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09/06/2022 | FRANCE | N°19/12152

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 09 juin 2022, 19/12152


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

sa

N° 2022/ 277













N° RG 19/12152 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVIW







SARL IMMOBILIERE MAURIN





C/



[T] [M]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON



SCP COHEN

GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/12189.



APPELANTE



SARL IMMOBILIERE MAURIN prise en la personne de son représentant légal y domicil...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

sa

N° 2022/ 277

N° RG 19/12152 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVIW

SARL IMMOBILIERE MAURIN

C/

[T] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON

SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/12189.

APPELANTE

SARL IMMOBILIERE MAURIN prise en la personne de son représentant légal y domicilié, 229 boulevard Chave - 13004 MARSEILLE

représentée par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Florence SIGNOURET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [T] [M]

demeurant 68 Avenue Saint Jean - 84000 AVIGNON

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de de l'AARPI CABINET BRINGUIER-RICHELME-ROUSSET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon mandat sous seings privés en date du 16 juillet 2007, Mme [T] [M] a confié à la SARL Immobilière Maurin la gestion de l'appartement dont elle est propriétaire à Marseille 30, avenue d'Haïti ; l'agence a régularisé un bail d'habitation en octobre 2007 au profit de M. [P] [Y] et Mme [H] [K] pour une durée de trois ans, reconduit tacitement en octobre 2010 et en octobre 2013.

Le 31 décembre 2015, Mme [T] [M] a informé la SARL Immobilière Maurin de son intention de vendre cet appartement. Le projet d'acquisition des locataires n'ayant pas abouti, le bail a été poursuivi jusqu'en octobre 2019.

Faisant valoir que la SARL Immobilière Maurin qui n'avait pas délivré congé en temps utile aux locataires avait manqué à ses obligations, Mme [T] [M] l'a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Marseille en déclaration de responsabilité et paiement de dommages-intérêts.

Considérant que l'agence avait commis une faute dans l'exécution de son mandat, cette juridiction par jugement contradictoire du 24 juin 2019 a :

'condamné la SARL Immobilière Maurin à payer à Mme [T] [M] les sommes de :

*24'000 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2017 pour perte de chance,

*1000 € pour préjudice moral,

*2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'rejeté tout autre demande ;

'ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

'condamné la SARL Immobilière Maurin aux dépens avec bénéfice de recouvrement.

Cette dernière a régulièrement relevé appel de cette décision le 24 juillet 2019 et demande à la cour selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 24 octobre 2019 de:

vu les articles 1991 et 1992 , 1103 et 1231-1du code civil,

'infirmer le jugement déféré ;

'« dire et juger » que la SARL Immobilière Maurin n'a commis aucune faute ;

'« dire et juger » que Mme [T] [M] ne démontre pas l'existence d'un préjudice né et actuel et certain ;

'en conséquence, débouter Mme [T] [M] de l'ensemble de ses demandes ;

'à défaut, « dire et juger » que la somme de 24'840 € représentant le montant des loyers pendant trois années consécutives doit venir en déduction du préjudice subi ;

'en conséquence, « dire et juger » que le préjudice prétendu est inexistant ;

'débouter Mme [T] [M] de l'ensemble de ses demandes ;

'en tout état de cause, la condamner au paiement d'une indemnité de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner Mme [T] [M] aux dépens avec bénéfice de recouvrement direct.

Au soutien de son appel, la SARL Immobilière Maurin fait valoir principalement que Mme [T] [M] a bien été informée du congé pour vendre à délivrer aux locataires en place par courrier du 20 janvier 2016 et qu'ainsi la faute prétendue n'est pas constituée, que la perte de chance de vendre un local vide est inexistante dès lors que l'intimée pouvait faire signifier un congé à l'échéance du bail au 1er octobre 2019, qu'elle a perçu durant sa prorogation la somme de 24'840 € au titre des loyers, qu'il est de jurisprudence constante que la perte de chance n'est jamais équivalente à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée et qu'enfin le préjudice moral prétendu n'est pas caractérisé.

Selon dernières conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 23 janvier 2020, Mme [T] [M] demande à la cour de :

vu la loi Hoguet n° 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972,

vu les articles 1984 et suivants, 1991 et 1992, 1103 et suivants et 1231-1 du code civil,

'débouter la SARL Immobilière Maurin de l'ensemble de ses demandes ;

'confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

'condamner la SARL Immobilière Maurin à payer la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'la condamner aux dépens avec bénéfice de recourement direct.

Mme [T] [M] soutient principalement que la seule production d'un courrier n'établit pas que l'agent immobilier a satisfait à son obligation de renseignement et de conseil, qu'il lui incombait de rappeler à sa mandante l'obligation de délivrer un congé pour vente et qu'en omettant de le faire elle a commis une faute, que l'échange de courriels montre en outre que l'appelante s'est contentée de la seule parole des locataires, que la perte de chance est établie par la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, qu'il est économiquement acquis que le prix de vente d'un local vide est supérieur à celui d'un local occupé ainsi qu'en attestent les évaluations produites, que le préjudice issu de la perte de chance ne se compense pas avec le montant des loyers perçus, que le préjudice moral est caractérisé par les tracas et démarches subis.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 19 avril 2022.

MOTIFS de la DECISION

Sur la procédure :

En lecture de l'article 954 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur celles qui y sont énoncées.

Les demandes de « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas de telles prétentions mais des rappels de moyens qui ne saisissent pas la cour.

Au fond :

Les termes du mandat rémunéré de gestion immobilière intervenu entre les parties le 16 juillet 2007 ne sont pas contestés. L'article 1991 du code civil édicte que « le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution » ; l'article 1992 du même code précise : « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».

Il s'évince de ces dispositions que le mandataire est tenu à une obligation de moyens supposant une exécution loyale, prudente et diligente du mandat conféré et que son exécution défectueuse doit être établie par le mandant conformément aux règles régissant la responsabilité contractuelle de droit commun ; cependant la faute est présumée en cas d'inexécution du mandat conféré.

En l'espèce, il est admis que Mme [T] [M] a informé par courriel du 31 décembre 2015 la SARL Immobilière Maurin de son intention de vendre l'appartement dont s'agit ; la lecture des multiples échanges de courriels postérieurs durant deux années montre que seule l'acquisition par les locataires en place a été envisagée et que la délivrance d'un congé n'a jamais été évoquée contrairement à la pratique ancienne.

En effet, Mme [T] [M] produit deux courriers en dates des 23 février 2010 et 3 avril 2013 selon lesquels l'agence lui a rappelé successivement l'échéance du bail en cours et la nécessité de donner congé avec préavis de six mois si elle entendait y mettre un terme et soutient que ce rappel n'a pas été effectué en 2016 ; elle ajoute que la lettre simple du 20 janvier 2016 dont s'empare l'appelante a été « vraisemblablement établie pour les besoins de la cause » ; elle conteste enfin la réception de cette pièce dans le courrier recommandé adressé le 14 avril 2017 à la SARL Immobilière Maurin préalablement à l'assignation introductive d'instance et force est de constater que dans les nombreux courriels précités l'éventualité d'un congé est totalement absente comme il a été dit ci-dessus.

L'appelante a donc manqué à son obligation d'information et de renseignement ainsi que l'a très justement constaté le tribunal étant rappelé que la délivrance d'un congé garantissait la faculté de Mme [T] [M] de vendre un local vide et ne compromettait aucunement la faculté des locataires de faire valoir leur droit de préemption. En sa qualité de professionnelle de l'immobilier, la SARL appelante a donc commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité dans les termes de l'article 1992 précité.

Le préjudice qui en est directement issu s'analyse en une perte de chance dont l'indemnisation , comme l'indique la SARL Immobilière Maurin, certes n'est pas égale à l'avantage perdu ; cependant cette chance était éminemment sérieuse en lecture des deux attestations produites par l'intimée et non démenties évaluant le local libre d'occupation entre 150'000 € et 170'000 €; enfin la circonstance selon laquelle Mme [T] [M] a continué de percevoir des loyers est indifférente dès lors que la SARL Immobilière Maurin ne peut prétendre à la compensation de dettes non réciproques. Il convient ainsi de confirmer l'indemnité de 24'000 € allouée par le premier juge.

Il en ira de même en ce qui concerne le préjudice moral dès lors que Mme [T] [M] a été contrainte à de multiples démarches, attentes, déplacements, recherches et pertes de temps perturbant d'autant ses conditions d'existence en l'absence de tout résultat durant deux années.

***

Aucune circonstance économique ou d'équité ne contrevient à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Immobilière Maurin qui succombe dans son recours est condamnée aux dépens en application de l'article 696 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne la SARL Immobilière Maurin à payer à Mme [T] [M] la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la SARL Immobilière Maurin aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du même code.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/12152
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.12152 ?
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