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10/06/2022 | FRANCE | N°18/16777

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 10 juin 2022, 18/16777


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2022



N° 2022/ 201













Rôle N° RG 18/16777 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDHKP







[C] [W]





C/



SAS NATURAL CONCEPT















Copie exécutoire délivrée

le :10/06/2022

à :



Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON



Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 10 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00566.





APPELANTE



Madame [C] [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2022

N° 2022/ 201

Rôle N° RG 18/16777 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDHKP

[C] [W]

C/

SAS NATURAL CONCEPT

Copie exécutoire délivrée

le :10/06/2022

à :

Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON

Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 10 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00566.

APPELANTE

Madame [C] [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/00163 du 25/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Marie PELLAN, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SASU NATURAL CONCEPT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, M. Thierry CABALE, Conseiller de la chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022,

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par contrat de travail à durée indéterminée, Madame [C] [W] a été engagée par la Sasu Natural Concept, dont le président, Monsieur [S], est son ancien compagnon, en tant qu'assistante à temps plein à compter du 1er mars 2015.

Alors qu'elle était placée en arrêt de travail pour maladie ordinaire depuis le 30 mai 2016, la salariée a été convoquée, par lettre du 3 juin 2016, à un entretien préalable qui s'est tenu le 14 juin 2016 et qui a été suivi de la notification de son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec avis de réception du 27 juin 2016.

Le 13 juillet 2016, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon qui par jugement du 10 septembre 2018 a :

- dit et jugé fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Madame [W] [C],

- débouté Madame [C] [W] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la Sas Natural Concept de sa demande reconventionnelle,

- dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Le 22 octobre 2018, dans le délai légal, la salariée a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 3 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la salariée, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, demande à la cour de :

réformer / infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- juger les demandes de Madame [W] fondées et recevables,

en conséquence,

sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [W]

- juger le licenciement de Madame [W] abusif,

en conséquence,

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 8796 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 1466 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 146,60 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

sur le rappel de salaires

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 29320 euros bruts au titre du rappel de salaires pour la période d'août 2013 à mars 2015, en quittance ou en deniers,

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 2932 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaires pour la période d'août 2013 à mars 2015, en quittance ou en deniers,

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 855 euros nets au titre du rappel de l'indemnité légale de licenciement,

sur te manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de Madame [W],

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 2000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,

sur le travail dissimulé,

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 8796 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

en tout état de cause,

- condamner la société Natural Concept à verser à Madame [W] la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Clément Lambert,

- juger que les sommes précitées seront assorties des intérêts au taux légal et jusqu'à parfait paiement et capitalisation annuelle de ces intérêts, de droit lorsqu'elle est judiciairement demandée, à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes de Toulon,

- juger qu'à défaut de règlement spontané du solde et des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée pourra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 (portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96-1080 sur le tarif des huissiers) sera supporté partout succombant, en sus des frais irrépétibles et des dépens.

La salariée fait valoir que :

- du 19 au 30 mai 2016, elle n'a pas été en absence injustifiée dès lors qu'elle a exercé son droit de retrait prévu à l'article L 4131-1 du code du travail, ce dont elle a informé l'employeur par mail du 22 mai puis par courrier recommandé du 27 mai, à la suite de violences commises au domicile conjugal par le dirigeant de l'entreprise le 20 mai 2016, lesquelles ont donné lieu à un dépôt de plainte le jour même, à l'interpellation de l'auteur et à la condamnation de celui-ci par le tribunal correctionnel de Toulon le 27 juin 2017;

- sur la même période, elle a utilisé le véhicule de l'entreprise avec l'accord de l'employeur par mail du 31 mai, ce dernier ayant préalablement autorisé un usage personnel du véhicule; elle a proposé de payer l'amende pour un excès de vitesse commis le 26 mai;

- du 11 au 29 avril, contrairement à ce qu'indique un client par courrier du 15 juin 2016, elle n'a pas tenu des propos vulgaires et menaçants à l'encontre de celui-ci ni par téléphone ni par mail, ce dernier n'étant pas produit aux débats; des clients attestent de son comportement respectueux et professionnel;

- entre le 15 et le 17 mai, elle réfute avoir insulté le dirigeant et lui avoir craché dessus; nonobstant l'attestation contraire, leurs messages étaient cordiaux ce 17 mai;

- la vidéo non datée et qui n'a pas fait l'objet d'un constat par huissier, censée démontrer sa grossièreté, doit être écartée;

- son préjudice résulte des conséquences de la perte de son emploi, ne percevant que le revenu de solidarité active, et du contexte violent et vexatoire dans lequel elle est intervenue;

- elle prouve, notamment par des attestations et mails, que la relation de travail a débuté dès le mois d'août 2013 nonobstant son statut d'agent commercial à compter d'octobre 2013 et l'établissement de factures; elle est en droit de réclamer le paiement des salaires jusqu'en mars 2015; elle effectuait les tâches administratives pour le compte de la société et renseignait les clients;

- la dissimulation d'emploi résulte d'une relation salariale déguisée et de factures ne correspondant pas aux montants réels.

Par dernières conclusions du 2 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sas Natural Concept demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes et la condamner à lui verser une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur fait valoir que :

- le licenciement est justifié dès lors que :

. la salariée n'a jamais justifié de son absence du 19 au 30 mai 2016 en dépit de sa lettre de mise en demeure du 25 mai; elle ne peut prétendre en justifier au moyen d'une lettre datée du 27 mai 2016 qu'il n'a pas reçue par laquelle la salariée invoquerait, à mauvais escient, un droit de retrait, puisqu'elle n'y fait état que d'une dispute conjugale entre concubins en dehors de toute situation de travail présentant un danger pour sa santé;

. durant cette même absence injustifiée, la salariée a commis un autre manquement fautif en ayant utilisé et refusé de restituer un véhicule de l'entreprise qui n'était pas un véhicule de fonction ni de service et qui n'a été mis à disposition que de manière ponctuelle pour les nécessités du service;

. dans une lettre du 15 juin 2016, un client s'est plaint du comportement menaçant et vulgaire de la salariée qui, notamment, l'a traité de 'con';

. un voisin a été témoin d'autres faits fautifs, d'insubordination et de violences verbales et physiques, commis par la salariée sur le dirigeant de l'entreprise qu'elle a insulté et sur lequel elle a craché avant de le frapper au visage;

. une vidéo met en évidence le comportement grossier de la salariée qui casse tout dans l'entrepôt;

- l'existence d'une relation de travail sous lien de subordination en amont du contrat de travail à durée indéterminée n'est pas prouvée par l'appelante qui a été inscrite au registre du commerce et des sociétés en qualité d'agent commercial le 17 octobre 2013 et qui a établi des factures et a procédé à des encaissements jusqu'en juillet 2014, date à partir de laquelle elle a dû cesser son activité en raison de sa grossesse et de la naissance de son enfant;

- ses autres demandes ne sont pas fondées et aucun préjudice n'est démontré.

La clôture de l'instruction est intervenue le 4 mars 2022.

MOTIFS:

Sur l'existence d'une relation de travail du mois d'août 2013 au mois de février 2015 inclus:

Il convient de rappeler que le contrat de travail est constitué par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par le pouvoir qu'a l'employeur de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son salarié. Il en résulte que le lien de subordination juridique, critère essentiel du contrat de travail, est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Toutefois, il résulte des articles 1353 du code civil et L 1221-1 du code du travail qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, l'examen des éléments d'appréciation ne fait pas ressortir une apparence de contrat de travail entre les intéressés parallèlement ou non à une activité d'agent commercial que Madame [W] est présumée avoir exercée à compter du 17 octobre 2013 selon les mentions portées sur un extrait du registre spécial des agents commerciaux du 22 août 2017.

Afin de démontrer l'existence du lien de subordination qu'elle invoque, Madame [W], sur laquelle pèse la charge de la preuve, produit aux débats :

- un mail envoyé le 20 septembre 2013 à une adresse ne comportant d'autre nom que le sien auquel est accolé le numéro du département du Var, au sujet d'une carte de visite mentionnant, notamment, l'enseigne 'Stone by stone' et la société Natural Concept;

- des captures d'écran Facebook datées de novembre 2013, janvier 2014, mars 2014, juillet 2014, janvier 2015 relatives soit à des présentations publicitaires de 'Stone by stone'mentionnant pour certaines d'entre elles une équipe composée de ' [Z] et [L]' et le numéro de téléphone portable de cette dernière, soit à des commentaires de trois clients et aux réponses apportées par 'l'équipe Stone by Stone' dont une réponse rédigée par '[L]';

- un flyer ' Stone by stone' sur lequel sont inscrits deux numéros de téléphone portable dont le sien;

- au sujet de ce flyer et de l'enseigne, un échange de mails le 4 et le 28 octobre 2013 avec le même professionnel via la même adresse;

- un mail envoyé le 13 novembre 2013 sur sa même adresse 'cheryne83...' au sein duquel une conseillère clientèle professionnelle de la Société Marseillaise de Crédit l'assure de sa présence pour fournir des informations sur d'éventuels projets ou des demandes particulières;

- l'attestation d'un installateur de standard téléphonique pour la société Natural Concept qui indique avoir conclu un contrat avec son dirigeant et que lors de ses visites au sein de cette société sur la période de mai à septembre 2014, sans en préciser la fréquence, il a constaté que Madame [W], avec laquelle il a eu des échanges sur l'activité de l'entreprise sans plus de précision notamment temporelle, accueillait les clients, répondait au téléphone et aux mails des clients et fournisseurs, sans indiquer plus avant les circonstances qui lui auraient permis de réaliser de telles constations;

- l'attestation d'un client de la société Natural Concept qui relie Madame [W] à celle-ci du fait d'entretiens téléphoniques en 2016 au sujet de tarifs et de la livraison dans le cadre d'un achat de travertin; l'attestation, comparable, d'un autre client situant les échanges aux mois de février et mars 2016;

- les attestations de deux autres clients ayant eu des relations avec Madame [W] en tant que commerciale de ' Stone by stone' et/ou 'Natural Concept', qui ne contiennent aucune précision temporelle;

- des relevés relatifs à un compte de dépôt à vue ouvert à la Banque Populaire au nom de Madame [C] [W] qui confirment le versement, irrégulier, à des dates non fixes, de commissions de montants très variables, par la société Natural Concept en 2014, dont deux en mai, deux en juin, deux en juillet, alors que Madame [W] affirme elle-même que les virements concomitants au profit du compte personnel de Monsieur [S], qui pour la plupart représentent la moitié du montant versé à titre de commission, étaient destinés à lui procurer des revenus personnels en sus d'allocations Pôle Emploi lorsqu'il n'était pas encore dirigeant salarié de la société Natural Concept.

La preuve de l'existence d'un contrat de travail entre la Sas Natural Concept et Madame [W] sur tout ou partie de la période d'août 2013 à février 2015 inclus ne résulte pas de cet ensemble d'éléments, alors que pour sa part, l'intimée produit des documents dont la sincérité n'est pas sérieusement remise en cause et qui n'ont pas fait l'objet d'une quelconque procédure pour faux, desquels il ressort que des factures étaient établies au nom de Madame [W] en tant qu'agent commercial avec son numéro de Siret inscrit sur le registre spécial des agents commerciaux, dont des factures de commissions reliées à des clients distincts au cours de l'année 2014 émises à des dates irrégulières et pour des montants très variables, dont ceux portés au crédit du compte précité de Madame [W] au cours de la période de mai à juillet 2014.

Madame [W] sera donc déboutée de toutes ses demandes qui découlent de la reconnaissance d'une relation de travail entre les intéressés au cours de la période précitée, dont la demande de rappel de salaire et congés payés afférents, de solde d'indemnité légale de licenciement, et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé faute de preuve de l'intention de la société Natural Concept de dissimuler de l'emploi, cette preuve ne pouvant notamment résulter, en eux-mêmes, de virements effectués depuis le compte de Madame [W] à destination du compte personnel de Monsieur [S].

Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences indemnitaires :

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La lettre de licenciement fixe les limites des débats et doivent être examinés tous les griefs qui y sont énoncés, lesquels doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Dans la lettre de licenciement du 27 juin 2016 , les motifs s'énoncent en ces termes :

' Vous êtes salariée de notre entreprise depuis le 1er/03/2015 en qualité d'assistante.

Je vous ai convoquée à un entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le mardi 14/06/2016 à 10h00.

Lors de cet entretien, j'ai pu vous relater les griefs qui vous sont reprochés.

Malheureusement, vos explications n'ont pas été satisfaisantes.

Par conséquent, je me vois dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour les causes réelles et sérieuses suivantes, votre maintien dans l'entreprise étant devenu impossible.

Vous êtes absente de votre poste de travail depuis le 19/05/2016.

L'article 6 de votre contrat de travail précise que toute absence doit être justifiée dans les 48

heures.

Par courrier recommandé, je vous ai demandé de me justifier de la cause de votre absence.

Or vous ne m'avez transmis un arrêt de travail que pour la période du 30/05/2016 au 30/06/2016.

Ainsi, il n'y a aucun justificatif pour votre absence du 19 au 30/05/2016, soit 11 jours.

Cette absence injustifiée constitue d'autant plus une cause de licenciement, que pendant celle-ci vous vous êtes servie du véhicule de l'entreprise immatriculé CP 195 JW avec lequel vous avez commis un excès de vitesse le 26/05/2016 à 8h40.

Cette absence injustifiée est en fait le résultat d'un processus durant lequel vous vous êtes affranchie de votre statut de salarié pour petit à petit penser n'avoir de compte à rendre à personne.

A plusieurs reprises, oralement, je vous ai fait part de ces difficultés sans que vous n'ayez réagi.

Votre attitude irrespectueuse envers les clients et envers moi-même n'a fait qu'empirer au fil du temps et s'est accentuée de manière intolérable ces dernières semaines empêchant votre maintien dans l'entreprise.

Ainsi, et par exemple, les 11 et 29 avril 2016, vous avez tenu des propos vulgaires et menaçant à l'encontre de nos clients.

Vous l'avez traité de « con » et lui avez envoyé un e-mail insultant au point que celui-ci ne souhaite plus avoir affaire à vous.

Je suis donc contraint de traiter ses commandes directement puisque vous êtes la seule assistante et la seule salariée de notre petite structure.

De la même manière, M. [T], notre voisin professionnel a été témoin des faits entre le

15 et le 17 mai 2016 lors desquels vous m'avez insulté et craché dessus après que vous avez

appris que j'avais fait un geste commercial à un bon client.

Vos envolées grossières devant les clients ou les fournisseurs donnent une image désastreuse à notre société qui est en phase de croissance.

Lorsque vous n'êtes pas d'accord avec ma vision des choses, vous décidez de crier et de m'insulter ou alors tout simplement de quitter votre poste me laissant seul !

Votre maintien dans l'entreprise est devenu impossible.

En effet, votre attitude à mon égard et en général cause un grave dysfonctionnement mettant

en péril l'entreprise.

Les motifs évoqués justifieraient un licenciement pour faute grave.

Toutefois, votre licenciement n'est prononcé que pour causes réelles et sérieuses.

Votre préavis d'une durée d'un mois commencera à compter de la première présentation de la présente.

Toutefois, vous en êtes dispensée d'exécution de sorte que vous serez rémunérée alors que vous êtes dispensée de travailler...'

S'agissant de l'absence injustifiée du 19 au 30 mai 2016, la salariée ne conteste ni cette absence sur son lieu de travail ni l'absence d'arrêt de travail, arguant, d'une part, de la fermeture des locaux dont elle n'aurait pas eu les clés, ce qui ne s'évince pas des éléments d'appréciation sur la période concernée, d'autre part, à juste raison, de l'exercice du droit de retrait prévu à l'article L 4131-1 du code du travail qu'elle a de fait exercé en s'étant retirée d'une situation de travail dont elle avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé par peur d'une nouvelle atteinte à son intégrité physique voire à sa vie, ce qu'elle a exprimé dans un mail adressé le 22 mai 2016 au dirigeant de la société Natural Concept auprès duquel elle travaillait et auquel elle reprochait des violences exercées sur sa personne dans un contexte ravivé de violences conjugales l'ayant convaincue de devoir déposer plainte et ayant donné lieu à l'interpellation de celui-ci le 20 mai 2016, alors qu'il est constant qu'aux termes d'un jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Toulon du 27 juin 2017, dont le caractère définitif n'est pas utilement contredit, il a été condamné pour des violences commises en tant que concubin sur Madame [W] le 20 février 2016 et le 20 mai 2016. De plus, à la date à laquelle l'employeur a sollicité de la salariée qu'elle justifie de son absence par lettre du 25 mai 2016, le danger grave et imminent qu'elle redoutait n'avait pas disparu faute de mise en oeuvre de toute mesure de nature à dissiper ses craintes.

Concernant l'utilisation du véhicule de l'entreprise que l'employeur confirme avoir mis ponctuellement à la disposition de la salariée pour les besoins du service, il ressort, notamment, d'un mail envoyé à celle-ci le 31 mai 2015, qu'en raison de la situation personnelle et familiale des intéressés qui vivaient en couple avec un enfant commun, le représentant de la société Natural Concept l'autorisait à conserver le véhicule pour un usage nécessairement personnel, puisqu'il indiquait, après avoir été interrogé sur ce point par la salariée : ' La voiture ne urge pas, trouve une solution quand tu aura trouver on avisera', alors que l'employeur ne justifie pas du refus de restitution qu'il évoque. Quant à l'excès de vitesse inférieur à 20 km/h commis par la salariée le 26 mai 2016, l'employeur avait convenu par Sms qu'il s'agissait d'un fait sans gravité, la salariée ayant indiqué que le radar concerné était implanté sur l'itinéraire de la 'nounou'.

Par ailleurs, l'employeur invoque l'attestation d'un client qui reproche à la salariée une conversation téléphonique qu'il ne situe pas précisément dans le temps au cours de laquelle, confrontée à son mécontentement en raison d'une livraison qui ne le satisfaisait pas, elle lui aurait dit : 'Puisque vous voulez jouer au con'. Si ces termes sont inappropriés, force est d'observer qu'aucun autre fait se rapportant à un comportement déplacé de la salariée à l'égard de la clientèle n'est établi.

Quant au voisin professionnel qui ne décrit pas précisément les faits auxquels il aurait assisté et qui n'en précise nullement la nature s'agissant de 'violences verbales' et d'insultes, celui-ci indique de manière peu circonstanciée que la salariée a craché sur le dirigeant de l'entreprise et l'a frappé au visage 'mi-Mai', l'employeur complétant le témoignage en situant ces faits entre le dimanche 15 mai et le mardi 17 mai 2016 sans justifier du contexte qu'il invoque, soit le mécontentement de la salariée en raison d'un geste commercial accordé à un 'bon client', alors qu'il est plus probable que cet affrontement constituait une nouvelle altercation à caractère privé donnant lieu à des comportements agressifs réciproques dont les aspects les plus graves ont conduit à la condamnation pénale du représentant de l'employeur pour des faits commis aux mois de février et de mai 2016.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à défaut d'établissement d'un autre fait précis se rattachant au contenu de la lettre de licenciement et qu'en tenant compte des circonstances particulières dans lesquelles ils sont intervenus dans le cadre d'un conflit aiguë de nature privée, les quelques faits qui sont matériellement établis et imputables à la salariée, ponctuels et d'une gravité insuffisante, ne sauraient constituer la cause réelle et sérieuse fondant son licenciement.

Il convient donc de dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

En application des dispositions alors en vigueur de l'article L 1235-5 du code du travail, en tenant compte de son âge au moment de la rupture (trente-deux ans), de son ancienneté dans l'entreprise et de sa capacité à retrouver un emploi telle que celle-ci résulte des éléments d'appréciation, la somme de 3000 euros nets lui sera allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les intérêts courront sur cette somme à compter du présent arrêt et seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents:

En vertu des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

En l'espèce, la durée de préavis est d'un mois au regard de l'ancienneté de la salariée qui doit être déboutée de sa demande en paiement d'un reliquat d'indemnité compensatrice de préavis, soit d'un mois de salaire à hauteur de 1466 euros bruts, et de congés payés afférents, puisqu'elle se prévaut, à tort,d'une ancienneté d'au moins deux ans.

Sur l'obligation de sécurité:

La salariée invoque l'absence de visite médicale d'embauche et de congé maternité qu'elle semble relier à une relation de travail antérieure au mois de mars 2015 que la cour n'a pas retenue.

Le non-respect par l'employeur de l'obligation de sécurité ne résulte pas des éléments d'appréciation. La salariée ne justifie pas de son préjudice.

La salariée sera donc déboutée de cette demande.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi, de condamner l'employeur à payer à l'avocat de la salariée, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 2000 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide, étant rappelé que si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Sur les dépens:

Les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'employeur, partie succombante, et seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Sur les frais d'exécution:

Les frais et dépens afférents aux procédures d'exécution susceptibles d'être mises en oeuvre en vue de l'exécution d'une décision de justice sont étrangers aux dépens de l'instance qui a abouti à cette décision.

Le juge de l'instance principale ne peut pas se prononcer sur le sort des frais et dépens afférents à ces éventuelles procédures d'exécution, lesquelles relèvent de l'appréciation du juge de l'exécution.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Dit que l'existence d'une relation de travail antérieure au 1er mars 2015 entre Madame [C] [W] et la société Natural Concept n'est pas prouvée.

Dit que le licenciement de Madame [C] [W] est dénué de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Natural Concept à payer à Madame [C] [W] la somme de 3000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit que les intérêts courent sur cette somme à compter du présent arrêt et qu'il y a lieu à leur capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Condamne la société Natural Concept à payer à Maître Clément Lambert, avocat de Madame [C] [W], la somme de 2000 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide, étant rappelé que si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société Natural Concept aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 18/16777
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;18.16777 ?
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