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07/06/2022 | FRANCE | N°21/15449

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-3, 07 juin 2022, 21/15449


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2022



N° 2022/259









Rôle N° RG 21/15449 -

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKM2







[J] [L] épouse [T]





C/



[X] [O] [A] [T]

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Martine DESOMBRE

Me Paul GUEDJ




>Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge aux affaires familiales de NICE en date du 18 Octobre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/04401.





APPELANTE



Madame [J] [L] épouse [T]

née le 29 Janvier 1967 à [Localité 10] (IRAN) (99)

de nationalité Iranienne,

demeurant [Adresse 1]



représentée...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2022

N° 2022/259

Rôle N° RG 21/15449 -

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKM2

[J] [L] épouse [T]

C/

[X] [O] [A] [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Martine DESOMBRE

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge aux affaires familiales de NICE en date du 18 Octobre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/04401.

APPELANTE

Madame [J] [L] épouse [T]

née le 29 Janvier 1967 à [Localité 10] (IRAN) (99)

de nationalité Iranienne,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Jocelyne-elda LE BRETTON, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [X] [O] [A], [Y] [T]

né le 10 Octobre 1958 à [Localité 6]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ substitué par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et représenté par Me Claire ALTERMATT, avocat au barreau de METZ

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2022 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Thierry SIDAINE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Président

Monsieur Thierry SIDAINE, Conseiller

Mme Aurélie LE FALC'HER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Anaïs DOMINGUEZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2022.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Présidente et Madame Anaïs DOMINGUEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

'

M. [X] [T] de nationalité française et Mme [J] [L] de nationalité iranienne, se sont mariés le 22 septembre 2000 à [Localité 6], après avoir adopté un régime de séparation de biens suivant acte notarié établi le 11 septembre 2000 par Maitre [P] [N], notaire à [Localité 6].

'

De leur union est issu un enfant, [V], né le 16 décembre 2001 à [Localité 6].

'

Mme [J] [L] a déposé une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nice enregistrée au greffe le 14 décembre 2020.

'

Par ordonnance du 18 octobre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nice a :

- déclaré le juge français incompétent,

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- rejeté toute autre demande,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

'

Mme [J] [L] a formé appel de cette décision par déclaration au greffe de la cour d'appel de céans en date du 2 novembre 2021.

'

Par conclusions notifiées par RPVA le 27 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, Mme [J] [L] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée prononcée le 18/10/21 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nice en ce qu'elle a déclaré le juge français incompétent et invité les parties à mieux se pourvoir,

Et statuant à nouveau,

- déclarer le juge français compétent et en l'espèce le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nice pour connaître de la procédure de divorce des époux [L]-[T],

- débouter M. [X] [T] de l'intégralité de ses prétentions quant à l'exception d'incompétence soulevée et quant à son argumentation au fond,

- prendre acte de sa renonciation quant à sa demande d'évocation des mesures provisoires évoquées en la requête introductive en date du 09/12/2020,

- débouter M. [X] [T] de l'intégralité de ses prétentions,

- condamner M. [X] [T] au paiement de la somme de 10 000 € au titre de dommages et intérêts du chef de résistance abusive et dilatoire,

- condamner M. [X] [T] au paiement de la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SCP d'avocats DESOMBRE.

'

Mme [J] [L] dit que la résidence habituelle des époux était fixée à [Localité 9] où ils ont toujours résidé avec l'enfant commun.

Elle rappelle qu'un appartement a été loué de 2018 à 2020 à [Localité 6] à des fins fiscales et pour les besoins de l'enfant commun avant son départ dans une école anglaise.

Elle rappelle que la carte d'identité de [V] mentionne l'adresse de [Localité 9], de même que divers documents médicaux et l'attestation d'immatriculation provisoire des caisses sociales de [Localité 6].

Elle précise que M. [X] [T] a abandonné le domicile conjugal le 3 novembre 2020 mais y est revenu à plusieurs reprises notamment au mois d'avril 2021.

Elle rappelle que le domicile familial n'est pas celui de ses beaux-parents, sa belle-mère étant usufruitière et M. [X] [T] nu-propriétaire du bien.

'

Mme [J] [L] indique que plusieurs témoins et Mme [Z] employée depuis des années par le couple, attestent que la villa de [Localité 9] était occupée par la famille. Elle rappelle les factures transmises à cette adresse.

Elle fait état de l'attestation de la sûreté publique de la principauté de [Localité 6] du 18 novembre 2016 qui certifie qu'elle a quitté la principauté pour occuper la villa de [Localité 9].

'

Elle note que M. [X] [T] a obtenu en 2018 un certificat de résidence luxembourgeois et a osé produire un bail au Luxembourg non daté et non signé. Elle relève que M. [X] [T] ne produit pas ses avis d'imposition luxembourgeois.

Mme [J] [L] affirme que les preuves de vie de M. [X] [T] au Luxembourg ont été établi pour les besoins de la cause.

'

Mme [J] [L] affirme que la preuve que la résidence habituelle des époux était à [Localité 9] depuis 2016 est établie et elle sollicite l'infirmation de la décision déférée.

'

Mme [J] [L] dit renoncer à ce que la cour use de son pouvoir d'évocation pour connaître des mesures provisoires.

'

Par conclusions notifiées par RPVA le 29 avril 2022 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, M. [X] [T] demande à la cour de':

Vu l'exception d'incompétence territoriale,

Vu l'ordonnance rendue le 18 Octobre 2021 (RG n°20/04401),

Vu les dispositions de la convention Bruxelles 2 bis sur le juge compétent,

Vu les dispositions de l'article 75 et 1070 du Code de Procédure Civile,

Vu les dispositions de l'article 562 alinéa 1 du Code de Procédure Civile,

Vu les dispositions de l'article 901-4° du Code de Procédure Civile,

Vu les dispositions de l'article 568 du Code de Procédure Civile,

Vu la loi 2019-222 du 23 mars 2019

Vu la jurisprudence,'

Vu les pièces versées au débat,

IN LIMINE LITIS,'

- confirmer l'ordonnance rendue le 18 octobre 2021 (RG n°20/04401) par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal Judiciaire de NICE, en ce qu'elle a déclaré le juge français incompétent et invité les parties à mieux se pouvoir,'

En conséquence,'

- débouter'Madame [L] de l'intégralité de ses prétentions fins et conclusions,

Sur le fond,'

Subsidiairement,'

- dire et juger'irrecevables les demandes de Madame [L] de voir fixer les mesures provisoires entre époux par la Cour,

En conséquence,'

- débouter'Madame [L] de l'intégralité de ses demandes et prétentions relatives à la fixation de mesures provisoires entre époux,

A titre infiniment subsidiaire,

- prendre acte de la révocation de Madame [L] quant à la demande d'évocation des mesures provisoires,

Si par extraordinaire, la Cour se déclarait compétente pour statuer sur les mesures provisoires entre époux,

Vu l'article 255 du Code civil,

Vu l'article 1116 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

- constater'que la jouissance du bien sis [Adresse 1] sis à [Localité 9] appartient à un tiers usufruitier,

En conséquence,

- débouter'Madame [L] de sa demande tendant à se voir octroyer la jouissance à titre gratuit pendant l'instance en divorce dudit bien sis [Adresse 1] sis à [Localité 9] et du mobilier le garnissant,'

- débouter'Madame [L] de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [T] au règlement provisoire pendant l'instance en divorce de l'intégralité des frais d'entretien et charges de la villa dès lors que celles-ci sont à la charge d'un tiers usufruitier,'

En tout état de cause,

- dire Madame [L] mal fondée à solliciter l'octroi à titre gratuit de la jouissance d'un bien immobilier et des meubles le composant appartenant à un tiers usufruitier, autre que l'époux lui-même, lequel tiers usufruitier en supporte également exclusivement les charges,'

- débouter'Madame [L] de sa demande tendant à bénéficier de la jouissance à titre gratuit pendant l'instance en divorce du véhicule ALFA ROMEO Duetta 1600 à charge pour elle d'en supporter les frais y afférents,

En tout état de cause,

- prendre'acte de ce que Monsieur [T] ne connait pas ce véhicule ALFA ROMEO Duetta 1600 auquel Madame [L] fait référence,

- constater'l'accord de Monsieur [T] pour que Madame [L] utilise le véhicule de marque MERCEDES modèle Smart Forfour immatriculé [Immatriculation 3] à charge pour elle d'en supporter le loyer y afférent,

- débouter'Madame [L] de sa demande tendant à obtenir la condamnation de Monsieur [T] à lui verser une somme de 6.000 euros par mois au titre du devoir de secours, avec indexation usuelle,

En tout état de cause,

- constater'que Madame [L] ne justifie pas de sa situation financière ni dès lors de son état de besoin,

- enjoindre'à Madame [L] sous astreinte journalière de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir de produire aux débats les justificatifs actualisés de ses charges et revenus,

- dire et juger que Monsieur [T] prendra en charge seul, l'intégralité des frais de scolarité et les frais extra-scolaires de l'enfant majeur [V] [T] né le 16.12.2001 à [Localité 6],

Au besoin,' l'y condamner,'

- débouter'Madame [L] de sa demande tendant à obtenir la désignation d'un professionnel aux fins de procéder à l'inventaire du patrimoine de Monsieur [T], ce dernier ayant justifié de sa situation dans le cadre des débats sur les mesures provisoires,'

- ordonner'la désignation de tel professionnel qu'il plaira au Tribunal aux fins de dresser un inventaire estimatif du patrimoine détenu en France, à [Localité 6] et à [Localité 10] de Madame [L] que ce soit le patrimoine immobilier, mobilier, financier et professionnel à titre personnel ou par le biais de sociétés, dont le siège social serait situé en France où à l'étranger, avec possibilité d'interrogation de l'administration fiscale (article L143 du livre des procédures fiscales),

- prendre acte que Monsieur [T] n'est pas opposé à ce que la désignation de tel expert qu'il plaira au Tribunal de désigner soit effectuée de manière bilatérale à l'égard du patrimoine des deux parties, si cela est le seul moyen d'éclaircir la situation financière et patrimoniale de Madame [L],

- rappeler que les frais de consignation d'expertise sont portés à la charge du demandeur et qu'en cas d'investigation bilatérale, les frais seront supportés par moitié à charge de chacune des parties,

- débouter purement et simplement Madame [L] de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [T] sous astreinte journalière de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir à compléter et signer son dossier de renouvellement de titre de séjour en l'absence de toute vie commune entre les parties,

- débouter'Madame [L] de sa demande tendant à obtenir une somme de 5.000 euros au titre d'une provision ad litem, en l'absence de partage à opérer dans le cadre de la future liquidation du régime matrimonial des époux [T]-[L],'

En tout état de cause,

- débouter'Madame [L] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner Madame [L] à payer à Monsieur [T] une somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.

'

M. [X] [T] estime que la cour devra confirmer l'ordonnance rendue le 18 octobre 2021, en ce qu'elle a fait droit à l'exception d'incompétence.

Il rappelle la jurisprudence européenne relative à la notion de résidence habituelle laquelle se traduit par'une certaine intégration dans un environnement social et familial.

Il dit que comme l'a souligné le premier juge il convient de prendre en considération l'intention des époux.

Il note que le premier juge a retenu que :'

-' les époux [T]-[L] ont adopté leur contrat de mariage reçu par un notaire à [Localité 6],

-' lors de l'établissement dudit contrat de mariage, l'époux déclarait une résidence à [Localité 9] alors que l'épouse de son côté, déclarait une résidence à [Localité 8],'

-' l'unique enfant du couple [V] [T], désormais majeur, est né à [Localité 6], et étudie à [Localité 5] depuis le 23.09.2019,

- le passeport de l'enfant majeur porte une adresse monégasque,

-' l'attestation de Monsieur [I], produite par l'épouse, ne permet en aucun cas d'établir une résidence habituelle de l'enfant majeur en France mais bien plutôt des séjours ponctuels à l'occasion de ses vacances.

M. [X] [T] explique que [V], majeur et étudiant à [Localité 5], visite sa grand-mère paternelle dans la région niçoise à l'occasion de brefs séjours.

S'agissant de la situation de l'épouse, de nationalité iranienne, il relève qu'il a été notamment retenu que Mme [L] a d'abord résidé à [Localité 8] pour la période courant du 1er juin 2007 au 3 mai 2012 puis du 11 août 2016 au 02 août 2019 et qu'il ressort du profil professionnel de Mme [L] l'existence d'une résidence à [Localité 6] depuis près de 30 ans.

Il note que Mme [J] [L] a versé au débat un bail d'habitation pour un logement situé à [Localité 6] signé le 22 mars 2018, pour une durée de 2 ans qui permet d'apprendre que lors de la conclusion dudit bail, l'appelante était déjà résidente monégasque puisqu'elle y renseigne sa précédente adresse et une assurance habitation AXA datée de mars 2019 pour l'appartement monégasque occupé par elle.

Il relève qu'aucune attestation de domicile n'est produite concernant une résidence habituelle à [Localité 9].

M. [X] [T] dit avoir clairement justifié de sa situation devant le premier juge, qui a retenu à juste titre que bien que de nationalité française, il demeure au Luxembourg de manière continue comme en atteste sa carte de sécurité sociale du Luxembourg, un certificat de résidence du 6 Avril 2018, un permis de conduire délivré le 1er'avril 2019, un document daté de juillet 2021 émanant du Centre Commun de sécurité sociale du Luxembourg, une carte d'identité du Registre des Français établis hors de France délivrée par l'Ambassade de France au Luxembourg et valable jusqu'au 05/06/2023.

M. [X] [T] explique avoir communiqué les déclarations françaises des revenus des trois dernières années sur lesquelles il apparait qu'il est, avec son épouse,'domicilié au Duché du Luxembourg. Il précise n'effectuer en France uniquement les déclarations des revenus fonciers qu'il y perçoit et indique qu'il ne cotise plus à la sécurité sociale française.

M. [X] [T] dit entretenir une vie et des interactions sociales sur le sol luxembourgeois, sa vie privée et sociale ne se déroulant pas France.

Il affirme qu'aucun élément ne permet de rattacher l'existence d'une résidence habituelle continue sur le territoire français et cela depuis de nombreuses années.

M. [X] [T] relève que Mme [J] [L] a tenté de dépeindre une vie sociale des parties à l'aide d'attestations de témoins qui font référence à des fréquentations régulières ou à des dîners ou des réceptions à [Localité 9]. Il estime que cela ne peut établir l'existence d'une résidence habituelle.

Il dit que les attestations versées au dossier par Mme [J] [L] montrent qu'elle a une vie sociale essentiellement développée à [Localité 6] ainsi qu'elle l'indique elle-même dans son profil professionnel, et ainsi qu'attestent ses tickets de consommation et soins cliniques de leur fils [V].

M. [X] [T] affirme que Mme [J] [L] a cru pouvoir tirer prétexte du fait que la grand-mère paternelle de l'enfant commun disposait d'une maison à [Localité 9] pour l'attraire devant le juge français au mépris des règles de compétences applicables.

M. [X] [T] soutient que Mme [J] [L] est occupante d'un bien dont l'usufruit appartient à sa belle-mère.

M. [X] [T] rappelle que le Luxembourg est un Etat membre de l'Union Européenne, de sorte que les dispositions de l'article 3 du Règlement trouvent à s'appliquer.

M. [X] [T] estime que Mme [J] [L] ne pouvait ignorer qu'il est domicilié de manière continue au Luxembourg depuis 2017/2018 et que dès lors il lui appartenait de l'attraire devant les juridictions Luxembourgeoises.

Sur le fond, M. [X] [T] relève que dans sa déclaration d'appel Mme [J] [L] ne précise pas qu'elle entend demander à la cour de statuer sur les mesures provisoires. Il estime que la demande de l'appelante doit rejetée au motif que l'appel général n'existe plus.

A titre infiniment subsidiaire, M. [X] [T] conclut sir les mesures provisoires

Il dit que la cour ne peut statuer sur la jouissance d'un bien appartenant à un tiers dès lors que'seul ce tiers'peut disposer de la jouissance dudit bien.

S'agissant de la jouissance du véhicule de marque ALFA ROMEO Duetta 1600, M. [X] [T] dit ne pas comprendre la demande de Madame [L].

Il rappelle que Mme [J] [L] dispose d'un véhicule de marque MERCEDES, modèle SMART FORFOUR financé en leasing et dont le loyer mensuel est prélevé directement sur son compte. Il dit n'être pas opposé à ce que pendant l'instance en divorce, Mme [J] [L] utilise ce véhicule propriété d'un tiers, à charge pour elle d'en régler la mensualité et l'assurance y afférentes.

Sur le devoir de secours, M. [X] [T] soutient que Mme [J] [L] ne démontre pas en quoi elle serait dans une situation de besoin.

Il affirme qu'elle a une activité professionnelle puisqu'elle travaille pour des artistes dont elle vend les 'uvres moyennant une rétribution financière.

M. [X] [T] explique que Mme [J] [L] dispose d'un important patrimoine propre à [Localité 10] tant immobilier que mobilier, à savoir des numéraires dans différentes banques iraniennes, outre de deux appartements sis à [Localité 10] et d'un terrain proche de la Mer Caspienne.

Il estime qu'en l'absence d'éléments détaillés sur sa situation financière et patrimoniale, Mme [J] [L] doit être déboutée de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours.

Il précise que ses ressources se composent, dans l'attente de sa pension de retraite, de revenus fonciers qui en 2020 se sont chiffrés à 23.918,00 euros soit une moyenne mensuelle de l'ordre de 2.000 euros par mois.

Il dit que ses dépenses annuelles lissées sur 12 mois sont de l'ordre de 5.936 euros par mois.

S'agissant de l'enfant majeur, il rappelle que l'enfant majeur est scolarisé au [4] de [Localité 5] et que le coût mensuel de la scolarité représente une somme annuelle de l'ordre de 52.007,95 euros.

Il explique que sur cette somme, il prend en charge une partie à hauteur de 28.104,46 euros, et la grand-mère de l'enfant 23.903,49 euros.

Il rappelle que Mme [J] [L] ne règle aucune dépense pour leur fils.

'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2022.

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MOTIFS

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Sur la recevabilité de l'appel':

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Rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l'appel par ailleurs non contestée.

Il sera donc déclaré recevable.

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Sur l'exception d'incompétence

'

Il résulte de l'article'3 du code civil'qu'en présence d'un élément d'extranéité, il incombe au'juge'français'de mettre en 'uvre la règle de conflit de loi.

'

En l'espèce, il existe des éléments d'extranéité au regard du mariage célébré à [Localité 6], de la nationalité iranienne de Mme [J] [L] et de la résidence luxembourgeoise de M. [X] [T].

'

Le Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale dispose dans sa section 1 relative au «Divorce, séparation de corps et annulation du mariage» en son article 3':

«'Compétence générale

1. Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'État membre :

a) sur le territoire duquel se trouve :

- la résidence habituelle des époux, ou

- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou

- la résidence habituelle du défendeur, ou

- en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux, ou

- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou

- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son "domicile";

b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du "domicile" commun.».

La résidence habituelle, notion autonome du droit communautaire, se définit comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts qui traduit une certaine intégration dans un environnement social et familial et correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie.

'

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En vertu de l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile, les conclusions des parties doivent formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.

'

En l'espèce, l'épouse demanderesse soutient que le critère de la résidence habituelle des époux, visée à l'article 3 du Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, doit être retenu en affirmant qu'elle était incontestablement fixée à [Adresse 1].

'

Pour étayer son affirmation, elle vise en page 5 de ses écritures ses pièces n°5/9/10/11/12/13/15/22/23/26/27/28/30 sans procéder à leur analyse et sans indiquer en quoi elles établiraient que le centre de vie des époux se situait à [Localité 9].

'

C'est à tort, au regard de la motivation particulièrement précise et détaillée de l'ordonnance déférée que Mme [J] [L] reproche au premier juge de n'avoir «'fait état que d'une seule attestation (celle de Monsieur [I] du 10/08/2021), de l'adresse du passeport de l'enfant qui était à [Localité 6], ainsi que d'une facture de l'institut monégasque de médecine du 09/09/2019, indiquant l'adresse de l'enfant a [Localité 9]'».

'

Mme [J] [L] dit que le premier juge n'a pas examiné avec attention':

- la carte d'identité de l'enfant [V] dont l'adresse mentionne est celle de [Localité 9],

- les divers documents médicaux,

- l'attestation d'immatriculation provisoire des caisses sociales de Monaco.

'

D'abord, la cour relève que':

- la photocopie de la carte nationale d'identité de l'enfant versée à son dossier par Mme [J] [L] en pièce n° 12 est illisible et n'est donc pas probante.

- la pièce n° 15 visée par Mme [J] [L] est un justificatif de déplacement de l'enfant [V] qui ne mentionne pas l'adresse de ce dernier et n'est donc pas probante.

- l'attestation d'immatriculation provisoire des caisses sociales de Monaco (pièce 24) datée du 21 octobre 2021, est postérieure à la date de la requête en divorce et n'est donc pas probante.

'

D'ailleurs, nombre des pièces visées par Mme [J] [L] sont postérieures à la date de la requête en divorce et ne sauraient dès lors démontrer le lieu de résidence des époux ou depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande conformément à l'article 3 du Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 précité.

Il en est ainsi des pièces suivantes :

- pièce n° 5 courrier de recouvrement du 31/12/2020 ;

- pièce n°11 factures Décathlon du 12 mars 2021 ;

- pièce n°23 mises en demeure du 26 août 2021;

- pièce n°26 attestation titulaire contrat EDF du 18 octobre 2021;

'

La cour relève en outre que l'attestation de départ de la sûreté publique de la principauté de Monaco daté du 1er octobre 2021 (pièce n°29 de l'appelante) mentionne que Mme [J] [L]'a déclaré avoir quitté [Localité 6] le 18/11/2016 pour se rendre à [Localité 9] mais ne fait pas état de son adresse dans cette commune.

'

Finalement seules les pièces n° 22 et 30 de l'appelante à savoir une photocopie d'une carte verte de l'assurance du véhicule SMART dont elle a la jouissance datée du 5 novembre 2019 et des factures EDF établies au nom des deux époux à compter de l'année 2018 sont antérieures à la requête en divorce et mentionnent l'adresse [Adresse 1].

A l'évidence ces pièces ne peuvent suffire à établir la réalité d'une continuité de vie commune des époux à [Localité 9].

'

Mme [J] [L] s'appuie également sur plusieurs témoignages (pièce n°13, 27 et 28) qui certifieraient selon elle que la résidence de la famille est à [Localité 9] depuis l'année 2016.

La cour relève que':

- Mme [H] [Z] atteste travailler pour le couple « depuis 2008 entre [Localité 6], [Localité 9] et Italy depuis fin 2016 uniquement dans leur maison [Adresse 1] ».

- Mme [K] [D] atteste avoir eu l'occasion de dîner à plusieurs reprises chez M. [X] [T] et Mme [J] [L] dans leur maison [Adresse 1].

- M. [C] [S] atteste avoir été reçu plusieurs fois dans leur maison au [Localité 9] et avoir constaté que [X] n'habite plus dans la maison depuis novembre 2020.

- M. [R] [E] (deux attestations en pièces 13 et 27) certifie avoir fréquenté la famille [T] depuis 2019 à leur domicile de [Adresse 1] er y avoir partagé des moments inoubliables.

- Mme [FR] [M] (deux attestations en pièces 13 et 27) atteste avoir fréquenté le couple, avoir été invitée régulièrement pour dîner et affirme que le couple vivait bine ensemble à la maison [Adresse 1].

- Mme [G] [BX] certifie s'être rendue à plusieurs reprises reprises chez Monsieur et Madame [T] à la [Adresse 1].'

- Mme [W] [B] certifie s'être rendue à la villa « en septembre 29, 2017 pour une soirée avec des amis de couples en commun plusieurs reprise pendant les derniers 25 ans.'»

- Mme [U] [F] atteste: « Depuis 2016 je suis allé avec mes enfants dans la demeure familiale à [Localité 9] ou il avait aussi leur fils [V], qui joué avec mes garçons, la dernière rencontre en date du 20 octobre 2021 à la [Adresse 1] les enfants ont passé un bon moment.

J'ai passé un bon moment à différents endroits avec le couple [T] et fils des années 2018 et 2019 notamment à [Localité 6] et [Localité 9] plages et domicile [Adresse 1]'».

'

Si ces attestations démontrent que les époux pouvaient disposer ponctuellement de la jouissance du bien sis à [Localité 9] (appartenant à la mère de M. [X] [T] sur lequel ce dernier dispose de la nue-propriété) pour y recevoir leurs amis, elles sont insuffisamment précises et détaillées pour démontrer une vie commune stable et continue de vie des époux en ce lieu à la date de la requête en divorce du 14 décembre 2020 ou même une résidence habituelle de la demanderesse depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande.

'

M. [X] [T] rappelle que les époux se sont mariés à [Localité 6], qu'ils ont adopté leur contrat de mariage reçu par un notaire à [Localité 6], que lors de l'établissement dudit contrat de mariage, il déclarait une résidence à [Localité 9] alors que l'épouse déclarait une résidence à [Localité 8],'que l'enfant commun [V] [T] désormais majeur et étudiant à [Localité 5] depuis le 23 septembre 2019 est né à [Localité 6] son passeport portant une adresse monégasque, que Mme [J] [L] a résidé à [Localité 6] comme en attestent les cartes de résident versées au dossier.

'

M. [X] [T] indique que les époux sont séparés de fait depuis l'année 2018 ce qui est corroboré par les pièces qu'il verse au dossier. Ainsi M. [X] [T] démontre avoir fixé sa résidence au Luxembourg à compter du 6 avril 2018 ainsi qu'en attestent :

- sa carte de sécurité sociale du Luxembourg,

- un certificat de résidence datant du 19 avril 2018,

- un permis de conduire délivré le 1er avril 2019,

'-un document daté de juillet 2021 émanant du Centre Commun de sécurité sociale du Luxembourg,

- une carte d'identité du Registre des Français établis hors de France délivrée par l'Ambassade de France au Luxembourg et valable jusqu'au 5 juin 2023,

- le justificatif de son assurance habitation BALOISE ASSURANCE depuis le 1er mars 2018 mentionnant son adresse au Luxembourg,

- la lettre du gouvernement du Grand-Duché adressée à M. [X] [T] à son adresse au Luxembourg le 27 avril 2018,

- la lettre du Centre Commun de la Sécurité Sociale adressée à M. [X] [T] à son adresse au Luxembourg le 17 août 2018,

- les justificatifs de soins médicaux délivrés à M. [X] [T] au Luxembourg

- les relevés de carte bancaire de M. [X] [T] démontrant les dépenses effectuées au Luxembourg.

'

Outre ces pièces, les avis d'impôt 2019 et 2020 versés au dossier par l'intimé en pièces n°5 et 5-1 démontrent que les époux étaient domiciliés fiscalement au Luxembourg.

'

Par ailleurs, à la lecture du contrat de bail à loyer en date du 22 mars 2018 versé au dossier par l'intimé en pièce 3-3, il est établi que Mme [J] [L] a loué à compter du 1er avril 2018 un appartement sis à [Adresse 7], cette habitation étant confirmée par l'avis d'échéance d'assurance habitation, transmis à cette adresse à Mme [J] [L] (pièce n°3-6). Mme [J] [L] procède par affirmations en mentionnant à ses écritures que «'un appartement a été loué de 2018 à 2020 à [Localité 6] à des fins fiscales et pour les besoins de l'enfant commun avant son départ dans une école anglaise'» aucune pièce n'étayant ses dires.

'

Il est également démontré que Mme [J] [L] a fixé ses centres d'intérêts professionnels et personne à [Localité 6] ainsi qu'il résulte de ses profils Facebook et Linkedin produits en pièces n° 39 par l'intimé.

'

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [X] [T] résidait séparément de son épouse, de façon habituelle stable et continue au Luxembourg depuis 2018 et ne pouvait donc partager sa résidence depuis cette époque avec Mme [J] [L] à [Localité 9].

C'est donc à tort que Mme [J] [L] soutient que la résidence habituelle des époux était fixée au jour de l'introduction de l'instance à [Localité 9].

'

Force est donc de constater que Mme [J] [L] a ainsi mentionné dans sa requête en divorce déposée le 14 décembre 2020, une domiciliation sur le territoire français dans un bien immobilier dont sa belle-mère est usufruitière et que s'il résulte des pièces de la procédure que les époux ont pu bénéficier ponctuellement de la jouissance de ce bien, cette adresse ne constituait ni la résidence habituelle des époux ni la résidence habituelle de l'épouse depuis une année avant l'introduction de l'instance au sens de l'article 3 du règlement communautaire du 27 novembre 2003.

'

Ainsi, à juste titre le premier juge a estimé que la compétence internationale du juge français ne pouvait être établie en application des critères de l'article 3 du Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003.

'

Il convient donc de confirmer la décision déférée.

'

Mme [J] [L] sera subséquemment déboutée de sa demande au demeurant non motivée, tendant à voir condamner M. [X] [T] au paiement de la somme de 10000 € au titre de dommages et intérêts du chef de résistance abusive et dilatoire.

'

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code procédure civile :

'

Mme [J] [L] qui succombe en ses prétentions, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [X] [T] les frais non compris dans les dépens. Il y a donc lieu de condamner Mme [J] [L] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

'

PAR CES MOTIFS

'

La cour, statuant contradictoirement, après débats hors la présence du public,

En la forme,

'

Reçoit l'appel,

Au fond,

'

Confirme l'intégralité de la décision entreprise,

'

Déboute Mme [J] [L] de sa demande tendant à voir condamner M. [X] [T] au paiement de la somme de 10 000 € au titre de dommages et intérêts du chef de résistance abusive et dilatoire,

'

Condamne Mme [J] [L] au paiement des dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise,

'

Condamne Mme [J] [L] à payer à M. [X] [T] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

'

LE GREFFIER ''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-3
Numéro d'arrêt : 21/15449
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;21.15449 ?
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