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02/06/2022 | FRANCE | N°18/19160

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 02 juin 2022, 18/19160


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022



N° 2022/197













N° RG 18/19160 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDN53







Société COLOMBUS MCKINNON CORPORATION SARASOTA OPERATIONS





C/



SAS GCA LOGISTICS MARSEILLE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Charles TOLLINCHI



Me Agnès ERMENEUX

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 19 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017007367.







APPELANTE



Société COLOMBUS MCKINNON CORPORATION SARASOTA OPERATIONS, dont le siège social est si...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022

N° 2022/197

N° RG 18/19160 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDN53

Société COLOMBUS MCKINNON CORPORATION SARASOTA OPERATIONS

C/

SAS GCA LOGISTICS MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Charles TOLLINCHI

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 19 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017007367.

APPELANTE

Société COLOMBUS MCKINNON CORPORATION SARASOTA OPERATIONS, dont le siège social est sis [Adresse 1] - USA

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

SAS GCA LOGISTICS MARSEILLE, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Vincent REMAURY, avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant bon de commande daté du 10 février 2014, la société GCA LOGISTICS MARSEILLE a acquis de la société COLUMBUS MCKINNON CORPORATION SARASOT OPERATIONS (ci après société COLUMBUS) une machine de broyage de pneu en lignes.

Le 21 novembre 2014, monsieur [S], salarié de la société GCA LOGISTICS MARSEILLE, a été victime d'un accident du travail, son bras étant happé par le convoyeur de la machine de broyage dépourvu de carter.

Suivant jugement en date du 12 avril 2018, le pôle social du tribunal judiciaire d'AMIENS a dit que l'accident était imputable à une faute inexcusable de la société GCA LOGISTICS MARSEILLE. Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel d'AMIENS en date du 19 février 2021.

Par acte en date du 17 novembre 2017, la société GCA LOGISTICS MARSEILLE a fait assigner la société COLOMBUS devant le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE sur le fondement de l'article 1245 du Code civil afin d'être par elle garantie de toute condamnation prononcée à son encontre au titre de l'accident du travail subi par monsieur [S].

Suivant jugement en date du 19 juillet 2018, le tribunal a condamné la société COLOMBUS à garantir la société GCA LOGISTICS MARSEILLE de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre à la suite de l'accident subi par monsieur [S] et à verser une somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société COLOMBUS a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 5 décembre 2018.

Le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 13 décembre 2021 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 17 janvier 2022.

A l'appui de son appel, par conclusions déposées par voie électronique le 9 décembre 2021, la société COLOMBUS conclut à la réformation de la décision dès lors que le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE n'était pas saisi de l'action principale en responsabilité diligentée par monsieur [S], et qu'en conséquence la demande en garantie formée devant lui était irrecevable. Elle soulève de même l'irrecevabilité de la demande pour défaut d'intérêt à agir de la société GCA LOGISTICS MARSEILLE, celle ci n'ayant fourni aucune indication sur les conditions dans lesquelles l'organisme social a exercé son action récursoire, et en l'absence de mise à la cause devant le pôle social, en application des articles L 454-1 du Code de la sécurité sociale et 331 du code de procédure civile.

Subsidiairement, sur le fond, elle reprend la motivation du jugement du pôle social puis celle de la cour d'appel pour affirmer que l'accident a pour seule cause la faute inexcusable de la société GCA LOGISTICS MARSEILLE à l'origine du manque de formation de la victime et de l'enlèvement d'un organe de protection sur la machine. Elle se réfère à la chronologie des

relations contractuelles, aux énonciations du procès verbal de l'inspection du travail et à la motivation des décisions ayant statué sur les demandes de la victime pour affirmer qu'aucune implication dans la survenance des dommages ne peut lui être imputée. Elle conteste qu'une quelconque défectuosité du produit soit établie et relève qu'aucun lien de causalité entre une éventuelle défectuosité et le dommage n'est rapporté. Elle affirme enfin plus subsidiairement que l'existence d'un préjudice n'est pas démontrée. Elle conclut en conséquence à l'irrecevabilité des demandes, subsidiairement à leur caractère non fondé et demande en conséquence à la cour d'infirmer la décision en déboutant la société GCA LOGISTICS MARSEILLE de l'intégralité de ses demandes et en la condamnant à verser une somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts, outre 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GCA LOGISTICS MARSEILLE, par conclusions déposées par voie électronique le 26 novembre 2021, rappelle que suite à l'accident, un rapport d'expertise DEKRA a établi que la machine vendue présentait 17 non-conformités interdisant en application des articles L 4311-1 et suivants du Code du travail sa vente et sa mise en service. Elle soutient que les irrecevabilités soulevées par l'appelante ne résultent d'aucun texte et rappelle notamment qu'elle ne disposait d'aucun recours dans le cadre de la procédure diligentée devant le pôle social. Sur le fond, elle rappelle que la machine vendue provoquait fréquemment des bourrages, que les manuels d'utilisation fournis ne comportaient aucune indication pour traiter ce type de dysfonctionnement et que l'expertise DEKRA a relevé de nombreux défauts de conformité. Elle se réfère à la jurisprudence de la cour en la matière pour affirmer que la responsabilité du fabricant est en l'espèce établie tant sur le fondement de l'article 1245 du Code civil que des articles L 1431 du Code du travail et 1103 et 1231-1 du Code civil, se fondant factuellement essentiellement sur le rapport DEKRA. Elle se fonde sur le rapport de l'inspection du travail pour établir le lien de causalité entre le dommage et les manquements de la société GCA LOGISTICS MARSEILLE. Sur l'existence et le montant du dommage, elle rappelle enfin avoir été mise en demeure suite à l'arrêt de la Cour d'appel d'AMIENS de verser à la CPAM la somme de 255 601 € 65. Elle conclut en conséquence à la confirmation de la décision déférée, la société COLOMBUS étant condamnée à lui verser la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action

Les dispositions des articles 334 et suivants du code de procédure civile invoqués par la société COLUMBUS sont relatives aux dispositions spéciales en matière d'appels en garantie dans le cadre du chapitre relatif à l'intervention forcée ; elles ne sont en conséquence applicables que dans le cadre d'un appel en garantie formé devant la juridiction chargée de l'action principale, et sont sans incidence sur la recevabilité d'une action en garantie formée devant une autre juridiction ; en l'espèce, la demande en garantie par la société GCA LOGISTICS MARSEILLE à l'encontre de la société COLUMBUS n'a pas été formée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (pôle social du Tribunal judiciaire), au demeurant incompétent pour connaître des actions fondées sur les règles de la responsabilité civile, mais devant le tribunal de commerce ; les dispositions relatives à l'intervention en garantie invoquée par l'intimée sont en conséquence sans application.

La société GCA LOGISTICS MARSEILLE justifie par la production de l'arrêt de la Cour d'appel d'AMIENS devenu définitif avoir été condamnée au paiement des indemnités versées par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'accident du travail subi par son salarié monsieur [S] le 21 novembre 2014 alors qu'il travaillait sur une machine fournie par la société COLUMBUS ; elle produit en outre une mise en demeure adressée par la caisse primaire d'assurance maladie à lui verser à ce titre la somme de 229 511 € 65 ; elle justifie en conséquence d'un intérêt à agir en responsabilité contre la société COLUMBUS afin d'être garantie par celle ci des sommes mises à sa charge.

Sur le fond

L'article 1245 du Code de commerce dispose que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, c'est à dire, comme le précise l'article 1245-3, lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Le même article 1245-3 indique que l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances, et notamment de la présentation du produit et de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu.

Il résulte du procès verbal de l'inspection du travail et de la motivation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale ainsi que de la cour d'appel que l'accident subi par monsieur [S] a pour origine une intervention de l'intéressé sur la ligne afin de procéder à un débourrage, et ce alors que le carter de protection avait été enlevé ; le rapport établi par la société DEKRA rédigé suite à deux visites sur site les 28 et 29 mai 2015 relève en ses pages 86 et 87 une non conformité de conception, à savoir que la machine livrée n'a pas été conçue et construite pour transporter la quantité de broyats traitée par la société GCA LOGISTICS MARSEILLE ; il ajoute que la notice d'utilisation ne mentionnait pas la possibilité de bourrages importants, et surtout ne décrivait pas les procédures d'intervention à suivre par l'utilisateur ; il en résulte d'une part que le convoyeur livré par la société COLUMBUS n'était pas adapté à son usage, ce qui entraînait comme l'ont relevé les inspecteurs du travail et les juridictions ayant statué sur l'accident du travail de nombreux bourrages ; d'autre part, qu' aucune indication n'était donnée par la notice d'utilisation pour traiter le type de bourrages se réalisant ; c'est la conjonction de ces deux non conformités qui est directement à l'origine de l'attitude de monsieur [S], et donc de l'accident subi par ce dernier ; c'est dès lors à bon droit que la société GCA LOGISTICS MARSEILLE soutient que le convoyeur n'offrait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et que cette circonstance est en lien direct avec l'accident subi par monsieur [S] et donc avec sa propre obligation à indemnisation ; il convient dès lors de confirmer le jugement ayant condamné la société COLUMBUS à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre du fait de cet accident ; le montant des condamnations mises à la charge de l'intimée étant justifié par la production de la mise en demeure de la CPAM, il convient d'ajouter à la décision de première instance confirmée celui ci dans le présent dispositif.

La société COLUMBUS succombant en son appel, elle devra verser une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE en date du 19 juillet 2018 dans l'intégralité de ses dispositions,

Y ajoutant,

- CONDAMNE la société COLUMBUS MCKINNON CORPORATION SARASOTA OPERATIONS à verser à la société GCA LOGISTICS MARSEILLE la somme de 255 601 € 65 au titre de sa garantie, outre toute condamnation supplémentaire pourvant être allouée à monsieur [S] au titre de l'aggravation de son état de santé en lien avec l'accident survenu le 21 novembre 2014.

- CONDAMNE la société COLUMBUS MCKINNON CORPORATION SARASOTA OPERATIONS à verser à la société GCA LOGISTICS MARSEILLE la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société COLUMBUS MCKINNON CORPORATION SARASOTA OPERATIONS, dont distraction au profit des avocats à la cause

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 18/19160
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;18.19160 ?
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