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07/06/2022 | FRANCE | N°19/11782

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 07 juin 2022, 19/11782


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2022



N°2022/201













Rôle N° RG 19/11782 N° Portalis DBVB-V-B7D-

BEUHD







PROCUREUR GENERAL



C/



[K] [L]





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Faouzia DRISSI BOUACIDA



MI

NISTERE PUBLIC





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 20 juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/7067





APPELANT



PROCUREUR GENERAL,

Cour d'Appel - [Adresse 3]

comparant en la personne de Madame Isabelle POUEY, Substitut général





INTIME



Monsieu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2022

N°2022/201

Rôle N° RG 19/11782 N° Portalis DBVB-V-B7D-

BEUHD

PROCUREUR GENERAL

C/

[K] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Faouzia DRISSI BOUACIDA

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 20 juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/7067

APPELANT

PROCUREUR GENERAL,

Cour d'Appel - [Adresse 3]

comparant en la personne de Madame Isabelle POUEY, Substitut général

INTIME

Monsieur [K] [L]

né le 28 avril 1975 à [Localité 2] (Algerie )

de nationalité algérienne,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Faouzia DRISSI BOUACIDA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 avril 2022, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, et Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, chargés du rapport.

Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Monique RICHARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 22 août 2017, le directeur de greffe du tribunal d'instance de Marseille a refusé à Monsieur [K] [L], né le 28 avril 1975 à [Localité 2] (Algérie) la délivrance d'un certificat de nationalité française.

Par exploit du 14 juin 2018,Monsieur [K] [L] a fait assigner le procureur de la République devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de se voir déclarer français par application de l'article 18 du code civil.

Par jugement du 20 juin 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a :

constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

dit que c'est à tort que le directeur de greffe du tribunal d'instance de Marseille a refusé à [K] [L] la délivrance d'un certificat de nationalité française,

dit que [K] [L], né le 28 avril 1975 à [Localité 2] ( Algérie) est français,

ordonné la mention de l'article 25 du code civil,

condamné le Trésor Public aux dépens,

condamné le Trésor Public à payer à [K] [L] une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 19 juillet 2019, le Ministère Public a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 15 octobre 2019, il demande à la Cour:

-de constater que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été satisfaites

- d'infirmer le jugement déféré

- de juger que Monsieur [K] [L], né le 28 avril 1975 à [Localité 2] (Algérie) n'est pas français

- d'ordonner la mention prévue par les articles 28 du code civil , 1059 du code de procédure civile et 4-1 du décret 65-422 du 01 juin 1965 portant création d'un service central au ministère des affaires étrangères constituée d'une inscription au répertoire civil annexe.

Il soutient que pour bénéficier de la nationalité française, au visa de l'article 18 du code civil,Monsieur [L] doit faire la preuve qu'il est né d'une mère française, [N] [Z], née le 30 septembre 1952, elle- même issue de [Z] [F], lequel, selon le demandeur, a été admis à la qualité de citoyen français par jugement rendu le 18 octobre 1939 par le tribunal civil de première instance de Tizi-Ouzou.

Madame [Z] était française par application de l'article 23-1 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue du 19 octobre 1945.

Cependant, il faut que Monsieur [F] [Z] et Madame [V] [Z] aient conservé cette nationalité lors de l'accession de l'Algérie à l'indépendance.

Selon l'article 32-1 du code civil "les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'auto détermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne".

La seule possibilité de conserver la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie est donc l'appartenance au statut de droit commun et celui qui prétend avoir conservé la nationalité française en vertu de l'article 32-1 du code civil doit donc rapporter la double preuve d'une part de sa qualité de Français avant l'indépendance de l'Algérie et, d'autre part, de son statut civil de droit commun.

Monsieur [L] communique une copie du jugement d'admission de [F] [Z] à la qualité de citoyen français, daté du 18 octobre 1939 délivré par le tribunal de première instance de Tizi Ouzou.

Cependant la preuve de l'admission à la citoyenneté française suppose la production d'un décret ou d'une expédition conforme du jugement d'admission.

L'authenticité du document communiqué par Monsieur [L] est douteuse, d'abord au regard de la présentation formelle de ce jugement et de certaines formulations, ensuite parce que le jugement sur lequel s'appuie le demandeur émane d'une autorité algérienne, alors qu'un tel jugement doit avoir été rendu par les autorités françaises.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 janvier 2020, Monsieur [L] demande à la Cour:

Vu les éléments ci-dessus exposés et les pièces produites,

Vu l'ordonnance du 21 juillet 1962,

Vu la loi du 4 février 1919,

Vu l'article 18 du Code civil,

Vu1'article 30-3 du Code civil,

Vu l'article 29 alinéa 1 du Code civil,

Vu l'article 1038 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-Confirmer le Jugement de première instance entrepris en toutes ses dispositions,

-Dire et juger que Monsieur [L] [K] est de nationalité française,

-Ordonner la mention prévue à l'article 28 du Code civil,

-Dire et juger que le Service Central d'Etat Civil du Ministère des Affaires Etrangères devra lui établir un acte de naissance mentionnant le jugement constatant sa nationalité française,

-Condamner le Trésor public à payer à Monsieur [K] [L] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

-Mettre les dépens à la charge du Trésor.

Il soutient qu'il est français au sens de l'article 18 du code civil qui dispose qu'est français, l'enfant légitime ou naturel,dont l'un des parents au moins est français'.

L'arrière grand-père maternel du demandeur ([G] [Z]),comme son grand-père maternel ([F] [Z]) ont tous deux bénéficié de jugements rendus par le tribunal civil de premier instance de Tizou-Ouzou le 18 octobre 1939 les admettant à la qualité de citoyen français.

La transmission de la nationalité française à la mère du requérant, [N] [Z] s'est donc transmise par le sang.

Au visa des articles 1 et 2 de l'ordonnance N°62-825 du 21 juillet 1962, cette dernière ne peut pas avoir perdu la nationalité française au moment de l'accession à l'indépendance de l'Algérie.

Les ascendants du demandeur étaient soumis au droit commun français au moment de l'indépendance de l'Algérie.

Il rappelle que Madame [V] [Z] a par ailleurs effectué une demande de certificat de nationalité française et que par arrêt le 25 février 2020, la Cour d'Appel de Paris a considéré comme français [H] [L], frère du demandeur.

Rien ne permet de mettre en doute les jugements émanant de la juridiction de Tizi Ouzou.

A la suite de nombreuses démarches,l'intimé est maintenant en possession des copies des grosses des jugementsmanuscrits originaux rendus par le tribunal civil de première instance de Tizi Ouzou le 18 octobre 1939, qui constituent la preuve indéniable de l'authenticité des jugements.

La procédure a été clôturée le 14 avril 2022.

DISCUSSION'

En application de l'article 30 du code civil,la charge de la preuve incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf si celui-ci est titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.

En l'espèce, cette preuve appartient donc à Monsieur [L].

Monsieur [L] fait valoir qu'il est français en application des dispositions de l'article 18 du code civil comme né d'une mère française, [N] [Z], née le 30 septembre 1952, elle-même issue de [F] [Z] lequel -comme d'ailleurs le père de ce'dernier, Monsieur [G] [Z]- ont été admis à la qualité de citoyen français par jugement rendu le 18 octobre 1939 par le tribunal civil de première instance de Tizi-Ouzou.

Conformément en effet à l'article 1 de l'ordonnance N° 62-825 du 21 juillet 1962 ,les français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination,conservent la nationalité française, quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne.

L'article 2 de la même ordonnance, prévoit un régime différent pour les personnes de statut civil de droit local originaires d'Algérie, qui peuvent ainsi que leurs enfants, en France,se voir reconnaître la nationalité française selon les dispositions du titre VII du code de la nationalité française.

Dès lors les français musulmans originaires d'Algérie relevant du statut de droit local, qui n'ont pas souscrit de déclaration recognitive avant le 21 mars 1967 (selon article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 et article 1 de la loi du 20 décembre 1966) ont perdu la nationalité française le 01 janvier 1966, date des effets en matière de nationalité de l'accession de l'Algérie à l'indépendance.

Tel n'est pas le cas du requérant qui entend se prévaloir de l'accession de ses aïeux à la qualité de citoyen français de droit commun, de par l'intervention des jugements rendus le 18 octobre 1939 par le tribunal civil de première instance de Tizou Ouzou.

Alors que le ministère public émet des doutes quant à l'authenticité de la photocopie dactylographiée du jugement d'admission à la qualité de citoyens français de Messieurs [G] et [F] [Z]( arrière grand-père et grand-père du requérant) prononcé le 18 octobre 1939 par le tribunal civil de première instance de Tizi Ouzou,Monsieur [L] communique copies des grosses des jugements manuscrits originaux rendu par la juridiction de Tizi Ouzou.

Rien ne permet donc à la Cour de remettre en question l'authenticité de ces décisions.

Par ailleurs, les pièces communiquées par Monsieur [L] (actes d'état civil,actes de mariage et actes de naissance) établissent l'existence d'une chaîne de filiation ininterrompue entre lui-même et ses grand-père et arrière grand-père'.

Il produit également l'acte de naissance de sa mère, [N] [Z] dont il résulte qu'elle est née le 30 septembre 1952 de [F] [Z] et [W] [U], son épouse.

Par conséquent,au bénéfice de cette analyse, c'est à juste titre que le premier juge a dit que Monsieur [K] [L], né le 28 avril 1975 à [Localité 2] ( Algérie) est français.

Il a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles'

Le ministère public succombant, les dépens seront supportés par le Trésor Public.

Il serait inéquitable que Monsieur [L] assume l'intégralité des frais irrépétibles de l'instance.

La somme de 2.000 euros lui sera allouée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

DIT que les dépens seront supportés par le Trésor Public.

CONDAMNE le Trésor Public à payer à Monsieur [K] [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 19/11782
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;19.11782 ?
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