre 2012, d'un montant total de 781 722 euros (dont 585 122 euros de cotisations et 196 600 euros de majorations) au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007,

* une mise en demeure en date du 27 décembre 2012, d'un montant total de 1 697 028 euros (dont 1 341 309 euros en cotisations et 355 819 euros en majoration) euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 et du 1er janvier au 31 décembre 2009

En l'état d'une décision implicite de rejet par la commission de recours amiable, devenue explicite le 23 octobre 2013, la société [11] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 15 avril 2013 puis le 27 février 2014.

Par jugement en date du 12 janvier 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône, après avoir joint les procédures, a:

* débouté la société [11] de sa contestation,

* condamné la société [11] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur les sommes de:

- 781 711 euros au titre des cotisations afférentes à l'année 2007, dont 196 600 euros au titre des majorations de retard,

- 1 697 028 euros au titre des cotisations afférentes aux années 2008 et 2009 dont 355 719 euros au titre des majorations de retard,

* débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [11] a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme non discutées.

Par arrêt en date du 1er juin 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé le jugement entrepris et statuant à nouveau a:

* annulé le redressement opéré sur la société [11] sur la base de la lettre d'observations du 27 septembre 2012 et les mises en demeure subséquentes des 26 et 27 septembre 2012,

* condamné l'URSSAF des Bouches du Rhône à payer à la société [11] les sommes de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* dit n'y avoir lieu à dépens.

Par arrêt en date du 19 décembre 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 1er juin 2018, entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour y être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Cet arrêt a par ailleurs condamné la société [11] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté la demande de la société [11] sur ce même fondement, et l'a condamnée aux dépens.

La société [11] a saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence en sa qualité de cour de renvoi le 24 décembre 2019.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 25 janvier 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [11] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer la nullité du redressement opéré par l'URSSAF ainsi que des mises en demeure en date des 26 et 27 décembre 2012.

A titre subsidiaire, elle lui demande de déclarer le redressement irrecevable comme atteint par la prescription.

A titre infiniment subsidiaire sur le fond, elle demande à la cour de:

* d'écarter des débats la pièce adverse n°12,

* déclarer le redressement opéré comme dépourvu de fondement,

* prononcer la nullité du redressement opéré par l'URSSAF ainsi que des mises en demeure en date des 26 et 27 décembre 2012,

Plus subsidiairement, elle lui demande de 'constater' que le redressement ne pourra porter sur les deux salariés dont la présence a été constatée le 29 avril 2009.

En outre, elle sollicite la condamnation de l'URSSAF au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et de celle de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, elle demande à la cour d'entrer en voie de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et de condamner l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur aux entiers dépens.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 25 janvier 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* dire que le redressement opéré est régulier et parfaitement fondé,

* débouter la société [11] de l'ensemble de ses demandes,

* condamner la société [11] au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

* sur la nullité de la procédure de redressement pour vice de forme:

- sur le moyen de nullité tiré de l'absence de signature par le directeur de l'organisme de recouvrement de la lettre d'observations:

Il résulte de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale que les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général ont compétence pour contrôler l'application des dispositions de ce code, et l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale définit les conditions dans lesquelles doivent s'effectuer ces contrôles.

Par ailleurs, les articles L.8271-1 et suivants du code du travail organisent la recherche et la constatation des infractions constitutives du travail illégal au nombre desquelles le délit de travail dissimulé, et les dispositions alors applicables de l'article L.8271-8-1 du code du travail (devenu L.8271-6-4) font obligation aux agents de contrôle, dont ceux de l'inspection du travail, de communiquer les procès-verbaux de travail dissimulé aux organismes de recouvrement qui procèdent à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues sur la base des informations contenues dans lesdits procès-verbaux.

Dans ce cas les dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables aux opérations ayant pour objet la constatation des infractions constitutives de travail illégal engagées sur le fondement des articles L.8271-1 du code du travail.

L'article R.133-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable, dispose que lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...).

Il résulte de ces dispositions une autonomie de la procédure de contrôle dite de droit commun fondée sur les dispositions de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale par rapport à celle qui l'est sur les articles L. 8271-1 et suivants du code du travail, conduisant les organismes de recouvrement à procéder à des redressements de cotisations pour travail dissimulé.

Les dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale s'appliquent donc aux contrôles engagés par les organismes de recouvrement sur le fondement de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et des textes pris en application alors même que le contrôle a conduit à la constatation d'infraction aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail.

Les dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ne sont en revanche pas applicables aux opérations ayant pour objet la recherche et la constatation d'infractions constitutives de travail illégal, engagées sur le fondement des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail.

Par conséquent, si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du code du travail est soumise, pour le recouvrement des cotisations qui en découle, à la procédure prévue par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, à la recherche des infractions susmentionnées aux seuls fins de recouvrement des cotisations afférentes.

L'appelante expose être une société de droit français, ayant pour activité le montage et le démontage d'échafaudages ainsi que de calorifugeage, et que pour faire face à un besoin de main-d'oeuvre, elle a eu recours aux services d'une société appartenant au même groupe qu'elle, la société [7], de droit polonais, qui lui a détaché, à titre gratuit et à but non lucratif, certains de ses salariés, en procédant pour chacun des détachements à une déclaration auprès de la Direction départementale du travail compétente. Après avoir fait l'objet de la part d'un inspecteur du travail de plusieurs contrôles au sein de ses différents établissements au cours desquels il a eu accès à tous les documents souhaités, sans que par la suite elle fasse l'objet d'une quelconque poursuite pénale, le 29 avril 2009, cet inspecteur du travail a, dans le cadre d'un nouveau contrôle, établi un procès-verbal n°09-133 en date du 19 août 2009, qui a été suivi d'une part d'une enquête pénale aboutissant à un classement sans suite en date du 08 septembre 2010 pour infraction insuffisamment caractérisée, et d'autre part d'un contrôle diligenté par l'URSSAF portant sur la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2009, ayant donné lieu à la lettre d'observations en date du 27 septembre 2012.

Elle soutient que le redressement ainsi opéré s'est situé dans le cadre de la procédure de travail dissimulé et des dispositions de l'article L.8271-8-1 du code du travail et que la lettre d'observations est irrégulière, les dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale n'ayant pas été respectées.

Elle relève que dans la lettre d'observations l'URSSAF indique se fonder sur le procès-verbal n°09-133 du 19 août 2009 et soutient que cette lettre et le contrôle litigieux n'ont été diligentés que sur la base du procès-verbal de l'inspection du travail, alors que le procès-verbal visé ne rapporte pas la preuve d'un travail dissimulé et que la lettre d'observations ne relève aucune constatation par l'inspecteur URSSAF de faits de travail dissimulés.

Elle en tire la conséquence que la lettre d'observations devait être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement alors qu'elle l'est par un inspecteur du recouvrement, et doit être annulée.

Elle précise que l'URSSAF a procédé également à un contrôle sur place le 15 février 2011, ayant donné lieu à une seconde lettre d'observations également en date du 27 septembre 2012, concernant l'établissement de [Localité 4], dans le cadre d'un contrôle ordinaire, sur le fondement du contrôle d'assiette, avec avis de passage ayant abouti à un redressement de 21 998 euros qui n'a pas été contesté.

L'intimée réplique que le contrôle diligenté par son inspecteur avait pour objet la recherche d'éventuelles infractions de travail dissimulé à l'encontre de la société appelante et pour finalité le redressement des cotisations sociales éludées par celle-ci, ce qui s'est traduit par la notification de la lettre d'observations dans la mesure où le contrôle a conduit à constater des faits de travail dissimulés et que ce contrôle s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L.243-8 du code de la sécurité sociale de sorte que l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale est inapplicable.

Elle ajoute que le contrôle réalisé par l'inspection du travail a abouti au constat d'une situation de travail dissimulé et que suite à la transmission du procès-verbal ainsi dressé, elle a alors procédé au contrôle de la société et réalisé ses propres investigations tout en s'appuyant sur les éléments transmis.

Elle soutient que la procédure de contrôle au titre de la recherche des infractions de travail dissimulé n'implique pas de facto la soumission aux dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale, dés lors qu'il faut distinguer selon que le redressement qui découle de ce contrôle repose uniquement sur l'exploitation d'un procès-verbal établi par un organisme qui lui est tiers, ou en partie sur l'exploitation d'un procès-verbal tiers et en outre sur les propres constatations de l'organisme de recouvrement des cotisations et contributions sociales, et que dans ce second cas, même si le contrôle s'inscrit dans le cadre de la recherche des infractions de travail dissimulé, les dispositions de l'article R.133-8 ne trouvent pas à s'appliquer et la lettre d'observations n'a pas à être signée par son directeur.

Elle ajoute que le raisonnement selon lequel l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale s'appliquerait dès l'instant où le contrôle en cause concerne une infraction de travail dissimulé, repose sur le postulat de base erroné, selon lequel le contrôle ayant pour objet la recherche d'infractions de travail dissimulé serait totalement en dehors du champ d'application de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale, et qu'il a été censuré par l'arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2019.

En l'espèce, la lettre d'observations du 27 septembre 2012, fait expressément référence dans son préambule, au procès-verbal n°9133 établi le 19 août 2009 par la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à l'encontre de la société appelante et à l'application des dispositions de l'article L.8221-8-1 du code du travail.

Il indique que l'établissement concerné est sis à [Localité 4] et que la 'période concernée par le dit procès-verbal et par notre contrôle' est du 01/01/2007 au 30/09/2009, il rappelle les dispositions de l'article L.244-3 du code de la sécurité sociale relatives à la prescription quinquennale en cas de constatation d'une infraction de travail illégal par procès-verbal établi par un agent verbalisateur.

La cour constate que la lettre d'observations distingue deux rubriques de faits:

'1-1 faits constatés et relatés par la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Bouches du Rhône dans le procès-verbal n°09-133",

'1-2 documents consultés et faits constatés lors du contrôle'.

Les parties s'accordent sur la circonstance d'une part d'un contrôle par l'inspection du travail ayant conduit à l'établissement du procès-verbal précité du 19 août 2009 et d'autre part sur un autre contrôle de l'URSSAF, mais divergent sur les circonstances de ce dernier et des suites qui en ont résulté.

La cour constate à l'examen comparatif de la lettre d'observations du 27 septembre 2012 et du procès-verbal n°09133 de l'inspection du travail que:

* dans la rubrique 1-1, la lettre d'observations reproduit textuellement la teneur des constatations relatées en pages 4 à 8 du procès-verbal dressé par l'inspecteur du travail dans la partie intitulée 'B) Élément matériel',

* dans la rubrique 1-2 relative aux 'documents et faits constatés lors du contrôle', sont listés uniquement:

- des documents consultés, dont une convention de détachement de personnel conclue entre la société [11] et la société [7] 'datée du 22 avril 2010",

- et au point 1.2.4 une vérification faite sur la situation de la société [7] ainsi rédigée 'le contrôle opéré a permis de constater que contrairement à la société [7], la société [7] s'est immatriculée en France sous le numéro (...) et a ouvert un compte employeur auprès de l'URSSAF du Bas-Rhin (...).

Il s'ensuit que la lettre d'observations est fondée à la fois sur le procès-verbal du 19 août 2009 et sur des éléments recueillis nécessairement postérieurement à ce dernier par l'inspecteur du recouvrement, puisque la convention de détachement précitée est postérieure au procès-verbal de l'inspecteur du travail.

Le redressement ne repose donc pas exclusivement sur le procès-verbal dressé par l'inspecteur du travail transmis à l'URSSAF et le contrôle diligenté par l'URSSAF n'avait donc pas pour objet la constatation, dans les conditions prévues aux articles L. 8271-1 et suivants du code du travail, d'infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du même code.

La circonstance que le contrôle ait pour support un procès-verbal de l'inspection du travail constatant un travail dissimulé est inopérante.

Dés lors, les dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables au contrôle litigieux et la lettre d'observations n'avait pas à être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement.

L'appelante est donc mal fondée en ce moyen.

- sur le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de forme de la lettre d'observations au regard des dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale:

Il résulte de l'alinéa 5 de l'article R.243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, que le document envoyé à l'employeur à l'issue du contrôle par l'inspecteur du recouvrement doit être daté et signé, mentionner l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle.

L'appelante soutient que la lettre d'observations est irrégulière faute de mentionner les documents consultés dans l'entreprise lors du contrôle et pour faire uniquement référence au procès-verbal de l'inspection du travail, qui n'était pas dans l'entreprise ni dans les mains du contrôleur lors de sa venue. Elle ajoute que l'intégralité du procès-verbal n'est pas reprise intégralement, ce qui constitue un manquement au principe du contradictoire entraînant la nullité du contrôle. Elle relève en outre qu'il n'y a pas eu d'envoi d'avis de passage.

L'intimée lui oppose d'une part que les dispositions de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale ne requièrent pas l'envoi d'un avis de passage dans les cas d'un contrôle effectué pour rechercher les infractions constitutives de travail dissimulé et qu'il résulte des dispositions des articles L.8271-8 et L.8113-7 du code du travail que l'inspecteur du recouvrement n'a pas l'obligation de transmettre le procès-verbal de constat de travail dissimulé au cotisant, ajoutant qu'il constitue une pièce de la procédure pénale, laquelle est distincte et autonome du redressement civil dans le cadre duquel la lettre d'observations a vocation à être notifiée à l'employeur, débiteur des cotisations sociales.

Elle souligne enfin que l'article R.243-29 du code de la sécurité sociale ne prévoit aucune sanction au non-respect des mentions obligatoires qu'il comporte et que le fait que le procès-verbal ne figurait pas dans la 'liste des documents consultés pour ce compte' n'a aucune incidence sur la garantie des droits de la défense du cotisant.

L'alinéa 1 de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale prévoit expressément que l'avis préalable au cotisant que les agents du recouvrement sont tenus d'envoyer préalablement au contrôle n'a pas à l'être dans les cas où le contrôle est effectué pour rechercher les infractions de travail dissimulé.

Par conséquent l'URSSAF n'avait pas, préalablement au contrôle litigieux, à adresser à la cotisante un avis de contrôle.

S'il est exact que la lettre d'observations ne comporte pas de liste spécifique des documents consultés, pour autant l'article R.243-59 ne prévoit pas de sanction à l'absence de celle-ci, et la cour constate que si la lettre d'observations litigieuse ne comporte pas un listing relatif aux documents consultés, pour autant les documents retenus pour fonder le redressement y sont indiqués avec précision et y sont analysés.

Le procès-verbal de l'inspection du travail est effectivement une pièce de la procédure pénale et, comme telle, régie par des règles de communication spécifiques.

Il ne peut donc être considéré qu'il y a eu un manquement au principe du contradictoire affectant la régularité de la lettre d'observations en ce qu'elle fait référence au procès-verbal de l'inspection du travail, non présenté par l'inspecteur du recouvrement lors de sa venue dans l'entreprise pour le contrôle, étant observé que la lettre d'observations qui reproduit en réalité la totalité des constatations effectuées par ce document, a été régulièrement notifiée à la société qui a eu ainsi connaissance des constatations effectuée par l'inspecteur du travail.

L'appelante est donc mal fondée en ce moyen.

* Sur fond:

- sur la prescription:

Dans sa rédaction applicable, antérieure au 1er janvier 2017, l'article L.244-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale disposait que la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi. En cas de constatation d'une infraction de travail illégal par procès-verbal établi par un agent verbalisateur, la mise en demeure peut concerner les cotisations exigibles au cours des cinq années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi.

Arguant que le contrôle serait un contrôle d'assiette classique, l'appelante soutient que la prescription applicable est en pareil cas triennale ce qui rend prescrit le redressement sur les années 2007 et 2008.

L'intimée lui oppose que la procédure de contrôle l'est pour travail dissimulé aux fins de recouvrement des cotisations sur le fondement de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale et que les règles de prescription propres au travail dissimulé s'appliquent, le fait que le procès-verbal de constat de travail dissimulé sur lequel se base la lettre d'observations n'ait pas fait l'objet de poursuites pénales n'ayant aucune incidence à cet égard.

La cour vient de juger que le contrôle de l'URSSAF ne repose pas exclusivement sur le procès-verbal dressé par l'inspecteur du travail transmis à l'URSSAF.

Pour autant, il repose aussi sur ce procès-verbal de constat de travail dissimulé dressé le 19 août 2009 et c'est sur la base de ce document ainsi que des éléments complémentaires recueillis par l'inspecteur du recouvrement dans le cadre du contrôle auquel il a procédé, que l'URSSAF a notifié à l'appelante d'une part la lettre d'observations du 27 septembre 2012, pour des cotisations et contributions afférentes aux années 2007, 2008 et 2009 d'un montant total de 2 441 876 euros, puis d'autre part :

* une mise en demeure en date du 26 décembre 2012, d'un montant total en cotisations de 585 122 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007,

* une mise en demeure en date du 27 décembre 2012, d'un montant total en cotisations de 1b 341 309 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 et du 1er janvier au 31 décembre 2009.

Il s'ensuit que la prescription applicable est la prescription quinquennale et que l'URSSAF n'est pas forclose à poursuivre le recouvrement des cotisations afférentes aux années 2007 et 2008.

- sur le bien fondé du redressement:

Alléguant à nouveau que le redressement se fonde exclusivement sur le procès verbal du 19 août 2009 dressé par l'inspection du travail, l'appelante, expose qu'il a fait l'objet d'un classement sans suite en octobre 2010 et souligne que l'URSSAF a accepté via son conseil, le 29 octobre 2013, de renoncer à une des prérogatives de la procédure de travail dissimulé relative au refus de délivrance des attestations de vigilance. Elle en tire la conséquence que si le redressement querellé ne se situe pas dans le cadre du travail dissimulé, l'URSSAF doit justifier du bien fondé de son redressement sans référence au procès-verbal du 19 août 2009.

Elle conteste toute force probante à la pièce 12 de l'URSSAF présentée comme le procès-verbal du 19 août 2009, motif pris que ce document n'est ni daté ni signé, ne fait pas état de constatations matérielles relatives au travail dissimulé, la seule constatation effectuée portant sur la présence de deux salariés de la société [7] sur un chantier, et en tire dans conséquence dans le dispositif de ses conclusions, que ce document doit être écarté des débats.

Elle soutient que l'URSSAF ne rapporte pas davantage la preuve de l'existence d'une infraction sur la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2009, n'ayant procédé à aucune investigation, et n'établissant ni l'élément matériel ni l'élément intentionnel du délit de travail dissimulé. Elle souligne que les salariés d'[7] ont reçu de la part de cette société un bulletin de paye, qu'ils ont été déclarés auprès de l'organisme de sécurité sociale polonais et bénéficient d'un contrat de travail.

Elle allègue avoir demandé et obtenu les attestations sociales et en tire la conséquence que la preuve de l'existence d'un travail dissimulé au sens des dispositions des articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail n'est pas rapportée alors que l'article L.8241-2 du code du travail autorise expressément les opérations de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif et que les conventions de détachement qu'elle a conclues avec la société [7] respectent les conditions posées par l'article L.8241-1 du code du travail.

Elle soutient que la jurisprudence européenne considère que le certificat E101 créé une présomption de régularité d'affiliation des travailleurs détachés au régime de sécurité sociale de l'Etat membre où est établie l'entreprise qui a détaché ses travailleurs, que la jurisprudence nationale a repris cette présomption de détachement et en tire la conséquence qu'en l'absence de fourniture de ces documents, l'URSSAF ne rapporte pas la preuve de la réalité du détachement invoqué.

Enfin, elle conteste l'existence d'un quelconque lien de subordination entre elle-même et les salariés détachés en son sein par la société [7], laquelle a toujours été responsable de leurs recrutements et des éventuelles procédures de rupture de leur contrat de travail comme de la détermination du travail à effectuer, a payé et déclaré les salaires et versé les charges en Pologne, ces salariés étant affiliés au régime de sécurité sociale polonais. Elle souligne que les salariés détachés bénéficiaient d'une carte européenne d'assurance maladie et soutient qu'ils se trouvaient, pendant la période de détachement, sous ses ordres ponctuels, conformément à la pratique de la convention de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif, à l'instar des salariés intérimaires.

L'URSSAF lui oppose que le procès-verbal de constat de travail dissimulé a une force probante, puis qu'en vertu de l'article L.8271-8 du code du travail il fait foi jusqu'à preuve contraire et que le seul fait que le document versé aux débats ne serait ni daté ni signé n'a aucune incidence puisqu'il s'agit d'une pièce transmise par l'agent verbalisateur en application de l'article L.8271-8-1 du code du travail, l'original daté et signé ayant été transmis au Ministère public qui en a autorisé la communication. Elle en tire la conséquence que les constatations matérielles opérées par l'inspecteur du travail y figurant font foi jusqu'à preuve contraire qui n'est pas rapportée par l'appelante, le classement sans suite ne permettant pas d'écarter les constatations matérielles y figurant.

Elle soutient que l'appelante est l'employeur véritable des multiples salariés prétendument détachés et reprend les constatations de l'inspecteur du travail lors de ses deux visites sur un chantier de la société en 2006 et en 2009, figurant sur la lettre d'observations, qui ne sont pas utilement contestées.

Elle souligne que le but de la convention de détachement n'est pas de sous-traiter une partie des chantiers de la société mais de mettre à sa disposition du personnel, les salariés détachés exécutant leur travail sous l'autorité de la société [11], dans le cadre d'un service uniquement organisé par elle.

Elle soutient que la réglementation relative au détachement n'était pas respectée en l'absence de production des certificats E101, de l'absence de démonstration du lien organique avant, pendant et après la période de détachement, alors qu'en fait, il est démontré que les salariés effectuaient un travail réel pour le compte exclusif de la société [11], dans une situation de subordination juridique, la qualification juridique donnée à cette mise à disposition de personnel (détachement à but non lucratif et intracommunataire) étant erronée puisqu'elle avait un caractère irrégulier.

Elle souligne que le prêt de main-d'oeuvre dont a bénéficié la société était structurel et permanent pour avoir porté sur la période d'avril 2006 à juillet 2009 sur un total de 1 806 jours ouvrés de travail pour 494 salariés détachés soit 97 321 heures de travail et un équivalent de 16 salariés détachés en permanence sur cette période, essentiellement sur le même chantier.

Elle soutient enfin que les salariés réellement employés par la société [11] devaient être affiliés au régime de sécurité sociale française, pour travailleur en France, soulignant qu'aucun certificat E101 faisant naître une présomption d'affiliation régulière du salarié détaché au régime de sécurité sociale de l'Etat membre d'envoi n'est produit par l'appelante et qu'ainsi l'infraction de travail dissimulé par dissimulation de salarié est matériellement constituée ce qui rend le redressement justifié en son principe. Elle ajoute que la caractérisation de l'élément matériel de l'infraction de travail dissimulé suffit à justifier sur le plan civil le redressement opéré.

La pièce 12 de l'intimée est constituée par des pièces dématérialisées comportant le procès-verbal dressé par l'inspecteur du travail et ses annexes.

Il est exact que le procès-verbal ne mentionne pas la date à laquelle il est clôturé et n'est pas davantage revêtu du paraphe de l'inspecteur du travail, dont le nom est par contre mentionné, comme le sont également les dates et les lieux des visites, ainsi que les dates des échanges entre cet inspecteur et la société. Les documents annexés sont constitués par les échanges entre l'inspecteur du travail et la société comportent par contre dates et paraphes et la cour constate que ces éléments corroborent en tous points les constatations relatées par l'inspecteur du travail à partir des documents transmis en réponse, dont le procès-verbal fait mention.

L'URSSAF justifie que dans sa réponse en date du 22 octobre 2013, le magistrat du parquet du procureur de la République prés le tribunal de grande instance de Tarascon, lui a indiqué avoir 'dû constater que le dossier archivé après classement sans suite le 8 septembre 2010 ne pouvait être retrouvé par les services du parquet' et qu'il 'ne dispose plus des pièces pénales (...).

Le procès-verbal dressé ayant été transmis dans le cadre des dispositions de l'article L.8271-8-1 du code du travail, faisant obligation aux agents de contrôle ayant dressé des procès-verbaux de travail dissimulé de les communiquer aux organismes de recouvrement, la circonstance que le procès-verbal transmis par voie dématérialisée, mais sur un document à l'entête officielle de la direction départementale du travail et de l'emploi et de la formation professionnelle des Bouches du Rhône, suffit à l'authentifier, la circonstance que les mentions manustrices, paraphe de son rédacteur et date, n'y figurent pas sur la dernière page étant inopérante à lui ôter un caractère probant, et ne pouvant justifier que ce document soit écarté des débats.

Il s'ensuit que les constatations effectuées par l'inspecteur du travail, mentionnées dans ce procès-verbal font effectivement foi jusqu'à preuve contraire, d'autant plus que les échanges et pièces jointes entre cet inspecteur du travail et la société, qui y sont joints, et en corroborent la teneur, la société ayant répondu le 3 octobre 2006 en visant en objet la visite de contrôle du 06/09/06.

Le procès-verbal de l'inspection du travail dont la teneur a été intégrée à la lettre d'observations fait mention:

* d'un contrôle sur site le 06 septembre 2016,

* d'une demande de communication de documents adressée à la société le 12 septembre 2006,

* de la réponse de la société du 17 octobre 2016 lui communiquant notamment la convention de détachement du personnel du 24 août 2006, dont la teneur est analysée par l'inspecteur du travail,

* d'une nouvelle visite de l'inspecteur du travail le 29 avril 2009 dans les locaux de la société au cours de laquelle l'inspecteur du travail a entendu deux salariés et le salarié de la société [11], responsable d'activité du site [9], et a eu remise à sa demande de documents (fiches de pointage du personnel), cette visite étant suivie de l'envoi par l'inspecteur du travail à la société [11], d'une 'mise au point' sur les pratiques de détachement de la société,

* de la réponse de la société réceptionnée le 25 juin 2009.

Les constatations effectuées par l'inspecteur du recouvrement, qui ont pour support le procès-verbal de l'inspection du travail, procèdent de l'analyse de documents consultés lors du contrôle, c'est à dire des relevés des décisions d'assemblées générales de la société contrôlée, et de deux conventions de détachement de personnel, conclues avec la société [7], respectivement les 24 août 2006 et 22 avril 2010.

La présence de salariés de la société [7] dans les locaux de la société [11] constatée par l'inspecteur du travail lors du contrôle sur site le 06 septembre 2006 n'est pas contestée, pas plus que ses constatations portant sur le fait qu'ils effectuaient un travail de découpe et de mise en forme de tôles minces, qui n'étaient pas différentes de celles confiées aux salariés de la société [11], et qu'ils utilisaient pour ce faire du matériel de cette société, ou que le seul représentant de l'encadrement présent était le chef d'atelier, salarié de la société [11].

De même, ne sont pas constestées, les constatations effectuées le 29 avril 2009 par l'inspecteur du travail, sur le site [9] à Ponteau, dans le secteur craqueur catalytique, au cours de laquelle il a noté la présence de deux ouvriers dont il cite les noms, en présence du responsable d'activité salarié de [11], ni les déclarations de ce dernier faisant état d'une équipe mixte [7]-[11] constituée de monteurs d'échafaudages, et que dans le travail à effectuer il n'opère aucune distinction entre les salariés de [7] et de [11] au sein du complexe [9].

La cour relève en outre que les fiches de pointage transmises par la société [11] à l'inspecteur du travail et annexées à son procès-verbal concernent à la fois du 'personnel intérimaire [7]' et du 'personnel organique' ce qui établit l'existence d'un contrôle par la société des heures travaillées par les salariés polonais.

Ainsi, les constatations matérielles établissent la présence dans les équipes de travail de la société [11] de salariés polonais, employés par l'entreprise de droit polonais, exécutant leurs tâches suivant les directives et sous la direction d'un salarié de la société [11], responsable du site, dans le cadre d'un service organisé.

Il est également établi et reconnu que la société [7] est une société de droit polonais, filiale de la société [11].

La convention de détachement de personnel en date du 21 août 2006, conclue entre les sociétés [11] et [7], qui mentionne que la mise à disposition l'est à titre gratuit, sans but lucratif, est certes légale, pour être prévue par l'article L.8241-2 du code du travail, mais insuffisante pour établir la régularité de la situation de détachement et par suite l'absence de délit de travail dissimulé.

Dés lors que des salariés étrangers, ressortissant d'un pays de l'Union européenne sont concernés, les règles commentaires applicables en l'espèce (règlement CEE n°1408/71du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et règlement CEE n°574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement précité), stipulent que:

* le salarié qui exerce son activité sur le territoire d'un Etat membre est soumis à la législation de celui-ci, même s'il est domicilié ou si son employeur a son siège dans un autre Etat,

* le certificat E101, dit certificat de détachement, délivré par l'autorité compétente de l'Etat membre dont la législation reste applicable atteste que le travailleur salarié demeure soumis à sa législation et indique jusqu'à quelle date.

Si l'inspecteur du travail a demandé par lettre en date du 06 juin 2006 à la société [11], de lui adresser notamment, la 'copie des justificatifs des certificats de détachements de la sécurité sociale pour les salariés affectés sur ce chantier (certificats E101)', pour autant la société ne justifie pas avoir satisfait à cette demande et la cour constate que nonobstant ses allégations, elle ne verse aux débats aucun certificat E101.

Or, seul ce type de document, devenu depuis le certificat A1, est de nature à établir la régularité de la situation de détachement en ce que la législation européenne tire de leur existence une présomption d'affiliation régulière du salarié détaché au régime de sécurité sociale de l'Etat membre d'envoi, les bulletins de paye polonais comme la pièce 36 de l'appelante, rédigée en polonais, présentée comme étant constituée par des 'attestations de cotisations des années 2007, 2008 et 2009" étant inopérants à établir la régularité des détachements des salariés de la société [7] employés sur son site.

La lettre d'observations mentionne notamment qu'il est procédé à la réintégration des cotisations dues par l'entreprise [11] du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, pour les motifs suivants:

'* l'analyse de la convention de détachement de personnel signée le 24 août 2006 entre la société [7] et la société [11] prévoit que les salaires, les frais et les cotisations correspondantes sont à la charge de l'entreprise d'origine qui se les fera rembourser par l'entreprise utilisatrice,

* le contrôle opéré auprès de la société [11] a permis de constater que celle-ci mentionnait dans ces décisions d'assemblées générales que la société [7] lui avait facturé dans le cadre de cette convention de prêt de main d'oeuvre à but non lucratif, respectivement:

- 1 272 581.15 euros au titre de l'exercice 2007,

- 1 475 494.39 euros au titre de l'exercice 2008,

- 2 279 580 euros au titre de l'exercice 2009,

* ces éléments sont globaux, qui ne permettent pas le cas échéant, d'effectuer la ventilation entre les salaires, les frais et les cotisations, sont confirmés par les factures présentées, ils servent de base aux réintégrations pratiquées pour les années 2007, 2008 et 2009, soit une régularisation pour les cotisations et contributions recouvrées d'un montant de 2 441 876 euros' (détaillée ensuite).

L'existence d'une relation de travail entre ces salariés polonais et la société [11] étant établie, l'assujettissement ainsi opéré est justifié en son principe, le travail dissimulé par dissimulation de salarié étant établi, la société [11] s'étant soustraite intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès de l'URSSAF.

L'appelante conteste le quantum du redressement opéré au motif que pour évaluer le montant des rappels de cotisations, l'URSSAF s'est fondée sur les dispositions de l'article R.242-5 du Code de la Sécurité Sociale, alors que l'organisme aurait dû appliquer une taxation forfaitaire dès lors qu'il n'est pas possible de procéder à un chiffrage réel des sommes à recouvrer à partir d'éléments probants.

L'URSSAF lui oppose que le redressement forfaitaire est une possibilité instituée à son bénéfice lorsqu'elle ne dispose pas d'éléments suffisants pour procéder à un redressement réel, alors qu'en l'espèce elle disposait des factures adressées par la société [7] à l'appelante, qui ne portaient que sur le montant de la rémunération versée aux salariés détachés, et de la durée d'emploi des travailleurs dissimulés, notamment grâce au procès-verbal de l'inspection du travail, ce qui lui a permis de procéder à un redressement après avoir reconstitué l'assiette des cotisations sur la base de ces facturations. Elle ajoute qu'elle a ensuite revu son chiffrage à la baisse en se fondant sur les éléments comptables supplémentaires produits par la société [11] dans sa réponse à la lettre d'observations.

L'article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale dispose effectivement que pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 3232-3 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté .

L'article R.242-5 du code de la sécurité sociale dont se prévaut l'intimée, stipule également que lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement.

Il s'ensuit que le principe applicable pour le redressement en cas de travail dissimulé est, contrairement à ce qui est allégué par l'appelante, celui d'un redressement sur les bases réelles des salaires versés et la circonstance que l'organisme de recouvrement a revu, à la baisse, le redressement initial pour tenir compte d'éléments comptables complémentaires communiqués dans le cadre de l'échange d'observations, est nullement contradictoire avec un redressement calculé sur des bases réelles.

L'appelante ne rapporte nullement la preuve que les bases retenues par l'organisme de recouvrement seraient erronées.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a condamné la société [11] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur les sommes de:

- 781 711 euros au titre des cotisations afférentes à l'année 2007, dont 196 600 euros au titre des majorations de retard,

- 1 697 028 euros au titre des cotisations afférentes aux années 2008 et 2009 dont 355 719 euros au titre des majorations de retard.

Le redressement et les mises en demeure étant justifiés, l'appelante ne peut utilement alléguer que l'URSSAF aurait commis une faute lui occasionnant un préjudice lié à l'atteinte portée à son image commerciale et à son crédit vis à vis de ses différents interlocuteurs, en procédant le 28 janvier 2013 à une inscription de privilège puis en omettant de faire porter sur cette inscription mention de son recours, générant selon elle une diminution de sa notation par la [5] qui'elle allègue être à l'origine de la diminution de son chiffre d'affaires, puis en exigeant la fourniture de cautions bancaires aux fins de lui délivrer les attestations de vigilance.

Le jugement entrepris qui l'a déboutée de ce chef de demande doit également être confirmé à cet égard.

Succombant en son appel et en ses prétentions la société [11] doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense en cause d'appel, ce qui justifie de lui allouer

la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

- Condamne la société [10] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la société [10] de l'ensemble de ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de la société [10] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [10] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 19/19996
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;19.19996 ?
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