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09/06/2022 | FRANCE | N°18/20030

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 09 juin 2022, 18/20030


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022



N°2022/203













N° RG 18/20030 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQJG







SAS ARIE DE BOOM SERVICES





C/



[K] [H]

[M] [L]

[P] [S]





































Copie exécutoire délivrée le :

à : Me Maud DAVAL- GUEDJ




Me Edward TIERNY



Me Marie-Anne COLLING





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00943.





APPELANTE



SAS ARIE DE BOOM SERVICES, dont le siège social est [Adresse 4]



représentée par Me Maud DAVAL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

N°2022/203

N° RG 18/20030 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQJG

SAS ARIE DE BOOM SERVICES

C/

[K] [H]

[M] [L]

[P] [S]

Copie exécutoire délivrée le :

à : Me Maud DAVAL- GUEDJ

Me Edward TIERNY

Me Marie-Anne COLLING

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00943.

APPELANTE

SAS ARIE DE BOOM SERVICES, dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Frédéric BOURGUET-MAURICE, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Madame [K] [H]

née le 03 Mai 1954 à CAUDERAN (33000), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Edward TIERNY, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Franck DOLLFUS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Monsieur [M] [L]

né le 13 Mars 1951 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Edward TIERNY, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Franck DOLLFUS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Monsieur [P] [S],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Marie-Anne COLLING, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE substitué par Me Benjamin DELBOURG, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Herve TASSY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pierre CALLOCH, Président, et Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, chargés du rapport.

Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte du 13 août 2014, madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] ont acquis auprès de monsieur [P] [S] une vedette à moteur « EL ROCIO » devenu « Lisanda III », francisé le 24 juin 1997 sous le numéro 27649/080 pour un prix de 135.000 €.

L'acte de vente précisait que les acquéreurs du navire l'acceptaient « dans l'état où il se trouve sans garantie ni recours à l'encontre du vendeur, pour l'avoir visité, avoir fait procéder à une expertise, essayé et le trouver à leur convenance, quel que soit l'état révélé après la vente de la coque, du pont, des moteurs et autres. »

Lors d'une mise à sec du bateau le 1er juillet 2015, le technicien missionné pour procéder à des travaux d'entretien a constaté, après mise à nu de la coque, la présence de cloques et bulles sur la carène dans les oeuvres vives du navire.

Une expertise amiable a été réalisée par M. [P] [R], à la demande de madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L], et a rendu un rapport les 17 juillet 2015 puis le 13 janvier 2016.

Le cabinet d'expertise CEEMIN, pour le compte de la société ARIE DE BOOM SERVICES, mandaté par l'assureur de cette société, a assisté aux opérations d'expertise réalisées par M. [R] le 2 décembre 2015, et a rendu un rapport le 26 janvier 2016.

Monsieur [P] [S] n'était pas présent aux opérations d'expertise amiable.

Madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] ont fait assigner, par acte du 4 février 2016, devant le tribunal de grande instance de Grasse, monsieur [S] et la société ARIE DE BOOM SERVICES.

Par jugement du 20 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a

- débouté madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] de leur demande en résolution de la vente du 13 août 2014 sur le fondement des vices cachés,

- débouté madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] de leur demande dirigée contre monsieur [S] au titre de sa responsabilité contractuelle,

- déclaré que la société ARIE DE BOOM SERVICES a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L],

- Condamné la société ARIE DE BOOM SERVICES à payer à madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] les sommes de 25.733,64 € au titre des travaux de réparation, et 6.923,95 € en remboursement des frais de stationnement et de calage, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

- Condamné la société ARIE DE BOOM SERVICES à payer à madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] la somme de 5.000 € à titre d'indemnisation de leur préjudice de jouissance,

- Débouté madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] de leurs autres demandes indemnitaires,

- Condamné la société ARIE DE BOOM SERVICES à payer à madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné solidairement madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] à payer à Monsieur [P] [S] la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société ARIE DE BOOM SERVICES aux entiers dépens de l'instance.

La société ARIE DE BOOM SERVICES a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 19 décembre 2018.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 28 mars 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 25 avril 2022.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 mars 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société ARIE DE BOOM SERVICES demande à la cour de réformer le jugement du 20 novembre 2018, en déboutant madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] de l'intégralité de leurs demandes et sollicitent la condamnation de ces derniers au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens d'appel.

La société ARIE DE BOOM SERVICES soutient l'absence de vice caché affectant le navire et l'absence de toute faute de sa part. Elle affirme n'avoir jamais traité un quelconque phénomène de cloques d'osmose, qu'aucune facture produite ne mentionne un tel traitement. Elle observe que le phénomène d'osmose n'a été découvert que par le recours à des moyens techniques lourds, à savoir un hydro gommage, un sablage complet de la coque, ce qui ne correspond en aucun cas à l'utilisation du nettoyeur à haute pression.

Elle fait valoir que le phénomène d'osmose est antérieur à l'intervention reprochée, qu'elle ne peut en aucun cas être considéré comme constitutif d'un préjudice lié à une faute commise par elle. Elle soutient que l'absence de connaissance par les consorts [L] du phénomène existant n'est en aucun cas lié à son action, mais à la carence de ces derniers dans les conditions d'expertise du bateau puisqu'ils ont considéré que, malgré l'âge du bateau, ils pouvaient faire l'économie d'un sondage de la coque pour vérifier avant l'achat si le bateau pouvait être affecté par le phénomène d'osmose.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 avril 2019 portant appel incident, madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] sollicitent, à titre principal, la confirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 20 novembre 2018 en ce qu'il a déclaré que la société ARIE DE BOOM SERVICES avait engagé sa responsabilité délictuelle à leur égard et en ce qu'il a condamné cette société à les indemniser du montant des travaux des réparations soit la somme de 25.733,64 €, des frais de stationnement soit 6.923,80 € ainsi que de la somme de 5.000€ en réparation du préjudice de jouissance.

Ils sollicitent la réformation partielle du jugement et la condamnation de la société ARIE DE BOOM à leur payer la somme de 1.800 € au titre des frais de convoyage, et en tout état de cause la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire ils sollicitent la condamnation de monsieur [S] à les indemniser du montant des travaux de réparation, soit la somme de 25.733,64 €, des frais de stationnement soit 6.923,95 €, des frais de convoyage soit 1.800€ ainsi que du préjudice de jouissance du fait de l'immobilisation du bateau à hauteur de 5000,00 €. Ils sollicitent enfin la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils affirment que l'analyse du tribunal est confirmée par les éléments techniques versés au débat, qu'en effet les désordres constatés et décrits par l'expert ne pouvaient être décelés par eux au moment de la vente en août 2014, que ceux-ci sont apparus après la mise au sec du bateau au lamanage de Rouen le 1 juillet 2015 et après que la carène, dans ses 'uvres vives, ait été débarrassée de la couche ancienne de antifouling par hydro gommage soit ,en résumé après la mise à nu complète de la coque du navire. Ils soutiennent qu'au regard de l'expertise effectuée au moment de l'achat de la vedette par monsieur [S] en 2011, les désordres sont nécessairement apparus dans la période 2011- 2014 alors que la vedette appartenait à Monsieur [S] et a été régulièrement entretenue par la société ARIE DE BOOM, qu'il y a eu masquage du phénomène d'osmose qui existait avant l'achat, que le chantier ARIE DE BOOM qui a régulièrement entretenu la vedette, ne pouvait ignorer la présence d'osmose, ni que le bateau avait subi une réparation.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 novembre 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, monsieur [S] demande à la cour de :

À titre principal

- confirmer le jugement rendu le 20 novembre 2018 en ce que les demandes dirigées contre lui ont été rejetées,

- Condamné solidairement madame [K] BENTITOU FRECHOU et monsieur [M] [L] À lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- condamner la société ARIE DE BOOM SERVICES à le relever et garantir de toute condamnation en principal, intérêts et frais prononcée à son encontre,

- En cas de résolution de la vente, condamner la société ARIE DE BOOM à lui payer la somme de 135.000 € à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- condamner la société ARIE DE BOOM SERVICES à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner tout contestant aux dépens de première instance et d'appel.

Il fait état de sa bonne foi au regard des conditions dans lesquelles il a acheté lui-même la vedette puis l'a revendue aux consorts [L] et considère que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la clause d'exclusion de garantie était valable dans un contrat entre particuliers.

En revanche, il soutient que le vice caché n'existait pas, le défaut ne rendant pas la vedette impropre à l'usage auquel elle était destinée, ni ne diminuant grandement son usage. Il reprend l'argument de la société ARIE DE BOOM selon lequel l'osmose est un phénomène naturel inéluctable et n'est pas, au regard de l'ancienneté du navire et de la date de fabrication, un vice caché, soulignant le prix particulièrement intéressant obtenu pour l'achat de la vedette.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'acte de vente en date du 13 aout 2014 stipule en sa première page que madame [D] [L] et monsieur [L] ont accepté le navire vendu dans l'état où il se trouvait sans garantie ni recours à l'encontre du vendeur, pour l'avoir visité, avoir fait procéder à une expertise, essayé, et le trouver à leur convenance, quel que soient l'état révélé après vente de la coque, du pont, des moteurs et autres ; cette clause est opposable aux acheteurs dès lors que le vendeur, monsieur [S], avait la qualité de profane et ne pouvait être présumé connaître l'existence des vices affectant la coque du navire ; ainsi que l'a relevé le premier juge, il convient en outre de constater qu'aucune facture versée aux débats concernant l'entretien du navire ne fait état de l'apparition du phénomène d'osmose, ce qui permet de conclure que monsieur [S] ignorait ce vice au jour de la vente ; c'est dès lors en faisant une exacte application de l'article 1643 du Code civil que le jugement a considéré qu'en application de la clause de non garantie stipulée à l'acte de vente, madame [D] [L] et monsieur [L] ne pouvaient agir à l'encontre du vendeur en résolution de la vente et en dommages intérets.

Il résulte du rapport d'expertise établit par le cabinet [R] le 19 octobre 2015 que des travaux de peinture et des réparations ont été entrepris sur la coque du navire vendu « alors qu'il existait à ce moment là des cloques liées à un phénomène d'osmose » ; ce constat est opposable à la société ARIE DE BOOM SERVICES, celles ci ayant été invitée par l'expert aux opérations et ayant décliné cette invitation ; il n'est par ailleurs par contesté que la société ARIE DE BOOM SERVICES a été la seule entreprise à opérer l'entretien du navire, et notamment les travaux de peinture sur la coque ; il apparaît ainsi que la société ARIE DE BOOM SERVICES a effectué des travaux de peinture sur une coque alors que celle ci présentait des traces d'osmose ; elle a ainsi manqué à son obligation de conseil à l'égard du propriétaire ainsi qu'à son obligation de respecter les règles de l'art ; du fait de ce manquement, les vendeurs ont acquis le navire sur la foi d'une inspection et de factures leur faisant croire au caractère sain de la coque repeinte ; ils ont dû engager rapidement des frais évalués à la somme de 25 733 euros 64 ainsi que des frais de stationnement justifiés à hauteur de la somme de 6 923 euros 95 ; c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société ARIE DE BOOM SERVICES à rembourser ces sommes sur le fondement de la responsabilité extra contractuelle ; les frais de convoyage, soit 1 800 euros, ont été évalués à dire d'expert et ont permis de limiter le coût des opérations de réparation (page 6 du rapport [R]) ; il convient en conséquence de les inclure dans les dommages subis par les acquéreurs du navire.

L'appelant succombant en son recours, elle devra verser une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à madame [H] et monsieur [L].

PAR CES MOTIFS, LA COUR

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de GRASSE en date du 20 novembre 2018 dans l'intégralité de ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société ARIE DE BOOM SERVICES à verser à madame [D] [L] et monsieur [L] la somme de 1 800 euros en remboursement des frais de convoyage du navire.

- CONDAMNE la société ARIE DE BOOM SERVICES à verser à madame [D] [L] et monsieur [L] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société ARIE DE BOOM SERVICES, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 18/20030
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;18.20030 ?
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