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09/06/2022 | FRANCE | N°19/09427

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 09 juin 2022, 19/09427


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

sa

N°2022/ 285













Rôle N° RG 19/09427 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BENH3







[B] [M]





C/



[J] [X]

[I] [S]





























Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Baimanai Angelain PODA



SCP BUVAT-TEBIEL



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 14 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/03383.





APPELANT



Monsieur [B] [M]

demeurant Quartier le Mazel 07460 BANNE



représenté par Me Baimanai Angelain PODA, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMES


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

sa

N°2022/ 285

Rôle N° RG 19/09427 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BENH3

[B] [M]

C/

[J] [X]

[I] [S]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Baimanai Angelain PODA

SCP BUVAT-TEBIEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 14 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/03383.

APPELANT

Monsieur [B] [M]

demeurant Quartier le Mazel 07460 BANNE

représenté par Me Baimanai Angelain PODA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [J] [X]

demeurant 42, ancien Chemin de Draguignan- 06530 LE TIGNET

représenté par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [I] [S]

demeurant 42, ancien Chemin de Draguignan- 06530 LE TIGNET

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Président, et Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant acte notarié du 28 mars 2015, Monsieur [B] [M] a vendu à Monsieur [J] [X] et Madame [I] [S] une propriété cadastrée section B n°135, 136, 137 et 138 sise 963 route de Draguignan, lieudit Faisse Longue, 06530 Le Tignet.

Le nouveau voisin de Monsieur [X] et de Madame [S], Monsieur [G] [V], les a informés, par un courrier du 6 décembre 2016, que pour pouvoir effectuer des travaux sur sa parcelle, Monsieur [M] lui avait demandé, en décembre 2006, l'autorisation de brancher l'évacuation de ses eaux usées au tout-à-l'égout, en passant sur son terrain.

Monsieur [V] indique qu'il avait convenu avec Monsieur [M] que ce raccordement était provisoire.

Monsieur [X] et Madame [S] indiquent n'avoir reçu aucune information de leur vendeur et exposent avoir été contraints d'établir, avec leurs voisins, un acte constitutif de servitude, qui a été dressé selon acte notarié du 7 mars 2016, à l'occasion duquel ils ont dû s'acquitter de la somme de 22400 euros.

Par exploit d'huissier délivré le 21 juin 2017, Monsieur [X] et Madame [S] ont fait assigner Monsieur [M] devant le tribunal de grande instance de Grasse, sur le fondement de l'article 1638 du code civil, aux fins de le voir condamner à leur verser la somme de 30. 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 14 mai 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a statué ainsi qu'il suit :

-Condamne Monsieur [B] [M] à payer à Monsieur [J] [X] et Madame [I] [S] la somme de 22.400 euros, toutes causes de préjudice confondues ;

-Condamne Monsieur [B] [M] à payer à Monsieur [J] [X] et Madame [I] [S] la somme totale de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne Monsieur [B] [M] aux entiers dépens de l'instance,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Le 13 juin 2019, Monsieur [B] [M] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 13 septembre 2019, Monsieur [B] [M] demande à la cour, sur le fondement des articles 682, 686, 689 et 1638 du code civil, de :

-infirmer le jugement entrepris dont appel, en ce qu'il a dit :

- Apparente la servitude

-Retenu la garantie d'éviction de l'article 1638 du code civil

-Condamné Monsieur [M],

Statuant à nouveau,

-constater que les époux [V] lui ont consenti une servitude de passage sur leur propriété le 26 décembre 2006, bien avant que ce dernier ne vende le bien immobilier à M. [X] et Mlle [S].

-constater que cette servitude est sans équivoque et ne comporte aucune échéance, si bien qu'elle lui a été consentie par les époux [V] de manière perpétuelle.

-constater que la servitude est apparente,

-dire qu'il n'avait pas l'obligation de déclarer une telle servitude,

-constater que la servitude consentie par les époux [V] à Monsieur [X] et Madame [S] par-devant notaire le 7 mars 2016 après l'acquisition de la propriété de M. [M] recouvre la même assiette qu'auparavant, si bien qu'elle ne fait que la consolider sans la modifier.

En conséquence,

-dire et juger que la servitude consentie par les époux [V] à M. [M] le 26 décembre 2006 n'a pas perdu sa force obligatoire du seul fait de sa constatation par devant notaire à la demande des époux [V] et Monsieur [X] et Madame [S], nouveaux propriétaires.

-constater que la servitude consentie par les époux [V] à son profit ne prévoit aucune indemnité, nonobstant son caractère perpétuel.

-constater qu'il a usé de celle-ci pendant presque neuf ans, en toute gratuité.

-constater que M. [X] et Mlle [S] ont librement accepté l'indemnité exigée par les époux [V] au moment de la constatation de la servitude par-devant notaire le 7 mars 2016, alors même que celle-ci est demeurée gratuite jusqu'à leur acquisition du bien.

En conséquence,

-dire et juger qu'il n'est pas responsable de la somme demandée par les époux [V] à Monsieur [X] et Madame [S] pour la rédaction de l'acte notarié du 7 mars 2016, ni des frais occasionnés;

-débouter M. [X] et Mlle [S] de leur demande tendant à sa condamnation à leur payer la somme de 30000 € au titre du préjudice qu'ils ont subi en raison des frais occasionnés, et de l'ensemble de leurs demandes.

-condamner Monsieur [X] et Madame [S] au paiement de la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner enfin Monsieur [X] et Madame [S] au paiement des entiers dépens générés par la présente instance.

Monsieur [B] [M] soutient, en substance :

-qu'une servitude conventionnelle a été signée avec les époux [V], le 27 décembre 2006,

-que cette servitude a été consentie de manière perpétuelle,

-qu'en tant que droit attaché au fonds et non à la personne, la servitude n'a pas cessé du seul fait de la cession de la propriété,

-que l'acte notarié du 7 mars 2016 ne fait que confirmer une servitude déjà existante,

-que la servitude ainsi perpétuellement consentie l'a été à titre gratuit,

-qu'il ne peut être tenu responsable de la décision des époux [V] de solliciter une indemnisation auprès des acquéreurs de sa propriété,

-que le caractère apparent de cette servitude n'est pas contestable, le tuyau étant parfaitement visible,

-que dès lors, selon les dispositions de l'article 1638 du code civil, il n'avait pas l'obligation d'informer les acheteurs de l'existence de cette servitude.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 12 décembre 2019, Monsieur [J] [X] et Madame [I] [S] demandent à la cour, sur le fondement de l'article 1638 du code civil, de confirmer le jugement et de condamner Monsieur [M] à leur payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les intimés font essentiellement valoir que :

-lors de la vente de son bien immobilier, Monsieur [M] leur a dissimulé, ainsi qu'au notaire, l'existence d'une servitude de canalisation, consentie par le voisin, Monsieur [V],

-qu'un acte constitutif de servitude a été dressé le 7 mars 2016, pour lequel ils ont payé la somme de 20000 euros à Monsieur [V],

-qu'il doivent être indemnisés de leur préjudice.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 avril 2022.

Motifs de la décision :

1-Bien que le premier juge ait rappelé dans le jugement entrepris que les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties, exprimées sous la forme « constater que » ou « dire et juger que » ne constituaient non pas des prétentions, mais des moyens relevant des motifs de la décision, et non des chefs de décision devant figurer dans le dispositif de celle-ci, l'appelant reproduit les mêmes demandes devant la cour, constituant des moyens ou des éléments de fait auxquels il sera répondu dans le corps de l'arrêt et non dans le dispositif.

2-Monsieur [X] et Madame [S] poursuivent la responsabilité de Monsieur [M] sur le fondement de l'article 1638 du code civil, selon lequel si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.

L'article 689 du code civil énonce que les servitudes sont apparentes ou non apparentes.

Les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc.

Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée.

Au cas particulier, il est constant que dans l'acte de vente du 28 mars 2015, Monsieur [M] a déclaré :

-au paragraphe « garantie de possession » figurant en page 21 de l'acte : « qu'il n'y a eu aucun empiètement sur le fonds voisin »,

-au paragraphe « Servitudes-absence », en page 22 de l'acte, « n'avoir créé, ni laissé de servitude » et « qu'à sa connaissance, il n'en existe pas d'autre que celles résultant le cas échéant de l'acte, de la situation naturelle des lieux, de la loi, de l'urbanisme ».

Il est tout aussi constant que selon courrier du 27 décembre 2006, signé par l'appelant ainsi que par Monsieur et Madame [V], ces derniers ont autorisé Monsieur [M] «à passer sur notre propriété le long du canal le tuyau d'évacuation des eaux usées pour son raccordement au tout-à-l'égout. »

Enfin, il est constant que selon acte constitutif de servitude dressée le 7 mars 2016 par Me [H], notaire à Grasse, Monsieur [G] [V] et son épouse, propriétaires du fonds servant, ont consenti à Monsieur [J] [X] et à Madame [I] [S], propriétaires du fonds dominant, une servitude de passage pour une canalisation des eaux usées.

Il résulte de ces éléments que Monsieur [M] n'a pas informé les intimés de l'existence d'une servitude.

Or, l'appelant soutient, à juste titre, que l'article 1638 précité rend seulement obligatoire pour le vendeur la déclaration de servitudes non apparentes.

L'appelant affirme qu'il n'était pas tenu d'informer les acheteurs de l'existence de la servitude litigieuse, en raison de son caractère apparent, et ajoute qu'en retenant que la servitude n'était pas apparente, pour être constituée de tuyaux enterrés, le tribunal a commis une erreur d'appréciation.

Il produit aux débats une photographie -sa pièce n°2- qui représente un tuyau, de plusieurs mètres de longueur, accroché le long d'un mur, avant de s'encastrer dans un autre mur.

Il indique : « Ce tuyau, comme le montre la photo est visible à toute personne visitant la propriété vendue » , ce dont il déduit le caractère apparent de la servitude.

Les intimés objectent « Monsieur [M] de prétendre à présent que les acquéreurs auraient pu se convaincre de la présence de cette servitude de canalisations au moyen de la photographie d'un tuyau, ce qui est parfaitement contestable et mensonger ».

Néanmoins, se limitant à cette simple observation, les intimés ne précisent pas en quoi l'affirmation de l'appelant serait contestable et mensongère.

Ils ne prétendent pas que la photographie produite par Monsieur [M] ne correspondrait pas à la servitude litigieuse, ni qu'elle n'aurait pas été prise sur leur fonds.

Ils ne communiquent aucunes pièces- photographies des lieux, procès-verbal de constat d'huissier par exemple- susceptibles de contredire celle produite par l'appelant.

Dès lors, au regard de la photographie versée aux débats par l'appelant, non combattue par d'autres éléments de preuve adverses, la cour ne peut que constater le caractère apparent de la servitude.

Il s'en déduit que les conditions d'application de l'article 1638 du code civil ne sont pas remplies, et ce d'autant, que ce texte s'applique à une propriété grevée d'une servitude, alors qu'au cas d'espèce, le fonds servant, grevé par la servitude, est le fonds [V], tandis que le fonds dominant, donc bénéficiaire de la servitude et non grevé par elle, est le fonds dont Monsieur [X] et Madame [S] sont propriétaires.

Dès lors, les intimés ne peuvent qu'être déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 1638 du code civil, seul fondement juridique qu'ils invoquent dans leurs conclusions.

Par ailleurs, pour faire droit aux prétentions de Monsieur [X] et Madame [S], le tribunal, après avoir écarté l'article 1638 du code civil, a fait application de l'article 1626 du même code, selon lequel quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

La lecture du jugement ne permet pas à la cour de se convaincre :

-ni que l'application de ce texte ait été sollicitée par les parties, dont les conclusions, telles que reproduites dans le jugement, ne visaient que l'article 1638 du code civil, comme en cause d'appel d'ailleurs.

-ni, à supposer que l'article 1626 ait été invoqué d'office par le tribunal, que les parties aient été invitées préalablement à s'en expliquer.

Enfin, les conditions d'application de ce texte ne sont pas réunies dès lors que le fonds des intimés est le fonds dominant, donc bénéficiaire de la servitude, et non le fonds servant, et qu'en conséquence, il n'est justifié ni d'une éviction, ni d'une charge sur le bien vendu.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement ne peut qu'être infirmé.

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions.

Déboute Monsieur [J] [X] et Madame [I] [S] de l'ensemble de leurs demandes.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en cause d'appel.

Condamne Monsieur [J] [X] et Madame [I] [S] aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/09427
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.09427 ?
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