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09/06/2022 | FRANCE | N°18/20422

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 09 juin 2022, 18/20422


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022



N°2022/206













N° RG 18/20422 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRKC







SA REAL INVESTISSEMENT

SAS 88 FSH PATRIMOINE





C/



[C] [R]

SARL GROUPE DIRECT IMMOBILIER





































Copie exécutoire délivrée le :
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Me Philippe KLEIN



Me Michel GOUGOT





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 18 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017/11807.





APPELANTES



SA REAL INVESTISSEMENT, dont le siège social est sis [Adresse 1]
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

N°2022/206

N° RG 18/20422 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRKC

SA REAL INVESTISSEMENT

SAS 88 FSH PATRIMOINE

C/

[C] [R]

SARL GROUPE DIRECT IMMOBILIER

Copie exécutoire délivrée le :

à : Me Romain CHERFILS

Me Philippe KLEIN

Me Michel GOUGOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 18 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017/11807.

APPELANTES

SA REAL INVESTISSEMENT, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Jean-Fabrice BRUN, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, substitué par Me Cécile REBUFFE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, plaidant

SAS 88 FSH PATRIMOINE, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Jean-Fabrice BRUN, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, substitué par Me Cécile REBUFFE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, plaidant

INTIMES

Maître [C] [R], Notaire associé de la SCP Vincent DAVID, Eric BARRANDE, [D] [P], [C] [R] & [I] [J], dont le siège social est sis [Adresse 5]

représenté par Me Philippe KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL GROUPE DIRECT IMMOBILIER, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Michel GOUGOT, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pierre CALLOCH, Président, et Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, chargés du rapport.

Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte notarié daté du 27 mai 2017, la société GROUPE DIRECT IMMOBILIER, ci après société GPI, a consenti à la société SA REAL INVESTISSEMENT une promesse unilatérale de vente concernant un ensemble immobilier constitué d'un immeuble situé [Adresse 3] et divers locaux adjacents situés à cette adresse et [Adresse 2] moyennant un prix de 19 480 000 €. Cette promesse était prévue pour une durée expirant le 29 septembre 2017 et prévoyait le versement d'une indemnité d'immobilisation d'un montant de 974 000 € à la charge de la société REAL INVESTISSEMENT.

La durée de la validité de la promesse a été prorogée au 27 octobre 2017 puis au 8 novembre 2017, et la société 88 FHS PATRIMOINE s'est substituée à la société REAL INVESTISSEMENT selon acte en date du 6 novembre 2017.

Par courriers en date des 10 et 14 novembre 2017, la société REAL INVESTISSEMENT a indiqué renoncer à l'acquisition suite à la découverte des arrêtés préfectoraux en dates des 14 septembre 2016 et 3 mai 2017 interdisant de manière permanente la circulation automobile dans un tronçon de la [Adresse 3] où se trouvait l'ensemble immobilier.

Par lettre en date du 27 novembre 2017, la société GDI a indiqué refuser la restitution de l'indemnité d'un montant de 947 000 € déjà versée par la société REAL INVESTISSEMENT.

Par acte en date des 14 et 18 décembre 2017, la société REAL INVESTISSEMENT et la société 88 FHS PATRIMOINE ont fait assigner devant le tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE la société GDI et maître [R], notaire dépositaire de la somme de 947 000 €, afin de faire prononcer la nullité de la promesse de vente et la restitution de l'indemnité d'immobilisation, outre 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 18 décembre 2018, le tribunal a débouté les sociétés REAL INVESTISSEMENT et la société 88 FHS PATRIMOINE de l'intégralité de leurs demandes, a dit qu'elles étaient solidairement débitrices de la somme de 947 000 €, a ordonné le versement par maître [R] de cette somme entre les mains de la société GDI et a condamné les demanderesses à verser les intérêts sur cette somme à compte du 27 novembre 2017, outre 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société REAL INVESTISSEMENT et la société 88 FHS PATRIMOINE ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 26 décembre 2018.

Le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 28 mars 2022 fixant l'audience de plaidoirie au 25 avril 2022.

A l'appui de leur appel, par conclusions déposées par voie électronique le 20 mars 2019, les sociétés 88 FSH PATRIMOINE et REAL INVESTISSEMENT rappellent que conformément à l'alinéa 3 de l'article de la promesse de vente relatif à l'indemnité d'immobilisation, celle ci doit être restituée lorsque le bien a fait l'objet de mesures administratives de nature à en déprécier la valeur. Selon elles, l'arrêté du 3 mai 2017 interdisant la circulation de véhicules sur le tronçon de la [Adresse 3] aurait précisément pour effet de réduire la valeur du bien en ayant un effet dissuasif sur les clients des commerces concernés. Elles se réfèrent sur ce point à deux expertises de messieurs [S] et [W].

A titre subsidiaire, les sociétés 88 FHS PATRIMOINE et REAL INVESTISSEMENT invoquent la nullité de la promesse pour dol, l'existence de l'arrêté préfectoral du 3 mai 2017 lui ayant été dissimulé et en conséquence le caractère définitif de l'interdiction de circulation, rappel étant fait selon elles que les facilités d'accès pour des commerces de luxe constituent une qualité substantielle du bien.

A titre plus subsidiaire, elles invoquent une erreur sur la substance, rappelant l'évolution des conditions de circulation dans le secteur concerné et que le vendeur lui-même a déclaré avoir ignoré l'existence des deux arrêtés pris en la matière.

Enfin, à titre infiniment subsidiaire, elles concluent à la nomination d'un expert afin de déterminer l'impact des mesures administratives sur la valeur des immeubles.

Au terme de leurs écritures, elles demandent en conséquence au principal à la cour de juger nulle la promesse de vente, d'ordonner la restitution de l'indemnité d'immobilisation et de condamner la société GROUPE DIRECT IMMOBILIER au paiement d'une somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GDI, par conclusions déposées par voie électronique le 28 février 2022, rappelle que la voie sur laquelle est implanté l'immeuble, en face du Palais de l'Elysée, a toujours fait l'objet de mesures de réglementation ou de surveillance et soutient qu'elle-même ignorait l'existence de l'arrêté du 3 mai 2017. Elle soutient notamment que la piétonisation de la rue n'est nullement un facteur de commercialité défavorable et de nature à déprécier le bien. Elle conteste le sérieux de l'article de presse versé sur ce point, et la pertinence de l'expertise de monsieur [S]. Elle rappelle que le rendez-vous pour la signature de la vente prévu le 8 novembre 2017 a été annulé sans explication, et que l'existence de la restriction de circulation n'a été invoquée que postérieurement. Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement déféré et soutient que la demande en expertise n'est étayée par aucun élément. Elle demande reconventionnellement à la cour de condamner les appelantes à lui verser la somme de 974 000 € outre les intérêts, faisant valoir le préjudice résultant de l'immobilisation du bien pendant deux ans et la vente de celui ci le 18 novembre 2019 pour un prix inférieur de 530 000 €. Elle sollicite en outre l'octroi d'une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [R], par conclusions déposées par voie électronique le 1er juillet 2019, a demandé à la cour de lui donner acte qu'il remettra le montant de l'indemnité d'immobilisation à la partie désignée par celle-ci dans la proportion des sommes détenues.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La promesse de vente en date du 29 mai 2017 stipule en sa page 19 qu'en cas de non réalisation de la vente promise, la somme de 974 000 € versée par la bénéficiaire lui sera intégralement restituée ' si les biens promis se révélaient faire l'objet de servitudes (quelle qu'en soit l'origine) ou mesure administrative de nature à en déprécier la valeur ou à les rendre impropres à leur usage'.

Les sociétés REAL INVESTISSEMENT et 88 FSH PATRIMOINE soutiennent que l'arrêté préfectoral du 3 mai 2017 interdisant la circulation et le stationnement des véhicules et réglementant la circulation des piétons dans la portion de la [Adresse 3] où se situe l'ensemble immobilier promis à la vente constitue une mesure administrative de nature à en déprécier la valeur.

L'arrêté du 3 mai 2017, confirmant un précédant arrêté du 14 septembre 2016, interdit la circulation des piétons [Adresse 3] sur le trottoir coté impair, ce qui n'affecte pas l'immeuble principal objet de la promesse de vente, immeuble situé coté pair ; le bien est concerné par la seule interdiction de circulation des véhicules, sauf aux riverain, édictée par l'article premier de l'arrêté ; il appartient aux sociétés REAL INVESTISSEMENT et 88 FSH PATRIMOINE d'établir que cette interdiction de circulation des véhicules constitue une mesure administrative de nature à déprécier la valeur du bien promis à la vente.

Le rapport d'expertise de monsieur [S] daté du 22 juin 2018, soumise aux premiers juges, conclut que la valeur du bien avant les ' mesures sécuritaires' était de 20 920 000 € et après ces mesures est passée à 11 960 000 € ; la lecture de ce rapport permet cependant de reprendre le constat fait par le tribunal de commerce selon lequel ce rapport ne concerne pas la totalité des biens, qui comprennent des locaux d'habitation, mais seulement comme son titre l'indique la valeur des seuls locaux commerciaux à l'enseigne ROSA CLARA ; en outre, l'évaluation de la valeur locative de ce seul local commercial a été faite sans visite des lieux, sans production des quittances de loyers et la baisse de taux de rendement évoquée en page 32 pour étayer l'hypothèse d'une incidence des mesures de restriction sur la valeur apparaît manifestement conjecturale et ne résulte d'aucun document relatif à une baisse de fréquentation constatée ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont jugé cette expertise partielle et lacunaire non probante.

Le rapport de monsieur [W] daté du 6 mars 2019 chiffre, lui, la perte de valeur vénale de l'ensemble immobilier à la somme de 8 120 000 € ; ce rapport invoque en premier lieu une baisse de la valeur locative des fonds de commerce liée selon lui aux mesures de restriction de circulation et ayant eu pour effet de réduire la valeur du mètre carré pondéré de 3 000 € à 2 000 € ; cependant, il convient de constater que cette perte de valeur n'est pas documentée par la production de termes de comparaison antérieurs puis postérieurs à ces mesures, mais par la production d'un article de presse datant du 3 juillet 2016, et donc antérieur aux mesures telles que prévues par l'arrêté, et résulte non d'une étude de la fréquentation effective des locaux commerciaux, mais de considérations d'ordre général sur l'attractivité des lieux pour une clientèle aisée ; par ailleurs, aucune

explication n'est donnée sur l'influence qu'aurait pu avoir la limitation de la circulation des véhicules pour les non riverains sur la valeur vénale des locaux d'habitation ;la baisse de valeur telle que calculée par l'expert apparaît dans de telles conditions dénuée de toute pertinence.

Ce constat est d'autant plus vrai qu'il n'est pas contesté que l'ensemble immobilier a été vendu le 18 novembre 2019 pour un prix de 18 950 000 €, soit 530 000 € de moins que le prix convenu dans la promesse de vente ; la perte de valeur vénale apparaît ainsi sans rapport avec celles supposées par les deux experts et conduit à anéantir tant leur méthode de calcul que son assiette ; par ailleurs, le constat d'une telle baisse ne suffit pas à établir un lien de causalité avec les mesures de restriction de circulation, cette baisse après deux ans d'immobilisation du bien pouvant s'expliquer par de nombreux facteurs concernant le marché et sans rapport avec ces mesures.

Il apparaît de cette analyse que les sociétés REAL INVESTISSEMENT et 88 FHS PATRIMOINE ne démontrent pas que les mesures de restriction de la circulation de véhicules résultant de l'arrêté du 3 mai 2017 constituent une mesure administrative de nature à déprécier la valeur du bien promis.

De manière surabondante, il sera en outre observé que l'argument tiré par ces sociétés de l'existence de l'arrêté a été invoqué pour la première fois le 10 novembre 2017, soit alors que la date de prorogation résultant d'un acte daté du 6 novembre 2017, le 8 novembre 2017, était déjà expirée.

Les sociétés appelantes avaient toute possibilité pour apporter aux débats des éléments de comparaison effectifs leur permettant d'établir que depuis l'arrêté du 3 mai 2017 les biens immobiliers situés dans le même secteur que le bien situé [Adresse 3] avaient subi une perte de valeur vénale ; ils ne peuvent se prévaloir de leur carence sur ce point pour demander à la cour de prononcer une mesure d'instruction.

Dès lors qu'il n'est pas établi que l'arrêté du 3 mai 2017 a eu pour conséquence de diminuer la valeur vénale du bien, les demandes subsidiaires en nullité ou en dol apparaissent non fondées, et ce sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens en défense soulevés sur ce point par la société intimée.

Il convient en conséquence de confirmer la décision ayant ordonné le versement de la somme de 974 000 € entre les mains de la société GROUPE DIRECT IMMOBILIER et ayant condamné les deux sociétés appelantes au paiement des intérêts et à une indemnité pour les frais irrépétibles.

Les sociétés 88 FSH PATRIMOINE et REAL INVESTISSEMENT succombant à la procédure, elles devront verser une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

- CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE EN PROVENCE en date du 18 décembre 2018 dans l'intégralité de ses dispositions.

Y ajoutant,

- CONDAMNE les sociétés REAL INVESTISSEMENT et 88 FHS PATRIMOINE à verser à la société GROUPE DIRECT IMMOBILIER la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge des sociétés REAL INVESTISSEMENT et 88 FHS PATRIMOINE dont distraction au profit des avocats à la cause.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 18/20422
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;18.20422 ?
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