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09/06/2022 | FRANCE | N°21/14814

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 09 juin 2022, 21/14814


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

SA

N° 2022/ 281













N° RG 21/14814 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIIBG







[Z], [I] [R]

SCI SAND CLUB





C/



Société JSC MEZHDUNARODNIY PROMYSHLENNIY BANK BANK

Société AGENCE POUR L'ASSURANCE DES DEPOTS DÉPÔTS



























Copie exécutoire délivrée r>
le :

à :



SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES



SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de NICE en date du 12 Octobre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/05830.



APPELANTS



Monsieur [Z...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

SA

N° 2022/ 281

N° RG 21/14814 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIIBG

[Z], [I] [R]

SCI SAND CLUB

C/

Société JSC MEZHDUNARODNIY PROMYSHLENNIY BANK BANK

Société AGENCE POUR L'ASSURANCE DES DEPOTS DÉPÔTS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES

SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de NICE en date du 12 Octobre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/05830.

APPELANTS

Monsieur [Z], [I] [R]

demeurant 260 Avenue de Gairaut - - Château de Gairaut - 06000 NICE

représenté par la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Anne-Jessica FAURE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SCI SAND CLUB, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis, Flamands - 97133 SAINT BARTHÉLÉMY

représentée par la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean-François QUIEVY, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEES

Société JSC MEZHDUNARODNIY PROMYSHLENNIY BANK placée en liquidation judiciaire par jugement du 7 décembre 2010 du Tribunal de Commerce de Moscou, prise en la personne de son liquidateur judiciaire,

23/1 Rue Bolshaya Dmitrovka - 125009 MOSCOU RUSSIE

représentée par la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Ela BARDA, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Société AGENCE POUR L'ASSURANCE DES DEPOTS ,4 rue Vysotskogo 109240 MOSCOU RUSSIE, ès qualités de liquidateur de JSC EZHDUNARODNIY PROMYSHLENNI Y BANK, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Ela BARDA, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par exploits d'huissier délivré les 28 et 29 septembre 2016, la société de droit russe JSC Mezhdunarodniy Promyshlennniy Bank (ci-après la banque MPB) et l'organisme public de droit russe Agence pour l'Assurance des Dépôts, ci-après DIA, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la banque, ont fait assigner respectivement la SCI Sand Club et Monsieur [Z] [R] devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins, notamment, de voir déclarer que ce dernier serait le véritable propriétaire de la Villa Saint Barthélémy, située à Flamands-97133 saint-Barthélémy, au nom de la SCI Sand Club.

Monsieur [R] a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice d'un incident tendant à voir constater la nullité de l'assignation introductive et à obtenir le sursis à statuer.

Par ordonnance du 12 octobre 2021, le juge de la mise en état a statué ainsi qu'il suit :

-déboute Monsieur [Z] [H] et la société Sand Club de leurs exceptions de nullité de l'assignation qui leur a été délivrée les 28 et 29 septembre 2016,

- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

-condamne Monsieur [Z] [H] et la société Sand Club in solidum à payer à la société JSC MEZHDUNARODNIY PROMYSHLENNIY Bank et à l'agence pour l'assurance des Dépôts, la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du C.P.C.,

- déboute Monsieur [Z] [H] et la société SAND CLUB de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

-condamne Monsieur [Z] [H] et la société Sand Club in solidum aux entiers dépens de l'incident, dont distraction au profit de Maître Maxime Rouillot,

- renvoie les parties à l'audience de mise en état qui se tiendra le 2 décembre 2021 (audience dématérialisée) pour conclusions au fond.

Le 18 octobre 2021, la SCI Sand Club et Monsieur [R] ont relevé appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 22 mars 2022, Monsieur [Z] [R] demande à la cour, sur le fondement des articles 3 du code civil, 117 et suivants, 378 et suivants, 789 et 795 du code de procédure civile, 4 du code de procédure pénale, de :

A titre principal,

-infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 octobre 2021 en ce qu'elle l'a débouté de son exception de nullité de l'assignation délivrée les 28 et 29 septembre 2016,

Statuant à nouveau,

-dire nulle et de nul effet l'assignation délivrée le 29 septembre 2016 à Monsieur [Z] [R] par Me [P] [O], huissier de justice à Villefranche sur mer, et le 28 septembre 2016à la société Sand Club par Me [S] [M], huissier de justice à Basse-Terre, en raison du défaut de pouvoir de l'organisme public Agence pour l'assurance des Dépôts,

A titre subsidiaire,

-surseoir à statuer dans l'attente des décisions à intervenir parmi:

-la décision définitive à intervenir à la suite de la demande d'arbitrage introduite par M. [Z] [R] contre la fédération de Russie le 21 septembre 2015,

-la décision à l'issue de la procédure pénale engagée par la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [Z] [R] entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris le 23 avril 2014, étant précisé qu'il devra être sursis à statuer soit jusqu'à l'intervention d'une ordonnance de non-lieu devenue définitive, le cas échéant; soit jusqu'à la décision définitive des juridictions de jugement, dans l'hypothèse où l'instruction pénale aboutirait à une ordonnance de renvoi,

En tout état de cause,

-confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a débouté la société MPB et son administrateur judiciaire, l'organisme public Agence pour l'assurance des Dépôts, de leur demande de réparation du préjudice prétendument subi du fait du caractère soit-disant tardif des arguments invoqués par M.[Z] [R],

-débouter les intimées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

-condamner les intimées à lui payer la somme de 20000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-les condamner aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 22 mars 2022, la SCI Sand Club demande à la cour de :

-la dire recevable et bien fondée en ses conclusions,

Y faisant droit,

Vu les articles 117 et suivants du code de procédure civile,

-infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté le moyen tiré de l'annulation de l'assignation,

-annuler l'assignation signifiée le 28 septembre 2016 à la société Sand Club, en ce qu'elle est affectée d'une irrégularité de fond à raison du défaut de pouvoir de l'organisme public Agence pour l'assurance des Dépôts pour agir en justice au nom de la société MPB que ce soit en qualité d'administrateur judiciaire ou en qualité de liquidateur judiciaire,

En tout état de cause,

-débouter la société MPB et l'organisme public Agence pour l'assurance des Dépôts de leur demande de réparation fondée sur l'article 118 du code de procédure civile,

-condamner in solidum la société MPB et l'organisme public Agence pour l'assurance des Dépôts à lui verser une indemnité de 20000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-les condamner in solidum aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 22 février 2022, la société de droit russe JSC Mezhdunarodniy Promyshlennniy Bank (ci-après la banque MPB) et l'organisme public de droit russe Agence pour l'Assurance des Dépôts (ci-après DIA), en sa qualité de liquidateur judiciaire de la banque MPB, demandent à la cour, sur le fondement des articles 113, 118, 125, 324, 378, 380, 559 et 795 du code de procédure civile, de :

A titre principal :

-confirmer l'ordonnance du jde la mise en état du tribunal judiciaire de Nice du 12 octobre 2012 en ce qu'elle a ébouté M. [Z] [I] [H] et la SCI Sand Club de leurs exceptions de nullité de l'assignation qui leur a été délivrée les 28 et 292016 ;

-dire et juger que 'appel formé par Monsieur [Z] [I] [H] contre le rejet de sa demande de sursis à statuer est irrecevable, et subsidiairement, confirmer 'ordonnance entreprise en qu'elle a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

-débouter Monsieur [Z] [I] [H] et la SCI Sand Club de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions en ce qu'ils sont contraires à ceux de l'organisme public "Agence pour l'assurance des dépôts" (DIA) et de la banque russe JSC Mezhdunarodniy Promyshlenniy Bank ;

A titre reconventionnel,

-condamner Monsieur [Z] [I] [H] et la SCI Sand Club au paiement 'une somme de 25.000 euros à l'organisme public "Agence pour l'assurance des dépôts" (DIA) et à la banque russe JSC Mezhdunarodniy Promyshlenniy Bank à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du caractère abusif de leur appel, sans préjudice d'une amende civile;

En tout état de cause,

-condamner solidairement Monsieur [Z] [I] [H] et la SCI Sand Club aux dépens, dont distraction au profit de Maître Romain Cherfils, avocat au Barreau d'Aixen- Provence, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

-condamner Monsieur [Z] [I] [H] et la SCI Sand Club à payer à la banque russe JSC Mezhdunarodniy Promyshlenniy Bank et à l'organisme public "Agence pour l'assurance des dépôts" (DIA) une indemnité de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022.

Motifs de la décision :

1-Sur la recevabilité de l'appel :

L'article 380 du code de procédure civile édicte que la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.

L'article 789 du code de procédure civile dispose, notamment, que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance.

L'article 795 du code de procédure civile énonce que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond. Toutefois elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer. Elles le sont également dans les 15 jours à compter de leur signification lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir.

En l'espèce, l'irrecevabilité de l'appel du chef de l'ordonnance ayant rejeté la demande de sursis à statuer est soulevée au motif que ldécision qui rejette une demande de sursis à statuer, sans trancher le principal, n'est pas susceptible 'appel immédiat, comme obéissant auprincipe général prévu par l'article 795 précité, qui ''qu'avec le jugement sur le fond.

Or, en lecture des textes précités, il apparaît que les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure sont susceptibles d'appel dans les quinze jours de leur signification.

Il n'est pas contestable que le sursis à statuer est une exception de procédure.

Il s'en déduit que l'appel immédiat de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis est recevable.

2-Sur la nullité des assignations délivrées les 28 et 29 septembre 2016:

Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

Le défaut de capacité d'ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

L'article 118 du même code énonce que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Enfin, selon l'article 119 de ce code, les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que la nullité ne résulterait d'aucune disposition expresse.

2-1: Sur les moyens spécifiques soulevés par la SCI Sand Club pour l'assignation délivrée à son encontre le 28 septembre 2016:

La SCI Sand Club poursuit la nullité de l'assignation introductive d'instance délivrée à son encontre le 28 septembre 2016 en ce qu'elle serait affectée d'une irrégularité de fond aux motifs d'une part, que DIA n'aurait pas la qualité de liquidateur de la banque MPB, d'autre part, que l'assignation ne mentionne pas l'organe représentant DIA.

Les intimées invoquent l'article 113 du code de procédure civile selon lequel tous les moyens de nullité contre des actes de procédure déjà faits doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été, faisant observer que ces deux moyens de nullité ont été soulevés tardivement et ne sont pas recevables au regard du texte précité.

Cependant, la cour, qui ne statue, en application de l'article 954 du code de procédure civile, que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, relève que dans le dispositif des dernières conclusions des intimées ne figure aucune prétention tendant à voir déclarer la SCI Sand Club irrecevable en ses moyens de nullité.

Dès lors, la cour examinera la pertinence de ces moyens.

En l'espèce, l'assignation du 28 septembre 2016 a été délivrée à la requête de:

1) JSC MEZHDUNARODNIY PROMYSHLENNIY BANK, société de droit russe, domiciliée 23/1 rue Bolshaya Dmitrovka, 125009 Moscou, Russie, placée en liquidation judiciaire par jugement du 7 décembre 2010 du Tribunal de Commerce de Moscou, prise en la personne de son liquidateur judiciaire,

et

2)L'organisme public Agence pour l'assurance des dépôts, entité publique de droit russe, domiciliée 4 rue Vysotskogo, 109240 Moscou, Russie, ès qualité de liquidateur de JSC MEZHDUNARODNIY PROMYSHLENNIY BANK, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Il est soutenu, en premier lieu :

-que DIA n'aurait pas la qualité de liquidateur judiciaire de la banque MPB et que la mention, dans l'assignation du 28 septembre 2016, de DIA « ès-qualité de liquidateur », et de la banque agissant « en la personne de son liquidateur » traduirait un abus de titre;

-que le jugement du tribunal de commerce de Moscou du 30 novembre 2010 n'a pas placé la banque MPB en « liquidation judiciaire » et n'a pas désigné DIA en qualité de « liquidateur », mais que selon la traduction produite aux débats par les intimées, ce tribunal a ouvert « une procédure de faillite » à l'encontre de la banque et a désigné DIA comme son « administrateur judiciaire ».

Néanmoins, il ne fait aucun doute que le tribunal de commerce de Moscou a, par son jugement du 30 novembre 2010, investi DIA du pouvoir de représentation de la banque.

Ainsi que le font valoir les intimées, une traduction erronée de la qualification de l'organisme représentant de la banque ne suffit pas à caractériser un défaut de qualité ni de pouvoir, ni encore à considérer que l'acte délivré par celui-ci serait vicié.

Par ailleurs, bien qu'elles admettent que la procédure de faillite russe n'ait pas d'équivalent en droit français, les intimées observent, à juste titre, que cette procédure collective s'apparente à une liquidation judiciaire.

Elles invoquent l'avis juridique émis par le professeur [E], selon lequel : "Le 7 décembre 2010, le tribunal de première instance a statué sur la procédure de faillite de la banque et l'ouverture à ce titre d'une procédure d'insolvabilité, appelée « mise en faillite ». En bref, l'essence d'une mise en faillite a pour fin ['] de répartir les actifs de la société en faillite ['] entre ses créanciers dans l'ordre de priorité établi par la loi russe relative à la faillite ; à l'issue de la procédure,liquider la société en faillite et mettre un terme à son existence »

Dès lors, aucune irrégularité de fond n'est démontrée de ce chef.

Il est soutenu, en second lieu, que l'assignation litigieuse encourrait aussi la nullité à raison de l'absence d'indication de l'organe représentant DIA.

Cependant, il est constant que le défaut de mention de l'organe ne constitue pas une irrégularité de fond mais un vice de forme qui exige, en application de l'article 114 du code de procédure civile, la démonstration d'un grief de la part de la partie qui s'en prévaut, sans qu'il y ait lieu de distinguer, pour qualifier la nullité, selon que le défaut d'une telle mention concernerait une société française ou étrangère.

Or, la SCI Sand Club ne justifie d'aucun grief, alors même que la mention du nom de la personne physique exerçant les pouvoirs de représentant n'est pas exigée.

Dès lors, aucune nullité n'est encourue.

2-2: Sur la nullité des assignations délivrées les 28 et 29 septembre 2016 à l'encontre des appelants :

La nullité des assignations délivrées les 28 et 29 septembre 2016 est soulevée au motif d'un défaut de pouvoir de DIA comme représentant de la banque MPB, tiré du défaut d'exequatur en France du jugement d'ouverture du 7 décembre 2010 et des décisions subséquentes, ainsi que des violations des règles procédurales de droit russe affectant la validité des pouvoirs de DIA et de l'absence de régularisation de la cause de nullité alléguée.

Il est constant que par un jugement rendu les 30 novembre 2010 et 7 décembre 2010 par le tribunal de commerce de Moscou, la banque MPB a été déclarée en état de cessation des paiements, une procédure de faillite à son encontre a été ouverte pour une période d'une année et l'organisme DIA a été désigné comme représentant légal de la banque.

Il est soutenu que :

-la décision du 15 juillet 2016, par laquelle la prorogation des pouvoirs de DIA a été ordonnée pour la période allant du 7 juin 2016 au 7 décembre 2016, a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Moscou pour avoir été ordonnée à juge unique,

-par arrêt du 8 septembre 2016, cette cour d'appel a annulé la décision du tribunal de commerce.

-le recours introduit contre cette décision devant la cour suprême a été rejeté selon du 19 décembre 2016.

-la décision d'annulation est donc définitive;

-le tribunal de commerce de Moscou devant lequel l'affaire a été renvoyée, a, par une décision collégiale du 14 décembre 2016, prorogé rétroactivement et de manière irrégulière le délai de la liquidation judiciaire pour une durée de six mois, du 7 juin 2016 au 7 décembre 2016, période durant laquelle les assignations contestées ont été délivrées.

-la violation des règles procédurales de droit russe (décisions prises à juge unique et non en collégialité, prorogations irrégulières) affecte la validité des pouvoirs de DIA.

Les parties s'accordent pour dire que la procédure collective ouverte à l'égard de la banque et la régularité de la désignation de DIA comme administrateur judiciaire sont soumises au droit russe, dont les parties présentent à la cour les dispositions applicables.

En revanche, les appelants soutiennent que la question de l'opposabilité ou de l'inopposabilité des pouvoirs, sur le territoire français, du liquidateur étranger à défaut d'exequatur de la décision de faillite étrangère est régie par le droit international privé français.

Selon les appelants :

-les règles relatives à la désignation de l'administrateur judiciaire sont fixées par les articles 15 alinéa 3,17 alinéas 1 et 2, 223 alinéa 2 et 270 alinéas 4 et 5 du code de procédure commerciale de la fédération de Russie, et elles instaurent la collégialité.

-les règles relatives à la durée de la procédure d'insolvabilité sont fixées par la loi fédérale du 26 octobre 2002, et en particulier, par l'article 124 de cette loi,

-les règles fixant la sanction de l'irrégularité des décisions de nomination et de prorogation des pouvoirs de l'administrateur judiciaire reposent sur l'article 129 alinéa de la loi fédérale du 26 octobre 2000, l'article 32 de la loi sur la faillite et l'article 189. 58 de cette loi.

Ils affirment qu'au cas d'espèce, ces dispositions n'ont pas été respectées en ce que:

-à partir du 9 juillet 2012, toutes les décisions de la procédure collective, hormis la décision initiale du 7 décembre 2010, et notamment les décisions ordonnant les prorogations de la désignation de DIA, ont été prises à juge unique, alors que la collégialité est la règle;

-la décision du tribunal de commerce du 15 juillet 2016, par laquelle a été ordonnée la prorogation de la mission et du pouvoir de représentation de DIA pour la période du 7 juin 2016 au 7 décembre 2016, a été annulée par l'arrêt rendu les 8 et 15 septembre 2016 par la cour d'appel de commerce de Moscou, contre lequel le recours formé devant la cour suprême a été rejeté selon arrêt du 19 décembre 2016, rendant ainsi définitive la décision d'annulation des 8 et 15 septembre 2016.

Les appelants se réfèrent également à l'analyse de la procédure faite par M. [Y] [U], avocat au barreau de Moscou, docteur en droit, selon laquelle les jugements prononcés par le « tribunal » siégeant de façon irrégulière à juge unique, sont dépourvus de force juridique et sont donc nuls.

-les pouvoirs de DIA ont été interrompus: chaque décision de prorogation devant intervenir avant l'expiration de la précédente période alors qu'en l'espèce, l'audience relative à la poursuite de la procédure d'insolvabilité de la banque s'est tenue le 17 janvier 2012, soit plus de six semaines après l'expiration du délai imparti, de même que toutes les décisions de prorogation de la procédure collective.

Ils en déduisent la nullité de l'assignation introductive d'instance délivrée par DIA, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la banque MPB, le 28 septembre 2016 contre la SCI Sand Club et le 29 septembre 2016 contre Monsieur [R], soit à une période où DIA n'avait pas de pouvoirs par l'effet de l'annulation définitive de la décision de prorogation

Cependant, les intimées objectent que les pouvoirs de DIA ne sont pas conditionnés à l'exequatur des jugements d'ouverture et de prolongation de la procédure collective russe.

Cela étant, il est constant que le jugement russe des 30 novembre 2010 et 7 décembre 2010 n'a pas fait l'objet d'une procédure d'exequatur en France et, de ce fait, il ne peut produire aucun effet de dessaisissement de la débitrice, ni de suspension des poursuites individuelles.

Néanmoins, les jugements étrangers dépourvus d'exequatur sont dotés de l'effet de titre et bénéficient d'une force probante permettant à un syndic étranger de se prévaloir de sa qualité dès lors qu'il produit le jugement étranger le désignant dans ses fonctions.

En effet, le liquidateur dispose du pouvoir d'ester en justice au nom de la société étrangère en faillite, en l'absence d'exequatur du jugement ayant prononcé la faillite

Il est soutenu que l'effet de titre du jugement d'ouverture de la procédure collective serait limité et ne serait reconnu qu'à une double condition :

-le mandat conféré au syndic par le tribunal étranger ne doit pas être contesté par le tiers à qui il est opposé,

-le syndic ne doit pas mettre en oeuvre d'actes d'exécution du jugement de faillite sur le territoire français.

Or, la première condition dont se prévaut Monsieur [R] repose sur une jurisprudence ancienne, non reprise dans l'ensemble des arrêts récents cités par les intimées.

Par ailleurs, DIA a été désigné en qualité de liquidateur par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire des 30 novembre 2010 et 7 décembre 2010, rendu par une formation collégiale du tribunal de commerce de Moscou, ce qui n'est pas discuté.

Or, ce jugement n'a, à ce jour, fait l'objet d'aucun recours.

Selon l'article 127 de la loi fédérale russe du 26 octobre 2002 sur la la faillite, lors de la mise en faillite d'un débiteur et de l'ouverture d'une liquidation judiciaire, le tribunal de commerce nomme un liquidateur judiciaire selon les modalités prévues à l'article 45 de la loi fédérale par le biais d'une ordonnance. Cette ordonnance est immédiatement exécutoire et ne peut faire l'objet d'un recours.

Aux termes de l'article 189.68 §4 de cette loi, le liquidateur judiciaire prend ses fonctions à partir de la date du jugement de mise en faillite d'un établissement de crédit et d'ouverture d'une liquidation judiciaire rendu par le tribunal de commerce et agit en cette qualité jusqu'à la date d'enregistrement de la liquidation de l'établissement de crédit au registre d'état unifié des personnes morales.

A l'aune de ces textes, les intimées déduisent justement que DIA « trouve la source de ses pouvoirs dans le jugement d'ouverture ».

En outre, DIA ne cherche nullement à exercer, sur le territoire français, le moindre acte d'exécution forcée sur les biens de la banque faillie, ni à faire produire au jugement déclaratif de faillite, qui n'a pas fait l'objet d'une procédure d'exequatur, des effets à l'égard des personnes ou des biens sur ce territoire.

Ceci est contesté par Monsieur [R] qui fait référence à un jugement rendu le 30 avril 2015, l'ayant condamné à payer à DIA, ès-qualité, des dommages-intérêts aux termes d'une action en responsabilité subsidiaire.

Néanmoins, il n'est pas établi qu'au moyen de l'action en simulation, DIA chercherait à exécuter ce jugement, qui ne pourra l'être que lorsqu'il aura fait l'objet d'une procédure d'exequatur en France.

Il s'en déduit que la deuxième condition invoquée par Monsieur [R] est remplie.

Il n'est donc pas démontré à ce stade que l'absence d'exequatur du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la banque, et des décisions subséquentes, ait une incidence sur les pouvoirs d'action, sur le territoire français, de DIA en sa qualité de représentant de la société faillie.

Les intimées affirment ensuite que les décisions de prolongation de la procédure de liquidation judiciaire de la banque sont sans effet sur les pouvoirs du liquidateur.

Elles se fondent sur la loi fédérale russe sur la faillite et, en particulier, sur l'article 189.68§4 précité, sur la résolution n°35 du 22 juin 2012 de la cour suprême de commerce de la fédération de Russie, mais également sur les consultations établies par les professeurs [Y] [E] et [C] [A] [W].

Monsieur [H] considère que l'interprétation du droit russe proposée par ces professeurs est erronée et sujette à caution en raison de leur lien de subordination avec l'Etat russe.

Selon le professeur [E], « les pouvoirs du liquidateur judiciaire découlent du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la banque (et non des décisions de prolongation de la période de liquidation judiciaire) ».

Selon le professeur [W], « la déclaration par le tribunal de la faillite d'une banque entraîne la cessation des pouvoirs de son gérant et de ses autres organes de gestion. Par ailleurs, tous les pouvoirs des organes de gestion de la banque sont transférés au liquidateur judiciaire ».

Or, DIA a été nommé liquidateur par jugement prononcé le 30 novembre 2010 et rendu le 7 décembre 2010, par une formation collégiale du tribunal de commerce de Moscou.

L'analyse proposée par Messieurs [E] et [W] est également confirmée par deux décisions rendues les 13 juin et 16 juillet 2019 par le tribunal de commerce de Moscou.

Cependant, les parties sont contraires sur l'autorité de la chose jugée attachée à ces décisions tandis que Monsieur [R] affirme qu'il s'agit de jugements de pure complaisance, rendus à l'occasion d'affaires où le tribunal de Moscou était à la fois juge et partie.

Or, en dépit des critiques qui sont formulées à leur égard, il n'apparaît pas que ces décisions de première instance soient contraires au droit positif russe, et en particulier à l'avis n°35 du 22 juin 2012 de la cour suprême commerciale russe, examiné ci-dessous, pas plus qu'à l'article 127 §2 de la loi sur la faillite, selon lequel « le liquidateur judiciaire exerce ses fonctions jusqu'à la date de la liquidation judiciaire ou jusqu'à l'arrêt de la liquidation judiciaire ».

Monsieur [R] se prévaut, par ailleurs, d'un arrêt, dit Znatny Master, rendu le 4 octobre 2012 par la cour suprême commerciale de la fédération de Russie, selon laquelle un administrateur judiciaire qui n'avait pas pu produire une décision de prorogation régulière de la procédure d'insolvabilité, n'avait pas pu contraindre un tiers à lui communiquer des documents relatifs au bien du débiteur, ce dont il déduit que « sans une décision de prorogation régulière, l'administrateur judiciaire ne peut valablement agir ».

Dans la consultation qu'il a rédigée, produite aux débats, le professeur [F] confirme l'interprétation de cet arrêt.

Or, les intimées proposent une lecture différente de cet arrêt, considérant, à l'inverse de Monsieur [R], que la décision Znatny Master démontre le bien-fondé de leur argumentation.

Elles font valoir que dans cette affaire, alors même que la liquidation judiciaire n'avait pas été régulièrement prolongée, le liquidateur demeurait recevable à introduire une action pour le compte de la société en faillite, précisant que la décision ne s'était pas prononcée expressément sur la question de savoir si les pouvoirs du liquidateur pour représenter la société en liquidation devant la justice avaient pris fin ou non, car une telle question n'avait pas été soumise à la cour par les parties.

Les décisions de justice précitées des 13 juin 2019 et 16 juillet 2019 sont fondées sur la résolution n° 35 du 22 juin 2012, de l'assemblée plénière de la cour suprême de commerce de la fédération de Russie, citée comme référence par l'ensemble des parties, et à propos de laquelle la SCI Sand Club indique qu'elle est « la plus haute juridiction commerciale russe, dont l'une des fonctions consiste à émettre des directives impératives s'imposant aux juridictions inférieures ».

Selon cette résolution interprétative de l'article 127 alinéa 2 de la loi de la faillite : « En soi, l'expiration du délai de liquidation judiciaire elle-même n'entraîne ni le terme de la procédure de liquidation, ni la cessation des pouvoirs du liquidateur judiciaire qui continue de conserver ses pouvoirs, notamment dans la gestion de biens du débiteur (y compris le droit de gérer le compte du débiteur) ».

Or, il n'est pas établi, ni même allégué, qu'une décision de justice aurait retiré les pouvoirs de liquidateur judiciaire de DIA, ou aurait clôturé la procédure de liquidation.

Dans les jugements précités des 13 juin et 16 juillet 2019 du tribunal de commerce de Moscou, juridictions inférieures appliquant la résolution de la cour suprême, il a précisément été jugé :

« En conformité avec le point 50 paragraphe 3 de la décision n° 35 du 22 juin 2012 du plénum de la cour suprême commerciale de la fédération de Russie, en soi... -suit la reprise de la motivation ci-dessus reproduite-.

Dans les affaires de faillite, les jugements ultérieurs du tribunal visant à proroger la procédure de liquidation judiciaire n'impactent pas les pouvoirs du liquidateur judiciaire, car ces actes judiciaires ne font que proroger la durée de la procédure de faillite. Les pouvoirs du liquidateur judiciaire sont établis par la décision initiale du tribunal déclarant le débiteur en faillite et non le jugement de prolongation de la procédure de liquidation judiciaire dont la présence ou l'absence n'affecte pas les pouvoirs du liquidateur judiciaire ».

Du reste, la SCI Sand Club ne conteste pas qu'en droit russe, les pouvoirs de l'administrateur judiciaire ne cessent pas du fait de l'absence de décision de prorogation ou de l'irrégularité de celle-ci.

Elle affirme cependant que la résolution de la cour suprême aurait une incidence sur « l'étendue » des pouvoirs de l'administrateur et se prévaut de la consultation du professeur [G] [F], qui proposant une distinction entre les pouvoirs actifs et les pouvoirs passifs de l'administrateur judiciaire, en conclut que faute de décision de prolongation, l'administrateur ne conserverait que des pouvoirs passifs, dont ferait partie celui de gérer les biens du débiteur, et non des pouvoirs actifs, comme celui d'exercer une action judiciaire ou une revendication à l'égard d'un tiers.

L'analyse de Monsieur [F] est confirmée par celle de Monsieur [U].

Néanmoins, cette distinction, contestée par les intimées, ne résulte nullement de la résolution de la cour suprême.

Monsieur [H] propose également une interprétation de la résolution n°35 contraire à celle des intimées.

Il se fonde sur cette partie de la motivation :

« Pour déterminer ou prolonger une période de liquidation judiciaire, le tribunal doit simultanément fixer une audience pour statuer sur la question de sa prolongation ou de sa fin. Elle devra se tenir avant l'expiration de la période de liquidation judiciaire, en cas de prolongation de la période, la nouvelle période commence à courir à compter de l'expiration de la précédente. Dans le cadre de ladite audience, qui réglera la question relative à la prolongation ou la fin de la liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire doit préalablement (paragraphes 3 et 4 de l'article 65 du code de procédure commerciale de la fédération de Russie) envoyer au tribunal et aux parties à l'affaire de la faillite un rapport, conformément aux dispositions des articles 143 ou 149 de la loi sur la faillite. Le jugement du tribunal de prolonger la durée de la liquidation judiciaire doit être motivé (paragraphe 3 de l'article 15 du code de procédure commerciale de la fédération de Russie) ».

Néanmoins, et ainsi que le soutiennent les intimées, sauf à considérer que la cour suprême commerciale de la fédération de Russie se soit contredite dans la même décision, il sera observé que la motivation retenue dans le paragraphe ci-dessus évoque exclusivement la prolongation de la liquidation judiciaire et non celle des pouvoirs du liquidateur.

Il n'est donc pas établi, au regard de l'ensemble des éléments ci-dessus, reposant sur le droit positif russe, que décisions de prolongation de la procédure de liquidation judiciaire aient le moindre effet sur les pouvoirs du liquidateur, ces décisions se limitant à augmenter a durée de la procédure de liquidation judiciaire.

En toute hypothèse, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Moscou du 14 décembre 2016, siégeant en collégialité, a ordonné une deuxième prolongation de la liquidation judiciaire entre juin et le 7 décembre 2016, couvrant la période durant laquelle les assignations litigieuses ont été délivrées.

Or, bien que critiquée par Monsieur [R], il n'est pas établi que cette décision ait fait l'objet d'une annulation ou d'une infirmation.

En définitive, il apparaît que DIA a conservé ses pouvoirs de représentation de la banque MPB, de sorte qu'elle a valablement fait assigner les 28 et 29 septembre 2016 Monsieur [R] et la SCI Sand Club.

Dès lors, l'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu'elle débouté Monsieur [R] et la SCI Sand Club de leur exception de nullité des assignations introductives d'instance délivrées à leur encontre.

3-Sur le sursis à statuer :

L'article 378 du code de procédure civile énonce que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

Au cas particulier, le sursis à statuer est sollicité dans l'attente, d'une part de la sentence arbitrale en suite de la procédure introduite le 21 septembre 2015 par Monsieur [R] contre la fédération de Russie, devant la cour permanente d'arbitrage, d'autre part, de l'issue de la procédure pénale mise en mouvement sur une plainte avec constitution de partie civile déposée par Monsieur [R] le 23 avril 2014 devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris .

3-1 : Hors les cas où le sursis est prévu par la loi, les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'un sursis à statuer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

En l'espèce, il est constant que Monsieur [R] a introduit le 21 septembre 2015, vertu du règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international de 1976, une procédure arbitrale contre la fédération de Russie, à laquelle il fait grief d'avoir méconnu ses obligations tirées du traité bilatéral sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Les intimées affirment que la demande de sursis est dépourvue d'objet car la procédure d'arbitrage serait actuellement terminée.

Il est vrai que le tribunal arbitral s'est déclaré incompétent par une décision du 18 juin 2020, confirmée par une décision du tribunal supérieur de justice de Madrid le 12 novembre 2021.

Cependant, Monsieur [R] justifie que cette décision fait désormais l'objet d'un recours qu'il a formé le 2 mars 2022.

Sur le fondement de cette procédure, Monsieur [R], qui considère avoir été victime de spoliations de la part de la fédération de Russie à laquelle il fait notamment grief d'avoir provoqué la faillite de la banque MPB, poursuit, devant la juridiction arbitrale, la réparation de ses préjudices, matériel et moral.

Or, il n'est pas établi que la procédure arbitrale ait une incidence sur l'action en simulation objet du présent litige.

Ainsi que le font valoir les intimées, ces deux instances ne concernent pas les mêmes parties et n'ont pas le même objet.

Et même, à supposer comme le soutient Monsieur [R], que DIA constituerait une émanation de la fédération de Russie, l'objet des deux instances est sans rapport aucun.

L'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée de ce chef.

3-2: L'article 4 du code de procédure pénale énonce que l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

Au cas particulier, Monsieur [R] a saisi le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris d'une plainte avec constitution de partie civile, des chefs d'escroquerie en bande organisée, extorsion en bande organisées, menaces et violences.

Toutefois, le sursis sollicité ne s'impose pas au juge dès lors que l'action introduite devant la juridiction civile n' a pas pour objet la réparation du dommage causé par les infractions dénoncées.

Par ailleurs, lorsque, comme en l'espèce, le sursis n'est pas de droit, le juge doit apprécier s'il est d'une bonne administration de la justice de l'ordonner.

Or, la présente action ne présente aucun lien avec les infractions poursuivies et il n'est pas démontré en quoi l'issue de la procédure pénale pourrait influer sur l'action civile en simulation de propriété.

En conséquence, l'ordonnance du juge de la mise en état sera également confirmée de ce chef.

4-Sur les dommages-intérêts :

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Les intimées sollicitent la condamnation des appelants à leur payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du caractère abusif de leur appel, sans préjudice du prononcé d'une amende civile .

Or, l'action en justice représente l'exercice d'un droit. L'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une faute, voire d'une légèreté blâmable.

En particulier, la densité des conclusions des parties, les références nécessaires et nombreuses à un droit étranger, le droit russe, qui complexifient un débat juridique technique, ne permettent pas de considérer que l'appel présenterait un caractère abusif.

Pour les mêmes motifs, le prononcé d'une amende civile qui exige, aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, que soit démontré le caractère abusif ou dilatoire de l'action, sera rejeté.

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Par ces motifs

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel relevé par Monsieur [Z] [R] et par la SCI Sand Club contre l'ordonnance rendue le 12 octobre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice.

Confirme cette ordonnance en toutes ses dispositions appelées.

Condamne in solidum Monsieur [Z] [R] et la SCI Sand Club à payer à société de droit russe JSC Mezhdunarodniy Promyshlenniy Bank et à l'organisme public Agence pour l'assurance des dépôts (DIA), ensemble, une indemnité de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Déboute la société de droit russe JSC Mezhdunarodniy Promyshlenniy Bank et l'organisme public Agence pour l'assurance des dépôts (DIA) de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif.

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile à l'encontre de Monsieur [Z] [R] et de la SCI Sand Club.

Condamne in solidum Monsieur [Z] [R] et la SCI Sand Club aux dépens d'appel, distraits profit de Maître Romain Cherfils, avocat au barreau d'Aix-Provence, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/14814
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.14814 ?
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