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07/06/2022 | FRANCE | N°20/12524

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 07 juin 2022, 20/12524


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2022



N°2022/203













Rôle N° RG 20/12524 N° Portalis DBVB-V-B7EBGUYJ







[K] [U]



C/



[C] [S] [F] [U]



PROCUREUR GENERAL





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Anne-laure VIRIOTr>


Me Elise BESSON



MINISTERE PUBLIC





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en date du 09 novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/05720





APPELANT



Monsieur [K] [U]

né le 11 juin 1958 à [Localité 6]

de nationalité française,

demeurant [Adresse 4]



rep...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2022

N°2022/203

Rôle N° RG 20/12524 N° Portalis DBVB-V-B7EBGUYJ

[K] [U]

C/

[C] [S] [F] [U]

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Anne-laure VIRIOT

Me Elise BESSON

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en date du 09 novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/05720

APPELANT

Monsieur [K] [U]

né le 11 juin 1958 à [Localité 6]

de nationalité française,

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Anne-laure VIRIOT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [C] [S] [F] [U]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021000904 du 09/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le 25 avril 2000 à [Localité 5]

de nationalité française,

demeurant Chez Mme [G] [W] - [Adresse 1]

représentée par Me Elise BESSON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Maïlys LARMET, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

PROCUREUR GENERAL,

[Adresse 3]

comparant en la personne de Madame Isabelle POUEY, Substitut général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 avril 2022, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, et Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, chargés du rapport.

Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Monique RICHARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [G] [W] et Monsieur [K] [U] se sont mariés le 28 avril 2007 à [Localité 2].

De cette union est issue [P], née le 05 octobre 2007.

Par jugement du 04 juillet 2008, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a prononcé l'adoption simple par [K] [U], de l'enfant [C], née le 25 avril 2000 des relations de Madame [G] [W] et de Monsieur [X] [M] et dit que l'enfant portera le nom patronymique de l'adoptant.

Le 10 novembre 2014, Madame [G] [W] et Monsieur [K] [U] ont divorcé par consentement mutuel.

Le 28 octobre 2019, Monsieur [U] a saisi le tribunal de grande instance d'Aix en Provence aux fins d'entendre prononcer la révocation de l'adoption simple prononcée le 14 juillet 2008 et dire que le nom patronymique de [C] sera celui de [W].

Par jugement du 09 novembre 2020, le tribunal judiciaire d'Aix en Provence a :

débouté Monsieur [U] de sa demande en révocation de l'adoption simple de [C] [U] prononcée par jugement du 04 juillet 2008 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence,

condamné Monsieur [U] à supporter les entiers dépens de l'instance,

condamné Monsieur [U] à payer à [C] [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de l'indemnité qualifiée d'honoraires auprès de son conseil Maître Elise BESSON, avocate au Barreau d'Aix en Provence.

Le 15 décembre 2020, Monsieur [U] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 janvier 2022, auxquelles il est fait expressément renvoi pour plus ample exposé des moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il demande à la Cour de :

Dire et juger bien fondé'son appel,

Infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire d'Aix en Provence le 09 novembre 2020 en ce qu'il a':

*débouté Monsieur [U] de sa demande en révocation d'adoption simple à l'égard de [C] [U]

* condamné Monsieur [U] à verser à [C] [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991

En conséquence':

de prononcer la révocation de l'adoption simple résultant du jugement du 04 juillet 2008 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence,

de dire que le nom patronymique de [C] sera désormais [W] et non [U],

d'ordonner la retranscription dudit jugement en marge de son acte de naissance,

de dire que chacun conservera la charge de ses propres dépens.

Il fait essentiellement valoir qu'à la suite de l'engagement de la procédure aux fins de voir ordonner la suppression du paiement de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation de [C], et de [P] (12 novembre 2018) les relations avec [C] se sont dégradées à tel point qu'elles sont inexistantes depuis plus de trois ans.

Il décrit le comportement arrogant, insolant et insultant de [C] à son encontre, réfractaire à tout dialogue et discussion, attesté par les témoignages qu'il communique.

[C] n'a pas non plus supporté qu'il refuse qu'elle aille rejoindre son petit ami le soir et a défié toutes les règles éducatives et son autorité.

Il a été d'autant plus blessé par ce comportement qu'il n'a jamais fait aucune différence entre [C] et [P].

Il a toujours été présent et attentif auprès de cette dernière, qui n'a pas hésité, alors qu'elle est maintenant âgée de 22 ans, à solliciter le paiement d'une contribution à son entretien, après qu'elle soit retournée vivre auprès de sa mère.

Il réfute tous les arguments de l'intimée tenant à considérer la demande de révocation de l'adoption simple comme un événement dramatique pour elle.

Les répercussions de cette révocation sur [P], actuellement âgée de 14 ans, ne sont pas démontrées.

L'impact psychologique de la perte du nom patronymique de [U] doit être relativisé dans la mesure où [C] a déjà changé de nom alors qu'elle était déjà âgée de 8 ans au moment de son adoption.

La seule raison de l'opposition de [C] à la révocation de l'adoption est l'enjeu financier que constitue la perte de son droit à solliciter des aliments.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 23 mai 2021, auxquelles il est fait expressément renvoi pour plus ample exposé des moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Madame [C] [U] demande à la Cour de :

-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

En conséquence de:

-Débouter Monsieur [U] de sa demande à voir prononcer la révocation de l'adoption simple de [C] [U] prononcée par jugement du 4 juillet 2008,

-Condamner Monsieur [U] à verser à [C] [U] la somme de 1.800 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à titre d'indemnité qualifiée d'honoraires auprès de son conseil Maître Elise BESSON, avocate au Barreau d'Aix en Provence, dans le cadre de la présente instance devant la Cour,

-Condamner Monsieur [U] aux entiers dépens.

Par jugement du 12 novembre 2018, le juge aux affaires familiales a supprimé le paiement de la part contributive mis à la charge de l'appelant au titre de l'entretien et l'éducation des deux enfants.

A la suite de cette procédure, les relations entre [C] et son père se sont tellement tendues que Monsieur [U] lui a signifié qu'il ne souhaitait plus qu'elle réside à son domicile.

Elle s'est donc installée à plein temps chez sa mère, tandis que [P] continuait à résider de manière alternée au domicile de chacun des parents.

Monsieur [U] a considéré que la requête qu'elle a alors engagée pour qu'il contribue à son entretien était une preuve d'agressivité à son encontre.

Or, étudiante, en économie - actuellement en troisième année - elle ne pouvait seule subvenir à ses besoins.

Par jugement du 11 mars 2021, le juge aux affaires familiales a d'ailleurs fait droit à cette requête et a fixé le quantum de l'obligation alimentaire de Monsieur [U] à son égard à la somme mensuelle de 200 euros.

Elle regrette que Monsieur [U] ne se soit pas emparé de la motivation précise et minutieuse du jugement rejetant sa demande de révocation de l'adoption simple.

Monsieur [U] représente pour elle la seule figure paternelle jamais connue, et sa démarche l'a profondément meurtrie et perturbée.

La demande de révocation de l'adoption revient à nier toute son enfance et la vie de famille, le nom de [U] constitue son identité.

La solidité des liens avec l'appelant est démontré par le fait qu'après le prononcé du divorce du couple [U]/ [W], une résidence alternée a été'mise en 'uvre.

La révocation de l'adoption ferait écho au premier abandon affectif de son père biologique.

Cette révocation remettrait également en cause le lien fraternel entre l'intimée et sa s'ur [P], alors que les deux s'urs entretiennent une belle relation.

A supposé établi son comportement arrogant et insolent argué par l'appelant, cette situation ne constitue pas un motif grave de nature à faire droit à la demande de révocation.

Le nom du père adoptif a constitué pour elle un repère solide et structurant.

Elle commente et critique toutes les attestations communiquées par l'appelant, d'autant plus qu'elle verse elle-même aux débats un certains nombre de témoignages attestant de son comportement respectueux et aimant à l'égard de l'époux de sa mère.

Le ministère public, auquel la procédure a été communiquée en application de l'article 425 du code de procédure civile, par conclusions du 14 avril 2022 régulièrement communiquées aux parties, demande que le jugement entrepris soit confirmé.

La procédure a été clôturée le 14 avril 2022.

DISCUSSION

L'article 353 du code civil dispose que l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant.

L'adoption visant à la création d'un véritable rapport de filiation, fondée sur la solidité des liens affectifs entre adopté et adoptant, seuls des motifs d'une particulière gravité peuvent conduire à sa révocation, comme le stipulent les dispositions de l'article 370 du code civil.

En effet l'adoption revêt, selon une jurisprudence constante un caractère institutionnel prépondérant,et sa révocation ne peut être prononcée que de manière exceptionnelle.

Il résulte de l'application de ce texte que le débat ne peut pas s'engager sur le terrain des conséquences de la révocation de l'adoption, au risque de rajouter à l'article 370 du code civil une condition qu'il ne comporte pas.

Il doit être observé que le conflit qui oppose les parties ne peut pas être dissocié de l'engagement des procédures initiées d'une part par Monsieur [K] [U] le 04 juin 2018 aux fins de suppression du paiement de sa part contributive à l'entretien et l'éducation de [C] et [P], et d'autre part par [C] [U] le 17 juin 2019 aux fins de rétablissement de l'obligation alimentaire à son égard.

Toutefois, l'engagement de ce type de procédure, qui découle de la rupture du lien matrimonial du couple [U]'/ [W], ne saurait être constitutif d'un motif grave au sens de l'article 370 du code civil.

Pour solliciter la révocation de l'adoption, Monsieur [U] fait état du comportement exécrable de [C] à son égard.

Il produit des attestations qui décrivent, à partir de l'accession de [C] à sa majorité, un comportement «hautain et arrogant», irrespectueux s'agissant notamment de remarques désobligeantes sur la tenue vestimentaire de l'appelant), une « absence de civisme et et de respect» et des désaccords quant à son orientation scolaire.

[C] [U] communique pour sa part des attestations qui la décrivent attachée à son père adoptif, peu encline à entrer en conflit avec ce dernier pour lequel elle a toujours manifesté du respect.

Il résulte de la lecture de l'ensemble de ces témoignages que les relations entre les parties se sont dégradées à partir de l'existence d'enjeux financiers, de telle sorte qu'il est constant que depuis environ trois années, elles n'entretiennent plus aucun contact.

Cette circonstance,qui peut naître dans toutes les familles, ne peut pas constituer, en l'espèce, un motif grave au sens du texte précité.

Les pièces de la procédure démontrent en réalité l'existence d'une mésentente entre les parties mais non pas l'existence d'un comportement indigne ou d'une intention de nuire de la part de l'adoptée.

Ces éléments sont donc totalement insuffisants à établir qu'il existe des motifs graves, au sens de la loi, de nature à révoquer l'adoption prononcée le 04 juillet 2008.

La décision entreprise sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Monsieur [K] [U] qui succombe assumera la charge des dépens d'appel.

Il serait inéquitable que Madame [C] [U] assume la totalité des frais irrépétibles de l'instance.

Madame [C] [U] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale et la contribution de l'Etat à la rétribution de son avocat est fixée suivant le barème de rétribution prévu à l'article 90 du décret 91-1266 du 19 décembre 1991.

Son conseil, Maître Elise BESSON sollicite paiement de la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, renonçant ainsi à percevoir la contribution de l'Etat.

En conséquence, Monsieur [K] [U] sera condamné à payer la somme de 1.800 euros au conseil de son adversaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, après débats en Chambre du Conseil,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

CONDAMNE Monsieur [K] [U] aux dépens d'appel.

CONDAMNE Monsieur [K] [U] à payer au conseil de Madame [C] [U] la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance.

RAPPELLE qu'en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, Maître Elise BESSON renoncera à percevoir la contribution de l'Etat.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 20/12524
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;20.12524 ?
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