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24/05/2022 | FRANCE | N°21/12316

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-3, 24 mai 2022, 21/12316


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3



ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2022



N° 2022/243









Rôle N° RG 21/12316 -

N° Portalis DBVB-V-B7F-BH7FL







[P] [X] [S] [O]





C/



[N] [R] [D] [U] épouse [O]

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Geneviève MUSSO

Me Isabelle FILIPETTI





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état de GRASSE en date du 03 août 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/05796.





APPELANT



Monsieur [P], [X], [S] [O]

né le 10 Juin 1969 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Ge...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2022

N° 2022/243

Rôle N° RG 21/12316 -

N° Portalis DBVB-V-B7F-BH7FL

[P] [X] [S] [O]

C/

[N] [R] [D] [U] épouse [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Geneviève MUSSO

Me Isabelle FILIPETTI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de GRASSE en date du 03 août 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/05796.

APPELANT

Monsieur [P], [X], [S] [O]

né le 10 Juin 1969 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Geneviève MUSSO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [N], [R], [D] [U]

née le 03 Janvier 1979 à [Localité 5] (ISERE)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Isabelle FILIPETTI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 mars 2022 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Catherine VINDREAU, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Président

Monsieur Thierry SIDAINE, Conseiller

Mme Aurélie LE FALC'HER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Anaïs DOMINGUEZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Présidente et Madame Anaïs DOMINGUEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [P] [X] [S] [O] et Madame [N] [R] [D] [U] se sont mariés le 22 juin 2013 devant l'officier d'État civil de la commune de [Localité 6] (Alpes Maritimes) sans contrat préalable.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Madame [N] [U] est mère de deux enfants issus d'une union précédente : [W] née le 17 juillet 1999 et [K] né le 28 avril 2005.

Les époux sont séparés depuis le 10 mai 2019.

Monsieur [P] [O] a déposé le 23 décembre 2019 une requête en divorce.

Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 3 septembre 2020 qui a :

- constaté que les époux résident séparément,

- dit qu'il n'appartient pas juge aux affaires familiales de statuer sur la jouissance du logement et du mobilier du ménage se trouvant au domicile conjugal qui est la propriété de la SCI, appartenant à une personne morale qu'il n'existe pas de convention d'occupation entre cette société et les époux, ou de décision de l'assemblée générale des associés FMOB,

- condamné Monsieur [O] à verser à son épouse une pension alimentaire d'un montant mensuel de 400 euros au titre du devoir de secours,

- constaté l'accord des époux pour :

* attribuer la jouissance du véhicule Renault et de la moto Honda à Madame [U], à charge pour elle d'en assumer les frais d'entretien, d'assurance et les échéances du prêt à la consommation afférents à la moto, le tout sans récompense,

* attribuer la jouissance du véhicule BMW à Monsieur [O] à charge pour lui d'en assumer les frais d'entretien et d'assurance sans récompense.

Le 1er décembre 2020, Monsieur [P] [O] a assigné à Madame [N] [U] en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code Civil.

Il a déposé pour la conférence présidentielle du 11 mars 2021, des conclusions d'incident tendant à voir :

- débouter Madame [U] de ses demandes,

- déclarer recevable les demandes de Monsieur [O],

A titre principal :

- supprimer avec effet au 3 septembre 2020 la pension alimentaire octroyée à Madame [U], obtenue par fraude,

- condamner Madame [U] à lui rembourser les sommes indûment perçues depuis le 3 septembre 2020, soit la somme de 4.000€, arrêtée au 30 juin 2020, sauf à parfaire la date de la décision à intervenir avec intérêts au taux légal,

- condamner Madame [U] à s'expliquer, conformément à l'ordonnance de non-conciliation sur les revenus perçus au cours de l'année 2020, donc produire les justificatifs des sommes perçues de pôle emploi depuis le 1 janvier 2020,

- condamner Madame [U] à produire la copie de ses bulletins de salaire et revenus depuis le 1er janvier 2019, le tout sous astreinte de 400€ par mois à compter de la décision à intervenir et notamment ses bulletins de salaire depuis le 8 juillet 2020,

- condamner Madame [U] à lui payer la somme de 2.000€ pour procédure abusive et en raison de la privation des sommes payées obtenues par fraude, ainsi que la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

- supprimer la pension alimentaire envoyée à Madame [U] avec effet à compter de la demande, à savoir l'assignation en divorce du 1er décembre 2020, et,

- condamner Madame [U] à lui rembourser les sommes indûment perçues depuis le 1er décembre 2020, soit 2.800 € arrêtés au 30 juin 2021, avec intérêts au taux légal, le tout sauf à parfaire à la date de la décision à intervenir,

- condamner Madame [U] à s'expliquer, conformément à l'ordonnance de non-conciliation sur les revenus perçus de pôle emploi depuis le 1 janvier 2020, l'avis d'imposition reposant sur la déclaration de Madame [U] et non sur des preuves

incontournables,

- condamner Madame [U] à produire la copie de ses bulletins de salaires et revenus depuis le 1er janvier 2019, le tout sous astreinte de 400 euros par mois à compter de la décision à intervenir,

- condamner Madame [U] à lui payer la somme de 2.000 euros pour procédure abusive et en raison de la privation des sommes payées obtenues par fraude, ainsi que la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile car il serait inéquitable de laisser à sa charge des frais dont le montant n'est pas inclus dans les dépens,

- condamner Madame [U] aux entiers dépens de l'incident seront joints aux dépens de l'affaire au fond.

Vu les conclusions de Madame [U] aux fins de :

- déclarer irrecevable l'action de Monsieur [O] en raison de l'autorité de la chose jugée relative à l'ordonnance de non-conciliation du 3 septembre 2020,

En tout état de cause :

- débouter Monsieur [O] dans sa demande de suppression rétroactive avec intérêts au taux légal,

- condamner Monsieur [O] à lui verser la somme de 3.000€ au titre de la présente procédure abusive,

- condamner Monsieur [O] à lui payer la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Selon ordonnance d'incident du 3 août 2021, le juge de la mise en l'état du tribunal judiciaire de Grasse a :

- déclaré recevable l'action de Monsieur [P] [X] [S] [O] ;

- rejeté la demande de Madame [N] [R] [D] [U] de déclarer irrecevable la demande de Monsieur [P] [X] [S] [O] au vu de l'autorité de la chose jugée relative à l'ordonnance de non-conciliation 3 septembre 2020 ;

- rejeté la demande de Monsieur [P] [X] [S] [O] de suppression de la pension alimentaire due à l'épouse ;

- rejeté l'ensemble des autres demandes de Monsieur [P] [X] [S] [O];

- condamné Monsieur [P] [O] à payer à Madame [N] [U] la somme de mille euros (1.000€) à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

- condamné Monsieur [P] [O] à payer à Madame [N] [U] la somme de mille euros (1.000€ ) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- précise que la présente décision est exécutoire par provision ;

- réservé les dépens de l'incident ;

- renvoyé la procédure et les parties à l'audience de mise en état du 14 octobre 2021.

Le 13 août 2021 , [P] [O] a relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en l'état du tribunal judiciaire de Grasse rendue le 3 août 2021, la critique de la décision entreprise étant limitée au rejet de sa demande de suppression de la pension due au tire du devoir de secours, et de l'ensemble de ses autres demandes, ainsi qu'à sa condamnation au paiement de la somme de 1000 euros pour procédure abusive et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 29 septembre 2021, le Président de la chambre a fait application de l'article 905 du Code de Procédure Civile, l'appel portant sur une ordonnance du juge de la mise en état, et l'affaire a été fixée à bref délai.

A l'audience du 18 janvier 2022, il a été fait droit à une demande de renvoi du conseil de l'intimée pour raisons médicales.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 mars 2022 Monsieur [P] [O] demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel qu'il a formé à l'encontre de l'ordonnance du 3 août 2021,

- écarter des débats l'attestation du 6 janvier 2022 intégrée dans la pièce adverse 31, document non conforme aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile,

- écarter des débats la pièce 32 qui constitue un montage de divers documents,

- débouter Madame [U] de son appel incident, de toutes ses demandes fins et conclusions,

- réformer l'ordonnance du 3 août 2021 et en conséquence :

- supprimer avec effet au 3 septembre 2020 la pension alimentaire accordée à Madame [U] par 1'ordonnance de non-conciliation du 3 septembre 2020, en l'état de la fraude et de la situation financière non contestée de l'intimée,

- condamner Madame [U] à lui rembourser les sommes perçues au titre de cette pension depuis le 3 septembre 2020, soit au 31 décembre 2021 la somme de 6 400€ , ainsi que la somme de 400 euros par mois à compter du 1er janvier 2022 jusqu'à la décision à intervenir,

- supprimer les sommes de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts et 1000 euros au titre de l'article700 du Code de procédure civile auxquelles il a été condamné,

- condamner Madame [U] à payer à Monsieur [O] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance et 1 000 € pour la procédure d'appel, car il serait inéquitable de laisser à sa charge des frais dont le montant n'est pas inclus dans les dépens.

- condamner Madame [U] aux entiers dépens distraits au profit de Maïtre Geneviève MUSSO Avocat sous sa due affirmation.

L'appelant expose que la tentative de conciliation a eu lieu le 2 juillet 2020, qu'immédiatement après, il a rencontré à 3 reprises son épouse et que le 14 juillet 2020 il a eu connaissance par un collègue de cette dernière qu'elle avait un emploi rémunéré. Elle n'avait pas non plus fait état du fait que de juin à mars 2020 elle avait occupé deux emplois à [Localité 3] lui donnant droit à des prestations sociales pour ses enfants.

Il comptait sur la bonne foi de Madame [N] [U] pour renoncer à la pension fixée par ordonnance de non-conciliation.

Il considère que maintenir la pension à 400 euros consistait à lui appliquer une sanction financière avant toute discussion des causes du divorce, contrairement aux disposions de l'article 255 6 du code civil d'où la procédure d'incident qui a abouti à la décision dont appel.

Il estime que le juge de la mise en l'état a été influencé pour le condamner à des dommages et intérêts par des pièces communiquées par Madame [N] [U] ayant trait au cause du divorce.

La date du début du contrat de travail de Madame [N] [U] n'est pas suffisante pour écarter la fraude d'autant que l'analyse minutieuse de la pièce 23 (relevé Pôle emploi) prouve qu'elle n'était plus demandeuse d'emploi depuis le 1er juillet au 7 juillet 2020.

La décision du 3 août 2020 retient les termes d'un PV d'une assemblée générale du 16 juillet 2020 de la SCI FMOB : elle n'indique qu'être en intérim et attendre un CDD,

- il n'a pas pris les devants en demandant un RIB en octobre 2020, c'était pour le règlement d'une décision exécutoire,

- solliciter la réouverture des débats n'aurait fait qu'allonger la procédure,

- la condamnation à des dommages et intérêts est injustifiée,

- la prise en compte d'un élément nouveau depuis ordonnance de non-conciliation est justifié mais le juge de la mise en l'état n'a pas pris en compte tous les éléments : l'épouse ne prouve pas avoir été contactée le 8 juillet 2020 pour un emploi le jour même, si sa situation avait été aussi claire qu'elle le prétend, la magistrat conciliateur n'aurait pas écrit 'il aurait été opportun qu'elle s'en explique et qu'elle produise aux débats ses derniers relevés de pôle emploi',

- ce sont les difficultés inutilement créées par Madame [N] [U] qui ont généré son énervement, il ne saurait être sanctionné de ce chef.

Il ajoute que Madame [U] a bénéficié d'un temps supplémentaire entre le 14 janvier 2022 (date des premières écritures de Monsieur [O]) et la date de l'ordonnance de clôture), mais elle ne fournit aucun argument ou document convaincant. Elle poursuit la polémique. Elle établit des conclusions de synthèse sous forme d'une nouvelle pièce (numéro 34), ce qui n'est nullement conforme aux attentes de la Cour.

- Sur l'attribution de la moto : l'ONC n'a attribué que la jouissance et non la propriété. Or Madame [U] a vendu la moto bien commun et elle a conservé le produit de la vente.

- Sur les revenus de Monsieur [O] : aucune sommation de communiquer n'a été délivrée et cela aurait été inutile car la situation devait être appréciée au moment de l'incident sur la base des revenus des deux parties sur la même période. Monsieur [O] produit la preuve que ses revenus ont permis de faire face aux frais de la SCI FMOB : entre 1e 27 octobre 2021 et le 7 février 2022 il a versé la somme globale de 4 400€ (Piece 51).

- Sur la situation de Madame [U] en juillet 2020 : la pièce 33 qu'elle produit le 7 mars 2022 n'est que le résultat d'une déclaration de sa part, il n'y a aucun document émanant de Pole Emploi de nature à remettre en cause l'exercice d'une activité professionnelle complète au mois de juillet 2020. Madame [U] a déclaré un emploi pour 144 heures, mais n'a reçu aucune allocation complémentaire de chômage pour les 7 premiers jours de juillet 2020.

Elle s'est maintenue à Pôle Emploi du fait d'un CDD mais n'a pas été indemnisée au titre de l'ARE.

L'analyse d'une précédente pièce adverse 23 prouve que Madame [U] est indemnisée lorsqu'elle ne travaille pas un mois complet : exemple mars 2020 et juin 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident notifiées le 7 mars 2022 Madame [U] demande de :

Vu l'article 125 du code de procédure civile,

Vu l'article 212 du Code civil,

Vu la sommation de communiquer demeurée infructueuse,

A titre principal :

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;

- déclarer irrecevable l'action de Monsieur [O] au vu de l'autorité de la chose jugée relative à l'ordonnance de non-conciliation du 3 septembre 2020.

A titre subsidiaire :

- débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses prétentions,

En tout état de cause :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur [O] à verser la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive; - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur [O] à verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

- condamner Monsieur [O] à verser à Madame [U] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

L'intimée fait valoir sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée :

- c'est bien le 8 juillet 2020 qu'elle a débuté son travail en intérim, élément dont le mari a eu connaissance le 14 juillet 2020,

- Monsieur [P] [O] n'a pas fait appel de l'ordonnance de non-conciliation et son action est irrecevable puisque la question de l'emploi de l'épouse a déjà été traitée dans la procédure de tentative de conciliation (1er juillet 2020),

- Madame [U] avait produit des justificatifs plus que récents de sa situation puisque l'audience de tentative de conciliation a eu lieu le 2 juillet 2020 et que l'attestation POLE EMPLOI produite par Madame [U] était en date du 26 juin 2020. Il aurait été difficile de faire mieux (Pièce 9) ;

- L'attestation de Madame [H] (pièce adverse n 11) était déjà produite dans le cadre de l'audience de conciliation (cf : bordereau de la pièce adverse n 17 ' elle correspond à la pièce 23) et le Juge a donc statué en sa considération dans le cadre de l'ordonnance ;

- En tout état de cause, il est clair que Madame [U] n'avait pas d'emploi au jour de l'audience (depuis mars 2020) et en juin 2020 elle percevait l'ARE dont le montant était communiqué (Pièce 9) comme le prouve à nouveau le relevé de situation (pièce n 23) ;

- Madame [U] a trouvé une mission intérim de 1 mois à compter du 8 juillet 2020 avec toute la précarité associée à ce type de mission. Cette mission a été renouvelée de mois en mois (Pièce 22) ;

- C'est la disparité des situations entre Monsieur [O] (revenu non contesté de 4397 euros NET) et Madame [U] qui a amené le Juge à condamner Monsieur [O] au paiement d'une pension « Compte tenu de la situation financière des parties, la demande de pension est fondée en son principe, etc ».

Dès lors, en l'absence fraude et de recours de Monsieur [P] [O] contre ordonnance de non-conciliation , la demande de suppression rétroactive de la pension au titre du devoir de secours doit être rejetée au regard de l'autorité de la chose jugée.

Sur sa demande subsidiaire de confirmation de la pension alimentaire au titre du devoir de secours, elle estime que l'ordonnance de non-conciliation puis l'ordonnance d'incident sont particulièrement bien motivées puisqu'il est clairement indiqué que la motivation relative à la pension alimentaire portait uniquement sur la disparité des revenus et non sur les causes de la séparation.

La différence entre les revenus est toujours aujourd'hui justifiée :

- Madame : 2385 euros net (vit seule) ;

- Monsieur : 4397 euros net (sans compter le revenu de sa compagne) et la CAF monégasque : revenus anciens puisque aucun justificatif actuel communiqué.

Elle ajoute concernant la demande de dommages et intérêts qu'il est clair que l'action de Monsieur [O] n'est pas fondée, que celui-ci fait preuve de mauvaise foi et démontre son intention de nuire envers son ex -épouse.

Les mots choisis sont diffamants, désagréables, vexatoires.

Ce ne sont pas les conditions de la rupture qui sont visées là mais l'argumentation utilisée pour la procédure d'incident.

Elle se retrouve dans le cadre de cette procédure dont elle n'est pas à l'origine, dont les conclusions de celui qui a été son époux la décrit comme vénale, hystérique, affabulant sur son état de santé relatif aux examens de cancer dont elle a fait l'objet, indiquant qu'elle l'a trompée alors qu'il est incontestable qu'il avait une double vie.

Ce sont ces arguments sur lesquels est fondée la demande de suppression de la pension alimentaire qui sont diffamants et vexatoires, voire même dégradants.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2022. Elle a été révoquée le 29 mars 2022, et une nouvelle clôture a été prononcée le jour même.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision entreprise et aux dernières écritures susvisées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il sera rappelé que la cour d'appel n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

Sur la recevabilité de l'appel

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. Aucun élément n'est fourni à la Cour lui permettant de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation du délai de recours. L'appel sera déclaré recevable.

Sur la recevabilité de l'action introduite par Monsieur [P] [O]

Madame [N] [U] oppose à l'incident diligenté par Monsieur [P] [O] la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée dont est dotée l'ordonnance de non-conciliation. Elle soutient que cette ordonnance signifiée le 7 octobre 2020 et qui n'a pas été appelée par Monsieur [P] [O], est devenue définitive et irrévocable.

Elle vise à tort dans ses écritures l'article 500 du Code de procédure civile, qui s'applique à la force de chose jugée et non l'autorité de chose jugée.

L'ordonnance de non-conciliation est effectivement définitive dans la mesure où le magistrat conciliateur a tranché toutes les questions qui lui étaient soumises.

Mais l'autorité de chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation reconnue en justice (Cass. Civ.1ère 16 avril 2015).

Il convient de rappeler que le magistrat conciliateur prend des mesures provisoires, qui n'ont autorité de chose jugée que tant que la situation analysée par le juge ne subit pas de modification.

Le principe est posé par l'article 1118 du Code de Procédure Civile qui prévoit qu'en cas de survenance d'un fait nouveau, le juge peut, jusqu'au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu'il a prescrites.

En l'espèce, l'ordonnance de non-conciliation a été prononcée le 3 septembre 2020, mais l'audience de conciliation s'est tenue le 2 juillet. Le magistrat conciliateur n'a donc procédé à l'analyse de la situation que jusqu'à cette date. Or au cours de cette audience, Madame [N] [U] a fait valoir qu'elle était au chômage et percevait des allocations de retour à l'emploi, et a produit un relevé de Pôle Emploi attestant qu'à la date du 26 juin 2020, elle était toujours en cours d'indemnisation d'une période de chômage qui avait débuté le 10 mai 2019. Certes, elle avait reconnu que pendant cette période elle avait travaillé ponctuellement, ce que démontrait Monsieur [P] [O] en produisant un mail d'un de ses amis, qui lui confirmait que son épouse avait bien travaillé pour une société MES/C2S, mais que sa mission avait pris fin au début du confinement en mars 2020. Donc à la date du 2 juillet 2020, rien n'établissait que Madame [N] [U] occupait un emploi.

Le fait qu'elle ait commencé dès le 8 juillet 2020 une mission d'intérim qui a duré jusqu'en février 2021 et a débouché sur la signature d'un CDI, constitue bien un fait nouveau justifiant la saisine du juge de la mise en état.

Il était parfaitement inutile de reprocher au mari de ne pas avoir sollicité la réouverture des débats dès qu'il avait appris que son épouse retravaillait, ou de ne pas avoir interjeté appel de l'ordonnance de non-conciliation dans la mesure où l'article 1118 du Code de Procédure Civile lui ouvrait aussi la possibilité de voir réexaminer la situation.

Quant à la fraude invoquée par l'appelant, cette notion juridique est étrangère à l'ordonnance de non-conciliation qui ne peut être modifiée que par la voie de l'appel ou sur le fondement de l'article 1118, et non par la procédure de révision.

Sur les demandes de l'appelant de voir écarter des pièces des débats

Monsieur [P] [O] demande que soit écartée des débats l'attestation du 6 janvier 2022, intégrée dans la pièce 31 de l'intimée, comme non conforme aux dispositions de l'article 202 du Code de Procédure Civile.

L'attestation en question est une attestation sur l'honneur établie par les parents de l'intimée, qui affirment que leur fille leur a emprunté la somme de 8218 € pour acquérir une moto, et qu'elle leur rembourse mensuellement la somme de 171.21 € sur 48 échéances.

Cette attestation n'est effectivement pas conforme aux prescriptions de l'article 202, lesquelles ne sont pas prescrites à peine de nullité, mais elle est accompagnée d'une attestation de virement de la Banque IGN de la somme de 5000€ le 19 avril 2021, sur le compte des époux [L] [U] ou [M] [U], du règlement le même jour d'une somme du même montant à l'EURL TECHNIK MOTO, et d'un relevé du compte bancaire des témoins, en juillet 2021, sur lequel apparaît le virement d'une somme de 171.21€ par leur fille.

Partant, il n'y a pas lieu d'écarter cette attestation des débats.

Quant à la pièce 32 , constituée de l'assemblage de divers messages et photographies tirés du compte Face Book de Monsieur [P] [O], ce dernier dénonce un montage mais n'invoque pas la falsification des informations y figurant.

Là encore, il n'y a pas matière à écarter cette pièce des débats.

Sur la suppression de la pension alimentaire

Aux termes de l'article 212 du Code Civil, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. En cas de séparation du couple, le devoir de secours subsiste jusqu'au prononcé du divorce et prend notamment la forme d'une pension alimentaire qui est fixée en fonction des besoins de l'époux qui la réclame et des ressources de celui qui doit la fournir,

Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d'une demande de modification ou de suppression d'une pension alimentaire précédemment fixée, il doit procéder à l'analyse des changements significatifs, ne procédant ni d'un acte délibéré, ni d'un comportement fautif, intervenus dans la situation des parties depuis la dernière décision qui a eu à en connaître.

Mais de par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour doit aussi prendre en considération les modifications intervenues dans la situation des parties jusqu'à l'ordonnance de clôture.

Cette pension, prévue à l'article 255 du Code Civil, doit permettre à l'époux qui la réclame, de maintenir une continuité dans ses habitudes de vie ainsi que le niveau de ses dépenses en rapport avec les facultés du conjoint.

Pour fixer la pension alimentaire à la somme de 400€/mois, le magistrat conciliateur avait retenu les éléments suivants :

Monsieur [P] [O] était ingénieur et avait déclaré en 2019, des revenus imposables de 39 346€ soit 3278€/mois, et le cumul imposable de décembre 2019 se chiffrait à la somme de 40 876€. En janvier et février 2020, il avait perçu un salaire net de 3902€. Une rente accident du travail de 453.78€ lui était versée chaque trimestre. Il supportait un loyer de 850€ ;

Madame [N] [U] avait déclaré en 2019, des revenus imposables de 22 677€ soit 1889€/mois. Elle percevait désormais des allocations de retour à l'emploi d'un montant de 1196.10€. Elle avait reconnu avoir travaillé ponctuellement depuis le début de son indemnisation par Pôle Emploi. En mai 2020, la Caisse de Sécurité Sociale de Monaco, lui avait versé à trois reprises des prestations pour la somme totale de 2256.45€ (la somme de 617.80€ versée le 15 mai correspondait à une prestation attribuée pour la période du mois d'octobre 2019). Elle occupait un bien immobilier appartenant à la SCI formée par le couple, sans bourse délier ;

La SCI FMOB avait perçu en 2019, des revenus nets : 6669€.

Madame [N] [U] a travaillé en intérim pour la société 2A Intérim à compter du 8 juillet 2020, pendant 7 mois, pour un salaire brut s'élevant en moyenne à la somme de 2407€.

A compter du 1er février 2021, elle a été embauchée en CDI par la SARL HMC en qualité de secrétaire administrative pour un salaire net de 2385€ (en mars 2021). Elle vit seule et depuis le mois de décembre 2020, règle à la SCI FMOB une indemnité d'occupation de 800€ pour le bien qu'elle occupe. Elle a vendu la moto Honda dont la jouissance lui avait été attribuée par le magistrat conciliateur et a racheté une autre moto grâce à un prêt familial qu'elle rembourse par mensualités de 171.20€.

Monsieur [P] [O] ne produit devant la cour aucune pièce financière. Le juge de la mise en état a retenu en ce qui le concerne un revenu mensuel de 4397€ sans indiquer à quelle date il disposait d'une telle ressource et si elle intégrait la rente accident dont il bénéficie, ou les congés payés qui lui sont versés indépendamment de son salaire semble-t-il. Toutefois, Monsieur [P] [O] ne verse aux débats aucune pièce qui démontrerait que le premier juge s'est trompé dans l'évaluation de ses ressources. Il se borne à indiquer dans ses écritures qu'il perçoit tous chiffres confondus la somme de 4085€, pour des charges mensuelle de 3249€, rien n'étant justifié.

Il vit avec une compagne qui travaille en qualité de négociatrice commerciale chez Pastor Immobilier, et sur les revenus de laquelle il n'est dit mot.

Le couple a eu un enfant.

La modification du montant d'une obligation alimentaire, est soumise aux mêmes règles que la fixation d'une telle obligation, et en particulier aux prescriptions de l'article 208 du Code Civil qui édicte que les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin qui les réclame et de la fortune que celui qui les doit. Or si Monsieur [P] [O] administre la preuve d'une amélioration de la situation financière de Madame [N] [U], il ne démontre aucunement une stagnation de la sienne depuis l'ordonnance de non-conciliation. Au contraire, il partage désormais ses charges avec une personne qui travaille.

Partant, c'est à bon droit que le juge de la mise en état a refusé de supprimer la pension alimentaire initialement fixée par le magistrat conciliateur.

Sur les dommages et intérêts

Aux termes de l'article 1240 du Code Civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Sur le fondement de cet article, Madame [N] [U] a demandé des dommages et intérêts aux motifs que la procédure engagée par Monsieur [P] [O] était abusive, en l'absence manifeste de tout fondement à l'action. Elle estimait que Monsieur [P] [O] faisait preuve de mauvaise foi, qu'il utilisait des mots diffamants, désagréables et vexatoires, qui démontraient son intention de nuire.

La procédure engagée par Monsieur [P] [O] n'était pas dépourvue de fondement comme il a été vu ci-avant.

Les termes qu'il utilise dans ses conclusions pour qualifier l'attitude de son épouse, sont en revanche particulièrement agressifs.

Alors qu'il ne démontre aucunement que Madame [N] [U] avait déjà un emploi à la date de la comparution des parties devant le magistrat conciliateur, il l'accuse d'escroquerie au jugement. Il la qualifie de « vénale » , « sans vergogne », « voulant faire du divorce une opération financière juteuse et ne reculant devant aucun obstacle ». Les écritures de la partie adverse sont teintées selon lui de la plus parfaite mauvaise foi.

Le caractère contentieux de la procédure ne justifie pas le dénigrement de la partie adverse.

C'est à bon droit que le premier juge a condamné Monsieur [P] [O] à payer à son épouse la somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance

Monsieur [P] [O] considère qu'aucune condamnation ne devait intervenir contre lui sur le fondement de l'équité, car l'attitude et la résistance de Madame [N] [U] avaient justifié la procédure d'incident.

Dans la mesure où le juge de la mise en état a réservé les dépens de l'incident, il devait surseoir à la demande formulée par Madame [N] [U] au titre de l'article 700. Pour le même motif, il ne sera pas fait droit à la demande de Monsieur [P] [O] formée au même titre.

Les dépens

Ils seront mis à la charge de Monsieur [P] [O] qui succombe en la quasi-totalité de ses prétentions.

Tenu aux dépens de l'appel, Monsieur [P] [O] n'est pas recevable en sa demande formée en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Vu la situation économique plus favorable de l'appelant, ce dernier sera tenu de verser à Madame [N] [U] la somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats hors la présence du public,

En la forme,

Reçoit l'appel,

Au fond,

Confirme la décision entreprise sur la recevabilité de l'action introduite par Monsieur [P] [O] devant le juge de la mise en état,

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [P] [O] de ses demandes de voir écarter des débats l'attestation du 6 janvier 2022, figurant dans la côte 31 de l'intimée ainsi que la pièce 32,

Confirme les autres dispositions de l'ordonnance dévolues à la cour, excepté celle relative à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance,

Et statuant de nouveau de ce seul chef,

Sursoit à statuer sur les demandes présentées à ce titre en l'état de la réserve des dépens,

Dit que Monsieur [P] [O] sera tenu aux entiers dépens de l'appel,

Le déclare irrecevable en sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne Monsieur [P] [O] à payer à Madame [N] [U] la somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-3
Numéro d'arrêt : 21/12316
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;21.12316 ?
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