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02/06/2022 | FRANCE | N°18/16614

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 02 juin 2022, 18/16614


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022



N° 2022/192













N° RG 18/16614 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDG3Q







SAS BCA EXPERTISE





C/



SCP BTSG²



























Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Eric TARLET

Me Roselyne SIMON- THIBAUD



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 20 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00141.







APPELANTE



SAS BCA EXPERTISE, dont le siège social est sis [Adresse 1]



représentée par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022

N° 2022/192

N° RG 18/16614 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDG3Q

SAS BCA EXPERTISE

C/

SCP BTSG²

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Eric TARLET

Me Roselyne SIMON- THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 20 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00141.

APPELANTE

SAS BCA EXPERTISE, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Philippe CHAULET, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

SCP BTSG², Mandataire Judiciaire, demeurant [Adresse 2], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARLU CAR CONCESSION désigné à cet effet selon jugement du 25 Juillet 2018 du Tribunal de Commerce de Nice

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON- THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean-François TOGNACCIOLI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pierre CALLOCH, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseiller

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Au mois d'août 2014, lors d'une réparation du véhicule de Mme [Z], assurée auprès de la société AVIVA par le garage CAR CONCESSION, un conflit est intervenu entre l'expert de cette société, monsieur [S] du cabinet BCA expertises et le responsable du garage au sujet du tarif des travaux.

La société CAR CONCESSION soutient que suite à ce litige, le BCA aurait refusé de se déplacer dans ses locaux pour expertiser d'autres véhicules.

La société CAR CONCESSION, considérant que c'était de manière « tout à fait illégale que BCA EXPERTISE par l'intermédiaire de son préposé [V] [S] refusait le devis de réparation présenté au motif d'un désaccord économique », elle a fait assigner BCA EXPERTISE, devant le tribunal de commerce de Cannes, pour obtenir des dommages et intérêts, estimant que les fautes commises par cet expert avaient entraîné un important préjudice économique et sollicitait :

- 345 000,00 € au titre de la perte du chiffre d'affaire,

- 20 000,00 € au titre du dénigrement,

- et 2.000,00 € par infraction constatée qui résulterait du refus d'intervention ou refus de validation des devis.

Par jugement du 20 septembre 2018 le tribunal précité a statué ainsi :

-Constate l'existence d'un conflit d'intérêt, obligeant à faire application de l'article 7 du Code de déontologie, dont la SAS BCA EXPERTISE est signataire;

-Dit et juge que la SAS BCA EXPERTISE a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle;

-Déboute la SARLU CAR CONCESSION de sa demande de réparation du préjudice subi par la perte de chiffre d'affaires, à défaut d'élément permettant au tribunal d'en chiffrer le montant ;

-Condamne la SAS BCA EXPERTISE à payer à la SARLU CAR CONCESSION la somme de 20.000 euros, au titre du préjudice subi pour atteinte à la notoriété de la SARLU CAR CONCESSION ;

-Condamne la SAS BCA EXPERTISE à payer à la SARL CAR CONCESSION 2.000 euros, pour chaque refus d'intervention à des fins d'expertise, dans les locaux de la SARL CAR CONCESSION et ce à compter de la notification du présent jugement ;

-Dit que ladite condamnation à 2.000 euros ne pourra trouver à s'appliquer dans l'hypothèse où il serait constaté que l'expert ne pourrait assurer sa mission en toute sécurité ;

-Condamne la SAS BCA EXPERTISE à payer à la SARLU CAR CONCESSION la somme de 2.000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société BCA EXPERTISE a relevé appel de cette décision et expose dans ses conclusions du 11 juillet 2019 :

-que l'expert doit faire une appréciation objective des travaux et de leur coût et qu'en cas de désaccord avec le réparateur il doit se référer à l'article R 326-4 du code de la route en informant les intéressées et notamment le propriétaire du véhicule,

-que lors de la réparation litigieuse, il a constaté que le taux horaire retenu était de 125 euros alors que d'autres réparateurs ont un tarif de l'ordre de 80 à 95 euros,

-qu'elle est constituée de deux sphères opérationnelles, une « Direction Métier » seulement dédiée à l'exercice de l'expertise par les experts dont les missions consistent à traiter l'ensemble des expertises confiées et une « Sphère Fonctionnelle » comportant les « instances de gouvernance»,

-que l'expert établit ses conclusions en toute indépendance, avec une objectivité technique, sécuritaire et économique,

-qu'aucune faute ne peut être reprochée à BCA EXPERTISE dans la conduite de ses opérations d'expertise, et notamment en ayant proposé une évaluation inférieure du montant des travaux,

-que le principe de l'incompatibilité entre la profession d'expert en automobile et d'assureur posé par l'article L.326-6 du Code de la Route se trouve strictement respecté par BCA EXPERTISE,

-que le dénigrement reproché n'est pas établi.

La société BCA EXPERTISE sollicite la réformation du jugement attaqué, le rejet des demandes présentées à son encontre et demande le paiement d'une somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans ses écritures du 15 avril 2019, la S.C.P. BTSG agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARLU CAR CONCESSION désigné à cet effet selon jugement du 25 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Nice rétorque :

-que le capital de la société BCA EXPERTISE est détenu par des compagnies d'assurances, et ce contrairement à l'article L 326-3 du code de la route,

-que s'il n'y a pas d'exercice direct par les assureurs de la profession d'expert, il y a un exercice indirect incompatible avec l'indépendance des experts,

-que les salariés de la société BCA EXPERTISE sont sous la subordination indirecte des assureurs,

-que la société appelante a commis une faute délictuelle puisque l'expert n'a pas respecté le code de déontologie de sa profession,

-qu'il y a eu dénigrement de la part de l'expert envers la société CAR CONCESSION.

La S.C.P. BTSG² conclut à la réformation de la décision déférée et demande de :

- Condamner la société BCA EXPERTISE à payer à la SCP BTSG² - prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CAR CONCESSION - la somme de 540 000 euros de dommages et intérêts pour perte de chiffre d'affaires, atteinte à la notoriété et dénigrement outre la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article L. 326-6 du code de la route, « est incompatible avec l'exercice de la profession d'expert en automobile :

3° L'exercice de la profession d'assureur ;

Les conditions dans lesquelles un expert en automobile exerce sa profession ne doivent pas porter atteinte à son indépendance.»

Il n'est pas contesté que le capital de la société BCA EXPERTISE est détenu en partie par des sociétés d'assurances dont la société AVIVA.

Toutefois, la société BCA EXPERTISE qui dispose d'une personnalité juridique qui lui est propre n'exerce pas le métier d'assureur.

L'autorité de Tutelle des Experts en Automobile dans un avis du 12 septembre 2014 a indiqué que

- « Les 577 experts actifs actuellement employés par le cabinet d'expertise BCA EXPERTISE SAS remplissent tous, individuellement et sans exception pour compter du 31 juillet 2014, la condition d'indépendance qui est exigée par l'Etat et vérifiée semestriellement pour leur permettre d'exercer leur activité professionnelle sous agrément officiel du ministère des transports ;

- qu'aucune difficulté administrative liée à l'indépendance de chaque expert en automobile exerçant son activité professionnelle - au titre des responsabilités de chaque expert en tant que personne physique - au sein du cabinet BCA EXPERTISE SAS n'a pu être constatée par la DSCR, à ce jour. »

La société appelante justifie qu'elle est constituée de deux sphères indépendantes dont une «Direction Métier » seulement dédiée à l'exercice de l'expertise par les experts dont les missions consistent à traiter l'ensemble des expertises confiées.

La société intimée ne peut donc soutenir l'existence d'un lien de subordination entre un salarié du BCA et les sociétés détentrices de parts sociales de cette société.

Il n'existe donc pas de conflit d'intérêt entre le salarié de la société BCA et l'assureur l'ayant mandaté, la société AVIVA.

En outre, l'intimée ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le prétendu conflit d'intérêt et le dommage allégué.

Il convient de rappeler que si le réparateur fixe librement ses prix, il appartient à l'expert de se prononcer sur le tarif horaire applicable sans être tenu d'entériner les devis et factures présentés par le réparateur.

En outre les primes d'assurances supportées par les assurés étant fonction du coût de réparation des dégâts occasionnés par les sinistres, il est du devoir de l'expert de calculer le montant des réparations à un prix raisonnable.

La société appelante justifie que les tarifs horaires publics pratiqués par d'autres réparateurs dans ce même secteur étaient de l'ordre de 80 € à 95 €, alors que le tarif horaire retenu par CAR CONCESSION s'élevait à 125 €.

L'expert de la société BCA EXPERTISE était donc fondé à ne pas entériner le devis présenté par la société CAR CONCESSION.

La S.C.P. BTSG² ès qualité soutient que certains clients potentiels du garage ont été avisés par la société BCA qu'elle refusait d'examiner les véhicules confiés à la société CAR CONCESSION et soutient l'existence d'un dénigrement.

Le dénigrement se caractérise notamment par le fait d'émettre des propos visant de détourner une clientèle.

Il convient de relever que lors de l'expertise du véhicule de madame [Z], à la suite de l'évaluation de Monsieur [S] de la société BCA et du fait de la divergence sur le tarif horaire pratiqué par le garage, Monsieur [S] a déposé plainte le 29 août 2014 contre la société CAR CONCESSION pour menace et séquestration.

Il indiquait aux militaires de la gendarmerie que le responsable du garage l'avait insulté à plusieurs reprises pendant le temps de l'expertise, l'avait menacé de faire usage d'un marteau et l'avait contraint de noter sur le procès-verbal d'expertise la mention « désaccord sur le taux horaire ».

C'est en raison de cette plainte et des tarifs pratiqués par la société intimée que le BCA a refusé que des opérations d'expertise soient réalisées dans les locaux de ce garage.

Le fait pour le BCA de refuser en de telles circonstances de pratiquer des expertises dans le garage de la société CAR CONCESSION ne constitue nullement un dénigrement ou une volonté de nuire.

En conséquence, aucune faute ne pouvant être relevé envers la société BCA, le jugement attaqué est infirmé.

Il convient de condamner la SCP BTSG², prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CAR CONCESSION à payer à la société BCA EXPERTISE une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

Déboute la SCP BTSG², prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CAR CONCESSION de ses demandes,

Condamne la SCP BTSG² prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CAR CONCESSION à payer à la société BCA EXPERTISE une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

Condamne la SCP BTSG² prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CAR CONCESSION aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 18/16614
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;18.16614 ?
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